Directive sur un plan de ressources humaines pour les services en français
Nul ne peut nier que le gouvernement a, au cours des dernières années, fourni des outils et des ressources aux organismes gouvernementaux afin de leur permettre de mieux respecter la Loi sur les services en français (p. ex., une politique concernant les postes désignés bilingues et un guide sur la dotation de postes désignés à l’intention des gestionnaires). Certes, depuis 2012, la politique globale du gouvernement en matière de dotation de la fonction publique de l’Ontario comprend des principes et exigences à suivre par les gestionnaires pour la désignation, dotation et dédésignation de postes désignés bilingues. C’est un pas dans la bonne direction, mais force est de constater que ces outils et mesures n’ont pas permis de doter les ministères et organismes gouvernementaux de véritables plans de ressources humaines pour les services en français à ce jour.
En effet, chaque direction ministérielle a sa propre culture interne. C’est donc dire qu’au sein d’un même ministère, l’approche et le degré d’adhésion aux pratiques en matière des postes désignés bilingues, par exemple, est toujours tributaire de la bonne volonté des gestionnaires en fonction. De fait, tout le poids de la responsabilité repose sur les épaules des gestionnaires et des coordonnateurs des services en français pour déterminer s’il faut garder un poste désigné et le combler ou non par une personne bilingue en cas de dotation.
Une telle pratique a montré ses limites : certains ministères ont vu le nombre des postes désignés bilingues diminuer au fil des années; des postes sont parfois désignés bilingues en fonction du personnel déjà en place ou disponible, plutôt qu’en fonction des responsabilités rattachées au poste; la rétention du personnel occupant des postes désignés bilingues demeure un problème récurrent.
En somme, l’importance d’avoir un plan de ressources humaines obligatoire et spécifique pour les services en français va au-delà de la question de la dotation, désignation et de dédésignation de postes désignés bilingues. Il permettrait d’abord de procéder à l’inventaire des programmes et services offerts par les ministères et organismes gouvernementaux afin de déterminer leur capacité de les offrir en français là où la Loi l’impose y compris au niveau des postes de direction pour assurer la prestation des services plus complexes. S’ensuivrait ensuite de la constitution d’un répertoire des postes désignés ainsi que le nombre d’employés bilingues tout en s’assurant que les nombres et les compétences disponibles satisfassent aux exigences des postes. Dans le cas où un ministère ou un organisme gouvernemental n’aurait pas suffisamment d’employés bilingues pour pourvoir tous les postes désignés, un plan d’action serait élaboré pour corriger la situation à court et à long terme. Ce plan inclurait la formation de personnel, l’embauche de nouveaux employés, leur rétention ou un transfert de responsabilités.
Au risque de se répéter, le commissaire insiste sur le fait que, quels que soient les outils et autres ressources déjà élaborés et adoptés, ceux-ci ne peuvent atteindre véritablement leurs objectifs que s’ils sont d’abord conçus de façon homogène par tous les acteurs concernés et qu’ils sont ensuite mis en œuvre systématiquement avec un mode d’emploi précis. Ce que seule une directive gouvernementale mise en place par le Conseil de gestion peut non seulement garantir, mais aussi consolider les initiatives en cours contrairement à ce que soutient le gouvernement.
Le commissaire ne démord pas : une directive portant sur l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de ressources humaines pangouvernemental pour les services en français constitue un des piliers fondamentaux de la mise en œuvre efficace et intégrée de la Loi. Stipuler des principes directeurs obligatoires à l’intérieur d’une politique globale des ressources humaines est une chose. Se doter d’une directive émise par le Conseil de gestion exigeant la mise sur pied d’un plan de ressources humaines propre à la prestation des services en français en est une autre.
Enfin, à l’heure de la transparence et des données ouvertes, il serait opportun que chaque institution gouvernementale publie annuellement le nombre des postes désignés bilingues vacants et ceux comblés par un personnel ayant les compétences linguistiques requises, un exercice qui permettrait de suivre les tendances en matière de dotation des postes désignés bilingues et d‘apporter les correctifs nécessaires, le cas échéant.