4. Données systématisées et accessibles sur la langue
Depuis de nombreuses années, la prise en compte de la variable linguistique83 est reconnue comme un enjeu critique de l’expérience du patient et de ses proches. Le travail des Entités aura facilité l’identification et le maillage des préférences linguistiques des patients aux aptitudes linguistiques des professionnels de la santé. Il n’empêche que ces processus demeurent partiels, sachant notamment que les sites Web des Entités ne permettent pas d’afficher rapidement et systématiquement l’offre de services en français84.
La vulnérabilité des personnes âgées au moment de solliciter des soins réduit leur confiance, voire leur aptitude, à demander à être soutenus en français. L’intérêt du gouvernement à capter l’identité linguistique des personnes grâce à la carte Santé s’avère central en vue de la résolution de ce problème, qui déborde toutefois des points d’accès où la carte santé est requise. Le commissaire félicite d’ailleurs l’ancien gouvernement d’avoir introduit, la volonté d’incorporer la variable linguistique dans le renouvellement prévu de la carte Santé85.
Sachant qu’il faudra encore plusieurs années avant que ce système soit fonctionnel, les Entités et les RLISS doivent œuvrer de concert pour mettre en place des moyens efficaces d’identification du profil linguistique des personnes âgées francophones, en particulier celles atteintes de démence, afin que leurs expériences de soins, à domicile ou autre, soient sécuritaires.
Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée a identifié comme priorité l’amélioration de la collecte de données et la reddition de comptes concernant les services de santé en français.
Ce faisant, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée et le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires doivent agir proactivement pour régulariser et généraliser la captation des capacités linguistiques des professionnels dans l’ensemble de la province. L’expertise de l’Hôpital Montfort, notamment, pourra également être sollicitée pour assurer une vaste planification des ressources humaines francophones et bilingues.
L’identification de ces variables linguistiques doit être intégrée aux protocoles de soins. Ces données doivent également être largement accessibles par les acteurs du système de santé pour une multiplicité de situations de soins : des soins de santé primaires à ceux palliatifs, des soins en région dévitalisée à ceux en milieu urbain, des soins aux personnes autonomes à ceux à domicile, etc.
Les réponses à apporter sont multiples. Par exemple, le Réseau de télémédecine de l’Ontario devrait permettre à un médecin de famille de trouver aisément et systématiquement un spécialiste de la santé qui est apte à travailler en français – ce qui n’est pas le cas à ce jour. Les entreprises en ligne mettant en relation des travailleurs de la santé et des clients potentiels devraient également être tenues de capter adéquatement les variables linguistiques, soit la capacité réelle des professionnels de servir en français.
Au-delà de l’arrimage entre patients et professionnels, la captation régulière des compétences linguistiques doit tendre vers une planification différente des soins de santé. Cette nouvelle planification doit tenir compte des francophones qui ne demanderont pas d’être servis en français ; d’où l’importance capitale de l’offre active et la mise en place de la variable linguistique dans le processus de renouvellement de la carte santé en vue de créer un environnement propice aux francophones d’êtres servis dans leur langue.
Ainsi, les RLISS pourront garantir un accès à des lits ou à des soins à domicile en français aisément si les intervenants et les professionnels aptes à travailler en français sont connus, réunis au sein d’unités bilingues ou intégrés à des parcours de soins. Le recrutement et la rétention du personnel bilingue86 pourront également être arrimés à des pratiques standardisées, énoncées lors du processus de désignation des organismes et évaluées annuellement.
Et si la future stratégie ontarienne en matière de démence vise à intégrer les personnes atteintes dans le processus décisionnel87, celle-ci doit nécessairement prévoir des procédures particulières pour les francophones, qui pourraient notamment s’inspirer de celles des soins en fin de vie.
- La variable linguistique se réfère aux données qui captent les compétences, l’identité ou les préférences linguistiques des personnes à des fins de planification du système de santé.
- Cardinal, L. et al., L’offre active de services de santé mentale en français en Ontario : données et enjeux. Minorités linguistiques et société, 2018, p. 74-99.
- Budget de l’Ontario 2018. Un plan axé sur le mieux-être et l’avenir. p. 139.
- Pour plus de détails : http://hhrstrategy.ca
- Supra note 72.