1.11.3. Rôle des coordonnateurs des services en français

L’article 13 de la Loi sur les services en français est très bref quant aux rôles et aux fonctions des coordonnateurs des services en français. Il prévoit qu’un coordonnateur des services en français soit nommé au sein de chaque ministère. Il stipule également que l’Office des affaires francophones doit jouer un rôle de coordination d’un comité constitué de tous les coordonnateurs. Puis, il autorise que chaque coordonnateur des services en français puisse communiquer directement avec son sous-ministre. Le commissaire s’évertue depuis 2007 à pointer les écarts dans les rôles des coordonnateurs qui ont pris place au fil des ans. Il y replonge en 2016 dans le but de revenir à l’application stricte de la Loi.

Lors de l’entrée en vigueur de la Loi en 1989, les coordonnateurs jouissaient d’une classification de haut niveau parce qu’ils devaient avoir accès directement à leur sous-ministre. À la lecture de la Loi, ce rôle se devait d’être proactif et influent. Mais avec le temps, la plupart des coordonnateurs ont considérablement changé de statut et n’ont plus accès à leur sous-ministre. Leur rôle est souvent devenu réactif, car le manque de ressources et de personnel ne facilite pas leur participation au processus initial de développement de politiques et de programmes. Bien qu’ils soient chargés de répondre aux plaintes transmises par le Commissariat, cette intervention se produit souvent trop tard dans les processus susmentionnés.

D’ailleurs, une évaluation externe a été menée par une firme privée en 2004 sur la structure des services en français à l’intérieur de la fonction publique. Elle indiquait que le rôle des coordonnateurs devrait porter sur, notamment, l’intégration de la Loi dans les activités du ministère et des processus de prestation de services, y compris la planification stratégique à court et à long terme, la consultation de l’élaboration des politiques et la facilitation de la surveillance, la résolution de problèmes, la liaison et la communication, la sensibilisation et les relations communautaires. Bien qu’il semble évident que les coordonnateurs doivent jouer un rôle central dans l’appareil gouvernemental, en réalité, on se rend compte qu’ils sont trop souvent « coincés » entre le ou les ministères et l’Office des affaires francophones, soit entre l’arbre et l’écorce.

En effet, depuis l’intégration d’une nouvelle structure de regroupements des ministères en 2009, plusieurs ministères se partagent le même coordonnateur des services en français.

La nouvelle structure ajoute trois nouveaux regroupements de ministères à deux déjà existants (justice et santé), pour qui ce système fonctionnait bien à la base. Ces trois nouveaux regroupements, par contre, ont été créés en transférant des ressources existantes des ministères concernés, tout en reconnaissant que des ressources additionnelles seraient nécessaires. Sept ans plus tard, ce système dessert jusqu’à huit ministères par groupe de coordonnateurs, sans ressources additionnelles. De plus, le niveau de demande d’information et le nombre d’initiatives se sont accrus, posant davantage de pression sur le personnel. Malgré le fait que ce modèle ait décloisonné les coordonnateurs, contribué à l’accès d’appui entre collègues et à l’assignation d’un gestionnaire, il bénéficierait d’ajouts sur le plan de l’infrastructure et des ressources.

Le commissaire est au fait que de nombreuses initiatives gouvernementales sont parfois lancées sans que les coordonnateurs soient impliqués dès leur conception. À moins que le coordonnateur ne soit suffisamment élevé dans la hiérarchie organisationnelle d’un ministère, ce qui est rare, il n’aura que très peu d’influence sur le développement des politiques et des programmes de ce ministère. Comme les décisions sont prises en amont plutôt qu’en aval, cette structure n’avantage pas les francophones.

Pourtant, il était évident qu’à l’origine, la volonté du législateur de s’assurer que les coordonnateurs puissent avoir accès directement à leur sous-ministre respectif devait faciliter ce travail de conception, de planification, de liaison interne et de suivi des diverses initiatives ministérielles. Or, la perception de la réelle vocation des coordonnateurs des services en français n’est plus ce qu’elle aspirait à être. On associe encore ces coordonnateurs à « un service de traduction ou d’interprétation » à l’intérieur même d’un ministère. Pour ceux qui n’ont pas accès à leur sous-ministre, leur rôle se limite souvent à éteindre les feux et à régler les plaintes. Voilà pourquoi, en 2011-2012, le commissaire recommandait une évaluation indépendante et interministérielle des structures et des processus gouvernementaux qui visent la mise en œuvre des services en français au sein du gouvernement. En réponse, le gouvernement indiquait que l’Office des affaires francophones s’en était chargé par l’entremise d’un appel d’offres de consultants pouvant mener une telle évaluation. Cinq ans plus tard, le commissaire souhaite connaître les résultats de l’évaluation, si probants soient-ils.

L’idée est d’en revenir à la base. Le travail des coordonnateurs des services en français doit permettre d’appuyer les sous-ministres. La Loi est claire à cet égard, stipulant qu’ils peuvent communiquer directement avec leur sous-ministre. Il en va d’une imputabilité en matière de planification des services en français.

Le commissaire insiste : les coordonnateurs doivent jouer un rôle clé au gouvernement. Ils doivent identifier les priorités de leur ministère ou organisme gouvernemental en fonction des besoins de développement et d’épanouissement des communautés francophones de la province. Il importe qu’ils puissent déterminer un processus de consultation des communautés francophones et établir des plans de services en français, en fonction des besoins établis. Leur lien doit être quasi organique avec l’Office des affaires francophones, ainsi qu’avec le Conseil consultatif sur les affaires francophones. En somme, leur rôle vise à s’assurer que les ministères et les autres organismes gouvernementaux travaillent en amont plutôt qu’en aval et, qu’ultimement, le « réflexe francophone » tant préconisé au sein des ministères soit bien aiguisé.

À cette fin, le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones que le rôle des coordonnateurs aux services en français soit clairement redéfini, dans une optique habilitante, à l’intérieur d’une refonte de la Loi sur les services en français, afin qu’ils jouent un rôle d’influence et d’orientation stratégique dans la conception et l’élaboration de tout programme ou service que veut lancer un ministère ou organisme gouvernemental.

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