Immigration
Le commissaire aux langues officielles du Canada et le commissaire aux services en français de l’Ontario ont lancé conjointement en novembre 2014 un rapport intitulé « Agir maintenant pour l’avenir des communautés francophones : pallier le déséquilibre en immigration »17, qui souligne l’importance pour les gouvernements fédéral et provinciaux d’inclure une perspective francophone dans leurs politiques et programmes en immigration. Cela fait suite au communiqué de presse des deux commissaires proposant quatre principes directeurs.
Avant même leur arrivée en Ontario, plusieurs immigrants potentiels d’expression française sont mal informés de la réalité linguistique du pays, croyant à tort que le Canada est un pays entièrement bilingue. Ils connaissent peu les possibilités qui s’offrent à eux dans les provinces et territoires autres que le Québec, ou ils ne sont pas informés de la présence de communautés francophones d’accueil dans ces régions.
Plusieurs intervenants affirment que les efforts doivent se poursuivre pour promouvoir les communautés francophones et les avantages qu’elles ont à offrir auprès des immigrants potentiels et des employeurs appelés à recruter des travailleurs étrangers18. Les immigrants potentiels doivent aussi être informés de la réalité des différentes régions de la province.
À leur arrivée, les nouveaux arrivants sont parfois orientés vers des services d’établissement anglophones ou bilingues qui connaissent peu ou mal les communautés et les institutions francophones19. Certains intervenants soulèvent aussi le caractère inégal des services qui sont offerts par les organismes bilingues.
La méconnaissance par les nouveaux arrivants des services disponibles en français ou de la présence d’une communauté ou d’institutions francophones dans la région d’accueil est fréquemment soulevée comme un défi.
« Après un bref séjour au Québec, j’ai décidé avec ma famille de m’installer à Ottawa pour augmenter nos chances de trouver un emploi. J’ai passé une évaluation linguistique dans un centre communautaire pour m’inscrire à un programme d’intégration pour les nouveaux arrivants. Quand les agents de ce centre ont su que je parlais français, ils m’ont fortement suggéré de suivre le programme d’intégration en anglais. Je leur ai répondu que je voulais m’intégrer d’abord dans une langue que je comprenais avant de m’attaquer à l’anglais. Pour moi, l’anglais était un atout et un moyen de communication professionnel, mais ce n’était pas une langue d’établissement. Finalement, j’ai pu suivre un programme en français, un programme qui m’a aidé à valoriser mon expérience et ma formation acquises à l’extérieur du pays. Ce qui m’a permis de trouver un emploi par la suite. »
Apollinaire Yengayenge, nouvel arrivant s’étant établi à Ottawa
Plusieurs représentants des communautés francophones, dont la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (la FCFA) et l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (l’AFO)20, ont fait valoir qu’il importe que les institutions et communautés francophones puissent offrir de façon intégrée des services (incluant une formation linguistique) aux nouveaux arrivants d’expression française en les accompagnant tout au long de leur parcours. On parle alors de services « par » et « pour » les francophones. On estime notamment que l’offre de services et de formation par les institutions francophones permettra de tisser de réels liens entre les nouveaux arrivants et les communautés francophones.
Un bon nombre de communautés francophones sont aussi situées en milieu rural ou dans de petites localités et plusieurs d’entre elles font face à l’exode d’une partie de leur population. Dans un contexte où de nombreux immigrants préfèrent s’établir dans les grands centres urbains, que ce soit pour la présence de services ou d’une communauté culturelle ou pour des raisons économiques, il devient alors plus difficile pour ces communautés francophones d’attirer et de retenir de nouveaux arrivants. Dans ces régions, il faut aussi que les nouveaux arrivants puissent trouver un emploi. Comme le mentionnait le chercheur Chedly Belkhodja, « dans ces contextes de ruralité, il faut qu’il y ait une attraction économique, un employeur, quelque chose21 ».
Pour la plupart des immigrants, l’accès et l’intégration au marché du travail sont des défis importants, l’importance de l’anglais étant un défi additionnel lorsque c’est cette langue qui prédomine dans le marché du travail.
À ces défis s’ajoutent d’autres difficultés : l’insuffisance des ressources et des données sur le parcours de l’immigrant; la mobilité des immigrants qui peut être influencée par plusieurs facteurs, dont l’emploi, et les répercussions sur la prestation de services qui en découlent, la reconnaissance des titres de compétence étrangers; les enjeux d’ordre socioéconomique tels que la pauvreté.
Le rapport des commissaires a présenté un état des lieux et une analyse de la question de l’immigration dans les communautés francophones. Il n’avait pas pour objet de dresser un portrait exhaustif de la situation, mais plutôt de mettre en lumière quelques-uns des principaux défis dans ce secteur. Il a, entre autres, dressé un portrait du chemin parcouru par les différents partenaires, incluant le gouvernement fédéral, le gouvernement de l’Ontario et les communautés, et a soulevé certains des obstacles qui parsèment le parcours du nouvel arrivant francophone.
17. Commissariat aux langues officielles du Canada et Commissariat aux services en français de l’Ontario, supra note 4.
18. Témoignage de Marie-France Kenny et Suzanne Bossé, Fédération des communautés francophones et acadienne, devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles, 3 mars 2014, fascicule no 4, p. 4:26-4:41. Disponible en ligne : www.parl.gc.ca/content/sen/committee/412/OLLO/04EV-51239-F.HTM (page consultée en mai 2015).
19. Témoignage de Nicole Gallant, INRS, devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles, 28 avril 2014, fascicule no 6, p. 6:3-6:38. Disponible en ligne : www.parl.gc.ca/content/sen/committee/412/OLLO/06EV-51355-F.HTM (page consultée en mai 2015).
20. Témoignage de Denis Vaillancourt, Assemblée de la francophonie de l’Ontario, devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2 juin 2014, fascicule no 7, p. 7:33-7:66. Disponible en ligne : www.parl.gc.ca/content/sen/committee/412/OLLO/07EV-51481-f.HTM (page consultée en mai 2015).
21. Témoignage de Chedly Belkhodja, Université Concordia, devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles, 31 mars 2014, fascicule no 5, p. 5:25. Disponible en ligne : www.parl.gc.ca/content/sen/committee/412/OLLO/05EV-51292-F.HTM (page consultée en mai 2015).