Chapitre 2
Un cheminement humain
2.2 Populations précarisées
Les francophones de l’Ontario héritent du lot de bien des minorités : ils doivent constamment s’affirmer pour revendiquer leur place. Faute de quoi, ils reculent.
Au nombre des alliés sur lesquels les citoyens peuvent compter dans leur constante quête d’équité, figure bien sûr le Commissariat aux services en français, qui, lorsque lui sont signalées des allégations préoccupantes, amorce un processus d’enquête et, s’il y a lieu, de résolution.
Or, pour reprendre la citation de chercheuses parue dans le rapport annuel 2009-2010, « Pas tous les francophones peuvent faire du militantisme à plein temps. » En effet, plusieurs citoyens hésiteront à faire valoir leur droit de recevoir un service en français pour la simple raison qu’ils sont dans une situation particulièrement vulnérable, par exemple, ils se sentent intimidés à leur arrivée dans un tribunal, ou encore un membre de leur famille est malade et leur priorité est d’obtenir des soins médicaux appropriés. Certes, beaucoup de travail a été accompli pour faciliter l’accès aux services en français par des groupes vulnérables, comme en font foi les sections du présent chapitre. Il n’en demeure pas moins que, comme l’était souligné dans le rapport annuel 2008-2009, « le nombre de plaintes [de la part de ces groupes] n’est pas nécessairement un indice révélant des situations problématiques ».
La problématique inquiète le Commissariat, car il ne fait aucun doute que des personnes aux besoins criants, mais bâillonnées par leur précarité, sont confrontées tous les jours à des entorses à la Loi sur les services en français. À preuve, il y a quelques mois à peine, le Commissariat a entendu parler d’une mère francophone dont les enfants auraient été placés dans une famille d’accueil unilingue anglaise. Il y a également ce cas d’un francophone marginalisé qui ne s’est vu offrir que des programmes de réinsertion sociale et de lutte contre la toxicomanie en anglais. Et c’est sans mentionner les variations sur un même thème que le Commissariat a pu constater au cours de ses six années d’existence.
Voilà notamment pourquoi le commissaire prône depuis les débuts l’offre active de la part des organismes appelés à offrir des services gouvernementaux, soit une communication spontanée et proactive de l’existence de services en français qui laisse entrevoir dès le départ un traitement équitable et dans la dignité. Le principe de l’offre active est exposé en détail à la section 4.1 du premier rapport annuel du commissaire.
Voilà également pourquoi le commissaire insiste tant sur la prévention et sur l’incorporation des services en français dès l’étape de planification des services et programmes gouvernementaux, autres principes figurant dans ce premier rapport et se profilant en filigrane dans tous les rapports annuels subséquents.
Certes, le commissaire arrive à rejoindre certains citoyens précarisés lors de ses tournées dans les communautés, par exemple, les femmes victimes de violence sexuelle ou conjugale à Timmins et à Toronto, les aînés à Sudbury, ou encore les enfants ayant des troubles d’apprentissage ou un handicap visuel ou auditif, à Ottawa.
Mais cela ne suffit pas. Il est indispensable que les organismes gouvernementaux comprennent que les citoyens précarisés qui portent plainte font preuve d’un courage héroïque auquel il est impossible de s’attendre du commun des mortels.
Le défi pour le Commissariat au cours des prochaines années consistera donc, d’une part à cerner et à continuer de rejoindre les membres de populations précarisées de sorte qu’ils sachent qu’ils peuvent se tourner vers lui pour obtenir de l’appui; et d’autre part, d’appuyer et de stimuler les efforts des organismes du gouvernement ou offrant des services en son nom de sorte que le fait d’être francophone en situation précarisée soit non plus un frein, mais plutôt un catalyseur d’une offre d’assistance efficace, adaptée et, surtout, réconfortante.