Rapport annuel 2013-2014

Une institution francophone s’enracine

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Avant-propos

« Plantons des arbres et les racines de notre avenir s’enfonceront dans le sol et une canopée de l’espoir s’élèvera vers le ciel. »

Wangari Muta Maathai,
Prix Nobel de la paix,
Celle qui plante des arbres

C’est une chance inouïe que de vivre dans sa carrière un moment si marquant qu’il laisse une trace indélébile non seulement dans sa mémoire, mais aussi dans sa communauté. C’est cette chance que j’ai eue quand, le 1er janvier 2014, à la suite de l’adoption du projet de loi 106, le Commissariat aux services en français de l’Ontario a quitté le giron gouvernemental pour devenir un organisme indépendant relevant de l’Assemblée législative.

Aujourd’hui, le Commissariat fait donc partie intégrante de l’Assemblée législative de l’Ontario. Aujourd’hui, les francophones ont une voix permanente au Parlement. Aujourd’hui pose ses racines sur les plus hautes terres de la province une institution qui œuvre en français pour le français. Une institution dont les francophones pourront être fiers pour les années, voire les générations, à venir.

Cela ne veut pas dire que l’arbre n’était pas déjà vigoureux — comme en témoigne l’abondante récolte de recommandations passées, de plaintes traitées et de changements systémiques entrepris par le gouvernement. Mais subsistait toujours le risque qu’il devienne ni plus ni moins ornemental ou, pire encore, qu’il fasse les frais d’une coupe à blanc, au gré des alternances politiques.

Plus maintenant. Cette institution est solidement implantée, à l’image de la communauté francophone qu’elle représente et qui, faut-il le rappeler, s’apprête à célébrer le quadricentenaire de sa présence en Ontario.

La persistance de ce grand allié des Franco‑Ontariens et Franco-Ontariennes qu’est le Commissariat est indispensable à l’épanouissement d’une communauté francophone en pleine croissance. Car si la communauté augmente en chiffre et en diversité, car si le taux de transmission du français de parent à enfant ne cesse de grimper, car si les écoles de langue française ont aujourd’hui la cote, car si l’immigration francophone est plus que jamais encouragée, cette belle vigueur sera atténuée si les mécanismes destinés à accueillir et à appuyer ceux et celles qui souhaitent s’exprimer en français dans leurs rapports avec leur gouvernement — et les organismes qu’ils financent — sont déréglés.

En Ontario, les mécanismes officiels sont là pour donner au français la place qui lui revient en sa qualité de langue patrimoniale. Vient évidemment à l’esprit la Loi sur les services en français, mais il ne faut pas oublier la Loi sur les tribunaux judiciaires, la Loi sur l’éducation, la Loi sur les professions de la santé réglementées, la Loi sur les services à l’enfance et à la famille et plusieurs autres lois et règlements qui imposent à l’État des obligations en matière de prestation de services en français. Dans ce terreau législatif ont germé d’innombrables autres mécanismes — règlements, directives, politiques, programmes, rapports, recommandations, etc. — visant à appuyer non seulement la prestation de services en français, mais aussi l’épanouissement de la communauté francophone en Ontario.

Alors que certains mécanismes sont dûment rodés, d’autres doivent cependant être peaufinés, remaniés, renforcés. D’autres encore, qui brillent par leur absence, doivent carrément être mis sur pied. C’est quand ces lacunes sont portées à mon attention, ou que moi ou mon équipe les pressentons, que j’interviens dans la mesure de mes moyens.

En ma qualité de commissaire aux services en français, il m’appartient de faire des enquêtes et de formuler des recommandations pour assurer, d’une part, la prestation adéquate de services en français en Ontario et, d’autre part, l’épanouissement de la communauté francophone dans notre province.

Ce n’est pas mon devoir de veiller à ce que tous les projets et toutes les communications du gouvernement tiennent compte, dès leur planification, des besoins des francophones. Mes fonctions ne consistent pas non plus à faire en sorte que les membres du public soient activement et systématiquement informés de leur droit à un service en français ni à ce qu’il y ait en poste, sur une base permanente, des employés gouvernementaux capables de servir respectueusement les Ontariens et Ontariennes qui parlent français.

Cette responsabilité revient au gouvernement. Plus encore, il incombe au gouvernement non seulement de s’acquitter de cette responsabilité de façon diligente, proactive et intelligente, mais aussi de dénoncer les obstacles à une prestation de services en français de qualité et à l’épanouissement de la francophonie en Ontario, que ces obstacles soient explicites, implicites, procéduraux, réglementaires.

Les membres du gouvernement doivent activement participer à la résolution de situations ponctuelles telles que celles de cette maman qui n’arrive à obtenir aucun service en français de la part d’une société d’aide à l’enfance, de ce justiciable dont les droits linguistiques sont bafoués par le juge chargé d’entendre sa cause, de ces francophones âgés qui reçoivent des directives postopératoires de première nécessité en anglais seulement.

Le gouvernement doit aussi participer activement à l’édification d’un avenir prospère et durable pour la francophonie ontarienne. Il doit voir à ce que les patients francophones de l’Ontario reçoivent des soins intégrés et de qualité dans leur langue, à ce que les organismes que finance le gouvernement aient des obligations incontournables en matière de services en français, à ce que les immigrants de langue française soient dûment encadrés après leur arrivée, à ce que les refontes de programmes gouvernementaux ne banalisent pas l’importance de la participation des francophones à leur propre prise en charge, à ce que les citoyens francophones qui dépendent du système ne soient pas marginalisés ou davantage fragilisés parce qu’ils parlent français.

C’est ce message de responsabilisation que j’entends continuer à transmettre au gouvernement par l’entremise de mes rapports annuels (y compris celui que vous lisez actuellement), de mes enquêtes, de mes recommandations, bref, de tout ce qui est à ma disposition pour améliorer le mieux-être des francophones de l’Ontario, du printemps à l’hiver de leur vie.

Évidemment, je ne puis faire tout ceci seul. Aussi, je tiens à souligner l’appui indispensable des membres de mon équipe qui ont décidé de suivre le nouveau Commissariat. Je suis profondément touché de cet engagement hors du commun des employés et je les remercie du fond du cœur en promettant que je tâcherai d’être à la hauteur de leurs attentes. À titre de commissaire indépendant, je compte bâtir cette nouvelle institution franco-ontarienne en collaboration avec cette équipe extraordinaire.

Et j’ai bon espoir que la nouvelle terre d’accueil du Commissariat, à l’Assemblée législative, facilitera l’assimilation de ce message dont les résultats, je le maintiens, ne peuvent être que bénéfiques pour l’ensemble de la société ontarienne.

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