1.7.1. Régions

La désignation d’une région sous la Loi sur les services en français en Ontario donne le droit à une communauté de recevoir des services en français de la part du gouvernement provincial.

Bien que 26 régions soient désignées à ce jour, la désignation d’une région ne va pas de soi. Elle s’obtient auprès de l’Office des affaires francophones (Office) qui est chargé, en vertu de la Loi, de recommander ou non la désignation.

L’Office doit d’abord effectuer une analyse statistique et opérationnelle basée sur la Définition inclusive de francophone (DIF). Cette analyse détermine si la région visée par la désignation comporte soit 5 000 francophones dans un centre dit urbain, soit une population francophone représentant 10 % de la population locale. Ces deux critères ne sont toutefois pas inscrits dans la Loi18.

Par la suite, selon le résultat d’analyse, l’Office recommande ou non à la ministre déléguée aux Affaires francophones de procéder avec la désignation, ce qui est soumis au conseil des ministres et au lieutenant-gouverneur.

1.7.1.1. Évolution du processus de désignation

En 2012, l’Office a mis en place un nouveau cadre d’analyse du processus de désignation. Ce cadre vise un traitement plus uniformisé des demandes des communautés en tentant de se rapprocher des critères qualitatifs plutôt que quantitatifs.

Le commissaire a salué cette approche de l’Office, en émettant toutefois des réserves. Ce nouveau cadre d’analyse présente maintenant un critère de plus sous le volet « soutien communautaire ». Les demandes de désignation doivent, en plus de répondre aux autres critères existants, comporter des lettres officielles d’appui de tous les députés provinciaux locaux. Cette notion de soutien communautaire et de mobilisation de la communauté viendrait « donner un coup de pouce » aux demandes de désignation qui ne répondent pas aux exigences statistiques. Cette approche a porté ses fruits avec la désignation de Kingston.

Aux yeux du commissaire, cela s’apparente à une règle de principe quant à l’atteinte de l’unanimité. Certaines localités ont un fort appui au plan communautaire, alors que cet appui ne se reflète pas autant au niveau du conseil municipal qui, par exemple, pourrait présenter des inquiétudes pécuniaires, même si elles sont non fondées dans la plupart des cas. Le « soutien communautaire » devient donc une responsabilité supplémentaire sur les épaules de la communauté plutôt que sur celles du gouvernement.

1.7.1.2. Markham sans Oshawa

Au printemps 2015, l’Office a mené un processus de consultation sur les désignations des régions de Markham et d’Oshawa. Le tout s’est soldé par la désignation de la cité de Markham, devenue 26e région désignée en vertu de la Loi.

Or, plusieurs années après l’envoi de leur demande de désignation, certaines régions demeurent encore dans l’expectative, comme Waterloo, Niagara et… Oshawa! Il faut remonter à 2009 dans le cas d’Oshawa. C’était d’ailleurs toute la région de Durham qui souhaitait être désignée à l’époque. Cependant, le refus de certains élus locaux a forcé la présentation du seul dossier d’Oshawa. Le gouvernement assure qu’il travaille toujours envers la désignation éventuelle d’Oshawa. Il n’en demeure pas moins que l’appui de l’ensemble des députés provinciaux de la région soit dorénavant une exigence.

Cette situation est très inéquitable face aux efforts déployés par la communauté et doit cesser, car le sort de la désignation d’une région ne peut reposer qu’entre les mains d’un(e) seul(e) élu(e) réfractaire au projet.

1.7.1.3. Nécessité de recevoir des services en français

Certains remettent la désignation en question étant donné l’ère technologique qui, en 2016, permet d’aller en ligne renouveler son permis de conduire, enregistrer la naissance d’un enfant, remplir sa demande de prêts d’études, etc. Malheureusement, la réalité est tout autre.

Avec les services en ligne, bien que ceux-ci soient souvent fort pratiques, le gouvernement s’éloigne de la population. Les services en français au comptoir, en personne, sont plus qu’essentiels et pertinents de nos jours pour toute une population vulnérable. Ces gens requièrent souvent un contact humain, et non avec un ordinateur, pour bénéficier d’un programme ou d’un service gouvernemental. Que ce soit un programme de réadaptation dans un hôpital, d’intégration au marché du travail, d’immigration, d’aide à l’enfance ou même d’accès à la justice, les services ne peuvent pas tous être livrés « en ligne ». Les citoyens francophones ont besoin de recevoir ces services dans leur langue, surtout lorsqu’ils se trouvent en situation précarisée ou de crise.

Une désignation pérennise les services en français et oblige les fournisseurs à améliorer la qualité de leurs services.

À ce jour, plus de 80 % des francophones de l’Ontario se trouvent dans l’une des 26 régions désignées. Qu’en est-il du 20 % vivant hors de ces régions? Ils doivent régulièrement faire de longs déplacements pour se faire servir en français. Il s’agit d’une réalité que vivent les personnes âgées, entre autres.

1.7.1.4. Harmonisation de la législation

Quatre ans se sont écoulés depuis la publication du rapport sur l’Accès à la justice en français19 en 2012. L’une des conclusions avait largement rejoint les propos du commissaire au sujet des lacunes et ambiguïtés et d’ambiguïtés des lois actuelles qui restreignent l’accès aux services en français, notamment sur le plan de la justice.

Ces lacunes sont issues des deux lois ontariennes qui confèrent des droits linguistiques dans le système judiciaire, soit la Loi sur les services en français et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Le commissaire rappelle que les 26 régions désignées sous la Loi sur les services en français et les régions désignées en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires ne sont pas du tout identiques. Cela complique grandement et concrètement l’accès à la justice en français pour ceux qui se retrouvent devant les autorités.

Il y a une lueur d’espoir toutefois. En 2015, le ministère du Procureur général a publié le rapport Améliorer l’accès à la justice en français : Une réponse au rapport Accès à la justice en français20. Le rapport indique que l’Office des affaires francophones a entrepris des démarches pour explorer des moyens d’harmoniser entre les deux lois.

Faire de l’Ontario une seule et grande région désignée règlerait les iniquités issues de cette absence d’harmonisation. Pour tous les motifs mentionnés précédemment, le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones de proposer la désignation de tout le territoire de l’Ontario sous la Loi sur les services en français modifiée.


18 De fait, ces critères statistiques proviennent de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme où les commissaires prônaient l’établissement de districts bilingues où, dans ces régions, les trois paliers de gouvernement auraient eu des obligations de desservir la population dans les deux langues officielles.

19 Disponible au www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/about/pubs/bench_bar_advisory_committee/

20 Disponible au www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/about/pubs/fls_report_response/index.html

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