1.2. Plaidoyer pour un objet de la Loi sur les services en français

Si les dispositions dans le préambule de la Loi sur les services en français permettent de cerner l’intention du législateur, on ne peut en dire autant avec l’objet de la Loi. Car elle n’en contient pas, ce qui constitue une anomalie à rectifier. Cela n’a pas empêché la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’affaire Lalonde, de rappeler les deux grands objectifs sous-jacents de la Loi, à savoir 1) protéger la minorité francophone en Ontario et 2) faire progresser le français et favoriser son égalité avec l’anglais5.

Si tels sont les objets de la Loi, avec lesquels le commissaire est d’accord, aussi bien l’exprimer clairement dans le cadre d’une refonte.

Qui plus est, les droits et les obligations contenus dans la Loi n’ont un sens que s’ils sont pris collectivement. Certes, un individu seul a le droit d’obtenir des services en français s’il se trouve dans une région désignée. Cela étant, les services offerts à cet individu et à sa famille n’auront leur pleine portée que s’ils bénéficient à l’ensemble de la communauté francophone de la région concernée.

Pistes intéressantes

L’idée d’inclure des notions de droits et d’obligations envers les communautés minoritaires de langue officielle – et non seulement des droits individuels – ne date pas d’hier.

Dès 1977, dans un manifeste coup de poing intitulé Les héritiers de Lord Durham6, la Fédération des francophones hors Québec (maintenant la FCFA du Canada) a pris position en faveur d’une politique globale, précise et cohérente de développement des communautés de langue et de culture françaises (p. 18). Chacune des actions de cet organisme porte-parole du million de francophones vivant en situation minoritaire a été entreprise en vue de faire progresser cet objectif ultime. Ainsi, les changements majeurs apportés à la Loi sur les langues officielles (LLO) en 1988, dont l’adoption de la Partie VII, tentaient de refléter ce besoin. Le Plan d’action pour les langues officielles et plus tard la Feuille de route pour les langues officielles des gouvernements fédéraux subséquents s’inspirent aussi de cette volonté de répondre aux besoins concrets des communautés minoritaires de langue officielle et à leurs aspirations légitimes.

De fait, il n’est que logique de croire que des services publics aux individus doivent aussi avoir une composante communautaire puisque l’individu ne pourra conserver sa langue que s’il peut communiquer et interagir avec d’autres membres de sa communauté. Aussi, le commissaire est d’avis que l’État ontarien doit tout mettre en œuvre afin que ses politiques, ses programmes, ses services, ses communications et autres contenus bénéficient aux communautés franco-ontariennes réparties sur l’ensemble du territoire provincial. Un objet d’une Loi sur les services en français refondue devrait prévoir des dispositions expresses entourant ces orientations nouvelles des ministères et des organismes gouvernementaux.

Ainsi, le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones que des amendements législatifs soient proposés afin que la Loi sur les services en français modifiée ait une portée pratique et concrète en appui au développement et à l’épanouissement de la communauté francophone sur l’ensemble du territoire provincial, idéalement, dans son objet, mais aussi dans le cadre de dispositions particulières.

Pour ce faire, le gouvernement devra connaître les besoins de la communauté. Ainsi, la nouvelle Loi devrait prévoir des dispositions précises quant à la nécessité d’en consulter les membres adéquatement, mais aussi quant aux moyens choisis pour y parvenir, bien que cela puisse aussi se faire par voie réglementaire.


5 Ibid., paragraphe 143.

6 Fédération des francophones hors Québec (1977), Les héritiers de Lord Durham, Ottawa. En ligne http://www.fcfa.ca/user_files/users/40/Media/heritiers_de_lord_durham.pdf

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