1. Emplois en mutation
L’automatisation et l’intelligence artificielle redessinent le marché du travail et menacent de remplacer des occupations existantes. La technologie peut reproduire non seulement les aptitudes physiques de l’homme mais aussi sa fonction cognitive. C’est notamment le cas des emplois consistant surtout en tâches routinières, comme des postes administratifs. Cela expose particulièrement certains emplois du secteur public à l’automatisation. Il est difficile d’estimer quels emplois seront perdus, quels types d’emploi seront créés et quelles seront les personnes les plus vulnérables.
Les pays industrialisés du monde entier ont tenté d’estimer la probabilité du remplacement des professions existantes par des technologies et la proportion de la main-d’œuvre exposée à ce risque. Ces estimations vont de 5 % à 50 % de la main- d’œuvre, selon la méthode utilisée138. Le chiffre le plus cité dans le contexte canadien est 42 %. En Ontario, cela se traduit par près de 3 millions de personnes qui perdront leur emploi dans les dix ou vingt prochaines années139, 140. Les francophones se trouveront dans ce lot.
Dans ce contexte, les emplois ouvriers et administratifs du secteur public sont particulièrement exposés à l’automatisation étant donné que la majorité de leurs tâches sont prévisibles, mécaniques ou « fondées sur des règles ». Certains estiment à 96 % les chances d’automatisation des fonctions des agents administratifs et des employés de soutien général de bureau dans les dix ou vingt prochaines années au Canada141. C’est majeur.
La fonction publique de l’Ontario emploie plus de 60 000 personnes à travers la province. Ce nombre a diminué de 25 % en 25 ans142. Il est difficile d’imaginer ce que l’automatisation, les départs à la retraite et la mutation des emplois signifient pour les 622 415 francophones de l’Ontario et pour la capacité générale de la province d’offrir des services en français.
Certes, les technologies réduisent les obstacles linguistiques, notamment avec la prestation de services de traduction accessibles en ligne. Mais elles demeurent imparfaites : Unbabel, qui se définit comme un « outil de traduction de qualité humaine à intelligence artificielle », compte sur 42 000 traducteurs dans le monde entier pour peaufiner les traductions143. La raison en est fort simple. Les ordinateurs ne peuvent pas traduire les langues comme ils traduisent les codes. Les langues évoluent sans cesse et reposent autant sur les conventions sociales et l’interprétation du sens que sur des règles sémantiques et culturelles144. Le commissaire se dit préoccupé par de tels services de traduction en ligne, car ils ne tiennent pas compte de la réalité culturelle des Franco-Ontariens. Les emplois dans l’enseignement en français et la traduction française seraient ainsi moins susceptibles d’être automatisés, car ils nécessitent encore un élément humain crucial. On peut en dire autant des emplois qui nécessiteront des compétences dites globales.
- Plus de détails : https://mowatcentre.ca/getting-ahead-of-the-future-of-work-focus-on-the-systems-not-the-skills/
- Plus de détails : https://tvo.org/article/current-affairs/the-next-ontario/how-automation-threatens-ontario-workers
- Plus de détails : http://brookfieldinstitute.ca/research-analysis/automation/
- Plus de détails : http://business.financialpost.com/technology/robots-as-bureaucrats-why-public-sector-work-is-ripe-for-automation
- En mars 2016, on comptait 25 % moins d’emplois équivalents temps plein dans la fonction publique de l’Ontario qu’en mars 1991, moment où elle en comptait le plus, selon les données du gouvernement de l’Ontario.
- Plus de détails : http://www.nextgov.com/analytics-data/2016/03/could-new-technology-make-language-barriers-irrelevant-next-10-years/127140/
- Ibid.