Chapitre 2
Un cheminement humain
2.6 Santé
Dans son rapport annuel 2011-2012, le commissaire présentait un bilan positif des progrès réalisés par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée en suivi à son Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario, publié en 2009.
Ce bilan contrastait avec celui du rapport annuel 2008-2009, dans lequel le commissaire reprochait au ministère d’une part d’avoir mal géré le dossier du projet de règlement qui devait rendre les entités de planification des services de santé en français conformes à la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local, et, d’autre part, d’avoir adopté une attitude plutôt passive à l’égard de son obligation légale au sens de la Loi sur les services en français (LSF).
Quoi qu’il en soit, les six entités créées en 2010 sont à présent fonctionnelles et ont signé des ententes-cadres de financement et de responsabilisation avec les Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) de leur région respective. Chaque RLISS bénéficie aussi dorénavant des services d’un coordonnateur des services en français.
Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a répondu aux demandes répétées de la communauté de Peel et de Halton, qui cherchait à obtenir une prestation de services de soins de santé en français dans la région, en supportant l’ouverture de l’Équipe de santé familiale Credit Valley en avril 2012. Le commissaire avait initialement livré les résultats de son enquête à ce sujet dans son Rapport final d’enquête, Centre de services de santé — Peel et Halton Inc., publié en mars 2010.
Devant l’impact positif des initiatives récentes dans le secteur de la santé, le commissaire maintient son optimisme, surtout en raison du changement d’attitude du ministère. Celui-ci manifeste aujourd’hui effectivement un réel désir de trouver des solutions pragmatiques et durables qui répondent aux besoins des citoyens francophones plutôt que de se limiter à une stricte observation de la lettre de la LSF.
VIH/sida
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre 2012, le commissaire a dressé sur son blogue un portrait détaillé des enjeux auxquels se heurtent les francophones atteints ou à risque d’infection du VIH. Bien que le ministère ait soutenu que les organismes œuvrant dans ce secteur n’ont pas d’obligations légales d’offrir des services en français (puisqu’ils ne sont pas des organismes gouvernementaux et qu’ils ne fournissent pas leurs services au nom du gouvernement), il a tout de même assumé un rôle plus actif afin que les francophones atteints du VIH aient accès à des services spécifiques au VIH en français.
Le ministère a en effet contribué au financement d’organismes communautaires œuvrant dans le secteur des services aux personnes atteintes du VIH/sida afin de les aider à adapter leurs ressources en français et à former leurs employés. Le commissaire voit aussi d’un bon œil le fait que les consultations sur le renouvellement de la stratégie provinciale sur le VIH/sida aient eu lieu en français. Il a bon espoir qu’elles prendront ainsi en compte les caractéristiques et les besoins spécifiques de la communauté francophone.
Professions de la santé réglementées
L’article 86 de l’annexe 2 de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées stipule que toute personne a le droit d’utiliser le français dans ses rapports avec, notamment, l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario. Or, malgré cette disposition explicite, l’Ordre semble toujours avoir des difficultés à s’y conformer, soit un problème récurrent que le commissaire avait abordé antérieurement dans son rapport annuel 2008-2009 et dans son rapport annuel 2009-2010.
En 2012, un fournisseur de services de santé en français a demandé au Commissariat d’intervenir dans le cas d’une infirmière praticienne francophone qu’il avait embauchée depuis plus d’un an, mais qui n’avait toujours pas réussi à se faire octroyer son permis d’exercer en Ontario. Elle aurait attendu plus de sept mois pour obtenir la traduction de son dossier seulement, et chaque fois qu’elle communiquait avec l’Ordre, la plaignante ne réussissait pas à obtenir de services en français.
Puisque la Loi en question relève du ministère, le Commissariat lui a demandé son assistance dans la recherche d’options afin de résoudre la problématique.
L’Ordre s’est ensuite engagé à revoir ses pratiques courantes afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise dans le futur. Le cas de l’infirmière en question a aussi été réglé en moins d’une semaine. Le commissaire se réjouit que le ministère prévoie de communiquer avec les autres ordres de la santé de l’Ontario pour leur offrir de la formation portant sur leurs obligations en matière de prestation de services en français ainsi que sur l’importance de l’offre active.
Outils d’évaluation cliniques
Dans le but de répondre plus adéquatement aux besoins des patients, plusieurs outils normalisés d’évaluation cliniques ont été rendus disponibles aux fournisseurs
de services de santé du secteur des soins communautaires, notamment les outils ÉCBO (Évaluation commune
des besoins en Ontario), interRAI-CHAI (évaluation de la santé communautaire) et le DÉI (Dossier d’évaluation intégrée), lequel permet de visualiser les évaluations. Malheureusement, les versions françaises de ces outils n’ont pas été offertes au même moment. Le ministère a reconnu que ce processus n’a pas été correctement planifié et s’est engagé à redresser la situation.
Depuis qu’a été soulevée la préoccupation initiale concernant le manque d’outils d’évaluation en français, le ministère a pris les mesures suivantes pour remédier à la situation : les deux outils d’évaluation (ÉCBO et interRAI-CHAI) sont maintenant disponibles en français et en anglais, ainsi que le matériel de formation complémentaire. Le ministère prendra les dispositions nécessaires pour encourager les fournisseurs à mettre au point des produits bilingues comme conditions préalables aux futures mises à jour.
Prise en compte des caractéristiques propres à la communauté francophone
Dans sa réponse à la première recommandation du Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario, 2009, le ministère prévoyait, dans le cadre de l’Initiative du réseau de recherche appliquée en santé (IRRAS), du financement pour le Réseau de recherche appliquée sur la santé des francophones de l’Ontario (RRASFO). L’objectif du RRASFO est d’observer, mesurer, documenter et évaluer l’état de santé de la population francophone de l’Ontario et son accès aux services de santé.
Ces efforts, bien que louables, ne se sont pas encore matérialisés par l’acquisition de données fiables pouvant servir à la planification des services de santé par les RLISS. Trop souvent, les résultats de la recherche effectuée par et pour les francophones ne sont pas traduits en français et, par conséquent, ne sont pas intégrés à la communauté du savoir. Il n’existe toujours aucune donnée sur le nombre de Franco-Ontariens qui sont atteints du diabète, par exemple.
Il n’existe pas non plus de consensus quant à l’identification des francophones dans la planification et la prestation des services de soins de santé. Les données de certains organismes reposent toujours sur la langue parlée ou langue de préférence, alors que d’autres, y compris le Commissariat, aimeraient que soit utilisée la Définition inclusive de francophone (DIF).
Le développement d’Esprit ouvert, esprit sain, la Stratégie ontarienne globale de santé mentale et de lutte contre les dépendances, est un exemple qui démontre comment le ministère s’assure de consulter la communauté francophone, mais néglige dans certains cas de lui fournir une rétroaction en ce qui a trait à la façon dont ont été utilisées les données recueillies. Conséquemment, plusieurs membres des communautés francophones de l’Ontario se sentent inopportunément marginalisés.