Rapport annuel 2017-2018

Se projeter, se préparer

Version PDF

Production et diffusion de contenus numériques en français

En Ontario, et au Canada, les entreprises médias d’ici subissent une perte d’audience et de revenus au profit de multinationales qui ont des moyens financiers nettement supérieurs aux leurs, et qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations réglementaires. Les médias d’information écrite souffrent particulièrement de cette hémorragie. Les réseaux sociaux exacerbent cette situation en étant devenus une source importante d’information pour les consommateurs. Dans ce contexte, 244 médias d’information locaux canadiens ont fermé leurs portes depuis 200897.

L’enjeu est majeur. C’est la prospérité de la francophonie ontarienne qui est en jeu.

D’autant plus que les placements publicitaires des ministères et des organismes gouvernementaux dans les médias francophones de l’Ontario génèrent de nombreuses plaintes depuis les débuts du Commissariat aux services en français. Ces plaintes visent des manquements quant au respect de la Loi sur les services en français, à l’application de la Directive sur les communications en français et des lignes directrices sur les communications en français du gouvernement de l’Ontario. Leur multiplication ces dernières années indique que le problème est désormais systémique. Le commissaire ne peut donc les considérer comme des cas isolés.

C’est ce qui a mené à la publication du rapport d’enquête du commissaire Une directive sans direction en 201898.

La crise que traversent les médias locaux se fait sentir à l’échelle canadienne. Presque 90 % des revenus publicitaires canadiens en ligne sont exportés vers des plateformes et des sites étrangers, dont les deux tiers vers des plateformes numériques américaines comme Google, YouTube et Facebook99. De plus, les annonceurs transfèrent une portion croissante de leurs budgets publicitaires vers les médias numériques, au détriment des médias traditionnels canadiens. Conséquemment, les revenus publicitaires de ceux-ci sont en chute sauf pour les entreprises d’affichage. Les médias les plus affectés sont les quotidiens, les hebdos (journaux communautaires) et les magazines canadiens100.

Tableau 7 : Évolution des revenus publicitaires par média
Médias Taux de variation 2011-2016
Télévision -9.6
Quotidiens -43.2
Radio -3.2
Hebdos ( journaux communautaires) -27.8
Magazines -26.8
Affichage 17.6
Internet 122.8
Total 8.8

Cette crise se fait sentir de façon encore plus marquée auprès des médias qui ciblent les francophones en milieu minoritaire. Ils sont plus vulnérables que les médias de masse à la diminution des revenus publicitaires ainsi qu’à l’érosion de leur audience. Leur précarité financière est amplifiée par le déclin important des dépenses gouvernementales en publicités dans les médias francophones de l’Ontario.

Quant à l’érosion de leur public, elle est intensifiée par le fait que les adultes francophones de l’Ontario consomment majoritairement les médias culturels en anglais101. Ils ont ainsi accès à un vaste choix de contenus et peuvent facilement se faire comprendre par leurs amis unilingues anglophones de leurs réseaux sociaux. Déjà en 2011, 39 % des Franco-Ontariens âgés de plus de 18 ans utilisaient habituellement l’anglais alors que 25 % utilisaient autant l’anglais que le français sur les médias sociaux102. Depuis, le taux de pénétration des appareils mobiles a continué de croître, particulièrement chez les jeunes. Ces derniers sont très actifs sur les réseaux sociaux (Snapchat, Instagram, etc.) et sont de grands consommateurs de contenus (ex. YouTube). On peut donc s’attendre à ce que la consommation des Franco-Ontariens des médias en langue anglaise soit à la hausse depuis 2011.

Ces facteurs contribueront de façon importante à l’affaiblissement de la francophonie ontarienne, à moins que des mesures soient mises en œuvre pour le contrer. En effet, les médias et les contenus en français sont essentiels au développement identitaire et à l’épanouissement des communautés linguistiques en milieu minoritaire.

« La présence des médias active et réactive la vitalité de la communauté. Plus elle est forte, plus les minoritaires croient en la vitalité de leur communauté, plus ils soutiennent les efforts pour la sauvegarder, plus ils croient en l’importance d’utiliser leur langue dans la vie de tous les jours, et ce, autant chez les francophones que chez les anglophones103. »



  1. April Lindgren, A., « How Ottawa should spent its $50 million to support local news », Ryerson Journalism Research Centre, 2018. Disponible en ligne : http://ryersonjournalism.ca/tag/local-news-map/
  2. Commissariat aux services en français de l’Ontario, Une directive sans direction : les défis des placements publicitaires dans les médias francophones en Ontario, Avril 2018. Disponible en ligne : https://csfontario.ca/fr/articles/6337
  3. Miller P. et D. Keeble, La déductibilité de la publicité sur internet, Les amis de la radiodiffusion, Janvier 2017, p. 8. Disponible en ligne : http://www.les-amis.ca/information/document-de-politique-generale/14386
  4. 100 Le centre d’études sur les médias (CEM), Données financières, Université Laval, p.1, mis à jour en février 2018. Disponible en ligne : http://www.cem.ulaval.ca/pdf/Donneesfinancieres.pdf
  5. 101 Lavoie, É. et R. Houle. Pratiques linguistiques des enfants issus de familles francophones vivant dans un environnement linguistique minoritaire, Statistique Canada, N° 89-642- x2015012 au catalogue, ISBN 978-0-660-03794-3, p. 7. Disponible en ligne : http://www.statcan.gc.ca/pub/89-642-x/89-642-x2015012-fra.pdf
  6. Alliance des Médias Minoritaires, Parlons médias, Étude sur les habitudes médias des communautés francophones en situation minoritaire, Faits saillants : Communautés francophones Ontario, mars 2012, p. 10. Disponible en ligne : http://www.parlonsmedias.ca/wp-content/uploads/2012/04/AMM_Rapport-regional_Ontario_WebF.pdf
  7. 103 Bernier, C., S. Laflamme, S. Lafrenière, « L’effet de la disponibilité des médias et de la densité de la population minoritaire sur la langue d’exposition aux médias », La francophonie canadienne en mouvement : continuité ou rupture?, numéro 3, 2013, p. 139. Disponible en ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/minling/2013-n3-minling0661/1023803ar.pdf

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *