3. Pistes de solution
La vulnérabilité des médias de langue française en Ontario et, de façon générale, des médias canadiens, a fait l’objet de plusieurs débats de fond au cours des dernières années. Les parties prenantes telles que l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, le Forum des politiques publiques, les AMIS de la radiodiffusion canadienne, les intervenants qui ont contribué aux travaux du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes et plusieurs autres ont scruté les enjeux et émis un éventail de recommandations afin de redresser cette situation109, 110, 111, 112.
L’heure est maintenant à l’action.
Dans son Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023113, le gouvernement fédéral a annoncé de nouveaux fonds de 14,5 millions de dollars alloués au renforcement des capacités des médias communautaires. Quant au gouvernement de l’Ontario, il fait, sans contredit, partie intégrante des solutions. Il ne peut toutefois pas en être le seul pourvoyeur et garant. Les solutions durables nécessitent l’implication de l’ensemble des acteurs du secteur médiatique, car elles sont multidimensionnelles. Elles exigent également une volonté soutenue de modernisation, ainsi qu’un niveau de collaboration sans précédent, entre les parties prenantes.
Il n’en reste pas moins que le gouvernement de l’Ontario est le protecteur public de la langue française dans la province. Conséquemment, il a un rôle de leadership à jouer afin d’endiguer la détérioration de l’écosystème médiatique de langue française en Ontario, et surtout, d’en assurer la vitalité.
Pour le commissaire, il faut, à court terme, mettre en place des mesures afin d’atténuer l’impact négatif de la diminution de revenus publicitaires sur la viabilité des médias de langue française en l’Ontario. Comme il a été maintes fois répété, le gouvernement de l’Ontario est en partie responsable de la réduction de ces revenus lorsque plusieurs ministères et organismes gouvernementaux omettent de publier leurs communications en français dans des médias de langue française.
RECOMMANDATION 10
Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones, d’instaurer en 2018- 2019, un comité consultatif chargé d’orienter le gouvernement dans le dossier des médias de langue française pour développer, prioriser et recommander des mesures concrètes pour assurer la viabilité des médias francophones.
Il aurait pour mandat d’élaborer, de prioriser et de recommander des mesures concrètes, réalisables et mesurables visant à assurer le développement et la pérennité des médias francophones de l’Ontario.
Le comité comprendrait des représentants des différents ministères et organismes gouvernementaux concernés, ainsi que des parties prenantes et experts du secteur.
Il commencerait ses travaux au cours du présent exercice financier et serait chapeauté par l’Office des affaires francophones.
LE COMMISSAIRE RECOMMANDE ÉGALEMENT :
- La modification des Lignes directrices sur les communications en français afin d’y inclure 1) un mécanisme de reddition de comptes et 2) les obligations concernant les communications en français dans la Directive sur le contenu publicitaire et dans toute autre directive;
- l’adoption d’un règlement sur les communications en français en 2018-2019;
- la publication annuelle d’un rapport sur le taux de conformité au nouveau règlement et aux lignes directrices modifiées dès 2019-2020;
- le développement d’un nouveau modèle de brief média 114 qui assure clairement la conformité au cadre réglementaire;
- une formation aux employés et aux responsables des services des communications de la fonction publique, ainsi qu’aux agences publicitaires, accompagnée dès 2019 d’une production régulière et périodique d’un rapport sur le nombre de fonctionnaires et d’agences formés;
- mettre en place un programme pilote d’appui financier aux médias de langue française de l’Ontario;
- mettre en place des mesures afin de stimuler la production et la consommation des contenus de langue française par les jeunes.
Enfin, le commissaire présente les démarches suivantes comme pistes qu’il serait souhaitable que le gouvernement puisse considérer pour la survie et l’épanouissement des médias de langue française de la province :
- Mettre en place un programme pilote d’appui financier aux médias de langue française de l’Ontario. Ce programme comprendrait deux volets :
Volet « Stabilisation financière » :
- Contribuer, de façon raisonnable, à la stabilisation du financement de base des récipiendaires.
- Financement conditionnel à un plan d’affaires judicieux, viable et mesurable.
- Indicateurs de performance évalués sur une base annuelle.
- Viser les médias les plus précaires, soient principalement les médias d’information et les médias communautaires.
Volet « Modernisation et innovation numériques » :
- Soutenir des projets ayant un fort potentiel d’impact positif sur le développement des récipiendaires.
- Ouvert à une large palette de projets, à condition que les soumissionnaires puissent démontrer et mesurer leur valeur ajoutée. Il pourrait donc s’agir d’initiatives de production et de déploiement de contenus sur différentes plateformes numériques, d’acquisition de services infonuagiques et de technologies, d’implantation de processus et d’outils d’analytique de données, de formation, de projets de développement de l’auditoire numérique, etc.
- Indicateurs de performance évalués à la fin de chaque projet.
- Viser les médias établis et les nouveaux en développement.
Le développement de ce programme pilote serait sous la responsabilité du comité consultatif de la ministre déléguée aux Affaires francophones. Ce dernier serait aussi responsable d’évaluer les résultats du programme, ainsi que de faire des recommandations quant à son prolongement potentiel.
-
Mettre en place des mesures afin de stimuler la production et la consommation des contenus de langue française par les jeunes. Les initiatives suivantes devraient être explorées ou renforcées :
- Consultations régulières (groupes sur les médias sociaux, tournées dans les écoles, tables rondes, etc.) auprès des jeunes sur leurs intérêts et leurs habitudes de consommation médias.
- Mesures encourageant les conseils scolaires de langue française à appuyer les média étudiants, ainsi que les activités parascolaires ou scolaires de production de contenus en langue française.
- Collaboration entre les médias et les écoles de langue française afin de guider les élèves dans la création de contenus en langue française, ainsi que de mettre en valeur leurs productions.
Le tout s’inscrirait aisément dans les réflexions du ministère de l’Éducation et des intervenants du milieu de l’éducation sur les compétences globales requises afin de préparer les jeunes au marché du travail de demain.
- Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Livre blanc : Les Médias francophones en Ontario, septembre 2017, p. 34 à 36. Disponible en ligne : https://monassemblee.ca/wp-content/uploads/2017/09/LivreBlanc-Media-2017_09_20.pdf
- Le Forum des politiques publiques, Le miroir éclaté, Nouvelles, démocratie et confiance dans l’ère numérique, janvier 2017, p. 86.
- Miller P, Keeble D., La déductibilité de la publicité sur internet, Les AMIS de la radiodiffusion canadienne, janvier 2017. Disponible en ligne : http://www.les-amis.ca/information/document-de-politique-generale/14386
- Chambre des communes, Canada, Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, juin 2017, Rapport du Comité permanent du patrimoine canadien ,42e législature, 1re session, p. 83 à 86. Disponible en ligne : http://publications.gc.ca/collections/collection_2017/parl/xc61-1/XC61-1-1-421-6-fra.pdf
- Supra note 16.
- Le brief média est un genre de guide permettant aux agences publicitaires de respecter les demandes et les contraintes établies par la direction des communications d’un ministère ou d’un organisme gouvernemental.