1.3.1. Mieux comprendre les besoins
Dans son tout premier rapport annuel 2007-2008, Ouvrir la voie, le commissaire mettait en lumière certaines bonnes pratiques du gouvernement :
« Le commissaire répète souvent aux administrateurs des organismes gouvernementaux l’importance de bien connaître les besoins de leur clientèle cible francophone. (…) Heureusement, plusieurs initiatives gouvernementales confirment que les précédents sont déjà établis. »
Au cours des dernières années, le commissaire a été agréablement surpris par le dévoilement de politiques, de nouveaux programmes et services qui, manifestement, avaient comme clientèle cible les francophones de la province. Chaque fois, il l’a souligné dans le cadre de ses rapports annuels.
Par exemple, les réunions annuelles organisées par le coordonnateur des services en français du secteur de la justice avec les intervenants francophones communautaires de la province ont jeté des bases solides et candides de dialogue entre le gouvernement et la communauté. D’un côté, on connaît mieux les priorités du gouvernement et, de l’autre, on connaît mieux les besoins réels et les difficultés d’accès à la justice. Cela ne règle pas tous les problèmes, mais ces discussions mènent à des initiatives et des actions qui sont indiscutablement productives pour toutes les parties concernées.
Un autre exemple a été le lancement, en 2011, du Plan d’action contre la violence à caractère sexuel, Changer les attitudes, changer les vies. Dès les consultations initiales, des rencontres régionales ont eu lieu dans les collectivités des quatre coins de la province. Les francophones victimes d’actes de violence à caractère sexuel et les travailleurs de première ligne ont alors été invités à faire entendre leur voix et à partager leur point de vue sur le soutien dont ils ont besoin.
Le mécanisme de consultation permet l’établissement de politiques et de programmes gouvernementaux qui répondent aux besoins des individus et des communautés ciblés. Cette pratique n’est cependant pas systématiquement mise en œuvre par tous les ministères. L’an dernier, par exemple, le commissaire a discuté de la nouvelle stratégie provinciale à l’égard de la santé mentale chez les jeunes. Au lieu d’inclure les besoins spécifiques des jeunes francophones dès le départ, malgré plusieurs recommandations en ce sens d’organisations communautaires, le gouvernement s’est retrouvé en mode rattrapage pour s’assurer que les jeunes francophones soient bien desservis. C’est dans ce genre de cas que les consultations aident à déterminer la nature du service et les besoins de la clientèle.
« Selon la nature du service en question, il se peut que l’élaboration et la mise en œuvre de services identiques pour chacune des communautés linguistiques ne permettent pas de réaliser l’égalité réelle. Le contenu du principe de l’égalité linguistique en matière de services gouvernementaux n’est pas nécessairement uniforme. Il doit être défini en tenant compte de la nature du service en question et de son objet.8 »
Mais si on traite des questions d’éducation, de santé, d’affaires civiques et d’immigration, de développement social et communautaire, de personnes âgées, de justice et de bien d’autres domaines, il faut s’assurer de bien livrer les futurs services à la population. Comme l’indique la Cour suprême du Canada, la nature du service et son objet doivent dicter comment ces services seront offerts par le gouvernement. Et il n’y a qu’une seule façon de bien les livrer : bien comprendre les besoins des populations concernées. D’où l’importance de la consultation, surtout en milieu minoritaire.
Autrement dit, si la langue est un vecteur clé dans l’efficacité du programme mis de l’avant ou du service proposé, alors une consultation avec la communauté franco-ontarienne devient nécessaire. S’il est question de services d’ordre relationnel, qui exigent l’établissement d’une relation d’aide, thérapeutique ou autre, la consultation est d’autant plus importante. Mais s’il s’agit plutôt de services normatifs ou réglementaires où le contexte relationnel est peu important, comme l’adoption d’une nouvelle politique en matière de recyclage de pneus usagés, alors la consultation de la communauté n’ajoute pas de plus-value.
Tenant compte de ces éléments, le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones de faire inscrire dans une Loi sur les services en français modifiée que lorsqu’une politique, un programme, un service ou une activité émanant du gouvernement de l’Ontario ou de l’un de ses organismes est encore au stade de développement, et si la langue est un vecteur clé dans l’efficacité de la politique, du service ou de l’activité proposé, alors une consultation appropriée de la communauté francophone doit avoir été annoncée et menée.
8 Affaire Desrochers c. Canada (Industrie) 2009 CSC 8, au paragr. 51.