1.1. Préambule sur un préambule
« Attendu que la langue française a joué en Ontario un rôle historique et honorable, et que la Constitution lui reconnaît le statut de langue officielle au Canada; attendu que cette langue jouit, en Ontario, du statut de langue officielle devant les tribunaux et dans l’éducation; attendu que l’Assemblée législative reconnaît l’apport du patrimoine culturel de la population francophone et désire le sauvegarder pour les générations à venir; et attendu qu’il est souhaitable de garantir l’emploi de la langue française dans les institutions de la Législature et du gouvernement de l’Ontario, comme le prévoit la présente loi;
Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement de l’Assemblée législative de la province de l’Ontario, décrète ce qui suit :3 »
Le préambule d’une loi est en quelque sorte l’explication des motifs qui ont amené les membres de l’Assemblée législative à l’adopter. On y retrouve souvent des passages liés à l’histoire afin de donner un peu de contexte à des textes juridiques, souvent plus arides.
Pour interpréter celui de la Loi sur les services en français, il faut revenir à sa source même. Le paragraphe 16(1) de la Charte canadienne des droits et libertés indique que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et qu’elles jouissent d’un statut, de droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.
Le paragraphe 16(3) indique quant à lui que la Charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures, comme l’Assemblée législative de l’Ontario, de favoriser la progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais. C’est dans ce cadre constitutionnel que la Loi a été adoptée.
Un préambule n’est pas source de droit positif, mais en l’absence d’une disposition portant sur l’objet de la loi, le préambule peut être d’une grande utilité. Ce fut le cas notamment dans l’affaire Lalonde (Hôpital Montfort) où la Cour d’appel de l’Ontario a rappelé la quasi-constitutionnalité de Loi sur les services en français. Ou encore, comme le dit l’ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, le très honorable Antonio Lamer, le préambule de la Constitution « invite les tribunaux à transformer ces principes en prémisses d’une thèse constitutionnelle qui amène à combler les vides des dispositions expresses du texte constitutionnel4 ».
Les tribunaux sont tenus d’interpréter les droits linguistiques, y compris la loi ontarienne sur les services en français, en fonction de l’objet du droit linguistique. Ainsi, l’exercice des droits linguistiques ne doit pas être considéré comme une demande d’accommodement. C’est en ce sens que l’égalité réelle, c’est-à-dire la prise en compte des besoins de la communauté minoritaire dans l’offre des services, par opposition à l’égalité formelle, doit être la norme.
En somme, le préambule actuel de la Loi comporte un libellé quand même assez fort. Il y est indiqué qu’il est souhaitable de garantir l’emploi de la langue française dans les institutions de la Législature et du gouvernement de l’Ontario. Voilà pourquoi la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’affaire Lalonde, n’a pas hésité à se servir du libellé du préambule pour décortiquer l’intention du législateur dans l’interprétation de l’article 5 portant sur les communications et les services au public. Bien entendu, le préambule pourra et devra être considérablement amélioré une fois que des objets de la Loi auront été proposés dans le cadre d’une refonte.
3 Loi sur les services en français, L.R.O. 1990, chap. F.32c.
4 Affaire Lalonde, supra note 1, au paragr. 116.