Rapport annuel 2011-2012

Droits devant

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    Rapport Annuel 2011-2012 : Droits devant

    Table des matières

    • Lettre à la ministre
    • Sommaire et recommandations
    • Avant-propos
    • Chapitre 1 – La Loi et ses Règlements
      • 1.1 Retour historique
        • 1.1.1 Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français
        • 1.1.2 Le pourquoi d’une telle loi
      • 1.2 Indépendance du commissaire
        • Recommandation 1
      • 1.3 Désignation d’organismes
        • 1.3.1 Avantages, processus et suivis
          • Recommandation 2
        • 1.3.2 Désignation d’établissements postsecondaires
      • 1.4 Désignation de régions
      • 1.5 Tierces parties
      • 1.6 Structures et processus pour appuyer la Loi
        • Recommandation 3
    • Chapitre 2 – Le nouveau visage de la francophonie ontarienne
      • 2.1 Une population en évolution
      • 2.2 Une francophonie plurielle : exogamie, bilinguisme et francophilie
      • 2.3 La DIF : Dans ans après
      • 2.4 Programmes et services pour les immigrants francophones
        • Recommandation 4
    • Chapitre 3 – Le francophone et son gouvernement
      • 3.1 Introduction
      • 3.2 Éducation, enfants, jeunes
        • 3.2.1 Éducation postsecondaire en français dans le Centre et le Sud-ouest
        • 3.2.2 Écoles dans la région du grand Toronto
        • 3.2.3 Sociétés d’aide à l’enfance
        • 3.2.4 Programmes éducatifs en établissement de jour
      • 3.3 Justice et sécurité publique
        • 3.3.1 Accès à la justice en français
        • 3.3.2 Visites surveillées
        • 3.3.3 Centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario
        • 3.3.4 Infractions de stationnement
        • 3.3.5 Traduction des règlements de l’Ontario
      • 3.4 Santé
        • 3.4.1 Rapport d’enquête sur la pandémie de la grippe A (H1N1)
        • 3.4.2 Dévolution des soins de santé
        • 3.4.3 Sida et VIH
        • 3.4.4 Bureaux de santé publique
        • 3.4.5 Le point sur les services de santé en français
      • 3.5 Terre et ressources
        • 3.5.1 Office de l’électricité de l’Ontario
        • 3.5.2 Réacheminement des déchets Ontario
      • 3.6 Économie et organismes centraux
        • 3.6.1 Société d’évaluation foncière des municipalités
        • 3.6.2 Radios communautaires francophones
        • 3.6.3 Élections Ontario
      • 3.7 Conclusion
    • Chapitre 4 – Données statistiques
      • 4.1 Plaintes reçues en 2011-2012
        • 4.1.1 Plaintes par catégorie
        • 4.1.2 Hausse du nombre de plaintes traitées et résolues
        • 4.1.3 Répartition géographique des plaintes
        • 4.1.4 Demandes de renseignements
    • Chapitre 5 – Transformations gouvernementales
      • 5.1 La lettre et l’esprit de la Loi sur les services en français
      • 5.2 Les travaux de la Commission Drummond
      • 5.3 Le budget de l’Ontario 2012
        • 5.3.1 Partenariats public-privé
          • RECOMMANDATION 5
        • 5.3.2 Organismes d’application délégataires
          • Recommandation 6
      • 5.4 Conclusion
    • Chapitre 6 – Pratiques exemplaires
      • 6.1 Partenariats
        • 6.1.1 Évolution des services en français dans le secteur de la justice
        • 6.1.2 Institut de développement professionnel en langue française
        • 6.1.3 Enseignement de la littérature francophone d’ailleurs
        • 6.1.4 Accueil et valorisation de nouveaux élèves
        • 6.1.5 Groupe consultatif francophone de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants
        • 6.1.6 Certification d’entraîneurs offerte en français
        • 6.1.7 Natation et nutrition en français !
        • 6.1.8 Politique d’aménagement linguistique au niveau postsecondaire
        • 6.1.9 Consultation en matière de gouvernance de l’éducation en langue française
        • 6.1.10 Une stratégie internationale pour l’éducation en français
        • 6.1.11 La collaboration du RLISS de Champlain avec les intervenants francophones
        • 6.1.12 Mise à l’essai de panneaux routiers bilingues auprès des francophones
        • 6.1.13 Conseil des arts de l’Ontario
      • 6.2 Mentions honorables
        • 6.2.1 Nouveaux critères du Bureau du Conseil des ministres pour la sélection des propositions
        • 6.2.2 Améliorer les services à la Cour des infractions provinciales
        • 6.2.3 Services sociaux en français à Sudbury
        • 6.2.4 ServiceOntario vous souhaite la bienvenue !
        • 6.2.5 Messages bilingues envoyés à tous les fournisseurs du gouvernement
        • 6.2.6 Allô LCBO et le recrutement actif amélioré
        • 6.2.7 Renseignements aux nouveaux arrivants sur la communauté francophone
        • 6.2.8 Célébrer le patrimoine et la culture des Franco-ontariens
        • 6.2.9 La tour CN salue désormais les Franco-ontariens!
    • Conclusion
    • Annexe A : Réponse aux recommandations de 2010-2011
      • Recommandation 1
        • Réponse du gouvernement
      • Recommandation 2
        • Réponse du gouvernement
      • Recommandation 3
        • Réponse du gouvernement
      • Recommandation 4
        • Réponse du gouvernement
    • Annexe B : Réponses aux recommandations des années précédentes
      • Recommandation 3 (2007-2008 et 2009-2010)
        • Réponse du gouvernement

     

     

    Lettre à la ministre

     

    Le 6 juin 2012

     

    L’honorable Madeleine Meilleur

    Ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels

    Ministre déléguée aux Affaires francophones

    Édifice George Drew, 18e étage

    25, rue Grosvenor

    Toronto (Ontario) M7A 1Y6

     

    Madame la Ministre,

    Conformément au paragraphe 12.5 (1) de la Loi sur les services en français, je vous soumets le cinquième rapport annuel du commissaire aux services en français de l’Ontario.

    Ce rapport d’activités couvre la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012.

    Je vous prie de bien vouloir déposer ce rapport à l’Assemblée législative, tel que le prévoit le paragraphe 12.5 (3) de la Loi.

    Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.

     

    Le commissaire aux services en français

    François Boileau

     

     

     

    Sommaire et recommandations

    Ce rapport couvre les activités du Commissariat aux services en français du 1er avril 2011 au 31 mars 2012. Il s’agit du cinquième rapport annuel du commissaire, Me François Boileau, dont le second mandat prend fin en septembre 2012. Il comporte six recommandations adressées au gouvernement de l’Ontario.

    La première recommandation du commissaire apparaît dans le premier chapitre. Elle aborde de front la question de l’indépendance du commissaire, qui est l’un des seuls ombudsmans à relever d’une ministre plutôt que de l’Assemblée législative. Le commissaire estime que le moment est venu pour changer cette situation afin de (i) protéger ce poste d’une possible ingérence politique, (ii) favoriser l’implication des parlementaires, (iii) garantir au commissaire une indépendance au niveau juridique, (iv) favoriser l’imputabilité financière du Commissariat et sa capacité d’agir, et (v) assurer l’indépendance administrative du Commissariat.

     

    Recommandation 1

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones qu’une modification à la Loi sur les services en français soit proposée d’ici au 31 mars 2013 pour que le commissaire se rapporte directement à l’Assemblée législative.

     

    Le chapitre 1 propose également un retour historique sur les gains progressifs des Franco-ontariens obtenus grâce à la Loi sur les services en français, dont les 25 ans ont été soulignés lors d’un colloque tenu en novembre 2011.

    Ce chapitre aborde aussi la question de la désignation d’organismes sous la Loi. Après avoir évoqué les avantages de la désignation, les impacts sur le terrain et le processus qui mène à une désignation, le commissaire souligne qu’il y a d’importantes lacunes à corriger. En particulier, le commissaire déplore l’absence de mécanismes d’imputabilité et d’évaluation indépendante à la suite d’une désignation.

     

    Recommandation 2

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones d’établir une directive obligatoire sur le processus de désignation des organismes en vertu de la Loi sur les services en français, après avoir dûment consulté des représentants de la communauté et des organismes désignés. Cette directive devrait être mise en place pour l’année 2013-2014 et devrait inclure :

    a) Des critères de désignation harmonisés qui prévoient, notamment, une représentation minimale de francophones au sein de leur conseil d’administration et de leur direction;

    b) Des mécanismes d’imputabilité transparents et accessibles au public;

    c) Un mécanisme de résolution de plaintes mis à la disposition des usagers des services;

    d) Une évaluation trisannuelle obligatoire et indépendante basée sur l’ensemble des critères de désignation, y compris celui de la gouvernance; cette évaluation devra aussi comprendre des mesures correctives si nécessaires.

     

    Le chapitre 1 se termine en jetant un regard critique sur les structures et processus mis en place pour appuyer la mise en œuvre de la Loi, dont le rôle des coordonnateurs des services en français au sein des ministères et le mandat de l’Office des affaires francophones. Le commissaire estime que ce cadre organisationnel, qui a fait l’objet d’une évaluation il y a une dizaine d’années, devrait être réévalué, alors que le gouvernement songe, de plus en plus, à faire appel au secteur privé pour livrer certains services.

     

    Recommandation 3

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones :

    a) De procéder, d’ici la fin de l’exercice financier 2013-2014, à une évaluation indépendante et interministérielle des structures et des processus gouvernementaux destinés à appuyer la mise en œuvre des services en français au sein du gouvernement;

    b) De s’assurer que cette évaluation porte, notamment, sur les rôles, les responsabilités et les liens hiérarchiques de l’Office des affaires francophones et des coordonnateurs des services en français;

    c) D’inclure le Commissariat aux services en français dans cette évaluation.

     

    Le chapitre 2 présente un portrait du nouveau visage de la francophonie ontarienne qui comporte désormais une proportion élevée d’immigrants récents. Plusieurs thèmes sont évoqués dans ce chapitre, notamment ceux de la construction identitaire des nouveaux arrivants, l’accroissement des couples exogames — soit ceux composés d’un parent francophone et un parent qui ne l’est pas —, le rôle du bilinguisme et l’apport des francophiles au développement de la francophonie ontarienne. Il aborde également la définition inclusive de francophone (DIF) qui a été adoptée par la province, il y a deux ans, et qui semble avoir contribué au sentiment d’appartenance de certains nouveaux arrivants. En revanche, on apprend, de l’aveu même du gouvernement, qu’il existe une certaine incohérence dans l’utilisation de la DIF d’un ministère à un autre.

    Le chapitre 2 se termine en évoquant la question des programmes et services offerts pour les immigrants francophones et la façon dont le nouvel arrivant francophone est accueilli en Ontario. À la lumière de la nouvelle stratégie sur l’immigration annoncée par la province, le commissaire fait appel à une collaboration interministérielle dans le domaine de l’accueil, la formation et l’intégration des nouveaux arrivants francophones. Pour y arriver, la quatrième recommandation du commissaire s’adresse au ministère des Affaires civique et de l’immigration :

     

    Recommandation 4

    Le commissaire recommande au ministre des Affaires civiques et de l’Immigration :

    a) De se doter, d’ici la fin de l’année 2012-2013, d’un comité consultatif chargé d’orienter les efforts du ministère dans le dossier de l’immigration francophone en Ontario;

    b) De développer, de façon interministérielle et concertée, une stratégie d’accueil, de formation linguistique et d’intégration au marché du travail pour les nouveaux arrivants francophones d’ici la fin de l’année 2013-2014.

     

    Le chapitre 3 présente un échantillon des plaintes traitées par le Commissariat au cours de l’année 2011-2012 — une année qui a été marquée, entre autres, par la publication d’une étude sur les radios communautaires francophones en Ontario, la publication d’un rapport d’enquête sur la distribution d’un dépliant unilingue anglais lors de la pandémie de la grippe A (H1N1), et une enquête formelle sur le manque d’écoles de langue française dans la région du grand Toronto. Dans les trois cas, le gouvernement a donné suite aux recommandations du commissaire.

    Ce chapitre fait également une mise au point sur les services de santé en français depuis la publication du Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario, 2009. On y souligne d’importants changements apportés par le gouvernement dans ce secteur, dont la nomination d’un coordonnateur des services en français au sein de chaque réseau local d’intégration des services de santé (RLISS) et la désignation de six entités de planification des services de santé en français.

    Le chapitre 4 dresse un portrait statistique des plaintes. On y apprend que le Commissariat a reçu 371 plaintes pour l’année 2011-2012 et que ce chiffre représente une légère baisse (-2,6 %) comparée à l’année précédente. Toutefois, on constate aussi que le Commissariat a traité un plus grand nombre de plaintes individuelles portant sur une plus grande variété de sujets, alors qu’en 2010-2011, la problématique du manque d’écoles de langue française dans la région du grand Toronto avait généré, à elle seule, plus de 70 plaintes. Enfin, le lecteur apprendra également que le nombre de plaintes dans la catégorie « autre » a plus que doublé et que les plaintes recevables résolues ont augmentés de 35 % comparé à l’année précédente.

    Le chapitre 5 scrute de près les intentions annoncées du gouvernement pour atteindre l’équilibre budgétaire, notamment le recours à des partenariats public-privé pour offrir certains services — une idée évoquée l’an dernier lorsque le gouvernement avait annoncé la formation de la Commission Drummond, et confirmée, en avril dernier, dans le Budget de l’Ontario 2012. On y apprend que le commissaire avait prévu cette situation dans son rapport annuel 2010-2011 et y voyait, à l’époque, une opportunité à saisir par la communauté francophone pour offrir des services en français au nom du gouvernement. Alors que le commissaire y voit toujours une occasion à saisir, ce chapitre reprend la mise en garde faite au gouvernement, après le dépôt du Budget. Essentiellement, le commissaire annonce de nouveau qu’il a l’intention de s’opposer à toute privatisation, abolition ou fusion de programme qui n’offrirait pas, au préalable, des garanties pour le maintien ou l’amélioration des services en français.

    Ce chapitre aborde également l’adoption, en juin dernier, du Règlement 284/11 qui oblige les tierces parties qui offrent des services au nom du gouvernement de le faire également en français. Le commissaire se réjouit de l’adoption de cette nouvelle règlementation qu’il avait réclamée depuis longtemps et en félicite le gouvernement. Toutefois, le commissaire est d’avis que le Règlement 284/11 ne peut pas couvrir l’éventail des diverses formes que pourraient prendre de nouveaux partenariats. La cinquième recommandation du commissaire vise donc à corriger cette situation :

     

    Recommandation 5

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones de s’assurer que tout projet de loi ou autre mesure qui mène à la création de partenariats public-privé ayant une composante de prestation de services au public incorpore des dispositions qui assujettiront toute entité associée à ces partenariats à la Loi sur les services en français.

     

    Enfin, le commissaire termine le chapitre 5 en suggérant que les organismes d’application délégataires — ces sociétés sans but lucratif autofinancées auxquels le gouvernement a confié certaines responsabilités —, devraient être assujetti aux dispositions de la Loi sur les services en français en adressant une recommandation à cet effet à la ministre des Services aux consommateurs :

     

    Recommandation 6

    Le commissaire recommande à la ministre des Services aux consommateurs de prendre toutes les mesures nécessaires afin que tout nouvel organisme d’application délégataire ou toute entité s’y apparentant soit assujetti à l’intégralité des dispositions de la Loi sur les services en français.

     

    Le chapitre 6 clôture le rapport annuel en soulignant les pratiques exemplaires et l’innovation en matière de services en français au sein des ministères et organismes gouvernementaux. Pour l’année 2011-2012, le commissaire a choisi 13 pratiques exemplaires et 9 mentions honorables parmi une centaine de suggestions qu’on lui a fait parvenir.

     

     

    Avant-propos

    2012 marque le bicentenaire de la première grande bataille où nos ancêtres ont combattu ensemble pour la toute première fois. Premières nations, soldats britanniques et milice canadienne — composée d’anglophones et de francophones — se sont joints afin de contrer l’invasion américaine qui visait l’annexion pure et simple du Canada aux États-Unis d’Amérique. Sans être historien, je ne crois pas me tromper en affirmant que l’un des objectifs de cette guerre, du côté de la milice canadienne, et peut-être des Premières nations, était de ne pas se faire assimiler à nos voisins du Sud.

    Avec un recul de deux cents ans, il est certainement facile de considérer à quel point nos deux grandes démocraties sont quand même assez semblables, mais aussi différentes sur un certain nombre de valeurs. En effet, nous jouissons au Canada d’une identité toute canadienne. Nous partageons, des valeurs communes telles que l’universalité des soins de santé, le multiculturalisme, les droits et libertés individuelles et le respect des minorités. Les Canadiens tiennent à leur identité distincte et ils en sont fiers!

    Les francophones du Canada sont tout aussi Canadiens et eux non plus ne veulent pas connaître l’assimilation et perdre ainsi leur identité, leur histoire et leur richesse patrimoniale. Les francophones du Canada, tout comme les anglophones, sont également fiers de leurs racines, que leurs familles soient établies en Ontario depuis des siècles ou que ces francophones soient de nouveaux arrivants du Maroc, de la Belgique, du Mali, d’Haïti, du Vietnam, de la Roumanie ou… du Québec.

    Nous avons combattu ensemble en 1812 et dans toutes les grandes guerres depuis. Pourtant, les francophones doivent parfois combattre, encore aujourd’hui, non seulement l’assimilation, mais aussi la francophobie d’une toute petite minorité de nos compatriotes. Heureusement, l’épisode assez médiatisé de ces gens qui en ont contre l’application de la Loi sur les services en français à l’Hôpital communautaire de Cornwall nous a démontré que, d’une part, cette institution clé a réussi à garder le cap sur le plein respect de la Loi et que, d’autre part, de telles tentatives de générer des crises linguistiques ne fonctionnent tout simplement plus en 2012. La très grande majorité des Ontariens sont rendus ailleurs. Ils préfèrent tout simplement regarder « droits » devant et ne plus revivre de pareilles tensions linguistiques aussi inutiles que déchirantes.

    Les francophones veulent simplement recevoir des services de qualité et dans leur langue, comme si cela était normal — car, cela devrait justement l’être !

    Il existe une différence fondamentale entre la capacité de pouvoir s’exprimer dans sa deuxième langue pour faire des activités courantes de la vie quotidienne et de pouvoir aisément le faire lorsque l’on est devant une personne en situation d’autorité — un fonctionnaire, une policière, une juge — ou encore, lorsqu’on est en situation de vulnérabilité, comme lorsqu’on est à la recherche de soins de santé.

    Au cours de la dernière année, les médias ont fait leurs choux gras de certaines études qui indiquent qu’il en coûte des millions pour maintenir des services en français au pays. Ce genre d’étude s’explique idéologiquement puisque l’on part toujours avec la même prémisse, à savoir qu’une personne bilingue anglais-français n’a pas réellement besoin de services en français. Ce type d’étude ne tente pas habituellement d’analyser les coûts d’un mauvais service en français, particulièrement dans le domaine de la santé, que ce soit une mauvaise compréhension de la prescription ou une interprétation erronée des symptômes d’un patient. Pourtant, les exemples sont légion où le citoyen doit retourner une autre fois voir le médecin ou un autre professionnel de la santé, doublant ainsi les coûts aux contribuables. Évidemment, on y met l’accent que sur les coûts associés au bilinguisme institutionnel, laissant de côté tous les bénéfices, prétextant la complexité de pouvoir les comptabiliser.

    Plus fondamentalement encore, ce genre d’étude laisse tout simplement croire que le bilinguisme institutionnel est quelque chose d’optionnel, que l’on pourrait s’en départir. Majority rules. Mais ce n’est pas cela une démocratie. Une véritable et saine démocratie prend soin de ses minorités. Et les sociétés démocratiques seront toujours jugées de la façon dont elles respectent leurs minorités.

    Justement, il y a maintenant 25 ans, nos élus à Queen’s Park ont voté unanimement l’adoption d’une Loi sur les services en français, la première de ce genre au pays1. Personne n’a forcé, n’a obligé les élus d’alors.

    Et si c’était à refaire aujourd’hui, je suis absolument convaincu que le vote ne serait pas différent. Parce que les gens responsables comprennent à quel point notre histoire est importante, à quel point nos valeurs nous rassemblent plutôt que nous divisent, et à quel point l’Ontario possède un avantage indéniable en jouissant d’une communauté franco-ontarienne dynamique, accueillante, vibrante et toujours renouvelée. Dans un monde de plus en plus petit, il est bon se rappeler de cet indéniable avantage que nous avons, ici, en Ontario.

    Les nouveaux arrivants y croient, à cet avantage. Tous ces gens venus de partout dans le monde comprennent que ce pays possède déjà une belle histoire, et que cette histoire est assise sur des fondations solides. Parmi ces fondations se trouvent, bien entendu, les Premières nations, les Francophones et les Anglophones. L’anglais et le français ne sont pas simplement des langues courantes; ces langues qui forment le bilinguisme de notre pays représentent un symbole par lequel le Canada est reconnu de par le monde comme une terre d’accueil.

    Les nouveaux arrivants sont nombreux à envoyer leurs enfants dans des écoles de langue française ou dans des écoles d’immersion. Proportionnellement, ce sont eux qui participent le plus à l’édification de la société canadienne telle que nos acteurs politiques l’ont imaginé au début du 20siècle, et comme d’autres continuent de l’imaginer encore aujourd’hui. Lorsque je visite une école francophone, surtout dans le Centre-Sud ou dans la région de la capitale nationale, et que je vois tant d’étudiants qui sont indiscutablement trilingues — certains parlant même quatre langues! —, je ne peux m’empêcher de sourire quant à l’avenir de notre société.

    Et c’est en réfléchissant à notre avenir comme société, que l’équipe du Commissariat s’est dotée en décembre, d’une nouvelle vision qui décrit fièrement comment nous accomplissons notre mandat :

    Le Commissariat aux services en français agit pour assurer une prestation active et intégrée des services en français, en appui au développement de la communauté francophone, et du coup, de la société ontarienne.

    En effet, l’enrichissement de la communauté francophone profite directement à l’ensemble de la société ontarienne. Et à l’inverse, son appauvrissement invite au résultat contraire.

    Cette nouvelle vision nous permettra de mieux recentrer nos actions, que ce soit lors d’enquêtes ou de rapports, que ce soit lors de recommandations ou de sorties publiques. Mais surtout, cette nouvelle vision nous permet, d’abord et avant tout, de mieux comprendre la valeur ajoutée de notre mandat.

    Nous ne faisons pas seulement qu’effectuer des contrôles de qualité en matière de services en français. Nous ne faisons pas que recevoir des plaintes à cet égard. Nous affirmons haut et fort que ces manquements ont des conséquences sur l’appartenance du citoyen, sur son identité et, par conséquent, sur le développement de la communauté.

    Le citoyen francophone est multiple, complexe et aussi diversifié que le reste de la population. Survivre en tant que francophone en situation minoritaire est presque un acte de foi, en quelque sorte. Il faut encore y croire et non pas simplement demander des services en français parce que l’on y a droit.

    Et à chaque fois que le citoyen francophone n’a pas accès à des services en français de qualité, il cesse d’y croire. Et c’est lorsque le francophone cesse d’y croire que l’assimilation poursuit son avancée destructrice, et que l’ensemble de la société y perd au change, également.

    Ce rapport annuel se veut davantage une réflexion sur les manquements des services en français et des conséquences pour le citoyen. Arrivé au cinquième rapport annuel, je peux honnêtement affirmer que l’engagement d’offrir des services en français de qualité de la part des plus hauts échelons de l’administration publique ontarienne, est bien réel. Mais, c’est sur le terrain que le bât blesse.

    C’est aussi sur le terrain que se trouvent les citoyens qui ont le plus besoin d’être rassurés que leur langue est encore une langue d’importance, une langue pertinente qu’il vaille la peine de la conserver, une langue d’accueil de tous ces nouveaux arrivants en terre ontarienne. Et c’est sur le terrain que le gouvernement a la chance de pouvoir rejoindre ces gens, dans leur quotidien, chez eux comme aux comptoirs, qu’ils soient administrés directement par les fonctionnaires ou par le privé.

    Et depuis janvier, le Commissariat tente aussi de joindre les gens à travers les médias sociaux, notamment sur le réseau Twitter, un moyen qui s’ajoute au blogue que j’alimente régulièrement depuis 2 ans, en raison de deux à trois billets par semaine. Avec ces moyens, notre espoir demeure le même : d’atteindre davantage de personnes, de pouvoir interagir rapidement avec le citoyen, et d’ajouter notre voix au débat public.

    Enfin, lorsque l’on me demande quelle est ma plus grande fierté de mes cinq années à titre de commissaire, je ne peux que répondre spontanément que c’est toute l’équipe du Commissariat, tant les employés permanents que les stagiaires et étudiants! Même si l’on croit souvent la fonction publique impersonnelle et lointaine, je peux vous assurer qu’il n’en est rien, et ce, en commençant par les membres de l’équipe du Commissariat. En effet, on demande toujours de plus en plus à la fonction publique — au Commissariat comme ailleurs — avec de moins en moins de moyens. Mais, je peux vous assurer qu’il est rare de rencontrer des fonctionnaires qui n’ont pas à cœur le service public. C’est pourquoi je tiens à les remercier chaleureusement.

    Je tiens aussi à remercier le gouvernement de m’avoir accordé sa confiance au cours de ces cinq dernières années. Ce fut un réel privilège pour moi de pouvoir conseiller le gouvernement, particulièrement la ministre déléguée aux Affaires francophones, l’honorable Madeleine Meilleur, et son équipe.

     

    « Et à chaque fois que le citoyen francophone n’a pas accès à des services en français de qualité, il cesse d’y croire. Et c’est lorsque le francophone cesse d’y croire que l’assimilation poursuit son avancée destructrice, et que l’ensemble de la société y perd au change, également.»

     

     

    Chapitre 1 – La Loi et ses règlements

    1.1 Retour historique

    La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. – Albert Camus

    L’histoire des droits linguistiques en Ontario est directement et intrinsèquement liée à l’histoire de notre pays. Depuis les débuts du Canada et même bien avant 1867 — on peut même remonter jusqu’à l’Acte de Québec de 1774 — notre démocratie parlementaire ainsi que notre survie en tant que nation dépendent du traitement réservé à nos minorités linguistiques. Comme la Cour suprême du Canada l’a si bien écrit dans le Renvoi sur la sécession du Québec : « Même si le passé du Canada en matière de défense des droits des minorités n’est pas irréprochable, cela a toujours été, depuis la Confédération, un but auquel ont aspiré les Canadiens dans un cheminement qui n’a pas été dénué de succès2. »

    Depuis l’adoption unanime par l’Assemblée législative de la Loi sur les services en français en 1986, beaucoup a été écrit quant à son origine, sa portée et son but, que ce soit dans des livres d’histoire ou dans des textes de droit. Le commissaire a aussi traité de cette question historique dans son tout premier Rapport annuel 2007-2008 : Ouvrir la voie. Il serait impossible, en quelques paragraphes, de décrire tous les repères si importants dans l’histoire récente des Franco-ontariens. Mais comme l’ont écrit les historiens Michel Bock et Gaétan Gervais, on peut affirmer sans l’ombre d’un doute que ce texte de loi a jalonné l’histoire de la communauté franco-ontarienne3.

    L’adoption de cette loi ne s’est pas faite du jour au lendemain. En Ontario, il a souvent été question de la politique des petits pas pour décrire l’avancée du fait français dans cette province. Les conclusions de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (la commission Laurendeau-Dunton) invitaient déjà à la création de districts bilingues qui prévoirait, sur des territoires bien précis, des droits pour que les citoyens reçoivent des services dans l’une ou l’autre des langues officielles à la fois du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et municipaux concernés4. D’ailleurs, on se souviendra que dans l’accord constitutionnel non adopté de 1971, communément appelé la Charte de Victoria, l’Ontario était prêt à reconnaître le droit à tout particulier de demander des services en français lorsqu’il traite avec le siège principal ou central des ministères ou des organismes gouvernementaux5.

    Dès 1977, l’Association canadienne-française de l’Ontario, l’ACFO — qui, plus tard est devenu l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, l’AFO — revendiquait une loi garantissant le droit à des écoles de langue française (avant l’entrée en vigueur de la Charte en 1982) ainsi qu’une loi-cadre qui assurerait des services en français6. « C’est un virage important parce que l’ACFO ne réclame pas le bilinguisme officiel, mais des services en français seulement7. » diront les auteurs Bock et Gervais.

    C’est au ministre délégué aux Affaires francophones, l’honorable Bernard Grandmaître à qui reviendra tout le crédit d’avoir fait adopter, à l’unanimité, le projet de loi 8 qui deviendra la Loi sur les services en français. Mais bien souvent l’unanimité signifie aussi des concessions. Par exemple : pas d’ombudsman ainsi que des exemptions pour les municipalités et les universités.

    L’affaire de l’hôpital Montfort a positionné la Loi sur les services en français comme une loi quasi constitutionnelle, la plaçant au-dessus de toutes les autres lois provinciales. On se souviendra que le gouvernement, via une commission de restructuration des services de santé, avait d’abord tenté de fermer cet hôpital francophone de la région d’Ottawa, puis de réduire dramatiquement les services offerts au sein de cet établissement. Il s’en est suivi un tollé jamais vu depuis des décennies au sein de la population francophone de la province et de tout le pays. Comme tant de fois par le passé, il a fallu recourir aux tribunaux pour empêcher une autre injustice d’être commise. La Cour d’appel de l’Ontario8, confirmant le jugement de première instance, a donné raison à la communauté francophone. La Cour a rappelé que la Loi sur les services en français poursuit un double objectif, soit celui de protéger la minorité francophone en Ontario et celui de faire progresser le français en favorisant son égalité avec l’anglais.

    Cette progression s’est aussi traduite de façon concrète à bien des égards. Relevons que quelques exemples. Dans le domaine de l’éducation, douze conseils scolaires ainsi que plusieurs institutions postsecondaires desservent désormais la population francophone. En santé, des pas importants ont été accomplis. Qu’il soit question de centres de santé communautaire francophones ou de centres hospitaliers, la population francophone a de plus en plus d’institutions capables de lui livrer des soins de santé en français, sans compter que les francophones ont maintenant un moyen important pour faire entendre leur point de vue avec les nouvelles entités de planification de services de santé en français. De même, la population francophone peut, à juste titre, s’enorgueillir de l’indépendance du Groupe Média TFO, l’une des institutions phares de la communauté. Et bien entendu, rappelons que la Loi a été modifiée en 2007 pour créer le poste de commissaire aux services en français.

    1.1.1 Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français

    Les 17 et 18 novembre 2011, un quart de siècle jour pour jour après son adoption, s’est tenu au pavillon Desmarais de l’Université d’Ottawa le Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français. Sous le thème, Des droits, des actions, un avenir, cet événement est né d’une collaboration entre la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, le Commissariat aux services en français, l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) et le Groupe Média TFO avec le soutien de l’Office des affaires francophones.

    Organisé autour de cinq panels, le colloque a suscité un débat d’idées et a permis d’avoir des échanges parfois musclés, mais toujours constructifs. S’adressant autant au grand public qu’aux chercheurs et aux juristes, il a remporté un franc succès et a réuni près de 200 représentants de divers horizons et domaines d’activités de la francophonie ontarienne pour discuter de droits linguistiques. D’ailleurs, les résumés des discussions des panels sont disponibles sur le site Internet du Commissariat.

    L’un des moments forts de ce colloque fut la lecture du Journal des débats de 1986 par les auteurs mêmes. Ainsi, l’honorable Bernard Grandmaître, docteur en droit, l’honorable Bob Rae et l’honorable Gilles Morin étaient sur place pour répéter devant tout l’auditoire, ce qu’ils avaient dit à l’Assemblée législative 25 ans auparavant jour pour jour, lors de l’adoption unanime de la Loi.

    Ce qui était frappant dans ces lectures, outre le côté fortement émotif de cette reconstruction historique, c’était que pour les acteurs de l’époque, cette loi n’était qu’une première étape visant à promouvoir et protéger les services en français, et non une fin en soi. Et c’est sans doute pourquoi l’honorable Bernard Grandmaître a justement invité les participants au colloque à considérer une révision régulière de la Loi, pour s’assurer qu’elle réponde toujours aux besoins et aux préoccupations de la population francophone et de la société en générale. L’idée est d’assurer la progression de cette loi si importante pour le développement de la communauté francophone de l’Ontario.

    1.1.2 Le pourquoi d’une telle loi

    Une loi sur les services en français propose non seulement un respect de notre histoire collective, c’est aussi une affirmation solennelle d’une vision d’avenir. En 2015, l’Ontario fêtera 400 ans de présence francophone sur son territoire. Cet héritage francophone fait partie de notre passé, tout comme celui des Premières nations, des Inuit et des Métis — ces derniers étant largement issus des premiers couples exogames du pays, soit ceux formés par les coureurs des bois francophones et les femmes autochtones. Le Canada a été fondé sur le respect de ce riche passé et sur la promesse que ce pays inviterait les gens du monde entier à venir s’installer chez nous, au sein de deux grandes sociétés d’accueil, au sein de deux grandes langues internationales, l’anglais et le français.

    Il ne faut pas s’y méprendre, le français est encore et toujours une langue d’attraction, parlée par plus de 220 millions de locuteurs à travers le monde réparti dans 75 états et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le français est aussi une langue en pleine éclosion, notamment sur le continent africain.

    Mais ici, sur un continent essentiellement hispanophone et anglophone, le français est parlé par quelque huit millions de personnes, dont un peu moins d’un million au Canada, à l’extérieur du Québec. Ces francophones du Canada vivent dans toutes les provinces et dans tous les territoires depuis plusieurs générations ou ce sont de nouveaux arrivants qui nous parviennent de partout sur la planète.

    Or, il est bien connu que l’un des facteurs important pour enrayer l’assimilation demeure la reconnaissance publique et formelle de la langue. La Loi sur les services en français a fait en sorte que le français devienne une langue publique et non plus une langue privée, comme le faisait remarquer le commissaire fédéral aux langues officielles, Graham Fraser9. Non pas que le français soit sorti du placard, mais après tant de décennies de luttes acharnées pour tantôt l’obtention d’une école, tantôt ester en justice en français, les lois linguistiques de la province ont permis cette reconnaissance publique qu’il est non seulement normal de parler et de vivre en français en Ontario, mais que cela est souhaitable pour l’enrichissement de l’ensemble de la société ontarienne.

    Et c’est aussi une question d’égalité. Dans le vrai sens du terme, celui reconnu par la Cour suprême du Canada. Il est ici question d’égalité réelle au lieu d’égalité formelle.

    En vertu du principe de l’égalité formelle, tout le monde est traité de façon identique. Malheureusement, une telle approche fait que certains groupes, souvent minoritaires, n’ont pas les mêmes chances de jouir de ce qui est facilement accessible à d’autres groupes, souvent majoritaires. Par exemple, selon les tenants de l’application de l’égalité formelle, tous les citoyens ont un accès égal au train. Or, s’il n’y a pas de rampes d’accès aux quais pour les personnes à mobilité réduite, ces personnes n’ont évidemment pas de chances réellement égales de prendre le train.

    D’où l’importance du concept d’égalité réelle, qui reconnaît que des mesures supplémentaires peuvent être nécessaires pour assurer une véritable égalité des chances. C’est le cas pour les francophones de l’Ontario qui, minoritaires, sont vulnérables à l’assimilation, au recul socio-économique, à l’érosion de leur patrimoine et à une multitude d’autres menaces, à moins que des mesures positives spécifiques soient prises pour leur assurer des chances réellement égales de préserver leur langue, leur culture et leur identité, bref leur intégrité.

    Les droits accordés par la Loi ne sont pas une négociation, une monnaie d’échange. D’abord et avant tout, la Loi est une reconnaissance législative et politique de la richesse du patrimoine franco-ontarien et de la participation active de cette population à l’enrichissement de la province. Et elle est un rappel historique à tous ces bâtisseurs et fermiers de l’Est, ces travailleurs du Sud et ces laboureurs, mineurs et défricheurs du Nord. Mais la Loi sur les services en français n’est pas seulement un retour sur le passé, elle se veut aussi le pari sur l’avenir d’une communauté qui en a encore long à dire.

     

    1.2 Indépendance du commissaire

    Revenons sur ce changement important en 2007, lorsque l’Assemblée législative a modifié la Loi sur les services en français pour créer le poste de commissaire et, par le fait même, le Commissariat aux services en français. C’était il y a cinq ans, à un moment où le législateur voulait donner un nouveau souffle à la mise en œuvre de la Loi pour assurer son plein respect, et surtout, voir à la réalisation de son double objectif mentionné précédemment, à savoir protéger la minorité francophone en Ontario et faire progresser le français en favorisant son égalité avec l’anglais. Ainsi, la création de ce poste a été largement perçue par la communauté franco-ontarienne comme un nécessaire pas en avant.

    Mais il y a aussi eu des critiques en 2007, dont celle de l’Opposition officielle qui, bien que contente de la nomination du titulaire actuel au poste de commissaire, dénonçait le fait que le commissaire relevait de la ministre déléguée aux Affaires francophones plutôt que de l’Assemblée législative, contrairement aux autres mandataires du Parlement. Selon cette critique, le processus manquait de transparence puisque l’on demandait à l’enquêteur de se rapporter directement à l’institution qui pouvait faire l’objet d’une enquête10.

    Par la suite, le Nouveau Parti démocratique en a fait un cheval de bataille, en déposant le projet de loi 193 en mai 2011, puis le projet de loi 49 en mars 2012 pour que le commissaire relève directement de l’Assemblée législative11. Cette question a également été soulevée lors de la campagne électorale précédant l’élection d’octobre 2011 et, à ce moment, le gouvernement n’a pas fermé la porte à la possibilité d’accorder une réelle indépendance au commissaire.

    Le commissaire a souvent été appelé à se prononcer sur cette question. Mais il n’a pas voulu partager son opinion jusqu’à maintenant, principalement pour éviter de se mêler d’un enjeu électoral. Toutefois, ce scrutin étant chose du passé, et après avoir discuté directement avec les représentants des trois partis de l’Assemblée législative, le commissaire estime qu’il est de son devoir de donner son avis au gouvernement, comme l’exige la Loi.

    Ainsi, l’actuel titulaire de cette fonction croit fermement que le poste de commissaire aux services en français devrait relever directement de l’Assemblée législative.

    Voici pourquoi :

    1) Non-ingérence politique

    Il importe de mettre les choses bien au clair. Le commissaire jouit, depuis les débuts de son mandat, d’une indépendance qui honore l‘actuelle ministre déléguée aux Affaires francophones. En effet, le commissaire s’est vu accorder l‘autonomie nécessaire pour créer son bureau, pour établir les limites de son mandat et pour toutes les autres activités du Commissariat.

    Cela dit, tout pourrait basculer sur le plan politique et administratif en remplaçant ne serait-ce qu’une seule personne, que ce soit la ministre déléguée aux Affaires francophones ou le commissaire actuel. Car ce poste exige de son titulaire d’avoir la capacité, la volonté et la fermeté nécessaire pour garder le cap sur une mise en œuvre efficace de la Loi sur les services en français. Il est important, voire essentiel, d’avoir les coudées franches. Et avoir les coudées franches signifie être en mesure d’agir en fonction de ses connaissances, de ses observations et de son indépendance d’esprit. Le fait que ce poste soit tributaire des aléas politiques du moment ne procure pas l’autonomie nécessaire au plein exercice des fonctions qui s’y rattachent.

    Nul besoin de chercher bien loin pour constater la fragilité d’un poste qui relève d’un ministre au lieu d’un Parlement ou d’une Assemblée législative. On se souviendra de l’épisode de Statistique Canada, l’an dernier, lorsque le ministre responsable de cette agence fédérale a tôt fait de rappeler à tous, y compris et surtout aux hauts dirigeants de cet organisme, qu’ils relevaient d’un ministre et qu’ils n’étaient justement pas indépendants, contrairement à ce que plusieurs croyaient depuis des décennies. Le statisticien en chef, rappelons-le, a dû alors démissionner.

    2) Implication des parlementaires

    La Loi sur les services en français est une loi quasi constitutionnelle. Cela veut dire que cette loi prime toutes les lois votées par l’Assemblée législative, outre les autres lois quasi constitutionnelles telles que la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée et le Code des droits de la personne. Ne serait-il pas alors normal que les parlementaires soient invités à participer activement à la mise en œuvre de la Loi sur les services en français — une loi si importante pour l’Ontario ?

    En effet, si le commissaire relevait directement de l’Assemblée législative, cela voudrait dire qu’il rendrait directement des comptes aux parlementaires qui l’auraient choisi au préalable. Ainsi, les parlementaires seraient à même de demander des comptes du commissaire et des autres intervenants clés, telles la ministre déléguée aux Affaires francophones et toute autre personne intéressée. Les membres de l’Assemblée législative ont voté unanimement l’adoption de la Loi sur les services en français il y a 25 ans déjà. Ne serait-il pas alors normal que les parlementaires puissent obtenir des mises à jour régulières sur la mise en œuvre de cette loi directement du commissaire?

    De plus, avoir un commissaire indépendant qui répond directement aux parlementaires aiderait grandement à conserver l’intérêt des fonctionnaires et hauts fonctionnaires pour le respect de la Loi. La raison en est simple : le commissaire ne serait plus « au service » du gouvernement, mais bien au service de l’ensemble des parlementaires, et donc, de la population ontarienne. Les messages du commissaire continueraient d’être entendus, non seulement par le gouvernement, mais aussi par les membres de la fonction publique chargés de son application quotidienne.

    3) Indépendance au niveau juridique

    En tant qu’organisme du gouvernement, et puisqu’il n’est pas indépendant, le Commissariat ne peut, en théorie, rechercher des avis juridiques externes, autres que ceux du Procureur général de l’Ontario.

    Les avocats du Procureur général sont formés pour émettre de solides opinions objectives et en respectant la règle de droit. Le commissaire a reçu de tels avis qui se sont avérés fort utiles.

    Cela dit, afin de dissiper toute perception d’une absence d’indépendance du commissaire face au gouvernement, y compris sur des questions d’ordre juridique, un protocole d’entente entre le bureau du Procureur général et le commissaire a été conclu afin de permettre à ce dernier de demander des avis juridiques externes pour tout ce qui touche l’interprétation de la Loi sur les services en français.

    Ce protocole d’entente, toutefois, n’est pas à toute épreuve. En effet, il pourrait être résilié à tout moment par l’une des parties, auquel cas, le commissaire ne pourrait plus demander d’avis juridiques externes et perdrait donc cette apparence d’agir de façon indépendante du gouvernement. Si le commissaire répondait directement à l’Assemblée législative, la situation serait bien différente puisque le commissaire posséderait toute la marge de manœuvre nécessaire pour demander des avis juridiques externes et indépendants.

    4) Imputabilité financière et capacité d’action

    Lorsqu’il y a des compressions généralisées au sein de l’administration publique, le budget du Commissariat n’est pas épargné : le Commissariat est traité comme tout autre organisme provincial, sans égard au caractère unique de son mandat ni à la taille modeste de son équipe (six personnes, y compris le commissaire).

    Qui plus est, le Commissariat est financièrement dépendant de l’Office des affaires francophones. Il s’agit peut-être d’un secret bien gardé, mais dans les faits, les fonds attribués au Commissariat ne sont qu’une ligne budgétaire dans le budget de l’Office des affaires francophones.

    En outre, le financement accordé au Commissariat est loin d’être outrancier, soit un peu moins de 900 000 $ annuellement. Concrètement, cela veut dire qu’une réduction des dépenses – aussi minime soit-elle – a un impact très réel. Cela peut représenter l’annulation d’un ou plusieurs rapports d’enquête ou l’élimination d’une étude spéciale que le Commissariat n’aurait plus les moyens d’entreprendre.

    Mais ce qui est plus inquiétant, c’est que le Commissariat n’est pas à l’abri de la volonté d’un gouvernement qui voudrait, par exemple, lui couper les vivres et miner sa capacité d’accomplir son mandat.

    S’il relevait de l’Assemblée législative, le Commissariat pourrait plaider sa propre cause en période de compression, et son financement serait à l’abri de décisions intempestives et partisanes. Par ailleurs, il n’aurait pas à passer par un autre organisme gouvernemental pour toucher ses fonds, ce qui ne pourrait être que bénéfique pour sa capacité d’action et son imputabilité en matière de gestion des deniers publics.

    5) Indépendance administrative

    Enfin, le Commissariat et son commissaire changent de ministère, sur le plan administratif, en fonction des autres responsabilités de la ministre déléguée aux Affaires francophones, tout comme l’Office des affaires francophones. Ainsi, lorsque la ministre déléguée était aussi ministre des Services sociaux et communautaires, l’Office et le Commissariat étaient administrativement jumelés avec ce ministère pour les questions de ressources humaines, de services informatiques, d’appuis concernant la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, et une foule d’autres détails de la vie quotidienne d’un bureau. Et au fil des ans, il se crée des liens, des contacts et des façons de faire qui facilitent la gestion des activités courantes, surtout pour un bureau aussi petit que celui du Commissariat, qui, souvent, est un peu oublié dans de grands ministères.

    Lors de l’assermentation du nouveau cabinet en décembre 2011, à la suite de l’élection, la titulaire du poste de ministre déléguée aux Affaires francophones est demeurée la même, sauf que cette dernière a quitté ses fonctions de ministre des Services sociaux et communautaires pour devenir ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Alors, du coup, tant l’Office des Affaires francophones que le Commissariat ont dû changer de ministère responsable. Il aura fallu donc reprendre le tout à zéro… encore une fois. La même chose s’était produite lorsque la ministre déléguée était auparavant la ministre de la Culture.

    Pour tous ces motifs, le commissaire est d’avis qu’une modification à la Loi sur les services en français est nécessaire :

     

    Recommandation 1

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones qu’une modification à la Loi sur les services en français soit proposée d’ici au 31 mars 2013 pour que le commissaire se rapporte directement à l’Assemblée législative.

     

    1.3 Désignation d’organismes

    1.3.1 Avantages, processus et suivis

    a. Avantages d’une désignation

    La désignation d’un organisme est synonyme d’engagement et de reconnaissance formelle de sa capacité à offrir des services en français. Ce n’est pas un but en soi, mais un moyen pour garantir une offre active et permanente des services en français sur le terrain pour répondre aux besoins spécifiques de la population desservie.

    En effet, la désignation permet aux organismes de bénéficier d’une protection juridique et politique en vertu de la Loi sur les services en français. Un organisme ou un programme désigné offre à son fournisseur une immunité juridique qui le met à l’abri des aléas conjoncturels et politiques du moment. L’Hôpital Montfort constitue l’exemple le plus éloquent de cet avantage qui a permis d’éviter sa fermeture et son démantèlement justement parce qu’il était désigné.

    « La demande de désignation, qui est issue d’une décision courageuse de la part du conseil d’administration, est avant tout un geste politique éminemment important. Le statut d’institution désignée confère une double reconnaissance, soit sociopolitique et publique, tout en entraînant une certaine notoriété. Naturellement, la désignation sert de bouclier politique et juridique en offrant une protection quasi constitutionnelle contre une éventuelle réduction ou suppression de programmes et services. Enfin, la désignation a l’avantage de favoriser une stabilité budgétaire. C’est indéniable12» – Denis Hubert-Dutrisac, Sudbury

    b. Exigences et impacts sur le terrain

    En 2011, six organismes financés par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée et le ministère des Services sociaux et communautaires ainsi que par le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse ont été nouvellement désignés en vertu de la Loi sur les services en français portant ainsi à 222 le nombre total d’organismes désignés. Au cours de cette même année, la désignation de cinq organismes déjà désignés a été élargie de manière à inclure les services offerts pour le compte des ministères susmentionnés et du ministère de la Formation et des Collèges et Universités.

    Les organismes désignés offrent des services variés en français, comme les services de soutien aux enfants et à la jeunesse, les services d’aide aux femmes victimes de violence et, bien sûr, des soins médicaux. Il importe de rappeler également que cette désignation, qui vise à protéger les services en français au sein d’un établissement, est totalement volontaire de la part de l’organisme bien que rien dans la Loi ne prescrit ce principe de volontarisme.

    Pour être partiellement ou totalement désigné comme prévoit la Loi13, un organisme doit répondre aux quatre conditions suivantes14 :

    • Offrir de façon permanente des services en français de qualité;
    • Garantir l’accessibilité des services en français;
    • Disposer d’une représentation de francophones au sein de son conseil d’administration et de sa direction; et
    • Avoir établi une politique écrite de services en français, adoptée par son conseil d’administration, qui décrit les futures responsabilités de l’organisme.

    Ces critères peuvent paraître techniques et abstraits. Toutefois, leur respect et leur mise en œuvre ont une incidence directe et concrète sur la vie quotidienne des citoyens francophones. Ainsi, lorsqu’un organisme désigné adopte une politique écrite d’offre active sur les services en français, les communications à l’intention du public doivent être disponibles dans les deux langues simultanément. Il en est de même pour l’affichage et l’information destinée au grand public ou aux clients de l’organisme. Le citoyen francophone a donc accès en tout temps à des services en français de qualité offerts par les spécialistes de l’organisme. De plus, l’organisme désigné planifie et gère ses ressources humaines de manière à recruter et retenir du personnel bilingue assurant ainsi une permanence des services en français tout au long des heures d’ouverture de l’établissement.

    Le critère de la représentation de francophones au sein du conseil d’administration et de la direction de l’organisme désigné est tout aussi vital. Souvent bénévoles, les membres d’un conseil d’administration sont issus du secteur public, privé ou encore du milieu syndical. Ils représentent et parlent au nom de la communauté. C’est au sein de cette instance que les décisions importantes qui engagent l’organisme sont souvent prises. De fait, le conseil est responsable du fonctionnement de son organisme et établit les priorités à respecter pour répondre aux besoins de ses clients. Une représentation adéquate des francophones est donc plus que nécessaire : elle est primordiale afin que les besoins spécifiques de la clientèle de l’organisme soient pris en compte.

    En outre, la présence des francophones au sein du conseil d’administration et de la direction facilite le dialogue qui pourra se tenir désormais directement avec les membres de la communauté, sans l’aide d’un intermédiaire, pour discuter de leurs priorités par rapport à celles de l’organisme.

    Enfin, il importe de rappeler que c’est la direction qui soumet les recommandations au nom de l’organisme à son conseil d’administration. Et incontestablement, le fait de compter des francophones au sein de la direction permet de mesurer l’impact sur la communauté et assure la prise en compte de ses besoins pour l’élaboration de tous nouveaux programmes et services.

    c. Processus

    Une fois ces conditions réunies, l’organisme candidat à la désignation entreprend ses démarches en vue de formuler sa demande. Il existe plusieurs étapes à suivre dans ce processus. Premièrement, le conseil d’administration de l’organisme doit adopter une résolution reconnaissant sa volonté de déposer une demande de désignation afin de devenir un fournisseur de services en français. Ensuite, l’institution doit déposer sa demande auprès du coordonnateur des services en français du ministère chargé de son financement. Le coordonnateur ou son délégataire travaille avec l’organisme candidat pour préparer les documents qui devront accompagner la demande de désignation, en se fondant sur des formulaires de demande d’évaluation qui varient d’un ministère à l’autre. Une fois le dossier examiné et approuvé par le sous-ministre, la requête de désignation est acheminée à l’Office des affaires francophones, qui l’analyse et s’assure qu’elle répond aux critères de désignation de l’Office.

    Une nouvelle étape est franchie lorsque l’Office recommande la désignation à la ministre déléguée aux Affaires francophones. Après quoi, le Comité des lois et règlements et le Conseil des ministres doivent donner leurs accords pour voir cette demande confirmée par voie règlementaire.

    Une fois le processus achevé, le lieutenant-gouverneur en conseil a le pouvoir de désigner un organisme « offrant des services publics, aux fins de la définition du terme “organisme gouvernemental”15 ». Ainsi, bien que la demande de désignation soit volontaire, une fois la désignation accordée, c’est le gouvernement qui envoie le message, par voie de règlement, que ces services en français déjà offerts sont importants, nécessaires et permanents.

    La remise d’un certificat attestant le statut d’organisme désigné en vertu de la Loi sur les services en français couronne ce processus, qui peut s’échelonner sur plus d’un an. Ce délai, jugé trop long par certains intervenants, s’explique en partie par le fait que la demande de désignation doit passer entre différentes mains et étapes avant d’aboutir. Cependant, cette période d’attente n’est pas la seule lacune qui mérite d’être corrigée dans ce processus.

    d. Des lacunes à corriger

    Les organismes désignés sont tenus d’offrir des services en français de qualité au même titre que les ministères et organismes gouvernementaux, et doivent disposer de politiques et de procédures visant à gérer les plaintes en ce qui concerne la prestation de ces services.

    À titre d’exemple, en vertu des ententes de responsabilisation en matière de service conclues avec les réseaux locaux d’intégration des services de santé, communément appelés RLISS, les organismes désignés dans le secteur de la santé doivent présenter aux RLISS un rapport sur leurs services en français afin d’évaluer les progrès dans la mise en œuvre des services en français et en identifier les possibles lacunes16. Mais, idéalement ce document devrait être partagé avec les nouvelles entités de planification des services de santé en français et mis à la disposition du public (voir encadré).

    Les entités

    Les entités de planification des services de santé en français ont été créées par le gouvernement de l’Ontario par voie d’un règlement pris en application de l’article 16 de la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local. Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2010 et a permis au gouvernement de nommer six entités à travers la province. La création de ces entités figurait au nombre des recommandations du commissaire dans son rapport spécial sur la planification des services de santé en français publié en mai 2009.

    Le rôle des entités est de conseiller les RLISS sur les méthodes d’engagement de la collectivité francophone dans la région; les besoins et priorités de la collectivité francophone de la région en matière de santé; les services de santé mis à la disposition de la collectivité francophone de la région; l’identification et la désignation des fournisseurs de services de santé relativement à la prestation des services de santé en français dans la région; les stratégies visant à améliorer l’accès, l’accessibilité et l’intégration des services de santé en français au sein du réseau de santé local; et la planification et l’intégration des services de santé dans la région.

    Les RLISS sont tenus par la Loi sur l’intégration du système de santé local de tenir compte des recommandations des entités.

     

    Le commissaire appuie cette approche de responsabilisation des organismes désignés et recommande aux citoyens d’adresser leurs plaintes directement à ces derniers. Cependant, les plaintes peuvent aussi être acheminées au Commissariat, qui pourra poser des questions d’ordre systémique à l’institution visée.

    En effet, une fois désigné, l’organisme tombe sous la compétence du commissaire, qui pourra enquêter en cas de manquement à la Loi en ce qui a trait à la disponibilité et l’accessibilité de services en français. Mais selon le processus actuel, ces nouveaux fournisseurs de services ne feront l’objet d’aucun suivi ni d’évaluation continue de la part du gouvernement.

    Ainsi, bien que certains organismes aient été désignés il y a fort longtemps, depuis la création des RLISS, ils ne font l’objet d’aucune évaluation postdésignation pour s’assurer qu’ils se conforment aux conditions qui découlent de leur statut de fournisseurs de services publics en français.

    Certes, le gouvernement encourage les organismes désignés à soumettre à l’Office un rapport d’auto-évaluation trisannuel pour vérifier s’ils répondent toujours aux critères de désignation et s’ils intègrent la prestation des services en français dans l’élaboration de leurs programmes et services. Cependant, très peu d’organismes produisent spontanément de tels rapports, et il est rare que les ministères en fassent la demande.

    De plus, il est essentiel de souligner que cette tâche peut s’avérer pénible étant donné que les ministères n’ont pas toujours la même grille d’analyse ni les mêmes critères de désignation comme cela a été mentionné précédemment. Cette absence d’interprétation commune mérite aussi d’être corrigée.

    Le critère de la représentativité des francophones tant au conseil d’administration qu’à la direction d’organismes désignés illustre parfaitement cette situation.

    Selon l’Office des affaires francophones, les critères de désignation des organismes n’abordent pas la représentativité francophone au sein des conseils d’administration. Pour leur part, les ministères ont pour pratique, lorsqu’ils analysent les demandes de désignation, de s’assurer que les francophones sont suffisamment représentés dans les conseils d’administration. Mais qui est considéré comme étant francophone pour un organisme désigné? Combien de francophones doivent siéger à ces conseils et à quelle proportion? Et enfin, la représentativité varie-t-elle en fonction du poids démographique, du type de services offerts ou de la portée de la désignation? Il n’existe aucun consensus quant aux réponses à ces questions et cette absence de consensus ajoute à la confusion.

    La question à savoir qui est un francophone aux fins de représentativité fait présentement l’objet d’un débat. Pour le commissaire, il importe de ne pas considérer l’individu sur un plan statistique, mais plutôt sur un plan humain. Si une personne souhaitant être membre d’un conseil d’administration se déclare francophone, c’est ultimement son choix personnel. Cela dit, n’importe quelle nomination au sein d’un conseil d’administration doit faire l’objet d’une recherche d’un sous-comité du conseil, à savoir un comité de mises en candidatures. C’est aux membres de ce sous-comité de poser des questions au candidat ou de mener sa propre recherche — comme c’est si souvent le cas en pratique — sur une foule de questions et de sujets, dont la capacité langagière et l’appartenance à la communauté. Il ne serait pas utile de poser ici des questions comme celles posées lors du recensement mené par Statistique Canada. Ces données sont utilisées strictement sur un plan statistique et elles sont complexes à analyser. Elles ne peuvent être apposées à des individus en particulier.

    Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée a adopté une formule pragmatique pour respecter la représentativité francophone. Selon cette formule, au moins un membre francophone doit siéger au sein d’un conseil d’administration qui compte moins de 10 membres alors que s’il y a plus de 10 membres, un minimum de deux membres francophones est exigé. Cette formule prévoit également que la représentativité francophone soit au moins proportionnelle au poids démographique dans une région à forte concentration francophone.

    Le commissaire considère qu’un organisme désigné doit disposer d’une représentation minimale de francophones au sein de son conseil d’administration et de sa direction. La formule élaborée et mise en vigueur dans le secteur de la santé a l’avantage d’être éprouvée sur le terrain depuis près de deux décennies. Elle constitue, donc, une pratique exemplaire qui devrait être imitée par d’autres secteurs.

    Au-delà du pourcentage de francophones à inclure dans chaque direction ou conseil d’administration, le commissaire considère que la représentativité francophone doit avant tout reposer sur l’identification à sa région, le degré de sensibilité, de connaissance des défis et des besoins spécifiques propres à la communauté dont on souhaite défendre les intérêts.

    Cependant, une fois leur certificat de désignation en poche, il arrive que certains organismes évoquent l’argument de la flexibilité pour se dérober à leur obligation quant à la représentation de francophones. Et malheureusement, cela peut parfois se traduire par une sous-représentation des francophones dans les conseils d’administration des organismes pourtant situées dans des régions à forte concentration francophone.

    Le Commissariat a effectivement été interpellé dans le cas d’un hôpital désigné situé dans la région de l’Est concernant un changement important à son règlement administratif régissant son conseil d’administration. Cet hôpital ne respectait pas le critère de la représentativité francophone du ministère de la Santé et des Soins de longue durée précisant un nombre de francophones proportionnel à leur poids démographique dans cette région.

    Pourtant, le ministère a informé le Commissariat que l’établissement en cause avait été évalué en 2005 et qu’à l’époque le ministère s’était dit satisfait de la représentation francophone au sein de son conseil d’administration. Le cas de cet hôpital est tout sauf anecdotique quant à l’absence de processus d’évaluation continue et obligatoire des organismes désignés.

    De plus, le ministère a indiqué son intention d’harmoniser ses critères avec celles de l’Office. Autant dire que si cela se produisait, il s’agirait d’un nivellement vers le bas.

    En outre, il importe de souligner que ces critères, bien qu’exigés par l’Office des affaires francophones et respectés par les organismes candidats, n’apparaissent nulle part dans la Loi ni dans ses règlements, et pas même dans une directive ou politique gouvernementale — d’où l’importance de rendre formels et uniformes un processus et des critères qui ne le sont pas.

    Par ailleurs, lorsqu’un organisme désigné fusionne avec un autre non désigné, les services et programmes qui ont fait I’objet de la désignation ne doivent subir aucun changement quant à la prestation des services en français. Le ministère de tutelle doit soumettre à l’Office des affaires francophones une demande de modification du règlement afin de mieux refléter le nom du nouvel organisme fusionné et mettre à jour le répertoire des services fournis, le cas échéant. Ainsi, pour le commissaire, aucune fusion entre un organisme désigné et une institution non désignée ne devrait être envisagée sans que le nouvel établissement né de ce mariage ne conserve tous les services et programmes désignés au préalable.

    Dans le cas de l’hôpital communautaire de Cornwall, née d’une fusion entre deux établissements de santé, dont celle de l’hôpital Hôtel-Dieu, c’est précisément ce qui est arrivé. Et étant donné que l’hôpital Hôtel-Dieu était désigné sous la Loi sur les services en français, le nouveau centre hospitalier n’avait d’autre choix que de demander la désignation sous la Loi à son tour. D’avoir fait autrement aurait été désastreux pour la communauté francophone et surtout, illégal en vertu de la Loi et inconstitutionnel en vertu des principes non écrits de la Constitution canadienne, comme l’a démontré l’affaire de l’hôpital Montfort.

    Enfin, bien que la Loi prévoie la désignation d’organismes, l’absence d’un processus formel et transparent à suivre et la non-existence de mécanismes d’imputabilité et d’évaluation postdésignation obligatoire et indépendante rendent la demande de désignation floue et opaque aux yeux de bon nombre d’intervenants francophones et du grand public.

     

    Recommandation 2

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones d’établir une directive obligatoire sur le processus de désignation des organismes en vertu de la Loi sur les services en français, après avoir dûment consulté des représentants de la communauté et des organismes désignés. Cette directive devrait être mise en place pour l’année 2013-2014 et devrait inclure :

    a) Des critères de désignation harmonisés qui prévoient, notamment, une représentation minimale de francophones au sein de leur conseil d’administration et de leur direction;

    b) Des mécanismes d’imputabilité transparents et accessibles au public;

    c) Un mécanisme de résolution de plaintes mis à la disposition des usagers des services;

    d) Une évaluation trisannuelle obligatoire et indépendante basée sur l’ensemble des critères de désignation, y compris celui de la gouvernance; cette évaluation devra aussi comprendre des mesures correctives si nécessaires.

     

    e) Différences entre organismes désignés et organismes identifiés

    La grande différence entre des organismes désignés sous la Loi sur les services en français et les organismes identifiés pour offrir des services en français, c’est que dans le cas d’organismes désignés — entièrement ou partiellement —, la désignation est non seulement un acte volontaire de la part de ces organismes, mais aussi un engagement concret d’appartenance à la communauté francophone. Il s’agit donc d’un engagement bien réel à maintenir des services en français de grande qualité, peu importe les circonstances ou le passage des années.

    L’expression « organismes identifiés » ne se retrouve pas dans la Loi. Elle se réfère, plutôt, au processus utilisé par un ministère ou un organisme gouvernemental pour identifier un fournisseur de services qui devra dispenser les services en français dans une région donnée pour assurer, par exemple, d’avoir en place un continuum de soins de santé en français.

    Cela dit, le commissaire note qu’un certain laxisme se fait sentir lorsqu’un ministère se fait questionner concernant des manquements aux services en français. En effet, trop souvent, certains ministères se cachent derrière l’écran de la non-désignation des fournisseurs de services pour ne pas obliger ces derniers à se doter de politiques de ressources humaines qui permettraient d’offrir des services en français adéquats. Selon le commissaire, cela est inacceptable, car après tout, il revient au gouvernement de s’assurer que les services en français soient disponibles. Et même si le gouvernement choisit d’offrir ses services par l’entremise d’une tierce partie, ses obligations ne disparaissent pas pour autant. Enfin, lorsqu’on invoque le fait que ces fournisseurs sont des organismes indépendants du gouvernement et que seul le résultat en matière de services en français compte, le commissaire tient à réagir. Bien qu’il soit d’accord avec cet énoncé, le commissaire est d’avis qu’il n’en demeure pas moins que la désignation devrait être promue plus activement par le gouvernement, les ministères et les autres organismes gouvernementaux. Après tout, lors de l’adoption de la Loi en 1986, c’était clairement l’intention recherchée17.

    Ainsi, plus particulièrement dans le domaine de la santé, l’identification des organismes met fin à la notion de volontarisme. L’identification sert alors de préliminaire à la désignation, sans quoi, l’institution desservant la communauté pour le compte du gouvernement n’agira qu’en fonction du nouveau règlement sur les tierces parties (voir section 1.5).

    Maintenant que ce nouveau règlement sur les tierces parties a été adopté, le commissaire espère que ce laxisme cessera. Qui plus est, comme la majorité des organismes identifiés œuvrent dans le domaine de la santé, il sera important de voir comment les nouvelles entités de planification de services de santé en français feront leur travail d’évaluation et de conseils auprès des RLISS en ce qui a trait à l’ensemble des fournisseurs de services de santé en français, qu’ils soient désignés ou identifiés. C’est d’ailleurs pour cette raison que le commissaire gardera un œil intéressé, au cours des prochaines années, sur toute la question des services en français offerts par des organismes identifiés, car la progression vers l’obtention du statut de désignation sous la Loi est inévitable.

    1.3.2 Désignation d’établissements postsecondaires

    C’est en mai 2008 que le Collège Boréal est devenu la toute première institution de formation postsecondaire à obtenir la désignation sous la Loi sur les services en français. Dans son rapport annuel 2008-2009, le commissaire avait souligné cet événement dans son chapitre portant sur les pratiques exemplaires. « Par cette mesure, le gouvernement de l’Ontario reconnaît légalement les efforts du Collège Boréal, destiné à desservir adéquatement la communauté francophone pour les années à venir18. »

    Pour le commissaire, il était clair que ce geste précurseur du Collège Boréal ne devait pas en rester là. En effet, dès mars 2010, le commissaire a discuté de désignation avec le recteur de l’Université d’Ottawa. Cette université songeait déjà à la question à la suite des efforts du Groupe de travail sur les programmes et services en français. Et au Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français, la question de l’obtention de la désignation de la part d’institutions comme l’Université d’Ottawa, l’Université Laurentienne, l’Université de Hearst, l’Université de Sudbury ainsi que La Cité collégiale est devenue un enjeu public important pour la communauté. Et avec raison. Il est entendu que le commissaire souhaite que ces institutions obtiennent le statut d’organismes désignés, même partiellement. Cela permettrait aux francophones de jouir non seulement d’une garantie de services en français, mais aussi d’un mécanisme pour s’assurer qu’ils participent activement à la gouvernance de ces institutions.

    Il n’empêche que de nombreuses questions — au demeurant, totalement légitimes — somment ces établissements à trouver des réponses satisfaisantes. C’est la raison pour laquelle le commissaire a entrepris des discussions auprès de chacune de ces institutions afin de tenter d’apporter, au meilleur de sa connaissance, des éléments de réponses.

    Parmi les questions qui ont été discutées, une première série portait sur les effets d’une désignation sur l’offre de programmes et de cours. Par exemple, il est normal dans la vie d’une université que des programmes soient créés pour répondre à de nouveaux besoins, et que d’autres soient abolis lorsqu’ils n’attirent plus d’étudiants ou qu’ils ont perdu leur raison d’être. Il a aussi été question des effets de la Loi sur la liberté universitaire et l’indépendance, l’une des caractéristiques fondamentales des universités.

    Ces discussions doivent maintenant se poursuivre avec le gouvernement, car, en fin de compte, c’est lui qui accordera ou non le statut de désignation sous la Loi. Entre-temps, le commissaire s’est engagé à continuer le dialogue entamé et a même proposé qu’en parallèle à une demande de désignation l’on travaille à l’élaboration d’un protocole d’entente entre le Commissariat et chacune de ces institutions afin de jeter sur papier les balises et paramètres d’une intervention éventuelle du commissaire en cas de plaintes — le tout, dans le plein respect de l’esprit et de la lettre de la Loi. Enfin, au 31 mars 2012, seule l’Université de Hearst avait signifié publiquement son intention de soumettre une demande de désignation auprès du gouvernement.

     

    1.4 Désognation de régions

    Comme mentionné au début de ce chapitre, c’est la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, soit la commission Laurendeau-Dunton, qui a entamé les premières discussions au pays autour du concept de « districts bilingues » à la fin des années 60. La Commission souhaitait une véritable intégration des services fédéraux, provinciaux et municipaux dans les deux langues officielles dans certaines régions au pays19. Des considérations politiques et constitutionnelles ont fait en sorte que ce concept n’a pas été repris immédiatement.

    Toutefois, en 1972 les premières régions désignées furent créées en Ontario en vertu d’une politique gouvernementale relative à la prestation de services en français. Cette politique exigeait que toutes les communications avec le public — qu’elles soient écrites ou orales — se fassent dans les deux langues.

    Cependant, ce n’est qu’en adoptant la Loi sur les services en français en novembre 1986 que l’Assemblée législative de l’Ontario légifère sur la question et désigne officiellement 22 régions. La Loi accorde à l’administration publique provinciale une période de grâce de trois ans pour se préparer à offrir des services en français dans ces territoires bien définis.

    Aujourd’hui, près de 85 % des francophones de la province vivent dans une des régions désignées, qui sont aujourd’hui au nombre de 2520. Mais il importe de noter que ce ne sont pas tous les bureaux des ministères et autres organismes gouvernementaux situés à l’intérieur d’une région désignée sous la Loi qui doivent offrir des services dans les deux langues. Il appartient au gouvernement de désigner un ou plusieurs bureaux qui offriront les services en question, le test de la Loi étant que les citoyens doivent avoir un accès raisonnable au service en français.

     

    Les avantages de la désignation d’une région

    « La toute première raison de demander l’obtention d’une désignation pour une région est de briser l’isolement. C’est aussi une question d’équité pour la communauté francophone.

    La désignation offre une accessibilité aux services en français permanente et non par chance. Elle permet de mettre en valeur les capacités bilingues des employés. Enfin, il s’agit d’une reconnaissance, tant sur le plan individuel que collectif.

    Avec une désignation, les individus d’une région qui ne croyaient plus en la francophonie se sentent aujourd’hui interpellés en s’affirmant et en cherchant à vivre en français au quotidien. » – Jeannine Proulx, ancienne directrice générale de l’ACFO-Mille-Îles qui a joué un rôle clé dans la désignation de la région de Kingston

     

    a. Exigences et processus

    Bien qu’elle ne définisse pas les critères à respecter, la Loi permet d’ajouter de nouvelles régions à cette liste. Jusqu’à l’ajout de la 25e région, le gouvernement a toujours retenu un critère d’ordre statistique pour désigner une nouvelle région. Ce critère indique que le centre urbain de la région candidate doit abriter 5 000 francophones ou compter 10 % de francophones parmi sa population totale.

    L’Office des Affaires francophones se base sur le recensement quinquennal de la population de Statistique Canada pour déterminer si de nouvelles régions répondent au critère de désignation. Toutefois, presque toutes les régions qui sont désignées aujourd’hui l’ont été lors de l’adoption de la Loi en 1986 et seules trois nouvelles se sont ajoutées depuis, alors que trois autres ont déposé leurs dossiers de candidature, soit Waterloo, Niagara et Durham.

    En effet, le processus débute avec l’envoi de la demande à l’Office qui effectue une série d’analyses21. La première des analyses est naturellement d’ordre statistique, suivie par un examen sur les implications opérationnelles et financières des ressources des ministères concernés dans la région candidate. Ensuite, l’Office doit formuler une recommandation à la ministre déléguée aux Affaires francophones qui soumet le dossier au conseil des ministres. Lorsque ce dernier l’approuve, le règlement est publié dans la Gazette de l’Ontario après la signature par le lieutenant-gouverneur.

    b. Des critères en évolution

    La cité de Kingston constitue un précédent dans ce processus. Dernière des régions désignées, Kingston ne répondait pas aux seuls critères démographiques basés sur le Recensement de 2001 de Statistique Canada.

    Toutefois, la volonté de la communauté, son engagement et son dynamisme ont joué un rôle déterminant dans la décision gouvernementale de lui accorder la désignation. C’est la notion de « soutien communautaire » qui s’ajoute alors au critère statistique et qui est désormais prise en compte dans toute nouvelle demande de désignation. Un nouveau cadre de référence a donc été proposé par l’Office des affaires francophones afin d’expliquer cette nouvelle approche.

    Essentiellement, la nouvelle grille d’analyse démontre que le projet doit mobiliser la communauté dans son ensemble afin de convaincre le gouvernement de la pertinence et de la solidité du dossier.

    Et bien que ce critère ne soit pas encore adopté officiellement, les promoteurs de la désignation doivent dorénavant obtenir une lettre d’appui de la part de députés provinciaux de la région visée. De plus, il est désormais souhaitable que les soumissions comprennent aussi des lettres de soutien des leaders francophones, des organismes francophones de la région, des entreprises privées ou encore des conseils scolaires.

    Parallèlement à ce nouvel effort demandé à la communauté, l’Office développera une campagne de communication publique au niveau local, en offrant, notamment, des sessions d’information aux députés provinciaux de l’endroit.

    Enfin, la population disposera d’un maximum de 60 jours pour donner ses commentaires et rétroactions après l’approbation de la demande par la ministre.

    Le commissaire voit de très bon œil ces nouveaux critères d’évaluation pour les demandes de désignation d’une région. Selon lui, de reconnaître le soutien communautaire comme un facteur déterminant pour bénéficier de la désignation va sans aucun doute permettre à certaines localités de s’organiser et de se souder afin de construire un projet commun.

    En effet, désigner une région n’est pas seulement un acte politique, juridique ou encore administratif. La désignation d’une région apporte une véritable bouffée d’air frais aux francophones et contribue à l’épanouissement de la communauté qui voit, dans cette désignation, sa langue valorisée et reconnue publiquement.

    La désignation pérennise la prestation des services en français qui ne dépendra plus de la bonne volonté de la personne assise derrière un guichet. Cette disponibilité permanente oblige ses fournisseurs d’améliorer la qualité de leurs services. De plus, c’est un moyen de contrer l’assimilation et de renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté vibrante qui bénéficie désormais du même accès aux services gouvernementaux que la majorité.

     

    1.5 Tierces parties

    Depuis le dépôt de son tout premier rapport annuel en mai 2008, le commissaire n’a pas perdu de temps pour recommander au gouvernement provincial de se doter d’un règlement confirmant et précisant ce que la Loi prévoit déjà, à savoir que lorsqu’un ministère ou organisme gouvernemental utilise une tierce partie pour offrir au public ses services, les obligations en matière de prestation de services en français doivent suivre.

    L’an dernier, le gouvernement a enfin agi dans ce dossier, et en juin 2011, a adopté un nouveau règlement concernant les services offerts par de tierces parties pour le compte des ministères et autres organismes gouvernementaux. Le commissaire, par voie d’un communiqué22, s’est déclaré être profondément satisfait de l’adoption de ce règlement. Ce dernier, qui a fait l’objet d’une recommandation du commissaire à deux reprises, vise à protéger les services en français et se veut un rappel à l’ordre pour l’ensemble de l’appareil gouvernemental.

    Le nouveau Règlement de l’Ontario 284/11 Prestation de services en français pour le compte d’organismes gouvernementaux comprend également des dispositions qui font de l’offre active un principe fondamental que devront désormais respecter les tierces parties qui fournissent des services d’organismes gouvernementaux.

    Après l’annonce gouvernementale le 24 juin 2011, le commissaire a déclaré, « Avec ce geste important, le gouvernement pose une pierre de plus dans l’édifice des droits linguistiques des francophones en Ontario. De plus, avec ce cadre règlementaire, le gouvernement apporte son soutien concret au principe de l’offre active des services en français. »

    Pour sa part, le lendemain, le journal Le Droit a formellement qualifié la décision du gouvernement de « courageuse » :

    « Fini les échappatoires, les prétentions, les excuses : tous ceux qui offrent des services au nom du Gouvernement de l’Ontario seront dorénavant tenus à la même rigueur linguistique que le gouvernement lui-même. Ce n’est pas parce qu’un service provincial a été confié à une agence paragouvernementale, à une municipalité ou à une société privée que les obligations juridiques quant aux services en français s’évaporent ; au contraire, le même lien de responsabilité est engagé de facto23» – Pierre Jury, éditorialiste, Le Droit

    Le gouvernement a donc enfin un nouveau règlement qui est entré en vigueur le 1er juillet 2011 pour tout nouveau contrat avec des fournisseurs tiers, à la grande satisfaction du commissaire. Le commissaire apprécie également le sérieux que le gouvernement a démontré — plus particulièrement l’Office des affaires francophones — pour aider les organismes gouvernementaux à mieux comprendre les dispositions de ce dernier. En outre, l’Office a organisé un forum d’information qui a attiré plus de 100 personnes.

    Pour les contrats existants, le règlement prévoit une période de trois ans (soit la date butoir du 1er juillet 2014) pour s’y conformer. Encore une fois, c’est l’Office qui a pris les devants dans ce dossier, en formant, en août 2011, un Comité directeur des directeurs généraux administratifs et un Groupe de travail interministériel sur les politiques pour revoir l’ensemble des ententes existantes avec les fournisseurs tiers. Selon l’Office, ce modèle de gouvernance veillera à ce qu’une approche coordonnée soit élaborée et mise en place au niveau ministériel aux fins de la mise en œuvre du règlement, et à ce que les ressources, les processus et les pratiques des services en français applicables qui existent déjà puissent être mis à profit de façon stratégique.

    Le commissaire salue ces initiatives qui permettront sans aucun doute d’aplanir certaines difficultés de mise en œuvre de ce règlement. Par exemple, il faudra veiller à ce qu’une interprétation juridique moderne du règlement — fondée sur une approche en fonction de l’objet de la Loi — soit clairement comprise par tous les ministères et organismes gouvernementaux afin de prévenir l’émergence de nouvelles échappatoires. Nul ne doute qu’au cours des prochaines années, le dialogue se poursuivra quant aux objectifs poursuivis, mais pour l’instant, l’heure est à la célébration. Et avec les retombées du rapport Drummond et les suites au dépôt du Budget de l’Ontario 2012, un tel règlement devient encore plus pertinent et rassurant.

     

    1.6 Structures et processus pour appuyer la Loi

    Au cours des cinq premières années de son mandat, le commissaire n’a pas craint de jeter un regard critique sur les structures et processus instaurés par la Loi sur les services en français pour appuyer la mise en œuvre des services en français au sein du gouvernement de l’Ontario. Naturellement, on parle ici principalement de l’Office des affaires francophones et des coordonnateurs des services en français. Et le commissaire a fait plusieurs recommandations destinées à améliorer la fluidité et l’efficience de la prise de décisions concernant l’exécution de ces services. Plusieurs ont été appliquées, d’autres pas.

    Quoi qu’il en soit, le commissaire ne capitule pour autant, et revient à la charge sur deux points importants :

    Premièrement, le commissaire estime que coordonnateurs des services en français — ainsi que les chefs de groupement — jouent un rôle capital au sein du gouvernement et que leur rôle doit être révisé dans une optique habilitante.

    Deuxièmement, le commissaire est croit fermement que l’Office des affaires francophones doit pouvoir pleinement s’acquitter du mandat que lui confère la Loi.

    En octobre 2004, le gouvernement a reçu un rapport définitif d’un cabinet de recherche indépendant chargé d’évaluer les structures et processus liés aux services gouvernementaux en français. Ce rapport étoffé et sérieux a permis de lever le voile sur divers problèmes importants reliés au respect de la Loi en matière de structures et de processus de mise en œuvre. De fait, le rapport a débouché sur une quinzaine de recommandations, dont plusieurs ont fait l’objet d’un suivi alors que d’autres sont restées lettre morte. Ces recommandations portaient tantôt sur le statut, les rôles et les responsabilités des coordonnateurs des services en français au sein du gouvernement, tantôt sur la façon dont on pense et livre les services en français au public ou sur d’autres aspects de la mise en œuvre de la Loi tous aussi pertinents les uns que les autres.

    Parfois, il s’avère utile de recourir à une société de recherche externe et indépendante pour s’assurer que les objectifs législatifs sont atteints et que la volonté du législateur est respectée. À l’époque, l’Office des affaires francophones avait jugé bon — et avec raison — de procéder à une telle évaluation. Presque dix ans plus tard, le commissaire croit qu’une nouvelle évaluation est de mise.

    Il importe de préciser que l’évaluation de 2004 était interministérielle : ont donc été passés au crible non seulement l’Office des affaires francophones, mais aussi la gestion interne des mémoires au Cabinet, les rôles et responsabilités des coordonnateurs des services en français des ministères, ainsi que les liens organisationnels entre le développement de services en français et leur prestation.

    Une nouvelle évaluation serait d’autant plus pertinente que le gouvernement s’apprête à opérer des changements importants dans ses modes de prestation de services à la population en faisant davantage appel au secteur privé. Eu égard au nouveau règlement sur les tierces parties, qui confirme les obligations de tous les ministères et autres organismes gouvernementaux de voir au maintien de la qualité des services en français, il est on ne peut plus opportun de s’assurer qu’existe la structure organisationnelle nécessaire à une prestation des services en français axée sur des résultats tangibles et mesurables, comme le concluait l’évaluation de 2004.

    Qui plus est, le commissaire est d’avis que le Commissariat devrait être inclus dans cet exercice d’évaluation, histoire de s’assurer, après bientôt cinq ans d’existence, qu’il tient le bon cap et qu’il peut poursuivre droit devant. En effet, il serait illogique et incompatible avec une gestion sensée des deniers publics de recommander une telle évaluation en excluant le Commissariat, qu’il soit indépendant ou non.

     

    Recommandation 3

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones :

    a) De procéder, d’ici la fin de l’exercice financier 2013-2014, à une évaluation indépendante et interministérielle des structures et des processus gouvernementaux destinés à appuyer la mise en œuvre des services en français au sein du gouvernement;

    b) De s’assurer que cette évaluation porte, notamment, sur les rôles, les responsabilités et les liens hiérarchiques de l’Office des affaires francophones et des coordonnateurs des services en français;

    c) D’inclure le Commissariat aux services en français dans cette évaluation.

     

    « Le citoyen francophone est multiple, complexe et aussi diversifié que le reste de la population. Survivre en tant que francophone en situation minoritaire est presque un acte de foi, en quelque sorte.»

     

     

    Chapitre 2 – Le nouveau visage de la francophonie ontarienne

    Contrairement à la Loi sur les services en français qui a connu peu de modifications en un quart de siècle, le visage de la société ontarienne ne cesse de changer au gré des vagues successives d’immigration. En 2006, l’Ontario comptait plus de la moitié de l’ensemble de la population des minorités visibles au Canada24. La communauté franco-ontarienne n’est pas en reste. Elle présente une proportion élevée d’immigrants récents. De fait, plus d’un immigrant francophone sur cinq est arrivé en Ontario entre 2001 et 2006. Ces immigrants récents sont surtout présents dans les régions de l’Est et du Centre25.

    Devant cette mosaïque démographique, les qualificatifs ne manquent pas pour que chacun puisse définir l’identité culturelle et linguistique qui le caractérise le mieux : Canadien-français, Franco-ontarien, francophone de l’Ontario ou encore Canadien francophone. À cela s’ajoute la proportion de plus en plus importante qu’occupe les couples exogames — soit ceux composés d’un parent anglophone et d’un autre francophone — et des jeunes qui s’identifient et s’affichent de plus en plus, comme étant bilingues.

     

    2.1 Une population en évolution

    Les années 60 marquent la fin de l’usage du terme « Canadien français » tel qu’on le connaissait pour voir apparaître les Franco-manitobains, Franco-albertains ou encore Franco-ontariens, pour ne nommer que ceux-là26. Cette époque coïncide avec la création de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme qui recommande l’adoption d’une loi sur les langues officielles au niveau fédéral.

    En 1969, l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) boycotte les États généraux du Canada français marquant ainsi la fin de la solidarité de la famille canadienne-française27.

    Le déploiement du drapeau franco-ontarien en 1975 renforce l’appropriation par la communauté de leur identité culturelle et linguistique au sein de la province. C’est le début de la construction d’un projet de société pluraliste d’une communauté d’expression française en Ontario. Et en 2009, l’adoption de la définition inclusive de francophone (DIF) par le gouvernement de l’Ontario ajoute une pierre à cet édifice pluraliste qui caractérise la population franco-ontarienne contemporaine.

    Selon les dernières données de recensement de Statistique Canada, en 2006, il y avait 582 690 francophones en Ontario, soit une hausse de 4 545 personnes par rapport à 200128. Et à l’instar de la population ontarienne, ces francophones sont de plus en plus métissés et nourris par l’immigration. La population des minorités visibles représente 10 % de la population franco-ontarienne. De plus, la communauté francophone compte une proportion importante d’immigrants récents, soit 22 % d’entre eux, qui sont arrivés en Ontario entre 2001 et 2006.

    En effet, les dernières données indiquent que trois francophones sur cinq sont nés en Ontario, un sur cinq au Québec, plus de 13 % à l’extérieur du Canada et 5 % dans les autres provinces. Naturellement, ces chiffres diffèrent d’une région à l’autre29. Ainsi, près du tiers des francophones du Centre de l’Ontario sont nés à l’extérieur du pays alors qu’à Toronto, ce chiffre grimpe à presque 50 %.

    Enfin, plus du tiers des immigrants francophones de l’Ontario sont nés en Europe. Toutefois, il importe de souligner que plus de trois immigrants francophones sur cinq proviennent des pays en voie de développement, et notamment d’Afrique avec 26 %30, suivi de l’Asie avec 12 %.

     

    2.2 Une francophonie plurielle : exogamie, bilinguisme et francophilie

    La DIF s’applique également aux familles exogames, soit celles composées d’un parent francophone et d’un autre qui ne l’est pas. Le pourcentage des couples exogames ne cesse de grimper en Ontario et représente aujourd’hui deux tiers des foyers francophones. Toutefois, il existe une certaine disparité régionale. Ainsi, il y a plus de couples exogames, par exemple, dans la région du Sud-ouest (86 %) que le Centre (83 %), et encore moins dans le Nord-est (54 %).

    Or, avec la nouvelle méthode inclusive de calcul du gouvernement de l’Ontario, on considère désormais comme étant francophones les familles où le français est parlé à la maison et non seulement celles où le français est la langue la plus souvent parlée à la maison. En effet, plusieurs des enfants issus de familles exogames fréquentent des écoles de langue française. Il était donc important que ces situations soient prises en compte et que ces familles soient reconnues comme francophones.

    Il importe aussi de souligner qu’il y a eu une hausse de la transmission du français aux enfants issus de couples exogames français-anglais de 11 % en 1971 à 23 % en 2006. Le même constat s’impose pour les couples français-tierce langue avec un taux de 17 % en 1971 et 25 % en 2006. Par conséquent, la transmission du français aux enfants de couples exogames a plus que doublé en 35 ans alors que le taux d’exogamie n’a cessé d’augmenter31.

    Les enfants issus de ces couples se considèrent avant tout comme « bilingues »32. Certains chercheurs définissent l’identité des jeunes Franco-ontariens comme étant double, un nouvel état identitaire ou encore hybride tout en présentant un avantage certain33. Cependant, au-delà du choix du qualificatif qui décrit l’appartenance à tel ou tel groupe linguistique, les jeunes s’identifient plus facilement à deux, voire trois communautés. Lors du Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français tenu en novembre 2011 à l’Université d’Ottawa, la professeure Diane Gérin-Lajoie a souligné que l’identité bilingue ne se définit pas uniquement par la capacité de parler le français et l’anglais, mais plutôt par la réunion de deux cultures qui peuvent parfois s’entrechoquer. C’est un nouvel état identitaire.

     

    La DIF

    La définition inclusive de francophone (DIF) prend en compte de nouveaux critères dans le dénombrement de la population francophone en Ontario. Elle s’appuie sur trois variables : la ou les langues maternelles, la connaissance des langues officielles et la ou les langues parlées à la maison. Ainsi, la DIF intègre, outre les personnes qui ont le français comme langue maternelle, celles n’ayant ni le français ni l’anglais comme langue maternelle, donc les allophones, mais qui ont une connaissance particulière du français comme langue officielle et le parle à la maison. Avec la DIF, une famille libanaise ou marocaine qui parle l’arabe et le français à la maison est maintenant considérée comme francophone. Selon cette nouvelle définition élaborée par l’Office des affaires francophones, la population francophone représente 4,8 % de l’Ontario, soit 582 690 personnes.

     

    « Pour moi, c’est grâce au programme de base de français étudié à l’école anglaise que j’ai pu apprendre, apprécier et aimer le français qui offre d’innombrables avantages. Au sein de la communauté francophile, le français est spécial parce que c’est une langue seconde qui n’est pas limitée à une certaine ethnicité. En fait, elle nous unit tous comme Canadiens, car quelles que soient nos origines, on peut l’apprendre et l’utiliser tous les jours dans nos communautés bilingues. Enfin, quand je n’ai pas l’occasion de parler avec les francophones, j’essaie de réfléchir en français et de traduire ce que j’entends en regardant par exemple la télévision ou des films en français pour maintenir mon niveau de langue. » – Daniel Hu, Ambassadeur, Le français pour l’avenir, Toronto

    Et à côté des immigrants francophones et des jeunes bilingues issus des couples exogames, il existe un autre groupe de la population qui est souvent ignoré, voire sous-estimé alors qu’il constitue un véritable allié naturel sur lequel il faut s’appuyer. Il s’agit des francophiles. Ce groupe apprécie et voit la dualité linguistique comme un atout pour leurs enfants et pour la société ontarienne en général. Et parce qu’ils y croient, les francophiles cherchent à participer aux activités de la communauté franco-ontarienne, même si ce n’est pas toujours facile.

    La communauté francophone doit continuer de reconnaître l’apport et la contribution des francophiles à son développement. D’ailleurs, tous les deux ans, le gouvernement décerne les Prix de la francophonie de l’Ontario aux francophones et aux francophiles qui ont participé activement au rayonnement et à la vitalité politique, sociale et économique de la communauté francophone de la province.

     

    2.3 La DIF : Deux ans après

    Il est indéniable qu’au-delà du symbole et des chiffres ajustés pour prendre en compte les quelque 50 000 francophones issus de l’immigration, l’adoption de la DIF a généré, et même renforcer, le sentiment d’appartenance à la communauté franco-ontarienne.

    « Franco-ontarienne? Je ne sais pas. Francophone? Tout à fait. Pour moi, être franco-ontarien a toujours été synonyme de francophone de souche, à tort ou à raison. Mais grâce à la nouvelle définition, j’ai l’impression, pour la première fois, que je suis membre à part entière de la communauté francophone. Certes, je n’ai pas le même rapport au français qu’avec ceux et celles qui se sont battus pour le conserver, mais notre dénominateur commun c’est que nous vivons en français au quotidien et nous sommes animés par le désir de transmettre cette langue à nos enfants. » – Ayan Aden, Coordonnatrice, ACFO de London-Sarnia

    En effet, l’Ontario français bâtit sur l’héritage et l’histoire de la communauté franco-ontarienne et est enrichi par cette diversité. C’est là un apport incontournable qu’il fallait considérer. Néanmoins, plus de deux ans après, il est temps de se questionner si cette nouvelle définition a été comprise et surtout retenue par l’ensemble des ministères et organismes gouvernementaux de la province.

    Dans son dernier rapport annuel, le commissaire avait indiqué qu’il effectuerait une analyse au cours de la prochaine année pour s’assurer que la méthode de calcul de la DIF est bien utilisée par le gouvernement de l’Ontario ainsi que par ses prestataires de services. Une telle analyse permettait d’évaluer également l’impact de cette définition sur les programmes et services gouvernementaux. Une série de questions a donc été transmise au gouvernement à cet effet.

    Le gouvernement a reconnu qu’il existait une certaine incohérence dans l’utilisation des nouveaux critères pour calculer le nombre des francophones en Ontario malgré l’adoption de la DIF. En effet, certains ministères de même que leurs prestations de services ne semblent pas en faire un usage courant et systémique.

    C’est le cas notamment du ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse. En 2010, le Commissariat a reçu une plainte qui soulevait la question du financement de certains Centres de la petite enfance dont les fonds proviennent de ce ministère en fonction de la proportion des enfants francophones desservis. Les résultats de l’enquête ont démontré que le ministère utilisait l’ancienne définition non inclusive pour calculer l’octroi de son financement ce qui avait pour effet de pénaliser les Centres de la petite enfance dont la fréquentation avait connu une hausse de nouveaux arrivants francophones, notamment dans les pôles d’attraction comme la région de Toronto.

    Toutefois, le gouvernement a indiqué au Commissariat que plusieurs ministères utilisent la DIF pour recueillir des données et pour vérifier le niveau et la qualité des services en français offerts directement par les ministères ou par des tiers. De plus, l’Office des affaires francophones s’est engagé à élaborer un plan de communication afin de mieux sensibiliser les ministères quant à l’utilisation de la nouvelle définition comme méthode de calcul commune. Quant aux organismes désignés, le gouvernement a souligné son intention de transmettre ce même message. Il reste, néanmoins, à déterminer le plan d’action et l’échéancier dans la conduite de cette initiative que le commissaire s’engage à surveiller de près.

     

    2.4 Programmes et services pour les immigrants francophones

    Si l’Ontario français croît en termes de chiffres absolus34, c’est notamment grâce à l’apport d’immigrants francophones venus de partout sur la planète. Certes, l’immigration francophone provient encore massivement du Québec, mais il n’en demeure pas moins que les besoins concernant les nouveaux arrivants francophones venus d’ailleurs sont immenses et vont en s’agrandissant.

    Il existe déjà plusieurs programmes d’aide aux nouveaux arrivants que ce soit pour l’établissement, la formation en matière d’aide au logement, des services à l’emploi ou encore de la formation linguistique, y compris des cours de préparation à l’examen de la citoyenneté. Le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration semble être passablement actif quant à l’aide et le soutien apportés aux organismes œuvrant auprès des nouveaux arrivants francophones.

    Le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration et Citoyenneté et Immigration Canada exécutent chacun leurs propres programmes d’intégration des immigrants quant à l’établissement, la formation linguistique et l’intégration au marché du travail. Il arrive que ces programmes se chevauchent, en raison de leurs fins similaires. Ainsi, les programmes de Citoyenneté et Immigration Canada misent sur la formation linguistique et l’établissement avec un soutien limité à l’intégration au marché du travail. Par exemple, le programme de langue pour les immigrants au Canada (CLIC) offre une formation linguistique de base aux immigrants adultes dans l’une des langues officielles du Canada dans le but de faciliter leur intégration sociale, culturelle et économique au pays. Il s’agit d’un programme offert, par exemple, au Collège Boréal à Hamilton ou à La Cité collégiale à Ottawa.

    Au niveau provincial, ce sont les conseils scolaires qui offrent aux immigrants des cours de français et d’anglais langue seconde financés par le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration. Certes, il existe un certain chevauchement de programmes, mais il importe de rappeler que les critères d’admissibilité du gouvernement de l’Ontario sont plus généreux que ceux exigés par son homologue fédéral. En effet, tous les immigrants dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français, y compris les citoyens canadiens, les résidents permanents, les réfugiés au sens de la Convention et les demandeurs du statut de réfugié, peuvent bénéficier des programmes et services offerts par la province.

    Le premier Accord Canada-Ontario sur l’Immigration, signé en 2005, a permis d’élaborer, un an plus tard, un plan stratégique concernant les services d’établissement et la formation linguistique. Les trois principaux besoins identifiés ont été (i) le soutien en matière de recherche d’emploi, (ii) la formation linguistique, et (iii) les besoins en matière de renseignements et de conseils35. Toutefois, les intervenants francophones ont exprimé des besoins particuliers portant notamment sur les services d’établissement en français et la création des réseaux de soutien pour les immigrants francophones. Six ans plus tard, seuls trois organismes, situés respectivement à Toronto, à Ottawa et à Hamilton reçoivent un financement du gouvernement de l’Ontario pour offrir des services d’établissement en français. De plus, il importe de rappeler qu’aucun nouvel accord quinquennal n’a été signé depuis l’expiration de l’Accord Canada-Ontario sur l’Immigration de 2005 qui a été prolongé l’an dernier.

    Au niveau provincial, la question qu’il faut poser est de savoir si les programmes actuels d’établissement et les formations existantes comme les cours de langue seconde ou les programmes de formation relais font partie d’une stratégie qui s’appuie sur une vision commune et concertée de l’intégration des immigrants francophones. Autrement dit, s’agit-il d’initiatives porteuses d’un plan précis ou plutôt d’initiatives de groupes disparates? Peut-on s’attendre à une plus grande collaboration interministérielle dans le domaine de l’accueil, la formation et de l’intégration des immigrants francophones, qu’ils proviennent d’autres provinces canadiennes ou d’ailleurs?

    Par exemple, lorsque le nouvel arrivant francophone en Ontario cherchera à obtenir sa première carte santé ou son premier permis de conduire, lui aura-t-on remis une trousse ou un dépliant lui expliquant les diverses possibilités offertes à lui et à sa famille? Il est question ici de renseignements essentiels comme l’accès aux écoles de langue française, aux établissements d’enseignement postsecondaire de langue française ou bilingues, et aux autres services gouvernementaux et communautaires. Une telle trousse existe déjà, mais elle n’est pas remise systématiquement aux nouveaux arrivants en provenance du Québec, de l’Acadie ou des autres pays francophones ou membres de la Francophonie.

    En mars 2012, le gouvernement de l’Ontario a annoncé l’élaboration d’une nouvelle stratégie sur l’immigration en se dotant, notamment, d’une table ronde d’experts. Parmi ceux-ci, on retrouve une experte issue des communautés ethnoculturelles francophones, au grand plaisir du commissaire.

    De plus, dans le cadre de l’exercice d’élaboration de cette stratégie, l’adjointe parlementaire du ministre tiendra des consultations spécifiques et ciblées avec des leaders de la communauté francophone afin de s’assurer que les préoccupations des Franco-ontariens en matière d’immigration sont entendues, comprises et pleinement prises en compte par la table ronde d’experts. C’est donc dire que l’apport de ces experts et les résultats des consultations feront en sorte que les opinions de la communauté francophone guideront l’élaboration de la stratégie sur l’immigration de l’Ontario.

    Ce groupe doit remettre ses recommandations au gouvernement cet été. Ces recommandations vont façonner la nouvelle stratégie provinciale d’immigration pour mieux soutenir le développement économique de l’Ontario tout en aidant les nouveaux Ontariens à trouver un emploi dans leur domaine. Cette démarche est d’ailleurs appuyée dans le rapport de la Commission de réforme des services publics de l’Ontario (rapport Drummond) en février 2012 :

    « Par ailleurs, si les immigrants ne peuvent pas mettre à profit leur formation professionnelle et leur éducation, leur contribution à l’économie ontarienne ne peut se réaliser pleinement. [ … ].En somme, les tendances futures de l’immigration et la mesure dans laquelle l’Ontario réussit à intégrer les nouveaux arrivants au marché du travail et au tissu social de la province auront une incidence considérable sur la situation financière de l’Ontario36.»

    Cela dit, il faut s’assurer que, dès leur arrivée — voir avant même leur arrivée —, ces immigrants puissent reconnaître qu’ils peuvent non seulement obtenir des services en français de la part des gouvernements fédéraux et provinciaux, mais aussi qu’il leur est possible de vivre en français, de demander à ce que leurs enfants soient éduqués en français et d’obtenir de l’aide communautaire en français. Pour ce faire, l’Ontario doit se doter d’une stratégie d’accueil et d’intégration. Et afin de développer cette stratégie, le gouvernement serait bien avisé de consulter les différents leaders et groupes communautaires francophones œuvrant déjà dans le domaine. Il serait ainsi souhaitable que le ministre des Affaires civiques et de l’Immigration imite le geste de plusieurs autres ministères37 et se dote d’un comité consultatif sur l’accueil des immigrants en français. Soit dit en passant, le commissaire reconnaît que le ministère côtoie activement les représentants de la communauté francophone, y compris les immigrants francophones, dans le cadre de différents événements et forums d’intervenants intergouvernementaux et communautaires, depuis sa présence au sein du Sous-comité directeur : Immigration francophone dans les communautés francophones en situation minoritaire (Ontario) jusqu’à sa participation, en 2012, à trois forums annuels régionaux du Réseau de soutien à l’immigration francophone.

     

    Recommandation 4

    Le commissaire recommande au ministre des Affaires civiques et de l’Immigration :

    a) De se doter, d’ici la fin de l’année 2012-2013, d’un comité consultatif chargé d’orienter les efforts du ministère dans le dossier de l’immigration francophone en Ontario;

    b) De développer, de façon interministérielle et concertée, une stratégie d’accueil, de formation linguistique et d’intégration au marché du travail pour les nouveaux arrivants francophones d’ici la fin de l’année 2013-2014.

     

     

    Chapitre 3 – Le francophone et son gouvernement

    3.1 Introduction

    Les organismes provinciaux et la multitude de parties prenantes ont à cœur une prestation efficace des services en français. Toutefois, l’espace francophone se rétrécit quelque peu en Ontario. Il serait simpliste d’imputer ce rétrécissement aux seuls manquements dans la planification et l’exécution des services gouvernementaux, mais nul ne saurait nier qu’il règne chez certains fonctionnaires à tous les échelons une méconnaissance de la réalité francophone en milieu minoritaire qui concourt indubitablement au rétrécissement de l’espace « institutionnel » francophone.

    Car le citoyen francophone vit souvent une expérience bien différente de celle de son voisin anglophone quand il compose avec le secteur public ou parapublic : le premier contact avec le fonctionnaire est rarement dans une langue qui est la sienne; s’il se sent d’attaque pour demander le service en français, il doit constamment prévoir les scénarios possibles (au mieux, une réaction sympathique; au pire, un revers humiliant), sans oublier les répercussions pour lui et les siens. Il doit aussi se préparer à entendre que le service qu’il souhaite obtenir n’est pas disponible en français ou qu’il nécessite une attente ou des efforts additionnels, alors qu’il sait pertinemment que ce même service est à portée de main pour le citoyen anglophone.

    Les manquements dont témoignent les plaintes que reçoit le Commissariat peuvent être classées en deux grandes catégories : les manquements « en amont », p. ex. l’absence de prise en considération des besoins des francophones à la phase d’élaboration d’un programme ou l’asservissement des partenaires francophones à des fournisseurs anglophones, et les manquements « en aval », p. ex. l’envoi d’une travailleuse sociale anglophone à la résidence d’une famille francophone ou la dotation insuffisante en personnel bilingue dans un centre d’appel.

    Les manquements « en amont » sont souvent perçus comme plus importants par les organismes visés, ceux « en aval » étant réduits au rang de « pépins ». Une telle vision des choses rend bien compte de la méconnaissance mentionnée auparavant, car c’est l’effet conjugué de ces manquements qui font en sorte que le citoyen francophone ne se « voit » pas dans son gouvernement, qu’il sent la légitimité de ses besoins constamment mise en doute, et en fin de compte, qu’il devient méfiant à l’endroit d’une fonction publique sensée être à son service. Bref, c’est un cas classique du tout qui devient plus grand que la somme de ses parties.

    S’ensuit un cercle vicieux : le citoyen francophone échaudé craint de demander ses services en français et l’organisme et ses exécutants, pour qui le service en français devient pratiquement une curiosité, n’ont pas les moyens ou encore la volonté d’offrir ces services correctement.

    Le gouvernement se doit, lors de la livraison des services publics, de freiner ce rétrécissement — et corolairement, cette fragilisation — de la trame francophone dans le tissu social ontarien.

    D’une part, il doit respecter, sinon épouser, ses responsabilités à l’endroit des citoyens de langue française de l’Ontario, notamment en cultivant une fonction publique véritablement équitable à leur égard qui traite le citoyen francophone sur le même pied d’égalité que le citoyen anglophone.

    D’autre part, le gouvernement doit être sensible aux plaintes qu’il reçoit, que ce soit directement du public ou par l’entremise d’intermédiaires, et surtout, les résoudre dans une optique non seulement de service à la clientèle, mais aussi d’intendance de l’espace francophone institutionnel en Ontario.

    La présente section décrit quelques-unes des problématiques et plaintes que le Commissariat aux services en français a traitées ou reçues en 2011-2012.

    Qu’il soit clair : le but n’est pas de dénigrer les avancées accomplies au fils des ans ni de casser du sucre sur le dos de qui que ce soit, mais plutôt de brosser un tableau réaliste de la vulnérabilité du Franco-ontarien devant la machine gouvernementale dans l’espoir d’interpeller les artisans et les exécutants de programmes et services gouvernementaux.

     

    3.2 Éducation, enfants et jeunes

    L’avenir de la francophonie en Ontario est entre les mains des adultes de demain… qui ne sont nul autre que les enfants et les jeunes d’aujourd’hui. Rien d’étonnant donc à ce que le commissaire se sente particulièrement interpellé quand les citoyens lui font part de situations systémiques ou ponctuelles qui influent directement sur la jeune génération de francophones.

    3.2.1 Éducation postsecondaire en français dans le Centre et le Sud-ouest

    Les questionnements se sont poursuivis cette année à propos du manque d’options d’instruction postsecondaire en français dans le Centre et le Sud-ouest de la province.

    Le lecteur se souviendra que le commissaire avait annoncé, dans son rapport de l’an dernier, qu’il allait lancer une enquête formelle sur l’offre insuffisante de programmes collégiaux et universitaires de langue française dans le Centre et le Sud-ouest — problème tentaculaire ayant notamment des répercussions néfastes sur la fréquentation des écoles secondaires de langue française, le droit à l’éducation en français, le parcours identitaire des jeunes francophones et, point fondamental, sur la capacité de la main-d’œuvre de l’avenir d’offrir des services en français.

    Le commissaire a tenu parole et a relancé le ministère de la Formation et des Collèges et Universités afin qu’il propose des solutions pour répondre aux besoins d’une population francophone croissante et pour faciliter l’accès à l’enseignement postsecondaire en français dans le Centre et le Sud-ouest de la province.

    Le commissaire espère sincèrement que le ministère aura pris au sérieux la menace que pose la pénurie d’options d’éducation postsecondaire à la pérennité de la communauté francophone de l’Ontario.

    3.2.2 Écoles dans la région du grand Toronto

    Le Commissariat a mené à bien une autre enquête formelle d’importance l’an dernier, cette fois sur le manque d’écoles de langue française dans la région du grand Toronto. Il importe de rappeler que l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit le droit à l’instruction dans la langue de la minorité aux niveaux primaire et secondaire, lorsque le nombre le justifie, et qu’il s’ensuit des obligations, de la part de la province, de voir au respect de ce droit.

    Grâce au soutien essentiel du ministère de l’Éducation, le Commissariat a pu se familiariser avec les tenants et les aboutissants de la problématique et produire, en juin 2011, un rapport d’enquête étoffé qui s’est conclu par trois recommandations axées sur la construction d’installations, la collaboration entre les conseils scolaires et la modification du règlement régissant la vente et l’achat des immobilisations scolaires. Cette dernière recommandation a d’ailleurs été réitérée dans le rapport de la Commission sur la réforme des services publics de l’Ontario présidée par l’économiste Don Drummond.

    En mars 2012, le commissaire a fait le suivi de ses recommandations et s’est déclaré satisfait des mesures prises par le ministère de l’Éducation pour résoudre le problème, notamment le financement de neuf nouvelles écoles de langue française dans la région du grand Toronto et la volonté affichée par le ministère de revoir le Règlement 444/98 Aliénation de biens immeubles excédentaires dans l’optique d’une meilleure utilisation des installations destinées à l’éducation financée par les deniers publics. Toutefois, dans le cas des changements à venir à ce règlement, le commissaire aurait souhaité un échéancier plus contraignant, plutôt qu’un engagement à faire les consultations d’usage. Cela dit, le commissaire est tout de même encouragé des propos tenus par le gouvernement dans le Budget de l’Ontario 2012. En effet, on y indique que le « gouvernement changera les affectations destinées aux conseils scolaires pour encourager ces derniers à regrouper des installations scolaires sous-utilisées, ce qui permettra d’économiser annuellement plus de 70 millions de dollars au moment de la pleine application de cette mesure. Ce changement prendra effet durant l’année scolaire 2013-2014 pour donner aux conseils le temps de travailler avec leur communauté pour assurer une transition harmonieuse en tenant compte des circonstances régionales38. »

    Au vu de l’autonomie des conseils scolaires en Ontario, le commissaire ne peut pas — et ne souhaite pas — s’ingérer dans leurs affaires, ni exercer quelque pression indue. Il estime avoir fait son devoir en encourageant la coopération et en facilitant l’échange des propriétés scolaires entre les conseils.

    Les dés sont jetés, et le commissaire espère que la bonne volonté continuera à régner sur tous les fronts de sorte que les parents francophones et leurs enfants verront, à terme, une offre équitable d’options d’instruction primaire et secondaire en français dans le grand Toronto.

    3.2.3 Sociétés d’aide à l’enfance

    Le manque de services en français dans les sociétés d’aide à l’enfance de l’Ontario, organismes financés par le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse, est une question récurrente qui a fait l’objet d’une recommandation du commissaire dans son rapport annuel de 2009-2010.

    Dans son rapport annuel 2010-2011, le commissaire a fait un retour sur cette recommandation et a salué non seulement les efforts du ministère, mais aussi le discours lucide que tenait la Commission de promotion de la viabilité des services de bien-être de l’enfance relativement à la nécessité d’une prise en compte panontarienne des besoins spécifiques de la population francophone.

    Les efforts de réforme, de rationalisation et d’intégration du système de bien-être de l’enfance vont bon train, pour l’instant, et les services en français semblent être entre bonnes mains grâce au discernement de la Commission.

    Cela étant, si le commissaire appuie la réforme et fait pleinement confiance à la Commission de promotion de la viabilité des services de bien-être de l’enfance, il doit avouer qu’il ronge son frein, puisqu’il continue de recevoir de la part des citoyens francophones des rapports bien peu reluisants sur la façon dont leurs demandes de services en français sont traitées par les sociétés d’aide à l’enfance. Il lui tarde de pouvoir faire autre chose qu’inviter à la patience ces plaignants fort vulnérables.

    3.2.4 Programmes éducatifs en établissement de jour

    L’an dernier, le commissaire déplorait le fait que les élèves francophones de Toronto dont les besoins pédagogiques particuliers étaient comblés par des programmes spécialisés offerts en centre de jour étaient forcés d’abandonner leur cheminement éducatif en français quand ils atteignaient l’âge de 13 ans.

    Ces programmes, qui visent à assurer l’instruction des enfants et des jeunes d’âge scolaire qui ne peuvent pas être intégrés à une classe ordinaire, sont essentiels à l’épanouissement des adultes de demain et à leur pleine participation à la société.

    Aux yeux du commissaire, le fait d’être francophone ne devrait pas constituer un obstacle pour des jeunes déjà aux prises avec des difficultés sociales, comportementales, affectives ou psychiatriques. Voilà pourquoi il avait recommandé que le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse s’emploie à assurer la disponibilité de programmes éducatifs en établissement de jour pour les francophones de 13 à 18 ans à Toronto d’ici la rentrée scolaire de 2011.

    Le commissaire avait bon espoir de voir la chose se réaliser puisque, hormis le financement, tout était en place pour une issue favorable : l’existence de jeunes en attente, la volonté collective, les locaux et un protocole de mise sur pied limpide de la part du ministère de l’Éducation.

    Or, au moment de rédiger ce rapport annuel, le souhait du commissaire et de bien des parents — à savoir un continuum du soutien pédagogique pour les enfants et jeunes francophones torontois ayant des besoins particuliers —, ne s’était pas encore matérialisé.

    Certes, le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse a affirmé son engagement à voir à ce que les jeunes francophones aient accès aux programmes nécessaires et a affirmé au Commissariat qu’il travaillait avec les fournisseurs de services à cette fin.

    Le commissaire ne met aucunement en doute la bonne volonté du ministère, mais il se doit d’exprimer sa déception puisque, en dernière analyse, les esprits convergeaient et les sommes en cause étaient négligeables. Bref, il y avait là un terrain fertile pour une solution — fût-elle intérimaire —, mais l’iniquité à l’endroit des francophones ne semble pas avoir été suffisamment criante aux yeux des administrateurs pour que ceux-ci interviennent sur le champ.

    Et c’est là où le bât blesse, car la banalisation des besoins des francophones est un véritable obstacle à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes gouvernementaux judicieux et bien ficelés.

     

    3.3 Justice et sécurité publique

    3.3.1 Accès à la justice en français

    Depuis son entrée en fonction en 2007, le commissaire s’intéresse vivement à l’accès à la justice en français puisqu’il s’agit d’un droit fondamental pour un justiciable francophone que de pouvoir faire valoir ses droits, en Ontario, dans la langue officielle de son choix.

    Le commissaire a largement exposé la problématique des obstacles à l’accès à la justice en français dans son rapport annuel de 2008-2009 (section 4.2), depuis les faiblesses administratives jusqu’au manque de juges bilingues, en passant par l’iniquité du français dans les tribunaux administratifs.

    Le commissaire voit d’un bon œil la volonté du gouvernement d’amorcer une modernisation des services judiciaires en offrant certains services en ligne, comme l’indique le Budget de l’Ontario 201239. En effet, si effectivement il est plus simple pour le justiciable de déposer directement en ligne certains formulaires et documents judiciaires ou d’acquitter certains frais, cela voudra certainement dire qu’il sera loisible de le faire dans la langue officielle de son choix, soit en anglais ou en français. Le commissaire veillera à ce que la langue choisie par le justiciable suive ce dernier tout au long de ses procédures, sans toutefois exclure la possibilité de changer en cours de route, le cas échéant.

    Dans son Rapport annuel 2008-2009, le commissaire avait recommandé la constitution d’un comité de spécialistes du droit chargé de parfaire les connaissances des membres de la magistrature en matière de droits linguistiques et de proposer des pistes d’actions pour la nomination de juges bilingues.

    Depuis, le ministère du Procureur général a mis sur pied un comité de la magistrature et du Barreau qui se consacre activement à la tâche, mais, en attendant les résultats de ses travaux, le Commissariat continue de recevoir des plaintes inquiétantes.

    Le commissaire ne pourrait passer sous silence un cas qui a fait la manchette des journaux : une plaignante s’est adressée au Commissariat cette année pour solliciter son aide. Après avoir demandé au personnel du ministère du Procureur général des conseils pour s’assurer d’être entendue en français à la Cour supérieure — ce qui est le droit de tout citoyen, peu importe où il se trouve en Ontario — la plaignante a été mal renseignée quant au processus et s’est retrouvée en procédure préparatoire au procès devant un juge anglophone… qui lui a refusé son procès en français.

    Étant donné que cette décision a été prise par un juge, le seul recours pour la plaignante était d’interjeter appel, ce qu’elle a fait. Et en fin de compte, la décision du juge a été infirmée. Mais la plaignante a dû se battre contre vents et marées et engager des dépenses considérables seulement pour faire reconnaître son droit d’être entendue en français conformément à ce que prévoit, sans aucune ambigüité, la Loi sur les tribunaux judiciaires. Et, tristement, au moment de la rédaction de ce rapport annuel, la saga linguistique de la plaignante se poursuivait.

    Dans ce cas-ci, le commissaire serait bien en peine de convaincre la plaignante de l’égalité des francophones devant la loi en Ontario. Le ministère se doit d’être plus sensible au fait qu’une erreur de la part de son personnel pourrait effectivement donner une impression d’inégalité devant la loi.

    D’autres problèmes ont été portés à l’attention du commissaire au fil des ans, notamment le fait que certaines règles de procédures, bien que parfaitement fondées dans le droit, s’avèrent désavantageuses pour les francophones en raison du manque de juges bilingues, p. ex. la règle 17 (25) des Règles en matière de droit de la famille exige que le juge qui dirigera un procès pour la protection d’un enfant soit différent du juge qui aura tenu une conférence de règlement à l’amiable; l’article 12.06 (1) des Règles de procédure civile requiert que l’autorisation d’interjeter un appel s’obtienne d’un juge différent de celui qui a rendu l’ordonnance, et l’article 13.08 des Règles de la cour des petites créances dicte qu’un juge qui préside une conférence en vue d’une transaction ne préside pas l’instruction de l’action.

    Bref, nombre de règles de procédures et impératifs administratifs font en sorte que l’apport de juges différents soit nécessaire, provoquant ainsi une hausse de la demande de ressources judiciaires bilingues.

    Pour l’instant, le commissaire ne peut qu’exhorter à la patience les plaignants qui déplorent le manque d’accès à la justice en français, mais il tarde à recevoir les résultats du comité de la magistrature et du Barreau afin que soient dégagées des solutions concrètes aux graves problèmes d’équité que soulèvent au commissaire les justiciables francophones, en désespoir… de cause.

    3.3.2 Visites surveillées

    Le Programme de visites surveillées est un programme du ministère du Procureur général qui vise à fournir des lieux sûrs où un parent peut rétablir ou maintenir son lien affectif avec son enfant en présence d’un intervenant responsable de dresser des rapports de ses observations. Un tribunal peut imposer des visites surveillées si, par exemple, il existe des conflits non réglés entre des parents en instance de divorce.

    Le ministère confie l’exécution de ce programme à des organismes communautaires en vertu de contrats. Or, ces contrats sont assortis de pratiques exemplaires et non pas d’exigences lorsqu’il s’agit de la prestation de services en français, et les organismes jouissent d’un pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit des modalités d’exécution des visites surveillées.

    C’est donc dire que si le centre n’a pas d’intervenant capable de comprendre le français, les parents et les enfants francophones se voient forcés d’échanger en anglais… que leur région soit désignée ou non en vertu de la Loi sur les services en français, à moins que des mesures spéciales ne soient prises pour qu’un interprète soit présent pendant les visites.

    « M’imposer d’obtenir de mon ex ou d’un tribunal le droit de parler en français à mon enfant, c’est ahurissant. Mais on m’a bien fait comprendre que le centre a le pouvoir de me retirer mes droits de visite. Qui oserait insister? On parle donc anglais quand on est ensemble. Pas le choix. » – Stéphanie Boutet-Fréchette

    Dans le passé, les parents très peu nombreux qui ont eu le courage de porter plainte au Commissariat ont pu obtenir, grâce à l’intervention de celui-ci, les services d’un interprète chargé de traduire les entretiens entre le parent et l’enfant francophone au profit de l’intervenant. Ce règlement au cas par cas était loin d’être idéal, mais il a permis à tout le moins de régler certains problèmes à court terme.

    Toutefois, cette année, à la suite de plaintes similaires, les organismes chargés des visites surveillées ont commencé à demander aux parents francophones d’obtenir l’accord de leur ex-conjoint pour parler français à leur enfant et, en cas de refus, de retourner devant la Cour pour demander une ordonnance autorisant que le français soit employé comme langue de communication entre le parent et l’enfant.

    Le Commissariat s’inscrit en faux contre cette pratique qui va à l’encontre de la justice naturelle de plusieurs façons : (i) l’obtention de visites surveillées en français nécessite maintenant des efforts exceptionnels de la part d’un parent en situation de vulnérabilité, (ii) le droit fondamental de parler français à son enfant est laissé à la prérogative d’une personne avec qui le parent est en conflit, et (iii) le parent francophone se voit demander d’aller en cour pour obtenir une ordonnance destinée à confirmer la légitimité d’un droit fondamental.

    Le Commissariat aurait bien voulu résoudre le problème une fois pour toutes cette année. Cependant, les pourparlers avec les représentants du Programme de visites surveillées ont révélé que, conformément aux dispositions de leur contrat avec le ministère, les centres pouvaient refuser d’offrir des services en français au motif du manque de personnel bilingue ou de l’insuffisance des fonds. Pour le commissaire, le recours à de tels motifs pour léser dans leurs droits les familles francophones est simplement inacceptable.

    Le commissaire est tout à fait conscient que les organismes communautaires ont pour priorité le bien-être de l’enfant et qu’ils doivent souvent composer avec des situations délicates. Mais il considère aussi que la volonté d’un parent de s’adresser à son enfant dans sa langue maternelle exprime le désir de préserver un lien affectif avec son enfant, et donc favorise l’intérêt optimal de l’enfant.

    Les contraintes administratives n’ont pas leur place.

    Le ministère du Procureur général s’affaire à examiner des solutions possibles, et, selon lui, la mise en œuvre du Règlement de l’Ontario 284/11, qui oblige les tierces parties à offrir des services en français conformément à la Loi, résoudra le problème, du moins dans les régions désignées. La patience est donc de mise au Commissariat puisqu’on ne pourra parler d’une pleine mise en œuvre du Règlement que le 1er juillet 2014 (voir chapitre 1, section 1.5).

    3.3.3 Centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario

    Relevant du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, la Police provinciale de l’Ontario (« OPP ») joue un rôle essentiel dans la protection des citoyens partout en Ontario, que ce soit en fournissant de services policiers aux municipalités qui n’ont pas leur propre force policière, en menant ou en appuyant des enquêtes d’envergure, ou en veillant à la sécurité routière sur les autoroutes provinciales, pour ne nommer que ces quelques fonctions.

    « Je voulais signaler une possibilité de fraude à l’OPP. J’ai donc composé leur numéro sans frais et, à ma grande surprise, personne n’était en mesure de prendre ma déclaration en français ! » – Guy Desjarlais

    Conformément à la Loi sur les services en français, la police provinciale est tenue non seulement de fournir des services en français dans les régions désignées, mais aussi de veiller à ce que ses services centralisés soient accessibles de façon égale aux citoyens francophones et anglophones.

    Cette année, un citoyen a soulevé un problème qui a mis la puce à l’oreille du personnel du Commissariat : craignant d’avoir été victime de fraude, le citoyen en question a appelé le numéro sans frais de la police provinciale, annoncé de façon proéminente sur son site Web, afin de signaler une escroquerie soupçonnée. Or, au numéro en question, personne n’était en mesure de lui parler français. Il a donc été forcé de se débrouiller en anglais. Pas facile de trouver les mots justes dans une langue seconde quand l’inquiétude nous tenaille…

    Le Centre de communication est le point d’accès jour et nuit à la police provinciale.

    Les analystes du Commissariat ont eux-mêmes appelé le Centre de communication et les résultats n’ont pas été satisfaisants. Une analyste qui demandait des services en français a été transférée à un centre de communication de l’OPP, mais le personnel du Centre n’a pas suivi la procédure normalisée et l’analyste n’a pas pu obtenir de service en français.

    Assurer l’ordre public est une tâche exigeante, le commissaire le sait pertinemment. Toutefois, un centre d’appels destiné à recevoir des communications importantes pour la sécurité publique de la part de citoyens de partout en province doit être en mesure de traiter efficacement les appels en français.

    Il s’agit là d’un obstacle pour le citoyen francophone qu’il serait facile à résoudre. Depuis, l’OPP affirme avoir pris des mesures pour redresser la situation et pour assurer le respect de la procédure normalisée et la prestation de services en français à tous les centres de communication de l’OPP.

    3.3.4 Infractions de stationnement

    La Loi sur les infractions provinciales est une loi qui fixe la procédure applicable aux poursuites relatives aux infractions règlementaires non pénales, comme les infractions de stationnement.

    Le Commissariat continue de recevoir des plaintes de la part de citoyens francophones qui reçoivent des avis d’infraction de stationnement en anglais seulement. Comme il est clairement indiqué sur ces avis que la loi invoquée est la Loi sur les infractions provinciales, ces citoyens estiment qu’ils ont le droit d’être informés des accusations portées contre eux en français et, le cas échéant, de les contester en français.

    Or, plusieurs éléments entrent en jeu qui font en sorte que le citoyen francophone qui reçoit une infraction de stationnement voit souvent son dossier traité en anglais du début à la fin.

    Les municipalités s’occupent des infractions de stationnement depuis le milieu des années 1980. À la fin des années 1990, l’Ontario a confié aux municipalités l’administration des tribunaux qui entendent les causes relatives aux infractions provinciales, y compris les infractions de stationnement et la poursuite des auteurs de certaines infractions provinciales.

    Les infractions de stationnement ont un statut particulier en Ontario : elles sont régies par le Règlement de l’Ontario 949 (toujours en anglais seulement), pris en application de la Loi sur les infractions provinciales, qui autorise les municipalités à décider si elles utiliseront l’anglais et/ou le français comme langue de communication avec les citoyens en ce qui concerne les infractions de stationnement, jusqu’à ce que les citoyens demandent un procès.

    Résultat? Un citoyen peut recevoir tout à fait légalement un « ticket de stationnement » unilingue anglais, même s’il est dans une région désignée — parce que cet aspect relève du Règlement 949 — et devra se passer de services en français s’il se présente au bureau municipal des infractions de stationnement pour régler l’amende ou contester l’accusation, car ces aspects administratifs relèvent de la municipalité.

    Plus encore, s’il ne réagit pas suffisamment rapidement à l’avis d’infraction, la municipalité pourra lui transmettre des avis de déclaration de culpabilité ou encore des avis d’amende et de date d’échéance en anglais seulement.

    Certes, si le citoyen francophone maîtrise suffisamment l’anglais pour comprendre tous les renseignements sur son avis d’infraction, il pourra alors demander d’être entendu en français, conformément à la Loi sur les tribunaux judiciaires, et ce, où qu’il soit en Ontario. Le hic? Il se peut qu’on lui demande de faire cette demande par l’entremise d’un formulaire unilingue anglais et, si le greffe du tribunal de la municipalité commet une erreur, qu’on l’informe du lieu et de l’endroit de son audience en anglais.

    Comme le commissaire l’a mentionné dans son rapport de 2009-2010, lorsque le gouvernement de l’Ontario se tourne vers les municipalités, c’est pour tirer profit d’un réseau prometteur d’une amélioration de la prestation de services.

    Le personnel du Commissariat continue à distiller les nuances du processus de traitement des infractions de stationnement par les municipalités et à les expliquer aux plaignants. Il caresse l’espoir que le ministère du Procureur général prendra des actions concrètes pour remédier à ces difficultés.

    3.3.5 Traduction des règlements de l’Ontario

    Pour être promulguée, une loi provinciale doit être bilingue, ce qui n’est pas le cas pour les règlements de l’Ontario. Voilà pourquoi un bon nombre de ces derniers n’existent qu’en anglais.

    Le commissaire s’est penché sur la question dans son rapport de 2008-2009, et y a recommandé que le ministère du Procureur général exerce son leadership pour que soient élaborés et appliqués des critères pour la traduction des règlements afin que la population francophone ontarienne ait plein accès aux textes qui régissent au plus près sa vie quotidienne, par exemple dans des secteurs tels que la santé, la sécurité et le développement communautaire.

    En 2009-2010, le ministère a confirmé son engagement à satisfaire les attentes du commissaire et a proposé une approche en deux temps : (i) adoption des critères de traduction et d’une politique d’exécution, et (ii) élaboration et mise en œuvre d’une stratégie pour la traduction graduelle des règlements existants. Et en 2010-2011, le ministère confirmait la poursuite de ces efforts.

    Bien que cette progression puisse sembler lente, l’indulgence est de mise : la traduction d’un corpus législatif est un exercice délicat et ambitieux, qu’on ne saurait traiter à la légère.

    De fait, l’an dernier, le commissaire s’est dit satisfait des progrès réalisés et il abonde dans le même sens cette année, pour deux raisons :

    Tout d’abord, le commissaire a appris que le ministère du Procureur général continue de travailler à l’élaboration d’une politique globale de traduction — visant à la fois les nouveaux règlements et ceux déjà en vigueur —, susceptible de guider les ministères dans le choix des règlements à traduire en fonction des critères proposés par le commissaire.

    Ensuite, le commissaire a appris que le ministère a investi des ressources humaines et financières non négligeables qui lui ont permis de faire des progrès marqués : alors qu’en 2011-2012, la proportion du nombre de règlements bilingues était de moins de 40 %, le ministère prévoit que celle-ci passera éventuellement à plus de la moitié en 2012-2013. Ainsi, le nombre de règlements unilingues aura diminué de plus de 10 %.

    Le commissaire applaudit les efforts accomplis par le ministère, tant en amont (politique de traduction globale en chantier) qu’en aval (traduction de règlements unilingues déjà en vigueur), et espère que cette percée est annonciatrice d’une ère où les règlements d’intérêt public seront systématiquement préparés en anglais et en français.

     

    3.4 Santé

    La santé est un dossier phare au Commissariat, non pas parce que ceux et celles qui y œuvrent font fi des besoins des francophones — loin de là! —, mais plutôt parce que ce secteur est si vaste (comme en témoigne sa large part dans la bourse de l’État) et que ses services sont si déterminants pour le mieux-être et la vie des citoyens qu’il s’ensuit inévitablement des plaintes pressantes, nécessitant une approche énergique.

    On trouvera donc ci-après un exposé de quelques problématiques dans le secteur de la santé portées à l’attention du Commissariat au cours des derniers mois, qui illustrent notamment les manques à gagner lorsqu’il s’agit de l’intégration des besoins des francophones dans la prise de décisions et dans la prestation des soins.

    Il ne faut toutefois pas voir dans ce qui suit une série de remontrances à l’égard du secteur de la santé. De fait, le commissaire est fier de faire le point sur les heureuses avancées accomplies depuis la publication de son Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario, 2009.

    Le commissaire entend poursuivre son dialogue constructif avec les parties prenantes très réceptives du secteur de la santé et, en collaborant avec elles pour forger des solutions, il est convaincu qu’il en résultera non seulement une amélioration tangible à long terme de l’accessibilité et de la planification des soins de santé pour la communauté francophone, mais aussi des gains d’efficience découlant de l’élimination de certaines barrières linguistiques et culturelles.

    3.4.1 Rapport d’enquête sur la pandémie de la grippe A (H1N1)

    En mai 2011, le Commissariat a publié son rapport d’enquête sur un grave problème de communications lors de la pandémie de la grippe A (H1N1) en Ontario, survenue en 2009. Cette enquête de longue haleine s’est penchée sur la publication d’un dépliant unilingue anglais dans le cadre d’une campagne de prévention de la grippe pandémique et comprenait une évaluation des mesures prises par le gouvernement pour s’assurer que cette situation ne se reproduise plus. Rappelons que l’annonce de l’enquête du commissaire a poussé le gouvernement à adopter une directive du Conseil de gestion et du Conseil du Trésor qui oblige l’ensemble des ministères et organismes classifiés à tenir compte des attentes et besoins spécifiques de la communauté francophone dès la planification de leurs activités de communications40.

    Dans ce rapport d’enquête, on apprend qu’un an après son adoption, la nouvelle directive a déjà donné lieu à des résultats observables, grâce, notamment, à une série de formations obligatoires offertes par l’Office des affaires francophones auprès des équipes de communications de tous les ministères.

    Toutefois, le commissaire estime que certains aspects de cette directive et des lignes directrices qui l’accompagnent demeurent perfectibles. Dans son rapport d’enquête, le commissaire a donc présenté au gouvernement quatre recommandations qui visent à (i) clarifier le libellé de la directive, (ii) s’assurer que les communications gouvernementales dans les médias sociaux se produisent simultanément en anglais et en français, (iii) poursuivre les formations offertes par l’Office des affaires francophones aux équipes de communications et aux organismes classifiés, mais de façon continue, et (iv) offrir ces mêmes formations à l’ensemble des équipes de développement de politiques, programmes et services de tous les ministères et organismes classifiés.

    Le gouvernement a informé le commissaire qu’il tiendrait compte de ses recommandations.

    3.4.2 Dévolution des soins de santé

    En 1998, à la suite d’une recommandation de la Commission de restructuration des services de santé, le gouvernement de l’Ontario a amorcé un exercice de cession de ses hôpitaux psychiatriques au système des hôpitaux publics. Cette transition avait pour but d’assurer une meilleure intégration des services de santé mentale et de mieux répondre aux besoins des patients en misant sur une prestation de services communautaires. L’exercice de cession s’est terminé en 2008. Cette année-là, le Centre de santé mentale de Penetanguishene, établissement de 312 lits faisant partie du Réseau local d’intégration de services de santé (RLISS) de Simcoe Nord Muskoka, est devenu le dernier hôpital psychiatrique provincial à passer sous la houlette du système des hôpitaux publics de la province.

    En 2011, l’hôpital s’est doté d’une nouvelle image de marque et d’un nouveau nom : « Waypoint ».

    Le nouveau nom unilingue ne laissait rien augurer de bon…

    Peu après l’inauguration de Waypoint, le Commissariat a eu vent d’une dégradation considérable des services en français dans cet établissement hautement réputé dans la communauté.

    Pourtant, avant la cession, le Centre de santé mentale de Penetanguishene, en tant qu’établissement gouvernemental désigné en vertu de la Loi sur les services en français, avait mis sur pied des politiques et procédures afin de respecter ses obligations en matière de prestation de services en français.

    Or, selon les plaignants, au nouvel établissement Waypoint, la situation était tout autre : le français semblait s’être volatilisé, notamment sur l’affichage de l’établissement ainsi que sur son site Web.

    L’enquête du Commissariat a mis en lumière le fait qu’au moment de la cession du Centre de santé mentale de Penetanguishene au système d’hôpitaux publics on avait simplement « oublié » d’intégrer des obligations formelles d’offrir des services en français.

    Informé du problème, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée a reconnu son erreur sans ambages et a rapidement réagi. Afin d’éviter que ce genre de problème ne se reproduise, il a revu et actualisé les politiques, plans, procédures et protocoles en vigueur relativement à la prestation des services en français. Et afin de corriger la situation à l’établissement même, le ministère s’est engagé à organiser des séances d’information pour l’ensemble du personnel sur les exigences associées à l’ancienne désignation conférée par la Loi. Et enfin, il a encouragé Waypoint à traduire son site Web.

    Le ministère a affirmé que la situation serait corrigée lorsque l’entente entre l’établissement et le ministère serait renouvelée.

    Le commissaire applaudit les efforts déployés par le ministère pour réparer les pots cassés. N’empêche que si l’on s’était souvenu des francophones dès le début du processus (ce fameux « en amont » remonte aux lèvres), on aurait pu éviter un tollé coûteux en temps et en énergie, l’interruption des services en français et le ternissement de la réputation d’un organisme renommé — alors qu’une simple petite clause dans un contrat de cession aurait fait toute la différence!

    3.4.3 Sida et VIH

    Au cours de la dernière année, le Commissariat a reçu plusieurs plaintes de citoyens de la région du grand Toronto et d’Ottawa portant sur le manque de services en français pour les personnes vivant avec le VIH ou le sida. Les plaignants alléguaient que quand ils s’étaient tournés vers des organismes communautaires de soutien — largement financés par le gouvernement en Ontario —, ils n’avaient pas reçu de services en français adéquats et équivalents.

    Précisons que les plaignants ne déploraient pas nécessairement tous une absence totale de services. En effet, plusieurs avaient été accueillis ou orientés en français. Mais la dualité linguistique allait rarement plus loin que la salle de réception. Et lorsqu’on en venait à la prise en charge même de la personne vivant avec le VIH ou le sida, les services offerts n’étaient plus qu’en anglais (counselling, aide à la recherche de résidence, etc.).

    Les personnes qui vivent avec le VIH ou le sida luttent littéralement pour leur vie et doivent à la fois partager et comprendre des informations complexes, de nature délicate. Elles doivent pouvoir décrire avec précision des symptômes, des effets secondaires, des états physiques et psychiques. Elles doivent recevoir et comprendre des conseils indispensables en matière de mode de vie, de conséquences sanitaires et juridiques de certaines pratiques, d’obtention d’aide à long terme et d’urgence et de prise de médicaments.

    Clairement, avoir à expliquer ou à comprendre de telles nuances dans sa langue seconde tient de la gymnastique intellectuelle et les francophones qui vivent avec le VIH ou le sida en ont assez de jouer les acrobates linguistiques quand ils composent déjà avec des épreuves de toutes sortes. Ils ont donc sollicité l’aide du Commissariat pour faire valoir leur droit à un continuum d’accompagnement social et thérapeutique en français.

    Évidemment, le Commissariat se devait de faire la lumière sur cette apparente iniquité et a fait enquête. Les résultats n’ont pas été des plus favorables.

    D’un côté, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée a déclaré que, bien que les organismes œuvrant dans le secteur du VIH/sida soient effectivement subventionnés à même les deniers publics, ils n’ont aucune obligation légale d’offrir des services en français, puisqu’ils ne sont pas des organismes gouvernementaux et qu’ils ne fournissent pas de services au nom du gouvernement.

    D’un autre côté, le ministère a souligné de nombreux gestes qu’il a posés pour améliorer les services à l’intention des francophones vivants avec le VIH, mais ceux-ci se résument à faire traduire des campagnes de sensibilisation provinciale et à financer des activités — au demeurant nombreuses — d’information, de dépistage et de formation.

    Ces efforts sont louables, mais ils ne règlent pas le problème fondamental soulevé par les plaignants, à savoir le manque de services de soutien en français adaptés, destinés à aider les francophones à composer avec leur maladie et les vastes répercussions médicales, personnelles et sociales qu’elles entraînent à long terme.

    Le ministère a souligné au commissaire qu’il s’employait à élaborer une stratégie provinciale sur le VIH/sida et, dans un même souffle, a sous-entendu que la question débordait de la sphère de compétence du Commissariat.

    Manifestement, le commissaire ne se prétend pas spécialiste des politiques de la santé. Toutefois, il est spécialiste des droits linguistiques des francophones en Ontario et il entend s’assurer que ceux et celles qui composent chaque jour avec une maladie qui les fait confronter l’abandon, la stigmatisation, la douleur, voire la fin de vie, puissent compter sur une structure en partie payée de leur poche, par l’entremise des deniers publics, pour répondre à leurs besoins.

    Il souhaite donc que la stratégie entrevue par le ministère intègre pleinement les services en français dès le départ (« en amont », pour utiliser l’expression juste) et que celle-ci prévoie non seulement des obligations en ce sens et de bout en bout de la part des partenaires financés par le gouvernement, mais aussi l’incorporation et le financement adéquat d’organismes francophones pleinement habilités à offrir des services aux personnes vivants avec le VIH et le sida.

    3.4.4 Bureaux de santé publique

    Dans ses deux rapports annuels précédents, le commissaire analysait la question du manque de services en français dans certains bureaux de santé publique de l’Ontario, qui sont pourtant appelés à exécuter des programmes largement financés par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée.

    Le problème émane du fait que les conseils de santé sont des « conseils locaux » au sens de la Loi sur les affaires municipales, ce qui les exempterait des obligations imposées aux organismes gouvernementaux au sens de la Loi sur les services en français.

    Or, le commissaire n’avale pas la pilule.

    À ses yeux, si un programme visant à appuyer le mieux-être des citoyens est en partie ou en totalité financée à même la bourse provinciale, sa prestation doit respecter les normes gouvernementales, notamment en ce qui concerne les services en français.

    Voilà pourquoi le commissaire a recommandé, en 2009-2010, que le ministère exige des bureaux de santé publique qu’ils appliquent la Loi sur les services en français dans de telles circonstances. Et voilà aussi pourquoi, non satisfait des progrès accomplis, il est revenu à la charge dans son rapport de 2010-2011.

    Le message semble faire son chemin : l’an dernier, le ministère a rappelé à tous les médecins hygiénistes de la province que les normes de santé publique de l’Ontario nécessitaient que les programmes et services de santé publique soient adaptés aux besoins des populations cibles, dont les francophones, et qu’il leur offrait les ressources nécessaires pour assurer une prestation efficace de services en français.

    Le commissaire estime qu’il s’agit là d’un pas dans la bonne direction et, à la lumière de ses entretiens avec les représentants du ministère de la Santé et des Soins de longue durée, il peut affirmer que ce ministère est déterminé à rendre équitable la prestation de services de santé publique aux francophones de l’Ontario.

    Cependant, en attendant que les efforts du ministère rapportent pleinement et que les gestes des bureaux de santé publique traduisent une irréfutable sensibilité aux besoins des francophones, le commissaire n’a d’autre choix que de réserver son pronostic.

    3.4.5 Le point sur les services de santé en français

    En 2009, le commissaire a publié un premier rapport spécial intitulé Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario41. Celui-ci présentait les difficultés que doivent affronter les francophones pour naviguer dans un système de santé qui ne tient pas toujours compte de leurs caractéristiques. Ce rapport révélait également que les francophones avaient un accès inadéquat aux services de santé en français et que ce problème était attribuable, du moins en partie, à une pénurie de professionnels de la santé francophones, à l’absence d’une offre concrète de services de santé en français et à une intégration insuffisante des francophones en tant que partenaires du système de santé.

    D’autre part, le rapport du commissaire soulignait le besoin d’améliorer la planification et la gouvernance des services de santé afin de les rendre plus responsables, efficients et efficaces. Pour résoudre ces problèmes urgents, le commissaire a proposé huit recommandations au ministère de la Santé et des Soins de longue durée.

    Depuis la diffusion de ce rapport spécial, le ministère a opéré d’importants changements qui satisfont en grande partie aux recommandations formulées par le commissaire. Citons, par exemple, les améliorations vitales réalisées sur le plan de la gouvernance et de la planification, notamment la nomination d’une coordonnatrice ou d’un coordonnateur des services en français au sein de chaque réseau local d’intégration des services de santé (RLISS) et la désignation de six entités de planification des services de santé en français. Dans un effort concerté, ces organes administratifs à but non lucratif ont créé de nouvelles occasions d’engager la communauté francophone, d’intégrer ses besoins et de rendre compte de ses activités, tant à l’échelon local qu’au sein du ministère de la Santé et des Soins de longue durée.

    De plus, le commissaire est encouragé par certaines recommandations sur les soins de santé formulées par la Commission de la réforme des services publics de l’Ontario, présidée par l’économiste Don Drummond. En effet, le commissaire appuie la suggestion faite pour que gouvernement reprenne à sa charge la responsabilité du secteur de la santé publique, particulièrement en élargissant les pouvoirs des RLISS puisque ceux-ci travaillent déjà en étroite collaboration avec les nouvelles entités de planification des services de santé en français. Et le Budget de l’Ontario 2012 semble prometteur quant à la volonté gouvernementale de poursuivre dans cette direction.

    Il faut donner à ces nouvelles entités le temps de croître et de se développer pour qu’à l’exemple des RLISS de la province, elles puissent un jour trouver leur rythme. Et le commissaire pense qu’elles y parviendront, en formulant des recommandations directement aux RLISS et en rendant publiques leurs suggestions concernant les améliorations à apporter aux services de santé en français. En effet, les organes administratifs partagent la même obligation de rendre des comptes au public, bien que les RLISS aient l’entière responsabilité des décisions qu’ils prennent.

    Le ministère a également franchi une étape en prenant en considération les caractéristiques uniques de la communauté francophone dans ses décisions, ainsi qu’en témoignent l’amélioration et l’élargissement des services de soins primaires dans la région de Peel-Halton avec l’ouverture d’un emplacement bilingue pour l’Équipe de santé familiale de Credit Valley. Le ministère a aussi décidé d’inclure la capacité à offrir des services en français dans les critères de sélection de nouvelles équipes de santé familiale, de sorte que plus de la moitié des équipes annoncées en 2010 étaient en mesure de fournir des services de santé en français.

    De plus, la loi régissant les centres d’accès aux soins communautaires (CASC) a été modifiée de façon à exiger que ces centres prennent toutes les mesures raisonnables pour veiller à ce que les francophones puissent se prévaloir de leur droit de recevoir des services en français.

    Enfin, le ministère a entrepris des initiatives avec d’éminents chercheurs francophones dans la province pour améliorer sa capacité de recherche aux fins de l’élaboration de politiques et de programmes.

    En 2009, par exemple, le ministère a appuyé une étude de l’Initiative du Réseau de recherche appliquée en santé (IRRAS) menée par l’équipe de recherche sur la santé des francophones du Réseau de recherche appliquée sur la santé des francophones de l’Ontario, un réseau ouvert de chercheurs associés à la faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa. Cette étude se concentrera sur divers enjeux, tels que : (i) la surveillance de l’état de santé et de ses déterminants dans les collectivités francophones de l’Ontario, (ii) les besoins particuliers liés aux services de santé au sein des populations francophones de l’Ontario et des professionnels de la santé offrant des services de santé en français, et (iii) les modèles de soins et le rendement du système de santé dans un milieu linguistique minoritaire.

    Le ministère a également analysé les données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes pour avoir une meilleure compréhension de l’état de santé des Franco-ontariens. Ensemble, ces démarches et ces conclusions éclaireront l’élaboration des politiques et des programmes et aideront à définir les priorités futures de la recherche. De plus, l’Outil d’évaluation de l’impact sur l’équité en matière de santé (EIES) — un outil de soutien décisionnel qui aide à déterminer comment un programme, une politique ou une initiative similaire se répercutera sur des groupes démographiques de différentes manières — comprend désormais un volet de services en français. Les responsables des entités de planification des services de santé en français et des coordonnateurs des services de santé en français des RLISS recevront une formation complémentaire sur l’utilisation de cet outil au cours de l’année à venir.

    À la lumière de ces changements et d’autres changements importants, le commissaire est satisfait des progrès globaux réalisés par le ministère dans la planification des services de santé en français depuis la diffusion de ce rapport spécial. Dans sa réponse au rapport du commissaire, le ministère a souligné qu’un grand nombre de ces initiatives prises récemment auront des implications à long terme.

    Ainsi, le commissaire est impatient de voir des améliorations tangibles dans la planification des services de santé en français et l’accès à ceux-ci au cours des prochains mois et pendant les années à venir, car il y aura toujours une place pour une meilleure planification et des services améliorés et intégrés.

     

    3.5 Terre et ressources

    Comme cela a été mentionné dans l’introduction du présent chapitre, certaines difficultés liées à l’obtention de services en français sont parfois considérées comme de simples « pépins » par les organismes gouvernementaux, qui ne semblent voir dans les revendications de services en français qu’une complication administrative dans l’exécution de leur « mission première » (p. ex. protéger le milieu naturel, promouvoir l’économie d’énergie…) .

    C’est là une perception incompatible avec les devoirs d’une administration publique, car les objectifs ministériels ne peuvent supplanter les règlements gouvernementaux. Or, le fait de tolérer une structure qui désavantage les francophones — ou qui les empêche de participer pleinement à des initiatives à l’appui de la pérennité du milieu et des ressources naturelles — reflète un laxisme certain à l’égard de l’application de la Loi sur les services en français.

    Voilà pourquoi le commissaire prend au sérieux les plaintes des francophones qui ne sont pas interpellés dans leur langue par les exécutants des programmes emblématiques du gouvernement.

    3.5.1 Office de l’électricité de l’Ontario

    Cette année, des plaintes ont continué à provenir de citoyens francophones ayant reçu des bons de réduction anglais à l’effigie de l’Office de l’électricité de l’Ontario (« OPA ») pour l’obtention de remises sur l’achat d’équipements écoénergétiques. Pour ces plaignants, le message était sans équivoque : pour obtenir un rabais, il faut s’exprimer en anglais!

    Ce problème s’inscrit dans le prolongement des critiques que le Commissaire a formulées dans son dernier rapport annuel à l’endroit de l’Office de l’électricité de l’Ontario et des autres sociétés énergétiques créées en vertu de la Loi sur l’électricité, qui ne communiquent avec leur clientèle qu’en anglais, en invoquant le fait qu’ils ne sont pas assujettis à la Loi sur les services en français.

    Il va sans dire que, selon le commissaire, les communications appuyant des initiatives du gouvernement de l’Ontario — telles que la conservation de l’énergie — préparées ou menées par un organisme ayant un mandat public et s’adressant à tous les citoyens de l’Ontario, doivent être bilingues.

    Voilà pourquoi le Commissaire, dans sa recommandation, enjoignait au ministère de l’Énergie de proposer une modification à la Loi sur l’électricité pour que l’Office de l’électricité de l’Ontario de même que toutes les entités actuelles ou futures créées aux termes de cette loi soient assujettis à la Loi sur les services en français en ce qui a trait aux programmes, services et communications ciblant le grand public.

    À la suite de cette recommandation, le ministère de l’Énergie a confirmé son engagement à respecter la lettre et l’esprit de la Loi sur les services en français et… du même souffle, a réaffirmé l’exclusion des organismes créés par la Loi sur l’électricité aux obligations prévues par la Loi sur les services en français.

    Certes, le ministère a souligné que « nos (sic!) organismes se sont engagés eux aussi à respecter l’esprit de la Loi », et a étayé cette affirmation par une liste d’heureuses mesures prises au cours de l’année par l’Office de l’électricité de l’Ontario pour corriger le tir de sa campagne saveONenergy (voir la réponse du gouvernement en annexe).

    Le ministère a ajouté qu’il entend collaborer avec « ses » organismes pour trouver des mécanismes permettant d’assurer de façon plus formelle le respect de l’esprit et du sens de la Loi sur les services en français.

    Le commissaire a du mal à se rallier à l’impuissance du ministère de l’Énergie — qui appuie pourtant sur la nature filiale des organismes mis en cause —, mais il s’armera encore une fois de patience et attendra de voir si les bonnes intentions seront suffisantes pour cultiver et enraciner, dans les sociétés énergiques ontariennes, une véritable conscientisation aux besoins et aux attentes des citoyens francophones.

    3.5.2 Réacheminement des déchets Ontario

    L’an dernier, le commissaire soulevait le fait que nombre de citoyens communiquaient avec le Commissariat pour réclamer des services en français de la part des sociétés sans but lucratif chargées, en vertu de la Loi de 2002 sur le réacheminement des déchets, d’assurer la revalorisation de déchets désignés tels que les pneus, les téléphones cellulaires et les piles.

    Ces programmes de revalorisation réglementaires sont exécutés par des « organismes de financement industriels » et financés par l’entremise de frais perçus auprès des « responsables de la gérance », principalement des producteurs et des importateurs, qui ont un lien commercial avec les déchets désignés ou avec un produit dont sont dérivés les déchets désignés. Les producteurs ou les importateurs imputent souvent ces frais aux détaillants qui, à leur tour, peuvent les refiler aux consommateurs.

    Ces organismes de financement industriels sont constitués, en vertu de la Loi de 2002 sur le réacheminement de déchets, par l’organisme Réacheminement des déchets Ontario (RDO), également constitué par la Loi. RDO supervise le développement et l’opération des programmes de réacheminement des déchets désignés.

    Or, en dépit du fait que ce sont les consommateurs ontariens qui, en fin de compte, paient pour la récupération de produits désignés par le ministère de l’Environnement, les organismes de financement industriels ne fournissaient ni documentation ni services en français, ce qu’ils pouvaient faire en toute impunité en raison de leur statut juridique.

    En effet, le ministère de l’Environnement se dégageait pour ainsi dire de toute responsabilité pour ce qui concernait le fonctionnement de RDO et des organismes de financement industriel en affirmant qu’il n’avait pratiquement aucun droit de regard sur ces derniers.

    Le commissaire n’adhérait pas une telle vision des choses : il soutenait que les sociétés créées en application d’une loi provinciale pour réaliser des priorités et des objectifs provinciaux phares devaient voir leur fonctionnement assorti de responsabilités en matière de prestation de services en français.

    Car, manifestement, les citoyens francophones ont le même droit que les citoyens anglophones d’obtenir des renseignements détaillés sur les éco-droits qu’on leur impose à la caisse, sur les matières dangereuses visées par le réacheminement, sur les points de collecte des portables, bref sur tous les aspects des programmes de gestion des déchets mandatés par le gouvernement de l’Ontario, auxquels ils sont légalement et socialement tenus de participer.

    C’est pourquoi l’an dernier le commissaire a recommandé que le ministère de l’Environnement voie à ce que les citoyens francophones disposent de toute l’information nécessaire en français pour s’enquérir des programmes de gestion des déchets mandatés par le gouvernement provincial en obligeant les organismes de financement industriels à se conformer à la Loi sur les services en français.

    En réponse à cette recommandation, le ministère de l’Environnement a été plutôt laconique : il convient avec le commissaire de l’importance pour les citoyens francophones de disposer d’information en français sur les programmes de gestion des déchets et il continuera de communiquer avec le public, en anglais et en français, à propos de ces programmes (voir réponse du gouvernement en annexe A).

    En d’autres mots : le ministère s’acquittera… de ses obligations.

    La réponse est commode.

    D’autant plus qu’elle se conclut par ce qui se résume à une intention d’inciter les exécutants du réacheminement des déchets de l’Ontario de respecter les droits des francophones.

    Évidemment, le commissaire ne saurait être satisfait de l’état actuel des choses. Il campe sur ses positions : les organismes créés par une loi provinciale pour exécuter des programmes d’initiative provinciale ont l’obligation de se conformer à la Loi sur les services en français, et donc, de communiquer avec les membres du public en français tout comme en anglais. À tout le moins, ces organismes doivent être légalement considérés comme des tierces parties et doivent donc se soumettre aux obligations prévues par le nouveau Règlement de l’Ontario 284/11.

    Il est temps pour le ministère de l’Environnement d’insérer « logique » dans « écologique » et de prendre des mesures concrètes pour que les francophones se sentent pleinement respectés par les programmes issus d’organismes auxquels le gouvernement a insufflé vie.

     

    3.6 Économie et organismes centraux

    3.6.1 Société d’évaluation foncière des municipalités

    Dans son dernier rapport, le Commissariat avait constaté que pour répondre aux problématiques soulevées par la communauté francophone quant aux services offerts par la Société d’évaluation foncière des municipalités, il était essentiel que les différents acteurs travaillent ensemble.

    Ce souhait n’aura pas été en vain.

    En effet, en mars 2012, le Commissariat a annoncé la signature d’un protocole d’entente avec la Société d’évaluation foncière des municipalités qui permettra non seulement d’améliorer la qualité des services offerts en français, mais encore d’accélérer le processus de résolution des plaintes.

    Dans ce protocole, l’organisme a confirmé son engagement à traiter toute plainte — quelle que soit sa nature — dans un délai maximum de cinq jours ouvrables suivant sa réception.

    Le Commissariat tient à souligner la bonne volonté de la Société d’évaluation foncière des municipalités à offrir des services en français de qualité, accessibles et courtois. De plus, le commissaire est persuadé que cette nouvelle approche proactive profitera à tous les francophones de l’Ontario.

    3.6.2 Radios communautaires francophones

    En avril 2011, le Commissariat publiait une étude portant sur les radios communautaires francophones de la province. Ce document, intitulé Étude sur les radios communautaires francophones de l’Ontario : Éléments clés de la vitalité des communautés42, faisait état, entre autres, du manque d’appui gouvernemental dans ce domaine.

    En effet, cette étude faisait suite à un appel lancé par le Mouvement des intervenants et des intervenantes en communication radio de l’Ontario (MICRO) qui soulevait un certain nombre d’inquiétudes. Ce dernier soulignait, en particulier, l’absence de soutien financier de la part du gouvernement provincial aux radios communautaires francophones depuis 1995. Une date qui coïncide avec l’abolition du Programme de radio communautaire de l’Ontario.

    Le commissaire a reconnu le rôle joué par les radios communautaires de langue française dans la vitalité et le développement de la communauté francophone en Ontario dans son étude. De plus, il a avancé certaines pistes de solutions, dont un appui gouvernemental jugé comme étant certainement approprié et souhaitable.

    Par ailleurs, le commissaire a formulé une recommandation dans laquelle il a demandé au gouvernement de concevoir un nouvel état des lieux afin de dresser un portrait précis de la situation des radios communautaires francophones en Ontario. Un exercice qui devrait aussi proposer des solutions concrètes et permanentes pour répondre aux besoins spécifiques des francophones en matière de radio communautaire.

    Faisant suite à cette recommandation, le Commissariat a reçu une réponse du gouvernement qui reconnaissait que les problématiques soulevées étaient importantes. Ainsi, l’Office des affaires francophones (OAF), en partenariat avec le Groupe Média TFO, a été chargé par le gouvernement de dresser un nouveau portrait global sur les habitudes médiatiques des Franco-Ontariens qui comprendra notamment la radio (y compris la radio communautaire), les médias sociaux, Internet, les journaux et la télévision.

    Le commissaire se réjouit que le gouvernement ait répondu favorablement à sa recommandation toutefois, il reste encore à définir le plan d’action et l’échéancier dans la conduite de ce projet. Un dossier que le commissaire entend surveiller de près.

    3.6.3 Élections Ontario

    Le scrutin du 6 octobre 2011 a donné lieu à une douzaine de plaintes au sujet de la non-disponibilité de services en français. Le commissaire estime que c’est fort peu concernant l’ampleur de l’exercice à l’échelle de la province et c’est tout à l’honneur d’Élections Ontario.

    La plupart des plaintes dénonçaient le manque de personnel bilingue dans certains des 940 bureaux de vote par anticipation et des 24 479 bureaux de vote, le jour du scrutin, ce qui est malheureux, car Élections Ontario a tout fait pour recruter le personnel nécessaire afin de respecter ses obligations en matière de services en français.

    Le commissaire a aussi fait sa part, en publiant un message43 sur son blogue pour inciter les francophones à joindre les rangs des quelque 80 062 fonctionnaires électoraux.

    Enfin, le Commissariat a agi de façon proactive dans ce dossier en ratifiant un protocole d’entente avec le directeur général des élections, Greg Essensa, dans le but d’accélérer le traitement des plaintes reçues.

    Mais étant donné que la demande pour des scrutateurs bilingues excédera toujours l’offre, l’amélioration nécessite un effort de la part des francophones. Ce thème a d’ailleurs été soulevé par le commissaire l’an dernier dans son rapport annuel intitulé Rapport annuel 2010-2011 : Un engagement partagé. En effet, selon le commissaire, parfois l’obtention de services en français nécessite l’engagement des citoyens francophones.

     

    3.7 Conclusion

    Les pages qui précèdent font le point sur quelques-uns des dossiers qui ont occupé le Commissariat au cours de l’année 2011-2012. Comme on peut le constater, un travail considérable a été accompli, non seulement par l’équipe du Commissariat, mais aussi — et surtout — par les administrateurs et les fonctionnaires qui sont appelés à aider leur organisme à corriger les situations problématiques portées à leur attention.

    Comme il l’a mentionné en introduction, le commissaire ne souhaite en rien dénigrer les avancées faites au fil des ans. Au contraire. Son objectif consiste justement à faire en sorte qu’avancées, il y ait! Le dernier chapitre de ce rapport annuel, véritable florilège de bons coups, en fait foi.

    Il n’empêche que le commissaire est, au final, un de chien de garde, et que les droits linguistiques des francophones sont sa pâtée. Comme c’est le cas pour tout bon chien de garde, les gestes louches le font grogner — témoin le présent chapitre; il reste toujours à l’affût des gestes intempestifs; il braque son regard droit devant.

    Il ne démord donc pas de son engagement à décrier les situations qui font obstacle à la réalisation de la vision du Commissariat, qui consiste, rappelons-le, à assurer une prestation active et intégrée des services en français, en appui au développement de la communauté francophone, et du coup, de la société ontarienne.

    S’il faut qu’il secoue des puces, le commissaire le fera, mais il est d’avis — et l’a toujours été — que la coopération a bien meilleur goût.

    Il espère que l’emploi, voire la bonification, de sa tribune contribuera à faire assimiler par tous les acteurs de la fonction publique ce message à la fois simple et capital : un manquement à la Loi sur les services en français est bien plus qu’une atteinte à l’identité francophone — c’est une lésion qui vide notre province d’une part essentielle de sa substance.

     

     

    Chapitre 4 – Données statistiques

    4.1 Plaintes reçues en 2011-2012

    Pour l’exercice financier 2011-2012le Commissariat a reçu 371 plaintes (tableau 1). En valeur absolue, ce chiffre constitue une légère baisse par rapport à celui de l’année 2010-2011. Toutefois, en 2011-2012, le Commissariat a connu une augmentation du nombre de plaintes individuelles. Ces plaintes portent sur des problématiques très diverses et sur des préoccupations variées comparativement à l’exercice précédent. En effet, la question du manque d’écoles de langue française dans la région du grand Toronto a généré, à elle seule, 70 plaintes en 2010-2011, ce qui ne fut pas le cas au cours de l’année 2011-2012.

    4.1.1 Plaintes par catégorie

    Sur les 371 plaintes reçues au cours de la dernière année, 308 ont fait l’objet d’une enquête et 254 ont été jugées recevables. Cela représente près de 70 % du nombre total de plaintes enregistrées pour cette période, alors que 63 plaintes ont été jugées non recevables. Ce chiffre est relativement supérieur en comparaison avec celui de l’année 2010-2011 qui était de 53 plaintes.

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    Les plaintes classées non recevables sont loin d’être sans intérêt. En effet, le Commissariat transmet souvent ces plaintes aux organismes visés dans le but de suggérer des améliorations qui, bien qu’elles débordent du cadre strict de la 
    Loi, reflètent souvent l’esprit de cette dernière ou font la promotion de l’excellence en matière de service aux citoyens.Les plaintes non recevables (tableau 2) sont réparties en cinq catégories : compétence provinciale, dossiers relevant du gouvernement fédéral, des municipalités, plaintes visant des institutions privées et celles jugées vexatoires, futiles, frivoles ou de mauvaise foi. Les plaintes non recevables et reportées dans la catégorie « province » regroupent les dossiers en relation notamment avec les régions non désignées, des organismes non assujettis à la Loi, mais régis par la province ou ceux ayant trait aux conséquences d’une décision gouvernementale ou de restructuration de services. D’ailleurs, cette catégorie avec celle des municipalités, de même que du secteur privé, comporte près de 85 % des plaintes non recevables.

     

     

     

     

     

     

     

     


    Pour l’année 2011-2012, ces plaintes visent principalement les hôpitaux ou organismes identifiés, celles issues de partenariats ou encore d’organismes indépendants, mais qui reçoivent des subventions gouvernementales. Ces dossiers ont fait l’objet d’enquêtes, bien qu’ils ne soient pas portés au compteur des institutions gouvernementales.Par ailleurs, le Commissariat a vu presque doubler le nombre de plaintes dans la catégorie « autre
    44» par rapport à l’exercice financier 2010-2011. Cette catégorie (tableau 3) regroupe des dossiers concernant des organismes indépendants, des entités créées, mandatées ou financées par le gouvernement.

     

     

     

     

     

     


    Il importe aussi de souligner que les 87 plaintes restantes de l’année 2009-2010 ont toutes été résolues à l’exception de deux d’entre elles qui soulèvent des problématiques complexes et systémiques.Quant aux plaintes visant les ministères, il y en a eu 254 en 2011-2012 (tableau 4, page 44), un chiffre à additionner aux 158 plaintes reportées de l’année précédente. Parmi ces plaintes, 315 ont été résolues dont 294 ont été jugées fondées, soit un taux de près de 95 %. Néanmoins, les données figurant dans ces tableaux reflètent la situation telle qu’elle était au 31 mars 2012. Au moment de la publication de ce rapport annuel, bon nombre de ces plaintes pourraient avoir été résolues.

    Les principaux ministères qui offrent des services directs à la population, notamment le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, le ministère du Procureur général, le ministère de l’Éducation ainsi que le ministère des Services gouvernementaux représentent plus de la moitié des plaintes reçues au cours de l’année 2011-2012.

    4.1.2 Hausse du nombre de plaintes traitées et résolues

    L’année 2011-2012 a été marquée par une croissance significative des plaintes recevables que l’équipe du Commissariat a traitées au cours de ce même exercice soit un total de 412 plaintes. Ce chiffre comprend les plaintes recevables de l’année 2011-2012 ainsi que celles reportées de l’année précédente. Il s’agit d’une hausse de près de 10 % par rapport à l’exercice financier de 2010-2011 (Diagramme 1).

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    En outre, le nombre des plaintes recevables résolues a augmenté de 35 %, en 2011-2012, en comparaison à l’année 2010-2011.

    Enfin, bien que le Commissariat ait été créé en 2007, les données comparatives excluent l’année 2007-2008. En effet, il importe de rappeler que le rapport annuel 2007-2008 rapportait 62 plaintes reçues et couvrait la période du 4 septembre 2007 au 31 mars 2008 soit sept mois d’activités au total.

    4.1.3 Répartition géographique des plaintes

    La tendance observée les années précédentes se maintient. De fait, l’analyse de la provenance des plaintes reçues au cours de l’exercice 2011-2012 n’épouse pas complètement la répartition géographique des francophones en Ontario45 bien qu’elle soit restée relativement la même en comparaison aux données de l’année dernière. En effet, les citoyens résidant dans les régions du Centre, de l’Est et du Nord-est — régions à forte concentration francophone — ont été les plus nombreux à faire appel au service du Commissariat comme le démontre le tableau 5.

    La région du Centre concentre près 45 % des plaintes reçues, devançant ainsi l’Est qui est suivi de près avec 44 % du nombre total des plaintes. Près de 8 % de plaintes proviennent de la région du Nord-est. À eux seuls, le Centre et l’Est totalisent près de 90 % des plaintes reçues pendant l’année 2011-2012.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Enfin, il importe de rappeler qu’obtenir un portrait précis de la provenance géographique des plaintes est un exercice complexe, tant les gens sont aujourd’hui mobiles et que les services gouvernementaux sont offerts sous différentes formes grâce aux nouvelles technologies. En effet, il arrive qu’une personne puisse résider à Chapleau et qu’elle déplore la qualité des services en français dans la région de North Bay ou qu’elle veuille se plaindre d’un service offert au téléphone par un employé situé à London. Toutefois, seul le critère du lieu de résidence des plaignants a été retenu pour dresser ce tableau, qui permet, entre autres, de mesurer le degré de notoriété du Commissariat auprès de la communauté francophone.

    4.1.4 Demandes de renseignements

    Pour ce cinquième exercice financier, le Commissariat a reçu 50 demandes d’information sur des sujets très diversifiés. L’intérêt porte majoritairement sur les services en français, les obligations et l’interprétation de la Loi sur les services en français. De plus, de nombreux citoyens se sont informés sur les obligations relativement à la Loi de certains organismes indépendants et entreprises privées. Et beaucoup de citoyens ont contacté le Commissariat pour obtenir des renseignements sur divers services offerts par le gouvernement de l’Ontario.

    Enfin, certaines personnes ont également démontré un intérêt à obtenir des données statistiques sur la communauté francophone de même que des informations sur le nouveau règlement sur les tierces parties (voir chapitre 1, section 1.5).

    Ces demandes de renseignements ont été traitées dans un délai raisonnable en redirigeant à chaque fois, les demandeurs au bureau recherché ou en fournissant l’information désirée.

     

     

    Chapitre 5 – Transformations gouvernementales

    5.1 La lettre et l’esprit de la Loi sur les services en français

    Le gouvernement de l’Ontario a choisi l’année 2015 comme année de célébration des 400 ans de présence française en Ontario. Parfois, on semble oublier ce fait important, mais les francophones ont activement participé à l’émergence de la province, à son édification, à creuser son sol, et à peupler son territoire. Comme mentionné dans le premier chapitre de ce rapport, la Loi sur les services en français poursuit un double objectif à savoir de protéger la minorité francophone en Ontario et de faire progresser le français en favorisant son égalité avec l’anglais.

    Cela va au-delà de simplement fournir des services en français. La façon dont ces services sont offerts est tout aussi importante et peut faire toute une différence!

    Au cours des derniers siècles, les francophones de la province se sont dotés d’institutions clés, dans tous les domaines et secteurs de l’activité humaine, afin de participer activement au développement de la communauté franco-ontarienne. Ces institutions, que ce soit dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la culture, de l’économie ou autre, sont littéralement au cœur de l’épanouissement non seulement individuel, mais aussi collectif. Individuel parce qu’agir dans un organisme comme bénévole permet de s’accomplir d’abord sur un plan strictement personnel en contribuant à une cause pour faire une différence. Collectif aussi puisque cette participation individuelle renforce le sentiment d’appartenance non seulement à une cause qui tient l’individu à cœur, mais aussi à l’ensemble de la communauté. Cela se vérifie partout, mais cela est d’autant plus vrai dans les communautés francophones de la province et de leurs institutions.

    Car, en effet, ces institutions offrent des services essentiels à l’épanouissement de la communauté.

    Parfois, ces institutions sont strictement communautaires. Parfois, elles sont gouvernementales. L’affaire Montfort demeure la référence par excellence pour rappeler à quel point des institutions gouvernementales peuvent faire toute une différence dans le développement d’une communauté. La Cour d’appel de l’Ontario a reconnu le rôle institutionnel plus large que la prestation de services de santé. La Cour a aussi, outre l’aspect formation, indiqué clairement que l’hôpital Montfort joue un rôle essentiel dans la préservation de la langue française et dans la transmission de la culture et que l’existence de cet hôpital favorise la solidarité au sein de la minorité49.

    Le commissaire tient à nouveau à le souligner : ce n’est pas une simple question de prestation de services en français.

    Or, l’un des enjeux majeurs que le commissaire entrevoit pour les années à venir sera de faire comprendre au gouvernement, dont ses ministères et autres organismes gouvernementaux, qu’ils doivent non seulement respecter la lettre de la Loi, mais également son esprit.

    Ainsi, un ministère pourrait très bien décider d’éliminer un certain nombre d’intermédiaires ou de rechercher l’intégration, par exemple, entre différents organismes. L’objectif est louable et se comprend parfaitement dans un contexte de restrictions budgétaires. Mais ce faisant, il faut prendre garde de ne pas déconsidérer les institutions de la communauté francophone, car celles-ci — déjà fragilisées en raison de leur contexte minoritaire — ne doivent pas devoir subir l’asservissement auprès d’autres organismes de la majorité.

    En s’assurant d’inclure une clause contractuelle d’offre de services en français dans une entente avec une tierce partie, on respecterait peut-être alors la lettre de la Loi, mais pas nécessairement son esprit. Puisqu’en éliminant ou en forçant un organisme francophone qui dispense déjà des services à sa communauté à s’associer ou à sous-contracter auprès d’une tierce partie, un ministère risquerait de ne plus respecter l’intention du législateur, c’est-à-dire l’esprit de la Loi.

    C’est dans ce contexte qu’il faut analyser toutes les décisions de transformations gouvernementales au cours des prochaines années.

     

    5.2 Les travaux de la Commission Drummond

    Dans le cadre de son rapport annuel 2010-2011, le commissaire a formulé une recommandation innovante en s’adressant — pour une toute première fois — directement à la communauté franco-ontarienne :

    « Le commissaire recommande à la communauté franco-ontarienne de participer activement au processus de renouvellement de la prestation des services du gouvernement en proposant des méthodes et moyens innovateurs, pragmatiques et axés sur les résultats pour assurer le développement de cette communauté

    Cette recommandation faisait suite à la décision gouvernementale de créer la Commission sur la réforme des services publics de l’Ontario annoncée lors de la présentation du budget déposé à l’Assemblée législative en mars 2011.

    En réponse à cette recommandation, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a fait parvenir, en décembre dernier, une lettre à la Commission dans lequel elle rappelait l’importance de ne pas compromettre le caractère fondamental des services en français pour les francophones tout en invitant le gouvernement à entretenir un dialogue avec la communauté afin de définir les modèles qui répondent à ses besoins. De fait, certains organismes francophones assurent déjà la prestation de services publics qui sont offerts autant en français qu’en anglais en collaborant souvent entre eux, mais surtout en travaillant avec plusieurs ministères.

    Parallèlement, le commissaire a rencontré la présidence de la Commission afin de lui faire part de ses préoccupations. Il a aussi souligné les possibilités qui s’offraient à la communauté franco-ontarienne avec cette réforme, mais a également livré une mise en garde contre une privatisation tous azimuts — un geste qui est loin d’être une solution optimale dans le contexte d’une minorité linguistique. D’ailleurs, le commissaire a émis une recommandation au gouvernement en 2009 pour s’assurer que toute loi autorisant une privatisation de service contienne des clauses spécifiques indiquant expressément que les droits prévus dans la Loi sur les services en français continueront de s’appliquer.

    Auprès de la Commission, le commissaire a insisté sur le fait qu’une partie de la solution serait de créer des espaces de travail en français dans lesquels les services seraient offerts dans les deux langues. Il a également préconisé que le gouvernement s’éloigne de la culture de fonctionnement en « en vase clos » qui perdure au sein de certains de ses ministères et œuvre avec les intervenants franco-ontariens à l’élaboration de moyens innovants, pragmatiques et axés sur les résultats pour fournir des services de qualité.

    La publication du rapport de la Commission connu sous le nom du rapport Drummond50, en février dernier, n’est pas passée inaperçue tant le nombre de ses recommandations est sans précédent. En effet, plus de 360 recommandations sont répertoriées dans ce document, dont 105 pour le seul secteur de la santé, qui absorbe près de 50 % du budget de la province. D’entrée de jeu, les auteurs du rapport sont limpides dans leur analyse :

    « Pour atteindre son objectif d’équilibrer le budget dans sept ans, le gouvernement devra diminuer ses dépenses réelles par habitant encore plus, et pendant une période beaucoup plus longue que ne l’a fait le gouvernement Harris dans les années 199051. »

    Cependant, le commissaire voit dans le rapport Drummond une occasion à saisir par les francophones comme la création de centres multiservices en partenariat avec le gouvernement fédéral et certaines municipalités pour faciliter la prestation de services bilingues — une idée déjà évoquée dans son dernier rapport annuel. Bien que dans ce rapport le commissaire apportait une nuance importante : la langue de travail dans ces centres doit être le français, comme cela se fait dans les Centres de services bilingues du Manitoba.

    Le rapport laisse également présager la participation du secteur privé dans ServiceOntario afin d’optimiser ses ressources — un nouveau modèle qui doit satisfaire aux normes qui régissent la prestation des services publics, comme la prestation dans les deux langues, selon les auteurs du rapport.

    Cela dit, après avoir pris connaissance du rapport Drummond, le commissaire a publié un communiqué dans lequel il a fait la déclaration suivante :

    « En clair, j’ai l’intention de m’opposer à toute privatisation, abolition ou fusion de programme qui n’offre pas, au préalable, des garanties concrètes et pragmatiques — et applicables sur le terrain —, pour le maintien ou l’amélioration des services en français52. »

     

    5.3 Le budget de l’Ontario 2012

    Le Budget de l’Ontario 2012 donne le ton aux intentions du gouvernement quant à la transformation de la prestation des services au public ontarien.

    « Pour mettre l’accent sur les activités de base, il faut accorder moins d’importance aux programmes non prioritaires, éliminer les programmes que le gouvernement ne devrait pas dispenser ou déterminer ceux que le secteur privé pourrait dispenser de façon plus efficiente53. »

    En effet, le Budget annonce « le dépôt d’un projet de loi qui permettrait au gouvernement de mettre en œuvre un certain nombre de modèles de partenariats public-privé pour ServiceOntario, tout en continuant d’établir des normes de service à la clientèle et d’assurer la protection de la vie privée et des données personnelles54. » Naturellement, en ce qui concerne le commissaire, il sera essentiel de s’assurer que ces normes de service à la clientèle comprennent évidemment des garanties pour la prestation de services équivalents et de qualité, en français comme en anglais.

    Plus encore, on annonce dans ce budget qu’au cours « des 12 à 18 prochains mois, la province mettra à profit les expériences vécues ailleurs afin de trouver des projets pilotes où on pourra faire l’essai de nouveaux modèles de prestation des services55 ». Voilà donc une belle occasion à saisir pour les communautés francophones de la province, en lien direct avec la recommandation à ce sujet publiée dans le Rapport annuel 2010-2011 du commissaire aux services en français.

    5.3.1 Partenariats public-privé

    Le gouvernement doit cependant tenir compte de certaines leçons en ce qui a trait aux partenariats public-privé dont celles durement apprises avec Teranet, qui fut un échec monumental en matière de services en français. Dans cette aventure, il est manifestement clair que Teranet n’avait pas été sensibilisé, au départ, aux besoins aux besoins des francophones. Résultat? La mise sur pied toutes voiles dehors d’un énorme, complexe et coûteux système d’enregistrement électronique des propriétés dont l’usage est obligatoire en Ontario… et qui ne permet pas l’enregistrement électronique en français!

    Soit dit en passant, Teranet a fait l’objet d’une des premières plaintes reçues par le Commissariat, en 2007, et malheureusement, il semble que cinq ans plus tard le problème soit loin d’être résolu. Espérons que cette situation puisse servir de leçon.

    Dans son Rapport annuel 2009-2010, le commissaire avait déjà signalé la problématique de la volatilisation des services en français lors des privatisations et avait même fait une recommandation à la ministre déléguée aux Affaires francophones pour désamorcer cette dangereuse spirale. Ici, la situation diffère quelque peu en ce que le gouvernement cherche non pas à privatiser des services, mais s’assurer que ces derniers soient offerts soit par le privé, par des organismes à but non lucratif ou toute autre tierce partie, aux termes d’ententes négociées.

    Certes, le commissaire se réjouit de l’adoption du Règlement 284/11 qui régit désormais la prestation de services en français par des tiers pour le compte d’organismes gouvernementaux. Cependant, cette règlementation ne peut couvrir l’éventail des diverses formes que ces partenariats pourraient prendre. L’une d’elles pourrait être la création de nouvelles entités. Teranet, par exemple, a été créée à partir de capitaux privés, mais avec l’assurance de contrats garantis de services pour le compte du gouvernement.

    Mais, comme dans toute chose, mieux vaut prévenir que guérir!

    Quant aux « normes de services à la clientèle » qui doivent faire partie du projet de loi annoncé dans le Budget, mentionné précédemment, il suffirait de prévoir expressément dans celui-ci que tout partenariat public-privé est assujetti aux obligations prévues par la Loi sur les services en français et que les nouvelles entités qui en découleront, si tel est le cas, seront aussi assujetties aux obligations de la Loi.

    Selon le commissaire, une telle disposition éliminerait du coup, toute possibilité d’échappatoires. Elle offrirait également aux citoyens une garantie que la qualité et l’accessibilité des services auxquels ils ont droit seront protégées, peu importe la nature de l’organisme et la relation les liant au gouvernement.

     

    Recommandation 5

    Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones de s’assurer que tout projet de loi ou autre mesure qui mène à la création de partenariats public-privé ayant une composante de prestation de services au public incorpore des dispositions qui assujettiront toute entité associée à ces partenariats à la Loi sur les services en français.

     

    5.3.2 Organismes d’application délégataires

    Le recours aux organismes d’application délégataires — ces sociétés sans but lucratif autofinancées, sans lien de dépendance avec le gouvernement — inquiète largement le commissaire. Dans le passé, ce modèle n’a pas été un gage de succès en matière de prestation de services en français.

    Dans son Rapport annuel 2008-2009, le commissaire écrivait :

    « Le gouvernement a mis en place un grand nombre d’organismes dits indépendants du gouvernement. Au fil des ans, les ministères, alors qu’ils étaient assujettis à la Loi sur les services en français, ont failli à leurs devoirs en vertu de cette loi en ne transférant pas leurs obligations légales aux organismes nouvellement créés. Donc, en cours de création de ceux-ci, il y a eu perte du respect de la lettre et de l’esprit de la Loi. Pourtant, tout comme les organismes gouvernementaux, ils ont reçu une délégation d’autorité et de responsabilité vis-à-vis de questions relevant du ministère. Ils œuvrent en vertu d’ententes-cadres de gouvernance entre le ministère et une société privée sans but lucratif. Alors que le ministère demeure imputable et garde le contrôle de ce qui est prescrit par la loi et les règlements qui en découlent, ces organismes assument l’aspect règlementaire, financier et administratif de la prestation de ces services. Ils doivent donc rendre des comptes au gouvernement56. »

    Mais ces organismes d’application délégataires ne sont pas des organismes gouvernementaux au sens de la Loi et ne sont donc pas assujetties aux obligations prévues par la Loi. Cela dit, le commissaire est d’avis qu’elles devraient être considérées comme des tierces parties au sens du Règlement 284/11. Voilà dont une façon bien commode pour le gouvernement de se soustraire aux obligations de services en français, du moins, directement!

    Le commissaire a traité de nombreuses plaintes en ce domaine, dont il a fait état dans ses rapports annuels précédents. Et il semble que grâce à la vigilance des plaignants, les représentations du commissaire ont porté fruit, du moins, partiellement.

    À preuve, dans la Loi de 2010 sur les maisons de retraite57, le législateur a mis en place l’Office de réglementation des maisons de retraite. Il apparaît absolument indéniable que cette organisation aura un rôle important à jouer pour les francophones au cours des années à venir compte tenu du vieillissement de la population. L’article 110 de cette loi58 fait en sorte que les citoyens ont toujours accès à des services en français. Cependant, officiellement et légalement parlant, l’Office de réglementation des maisons de retraite n’est pas assujetti à la Loi sur les services en français. En effet, son article 110 témoigne d’une bonne volonté, bien qu’il soit toutefois réducteur. Il n’offre pas toutes les garanties de la Loi, dont celle du pouvoir de se plaindre au Commissariat en cas de dérapage. Selon le commissaire, le législateur aurait très bien pu, et ce de façon tout à fait légale, assujettir cet organisme à la Loi, dès le départ. Il aurait s’agit là d’une solution efficace et efficiente, à l’image d’un gouvernement soucieux de faire des choix réfléchis.

    Dans le projet de loi 5559, qui vise l’adoption des mesures budgétaires de 2012, il est spécifiquement mentionné que les organismes d’application délégataires ne seront pas des organismes de la Couronne. Si c’est le cas, alors pourquoi ne pas prévoir l’assujettissement de tout nouvel organisme d’application délégataire, ou toute entité s’y apparentant, à l’intégralité des dispositions de la Loi sur les services en français ? L’objectif, selon le projet de loi, est de prévoir la prestation efficiente et efficace de programmes et services gouvernementaux, lorsqu’ils sont délégués, par des organisations sans but lucratif indépendantes exerçant leurs activités dans un cadre de responsabilisation et de gouvernance rigoureux60. Le commissaire est parfaitement d’accord avec cet objectif louable, dans la mesure où les services en français font partie intégrante de ce qu’on estime être une « prestation efficiente et efficace des programmes et services gouvernementaux ». Faute de quoi, le résultat serait, encore une fois, le non-respect de l’esprit de la Loi.

     

    Recommandation 6

    Le commissaire recommande à la ministre des Services aux consommateurs de prendre toutes les mesures nécessaires afin que tout nouvel organisme d’application délégataire ou toute entité s’y apparentant soit assujetti à l’intégralité des dispositions de la Loi sur les services en français.

     

    5.4 Conclusion

    Le commissaire entend rester vigilant pour s’assurer que les besoins de la communauté francophone soient pris en compte dans les décisions que prendra le gouvernement dans les prochains mois pour assainir les finances publiques. Pour le commissaire, il est indispensable que ces besoins soient intégrés dès la conception et la planification de toute fusion, suppression ou privatisation des programmes et services que le gouvernement entend mettre en place pour optimiser ses ressources. Le gouvernement de l’Ontario se doit de respecter non seulement la lettre de la Loi, mais aussi son esprit.

    Enfin, le commissaire croit fermement qu’une intégration des services en français en amont contribue à l’efficience des services publics et est synonyme de viabilité et d’excellence. Cependant, il est d’avis que la recherche d’une telle efficience ne pourrait se faire sans le concours des forces vives de la communauté francophone pour déterminer ensemble leurs besoins spécifiques.

    « Il existe une différence fondamentale entre la capacité de pouvoir s’exprimer dans sa deuxième langue pour faire des activités courantes de la vie quotidienne et de pouvoir aisément le faire lorsque l’on est devant une personne en situation d’autorité — un fonctionnaire, une policière, une juge — ou encore, lorsqu’on est en situation de vulnérabilité, comme lorsqu’on est à la recherche de soins de santé. »

     

     

    Chapitre 6 – Pratiques exemplaires

    Dans son cinquième rapport annuel, le commissaire poursuit sa tradition de souligner les pratiques exemplaires, les meilleures pratiques et l’innovation, au sein des ministères et des organismes gouvernementaux, dans la prestation de services en français.

    Cette année, le Commissariat a reçu plus de cent propositions de différents ministères et organismes — un nombre record qui a haussé d’un cran la difficulté du choix à faire pour déterminer lesquelles souligner.

    Mais cette difficulté signifie aussi que les ministères et les organismes sont à pied d’œuvre pour fournir des services de qualité aux francophones et, dans de nombreux cas, ont réussi à transformer les plaintes en améliorations durables des services.

    Cette année, une fois de plus, les pratiques exemplaires retenues par le commissaire ont été choisies principalement pour avoir été élaborées en partenariat avec la communauté franco-ontarienne. Le présent chapitre aborde également les meilleures pratiques qui ont servi d’exemple à d’autres ministères et organismes. Enfin, le commissaire a choisi un échantillon d’initiatives gouvernementales dignes d’une mention honorable.

    Bien qu’il lui soit impossible de retenir chacune des pratiques exemplaires et des meilleures pratiques qui ont été proposées, le commissaire est très encouragé de voir augmenter de façon constante le nombre de propositions et il tient à remercier sincèrement tous les ministères et les organismes de leur participation.

     

    6.1 Partenariats

    6.1.1 Évolution des services en français dans le secteur de la justice

    L’importance de fournir des services en français adéquats et constamment améliorés dans le secteur de la justice est le principe qui est à l’origine des réunions d’intervenants francophones organisées chaque année par le ministère du Procureur général et le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels.

    En 2011, les ministères ont renouvelé leur engagement envers la communauté francophone afin de poursuivre leur fructueuse collaboration dans le cadre de la seconde phase de la planification stratégique des services en français entreprise par le secteur de la justice.

    Dans le nouveau cycle de planification stratégique des services en français de 2011-2015, les gestionnaires et les intervenants du secteur de la justice travailleront ensemble pour assurer l’adoption et l’intégration de principes gouvernementaux qui visent à améliorer les services en français. Ces principes comprennent une planification axée sur les résultats pour les services en français, l’intégration de méthodes de reddition de comptes sur les services en français, l’étude de recherche sur les mécanismes de l’offre et de la demande de services en français dans le secteur ontarien de la justice, ainsi que des initiatives découlant des recommandations faites par le commissaire.

    En mars 2012, le commissaire a assisté à la réunion annuelle des intervenants du secteur de la justice pour applaudir ces initiatives en personne.

    6.1.2 Institut de développement professionnel en langue française

    Offrir une formation linguistique adéquate aux professionnels du secteur de la justice est une autre façon utile d’améliorer les services en français dans notre système judiciaire. C’est aussi ce qui justifie la création de l’Institut de développement professionnel en langue française — un projet primé, parrainé conjointement par Justice Canada et le secteur de la justice de l’Ontario.

    Cette année, l’Institut de développement professionnel en langue française s’est lancé dans l’environnement en ligne (e-FLIPD) pour compléter la formation continue qui a été offerte par intermittence au cours de l’année. Cette initiative a été mise sur pied en partenariat avec la Division du droit criminel, l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) et le Bureau du coordonnateur des services en français du secteur de la justice.

    Le commissaire est heureux de cette initiative qui propose des ressources et des outils novateurs pour contribuer à l’amélioration globale de la justice dans les deux langues officielles.

    6.1.3 Enseignement de la littérature francophone d’ailleurs

    En juin 2011 le ministère de l’Éducation a mis sur pied un partenariat des plus prometteurs avec la Coopérative Enseignants Pas à Pas (CEPAP), une coopérative à but non lucratif regroupant des enseignants ethnoculturels francophones de la région d’Ottawa. Ensemble ils ont mis sur pied un projet de 14 mois qui vise à fournir au personnel enseignant des outils pédagogiques pour mieux joindre les élèves immigrants.

    En plus d’ateliers de formation à l’intention du personnel enseignant des écoles de langue française ayant des élèves immigrants nouvellement arrivés en Ontario, ce projet comprend la diffusion de livres sélectionnés provenant de douze pays représentant les origines de ces élèves. Le commissaire estime qu’il s’agit d’un bel exemple de partenariat pour la mise sur pied de stratégies d’enseignement adaptées qui permettront aux enseignants d’établir les passerelles nécessaires à l’apprentissage des élèves de nos communautés de plus en plus diverses.

    6.1.4 Accueil et valorisation de nouveaux élèves

    La diversité culturelle et linguistique est au centre d’une autre pratique exemplaire qui a pris la forme d’une campagne de valorisation. Il s’agit de la campagne « Grâce à moi », menée par le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CÉCCE), dont l’objectif était d’informer, de sensibiliser d’outiller et d’engager les membres du personnel, et aussi les parents, à l’importance de l’accueil des élèves de nouveaux arrivants et ceux de couples exogames (dont un seul des deux conjoints est francophone).

    Cette campagne a été mise sur pied à la lumière de l’énoncé de politique et des directives du ministère de l’Éducation intitulés L’admission, l’accueil et l’accompagnement des élèves dans les écoles de langue française en Ontario, élaborés dans le sillage de la Politique d’aménagement linguistique (PAL) pour l’éducation en langue française. La campagne, qui s’est déroulée du 16 janvier au 11 mars 2012 comprenait également un site Web (www.graceamoi.ca) avec des extraits vidéo d’employées, de parents et d’élèves témoignant de leur expérience à l’école et de leur fierté d’être membres de la communauté francophone et catholique.

    6.1.5 Groupe consultatif francophone de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants

    En août 2011 a été annoncée l’étape finale du processus visant à transférer du ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse au ministère de l’Éducation les responsabilités relatives à la garde d’enfants. Ce transfert s’est accompagné de l’occasion d’élargir le champ d’action et la composition des groupes consultatifs de façon à y inclure l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.

    Le ministère a sagement saisi cette occasion pour établir le Groupe consultatif francophone de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants — un groupe consultatif qui servira de forum pour relier les intervenants francophones des secteurs de l’éducation et de la garde d’enfants pour formuler des conseils sur les importantes questions liées aux politiques et aux programmes.

    6.1.6 Certification d’entraîneurs offerte en français

    Une autre collaboration du ministère de l’Éducation mérite d’être mise en exergue : celle avec la Ontario Federation of School Athletic Associations pour offrir une certification d’entraîneur de sports désormais disponible en français. Ce projet a été rendu possible grâce aux efforts et à la coopération d’un agent de liaison communautaire d’« Élargir l’espace francophone », initiative financée par le ministère de l’Éducation et coordonnée par le CLÉ (Centre canadien de leadership en évaluation).

    Cette certification destinée aux membres du personnel enseignant et de la communauté favorise l’établissement de liens entre les écoles et la communauté francophone tout en offrant une programmation de qualité conforme au curriculum des élèves. Elle est aussi reconnue par l’Association canadienne des entraîneurs.

    6.1.7 Natation et nutrition en français!

    Enfin, le ministère de l’Éducation et le commissaire saluent les partenariats établis entre les écoles de langue française de North Bay et de Sudbury avec le YMCA et d’autres organismes de promotion de la santé dont Nexus Santé et Ophea (Ontario Physical and Health Education Association). Au cours des trois dernières années, ces partenariats ont permis à quelque 300 jeunes de participer à des cours de natation en français et à 150 autres jeunes de prendre part au programme Après l’école — un programme qui traite de sports, de loisirs et de nutrition. Ce projet a été rendu possible grâce aux efforts et à la coopération d’un agent de liaison communautaire d’« Élargir l’espace francophone », initiative financée par le ministère de l’Éducation et coordonnée par le CLÉ (Centre canadien de leadership en évaluation).

    6.1.8 Politique d’aménagement linguistique au niveau postsecondaire

    En août 2011, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités a développé sa propre Politique d’aménagement linguistique, qui est le prolongement d’une politique élaborée par le ministère de l’Éducation pour les écoles élémentaires et secondaires de langue française. Cette nouvelle politique s’articule autour de stratégies permettant aux partenaires ministériels — les établissements d’enseignement et de formation bilingues et de langue française — de promouvoir et d’élargir l’utilisation et la connaissance du français et d’assurer la prestation de services dans cette langue. Un deuxième objectif vise à améliorer les perspectives économiques et d’emploi des Ontariens en reconnaissant que les compétences linguistiques et culturelles sont de plus en plus estimées compte tenu de la concurrence du marché mondial aujourd’hui.

    Le commissaire est ravi de constater que le ministère souscrit à l’importance de l’éducation en français au niveau postsecondaire. D’autre part, il estime que cette politique, si elle est observée à moyen terme et à long terme, fournira les options indispensables aux diplômés d’écoles secondaires de langue française qui souhaitent poursuivre leurs études en français en Ontario.

    6.1.9 Consultation en matière de gouvernance de l’éducation en langue française

    En juillet 2011, le ministère de l’Éducation a approuvé une nouvelle politique de consultation avec ses partenaires en éducation de langue française. Cette politique prévoit des consultations avec les diverses associations, conseils, fédérations et regroupements en éducation sur des propositions de projets d’amendements à la Loi sur l’Éducation ou ses règlements. Essentiellement, elle réaffirme l’engagement du ministère envers l’ouverture et la transparence concernant les changements en matière de gouvernance de l’éducation en langue française et l’importance de prendre en considération les informations et opinions fournies par les partenaires consultés — une approche qui mérite d’être chaudement applaudie. D’ailleurs, la nouvelle Politique de consultation en matière de gouvernance de l’éducation en langue française peut être consultée sur le site Web du ministère61.

    6.1.10 Une stratégie internationale pour l’éducation en français

    Le ministère de la Formation et des Collèges et Universités travaille également à une stratégie destinée à promouvoir l’Ontario, à l’étranger, comme une destination de premier choix pour l’éducation postsecondaire en français. Le commissaire est entièrement d’accord avec la vision audacieuse de cette stratégie qui voit l’Ontario devenir un chef de file dans la mondialisation de l’éducation supérieure en français. De plus, le commissaire est persuadé que la capacité à attirer chez nous les étudiants étrangers francophones de niveau postsecondaire aurait l’avantage supplémentaire d’instaurer une plus grande diversité de perspectives et d’opinions dans nos salles de classe.

    6.1.11 La collaboration du RLISS de Champlain avec les intervenants francophones

    La collaboration entre les 14 réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) de l’Ontario avec les six nouvelles entités de planification des services de santé en français se précise enfin et commence à produire des résultats. C’est particulièrement le cas dans l’Est de l’Ontario, où le RLISS de Champlaina travaillé en collaboration avec l’entité locale de planification des services de santé en français (entité n5) et le Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario. Ensemble, ils ont établi les conditions et les modalités des services en français à présent enchâssées dans les ententes de responsabilités des fournisseurs de services et accompagnées d’un modèle pour la surveillance et l’assurance de leur observation.

    Le RLISS de Champlain et le Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario ont également tenu une séance de formation conjointe de deux heures pour le conseil d’administration des RLISS afin de veiller à ce que les administrateurs comprennent leurs nouvelles responsabilités aux termes de la nouvelle entente de responsabilités prise avec le Réseau.

    6.1.12 Mise à l’essai de panneaux routiers bilingues auprès des francophones

    Le ministère des Transports mérite des éloges pour les efforts qu’il a déployés afin de recruter des bénévoles francophones disposés à tester une nouvelle série de panneaux routiers à messages variables bilingues. L’information sur les séances d’essai a été envoyée à un grand nombre d’organismes francophones intéressés, notamment l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO), la Fédération des aînés et retraités francophones de l’Ontario (FAFO), l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et des établissements d’enseignement de langue française tels que le Collège Boréal, le Collège Glendonet La Cité collégiale.

    Cette action sociale a porté ses fruits puisque le ministère a trouvé les participants francophones ciblés dans les villes de Toronto, Sudbury et Ottawa. Le commissaire est très heureux d’apprendre que la démarche du ministère a été couronnée de succès, car c’est la preuve que l’opinion des francophones est prise en compte dans la planification et l’élaboration des nouvelles séries de panneaux routiers à messages variables.

    6.1.13 Conseil des arts de l’Ontario

    En 2011-2012, le Conseil des arts de l’Ontario, organisme du ministère du Tourisme, de la Culture et des Sports, a poursuivi l’excellent travail entrepris dans le cadre de son projet Artistes en résidence en partenariat avec les conseils scolaires de langue française. Ce projet est réalisé avec la participation d’une équipe d’artistes sélectionnés par les conseils scolaires pour travailler avec les écoles francophones et fournir un appui soutenu à la création d’œuvres artistiques et au développement des compétences artistiques des apprenants.

     

    6.2 Mentions honorables

    6.2.1 Nouveaux critères du Bureau du Conseil des ministres pour la sélection des propositions

    Le Bureau du Conseil des ministres a continué à améliorer l’intégration de considérations sur le français dans son processus d’élaboration de politiques. L’automne dernier, il a présenté un nouveau modèle à suivre pour toutes les politiques soumises au Conseil des ministres. Ce modèle invite explicitement les ministères : (i) à tenir compte de l’incidence de leurs propositions sur les collectivités francophones, (ii) à tenir compte de l’incidence de leurs propositions sur la fonction publique de l’Ontario, notamment les services en français, (iii) à consulter leur coordonnateur ou coordonnatrice des services en français lorsqu’ils préparent une proposition, particulièrement en ce qui concerne l’observation de la Loi sur les services en français, et (iv) à utiliser les outils d’élaboration de politiques ministérielles conçus pour aider le personnel responsable des politiques à assurer l’inclusivité.

    Le Bureau du Conseil des ministres a également réalisé d’autres améliorations : (i) en mettant à jour son plan de communication normalisé employé par les ministères pour veiller à ce que les groupes francophones soient toujours pris en considération dans la planification des communications, (ii) en intégrant une technologie de sous-titrage avec traductions en français dans le site Web du premier ministre et sur la chaîne YouTube, et (iii) en tenant quatre séances de formation avec plus de 150 employés de services de communications et de divers organismes pour expliquer les attentes et les exigences à respecter pour se conformer à la nouvelle directive sur les communications en français62.

    6.2.2 Améliorer les services à la Cour des infractions provinciales

    Les tribunaux de la Cour des infractions provinciales s’occupent généralement de délits tels que les excès de vitesse et autres infractions au Code de la route et, depuis 2001, sont administrés par les municipalités sous la supervision du ministère du Procureur général.

    Au cours de l’année écoulée, le ministère a formé un sous-comité regroupant des partenaires municipaux et provinciaux ainsi que des groupes d’intervenants pour définir et résoudre les problèmes liés à la prestation de services en français. Le ministère affirme que ce comité a produit des résultats significatifs en adaptant avec succès une gamme d’outils et de ressources pour ses partenaires municipaux. De plus, le comité a recommandé les meilleures pratiques aux tribunaux municipaux en s’appuyant sur un sondage réalisé pour évaluer les besoins des intervenants francophones.

    Le commissaire est satisfait de cette initiative, qui illustre comment différents paliers de gouvernement et d’entités peuvent franchir les frontières administratives pour trouver des moyens d’améliorer les services gouvernementaux.

    6.2.3 Services sociaux en français à Sudbury

    Le mois de février a été bien rempli dans les bureaux régionaux du ministère des Services sociaux et communautaires et ceux du ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse du Nord de l’Ontario. En effet, les ministères regroupés ont organisé une journée de perfectionnement professionnel pour les travailleurs de première ligne francophones de la ville du Grand Sudbury.

    En parallèle, ces ministères ont offert un atelier de deux heures qui a remporté un franc succès auprès de leurs directeurs généraux pour discuter de leadership et de meilleures pratiques en matière de services en français dans un contexte budgétaire restreint.

    Les deux activités ainsi organisées avaient pour objectif d’améliorer l’offre active de services en français par les organismes de services sociaux et de formation — un objectif partagé qui a reçu le soutien entier du commissaire. Celui-ci se félicite également du thème qui a été choisi pour la séance de perfectionnement professionnel d’un jour, intitulée « Le leadership intuitif — Au-delà des compétences linguistiques, pour travailler en français il faut savoir comment accueillir les gens. » [TRADUCTION LIBRE]

    6.2.4 ServiceOntario vous souhaite la bienvenue!

    Souhaiter la bienvenue dans la langue appropriée s’inscrit désormais dans l’expérience du client qui appelle ServiceOntario, un organisme du ministère des Services gouvernementaux. Là où cette technologie est mise en œuvre, les agents des infocentres sont maintenant alertés discrètement lorsque la personne au téléphone choisit « anglais » ou « français ». Cette fonction permet aux agents d’adapter leurs salutations selon la préférence linguistique de l’interlocuteur et contribue à mettre celui-ci à l’aise dès le début de la conversation.

    6.2.5 Messages bilingues envoyés à tous les fournisseurs du gouvernement

    Le ministère des Services gouvernementaux a également réalisé d’autres améliorations, cette fois dans le domaine de l’approvisionnement du gouvernement. À la grande satisfaction du commissaire, des messages à diffusion générale sont désormais envoyés en anglais et en français à tous les fournisseurs du gouvernement de l’Ontario.

    6.2.6 Allô LCBO et le recrutement actif amélioré

    La Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) a amélioré son service à la clientèle en français grâce à son infocentre AllôLCBO. Les clients ont à présent un accès direct à ce service entièrement bilingue de soutien téléphonique à la clientèle par des moyens comme le téléphone, l’ATS, le courriel, le site Web alloLCBO.com ou helloLCBO.com et le clavardage en ligne.

    La LCBO a également pris une importante mesure pour aider le recrutement actif d’employés bilingues en créant une base de données sur les employés des services de vente au détail qui aide à vérifier le niveau de compétence en français oral des employés de ce secteur. La base de données, qui indique le lieu de travail (magasin) actuel de l’employé, permet aux cadres supérieurs des services de vente au détail de prendre des décisions efficaces, au moment opportun, sur les besoins en matière de recrutement de personnes bilingues.

    6.2.7 Renseignements aux nouveaux arrivants sur la communauté francophone

    En juillet 2011, le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration a déployé une section spéciale dans son site Web OntarioImmigration.ca pour les nouveaux arrivants francophones. La section Ontario français contient des renseignements essentiels sur les droits des francophones et sur les services en Ontario dans les domaines de l’éducation, de la santé et des services juridiques. En plus d’évoquer brièvement l’histoire de la communauté franco-ontarienne, les pages Web Vivre en français et Culture franco-ontarienne fournissent des liens utiles vers les principaux organismes francophones, groupes communautaires, festivals et autres activités.

    Cette nouvelle section a été créée par le ministère en réponse à une plainte reçue au sujet de l’absence d’information bilingue sur un site Web municipal sur l’immigration financé par le ministère.

    6.2.8 Célébrer le patrimoine et la culture des Franco-ontariens

    Le ministère du Tourisme, de la Culture et des Sports mérite une mention honorable cette année grâce aux mesures novatrices mises en place au parc historique de Fort Williams, l’une de ses attractions. Essentiellement, le parc a conçu pour les visiteurs des expériences enrichies grâce à des médias numériques et géosociaux et à un contenu accessible par balayage de codes QR au moyen d’un téléphone intelligent. Ces codes conduisent à un contenu très informatif, notamment des photos, des conseils et des recommandations qui peuvent être facilement et instantanément partagés avec des amis sur Facebook et Foursquare au moyen d’applications géosociales.

    6.2.9 La tour CN salue désormais les Franco-ontariens!

    Enfin, le soir du 25 septembre 2011, la tour du CN à Toronto s’est illuminée en vert et en blanc pour reconnaître — pour une toute première fois —, le Jour des Franco-ontariens et des Franco-ontariennes. Ce projet a été rendu possible grâce aux efforts et à la coopération d’un agent de liaison communautaire d’« Élargir l’espace francophone », initiative financée par le ministère de l’Éducation et coordonnée par le CLÉ (Centre canadien de leadership en évaluation). Bravo!

     

     

    Conclusion

    Au cours de cette cinquième année du Commissariat, l’équipe s’est dotée d’une nouvelle vision dont le commissaire a fait état dans son avant-propos et que les lecteurs peuvent retrouver au verso de la page couverture de ce rapport. Cette vision reflète bien le défi que le Commissariat a relevé au cours de ses cinq premières années d’existence.

    En effet, dès les premiers jours, le commissaire a indiqué à l’ensemble des sous-ministres qu’il allait observer les manquements en matière de services en français, non pas seulement en fonction de l’aspect des communications, mais aussi, en tenant compte des services offerts. Depuis lors, le commissaire s’évertue à répéter le même mantra : les services doivent être modulés en fonction des besoins de la clientèle desservie, à savoir la communauté franco-ontarienne. Et pour accomplir cet objectif, il faut consulter la communauté afin de bien comprendre ses enjeux propres et ses défis. De cette façon, le gouvernement pourra participer pleinement au développement de la communauté franco-ontarienne et ainsi accomplir le désir du Législateur ontarien, lorsqu’il a unanimement voté l’adoption de la Loi sur les services en français, il y a 25 ans déjà. Car après tout, ce n’est pas tant de respecter la lettre de la Loi, encore faut-il respecter son esprit.

    L’équipe du Commissariat travaille d’arrache-pied depuis les débuts à faire en sorte que le citoyen qui prend le temps de lui signaler un manquement aux services en français soit rassuré que sa plainte porte fruit. Toutefois, certaines enquêtes prennent plus de temps que d’autres, afin de s’assurer de poser les bonnes questions — celles d’ordre systémique — aux ministères et autres organismes gouvernementaux. En cela, le commissaire demande la clémence des citoyens. Après tout, le Commissariat ne compte que six employés permanents — un nombre nettement insuffisant et passablement incongru en comparaison avec d’autres organismes semblables. Et malheureusement, dans le contexte budgétaire que connait l’Ontario ces jours-ci, cette situation n’est pas près de changer.

    Malgré tout, en considérant les actions du Commissariat, sa reconnaissance auprès de la communauté et des médias, et surtout, l’ouverture dont fait preuve le gouvernement aux recommandations du commissaire, il y a de quoi se surprendre que seulement cinq années se soient écoulées depuis la mise en place du Commissariat aux services en français. Il n’est pas question ici de s’en vanter, mais plutôt de reconnaître que le citoyen ontarien en a eu pour son argent avec la création du Commissariat.

    Car c’est toujours en fonction des besoins du citoyen, tant individuellement que collectivement, que les actions du Commissariat sont tournées. Aussi, au terme de cinq ans de mandat, toute l’équipe se joint au commissaire afin de remercier vivement, d’abord et avant tout, les plaignants qui, par leurs actions, démontrent leur profond attachement aux services en français.

    En effet, les citoyens qui se tournent vers le Commissariat pour signaler des accrocs aux services gouvernementaux en français démontrent qu’ils croient à l’imputabilité des ministères et des organismes gouvernementaux.

    Les remerciements s’étendent également à l’ensemble de la communauté franco-ontarienne qui, par ses élans toujours novateurs, sa capacité de rassemblement et sa volonté de se renouveler, ne cesse d’impressionner et pousse le commissaire et sa petite équipe au dépassement. En ce sens, le commissaire se dit pleinement satisfait du travail accompli et se tourne maintenant « droits devant » vers l’avenir.

     

     

    Annexe A – Réponses aux recommandations de 2010-2011

    Recommandation 1

    Le commissaire recommande à la communauté franco-ontarienne de participer activement au processus de renouvellement de la prestation des services du gouvernement en proposant des méthodes et moyens innovateurs, pragmatiques et axés sur les résultats pour assurer le développement de cette communauté.

    Réponse du gouvernement :

    En tant que gouvernement, nous sommes enthousiastes à l’idée que les citoyens participent pleinement au processus démocratique. Nous encourageons les citoyens franco-ontariens à partager avec nous leur vision et à promouvoir la consultation et la rétroaction. En tant que gouvernement, nous ne pouvons que saluer et reconnaître l’importance de la participation active des francophones au développement et à l’épanouissement de la communauté francophone de l’Ontario et à l’amélioration des services sur lesquels elle dépend.

     

    Recommandation 2

    Le commissaire aux services en français recommande au ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour assurer la disponibilité de programmes éducatifs en établissement de jour pour les francophones de 13 à 18 ans à Toronto d’ici la rentrée scolaire de 2011.

    Le commissaire recommande également au gouvernement d’analyser la situation pour l’ensemble de la province afin de s’assurer que des programmes d’éducation adéquats soient offerts en français aux adolescents francophones ayant des troubles de comportement pour leur permettre de réaliser leur plein potentiel.

    Réponse du gouvernement :

    Les programmes de traitement de jour sont offerts par l’entremise des services de santé mentale pour les enfants et les jeunes. L’objectif des programmes est de fournir un traitement et un soutien aux enfants et aux jeunes qui sont incapables de fréquenter une école locale en raison de leurs besoins reconnus sur les plans social, affectif, comportemental ou psychiatrique.

    Nous nous engageons à s’assurer que les jeunes francophones aient accès aux programmes de traitement de jour et avons alloué du financement à cette initiative. Nous continuerons de travailler en collaboration avec les pourvoyeurs de services afin de s’assurer que ces services soient disponibles.

    • Notre gouvernement s’engage à offrir aux élèves ayant des besoins particuliers le soutien dont ils ont besoin pour réaliser leur plein potentiel.
    • Dans le cas des élèves ayant besoin de soins ou de traitement et qui ne peuvent fréquenter un établissement scolaire régulier, il existe des programmes d’éducation rattachés aux établissements de soins, de traitement, de services de garde ou de services correctionnels qui permettent de continuer à répondre aux besoins d’un élève en matière d’éducation.
    • Ces programmes constituent un partenariat entre les établissements de soins, de traitement, de services de garde ou de services correctionnels et les conseils scolaires locaux. Le conseil scolaire fournit le volet éducatif et l’organisme communautaire fournit le volet traitement et supervision.
    • Là où l’on identifie le besoin d’un programme d’éducation dans un établissement de soins, de traitement, de services de garde ou de services correctionnels, nous sommes prêts à examiner des propositions soumises dans le contexte du processus d’approbation annuel existant et déterminer si la proposition satisfait les exigences applicables du programme et du financement.
    • Le ministère est en train d’examiner les programmes et services d’éducation régis par l’article 23 offerts à tous les élèves, y compris les élèves francophones, ayant besoin de soins, de traitement, de services de garde ou de services correctionnels, afin d’accroître leur bien-être et leur réussite scolaire.

     

    Recommandation 3

    Le commissaire aux services en français recommande au ministère de l’Environnement de s’assurer que les francophones disposent de toute l’information nécessaire en français leur permettant de participer pleinement aux programmes de réduction, de réutilisation et de recyclage des déchets de la province pour atteindre les objectifs écologiques fixés par le gouvernement. Pour ce faire, le ministère doit prendre des mesures appropriées afin d’obliger les organismes de financement industriels chargés des programmes de réacheminement des déchets à se conformer aux obligations de la Loi sur les services en français.

    Réponse du gouvernement :

    Le ministère de l’Environnement estime, comme le commissaire, qu’il faut veiller à ce que les Francophones aient tous les renseignements nécessaires, en français, pour participer pleinement aux programmes de réduction, de réutilisation et de recyclage des déchets de la province de manière à atteindre les objectifs fixés par le gouvernement.

    Dans ce contexte, le ministère continuera d’informer le public sur les programmes de réacheminement des déchets en français et en anglais, et de collaborer avec ses partenaires pour souligner l’importance d’informer le public dans les deux langues. De plus, le ministère ne négligera aucune occasion d’inciter tous ses partenaires à communiquer avec le public en français et en anglais.

     

    Recommandation 4

    Le commissaire aux services en français recommande que le ministère de lÉnergie cherche à modifier la Loi sur l’électricité pour veiller à ce que lOffice de lélectricité de l’Ontario soit assujetti à la Loi sur les services en français pour ce qui est de ses programmes, services et communications ciblant le grand public.

    Le commissaire aux services en français recommande aussi que le ministère de lÉnergie cherche à modifier la Loi sur l’électricité pour veiller à ce que toute entité actuelle ou future créée aux termes de la Loi sur l’électricité, y compris Hydro One et lOntario Power Generation, soit assujettie à la Loi sur les services en français pour ce qui est des programmes, services et communications ciblant le grand public.

    Réponse du gouvernement :

    Le ministère de l’Énergie s’engage pleinement à respecter la lettre et l’esprit de la Loi sur les services en français.

    Hydro One, Ontario Power Generation (OPG) et l’Office de l’électricité de l’Ontario (OÉO) ne sont pas formellement assujettis à la Loi sur les services en français. Cependant, nos organismes se sont engagés eux aussi à respecter l’esprit de la Loi.

    L’Office de l’électricité de l’Ontario fait preuve de cet engagement par l’entremise de ses stratégies de communication et des tactiques telles que :

    • Le développement d’une version française de la campagne énergiconomie/ saveONenergy;
    • La production de dépliants, affiches, annonces publicitaires et envois directs que les sociétés locales d’électricité peuvent adapter à leurs besoins et diffuser à leurs clients afin d’encourager les consommateurs et consommatrices francophones à participer pleinement à la conservation de l’énergie;
    • La mise à jour du site Internet énergiconomie/saveONenergy, qui contient lui aussi de l’information en anglais et en français à l’intention des clients résidentiels.
    • L’OÉO travaille également en partenariat avec les sociétés d’électricité qui développent des produits de marketing additionnels en français pour leurs régions afin de faciliter le partage de ces ressources avec d’autres sociétés.

    Le ministère de l’Énergie collaborera avec ses organismes dans le but d’identifier des mécanismes qui pourraient être mis en place afin d’assurer, de façon plus formelle, le respect de l’esprit et le sens de la Loi sur les services en français.

     

     

    Annexe B – Réponses aux recommandations des années précédentes

    Recommandation 3 (2007-2008 ET 2009-2010)

    Le commissaire recommande à la ministre de proposer une règlementation claire pour régir la prestation des services en français soit aux termes dun contrat conclu avec un tiers qui a convenu de fournir des services pour le compte dun organisme gouvernemental ou encore aux termes dun nouveau partenariat public-privé.

    Réponse du gouvernement :

    Le nouveau règlement a été approuvé en juin 2011 et est entré en vigueur le 1er juillet 2011. Le 18 juillet 2011, l’Office des affaires francophones (OAF) a organisé un forum d’information visant à aider les organismes gouvernementaux à mieux comprendre les dispositions énoncées dans ce règlement. Cette séance d’une journée a réuni plus de 100 participants représentant les ministères ainsi que d’autres organismes gouvernementaux. Elle a inclus des présentations du sous-ministre délégué aux Affaires francophones, de l’OAF et du Bureau des avocats de la Couronne -Droit civil, ainsi qu’un volet sur les pratiques exemplaires en matière de prestation de services en français réalisée par des tierces parties.

    Afin d’aider les organismes gouvernementaux à respecter le délai de conformité de trois ans fixe par le nouveau règlement, ainsi que ses dispositions relatives au dépôt de rapports, un Comité directeur des directeurs généraux administratifs (DGA) et un Groupe de travail interministériel sur les politiques (GTIP), dirigés par I’OAF, ont été créés en août 2011. Ce modèle de gouvernance veillera a ce qu’une approche coordonnée soit élaborée et mise en place au niveau ministériel aux fins de la mise en œuvre du règlement, et a ce que les ressources, les processus et les pratiques des services en français (SEF) applicables qui existent déjà puissent être mis à profit de façon stratégique.

    Dans le cadre de ce modèle de gouvernance, le Comité directeur des DGA supervise les activités du GTIP et des quatre sous-comités de travail crées pour partager I’ information, élaborer et mettre en commun des outils et des ressources et résoudre les problèmes de mise en œuvre de manière coordonnée et collaborative.

    La première phase du processus de mise en œuvre, qui implique l’élaboration d’outils et de ressources pour aider les ministères et les autres organismes gouvernementaux à se conformer au règlement, est presque terminée. Dans le cadre de ce processus, les ministères ont également entrepris de mettre en place des groupes de travail internes charges de superviser la mise en œuvre du règlement.

    La prochaine phase sera axée sur l’examen des dispositions existantes avec des tiers, l’identification des écarts en matière de prestation de SEF et l’élaboration de stratégies qui permettront aux organismes gouvernementaux d’être en conformité avec le règlement d’ici le 30 juin 2014.

    Le degré de participation et de présence du personnel aux comités et sous-comités travaillant à la mise en œuvre de cet important règlement est réellement exceptionnel. Il témoigne de façon positive et sans équivoque de la détermination de l’ensemble des organismes gouvernementaux participant au processus de mise en œuvre à respecter le délai de conformité.

     

     

     

    1. Depuis, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse se sont dotées d’une telle loi. Le débat a débuté au Manitoba et il est possible que cette province se dote éventuellement d’une Loi sur les services en français.
    2. Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, par. 81.
    3. Les auteurs mentionnent que la Loi sur les langues officielles du Canada ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés ont également jalonné l’histoire de la communauté franco-ontarienne. Voir aussi, Michel Bock et Gaétan Gervais, L’Ontario français : Des Pays-den-Haut à nos jours, Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques, 2004, p. 217. On pourrait aisément ajouter à cette liste de textes de lois marquantes, la Loi sur les tribunaux judiciaires de 1984 qui consacre l’égalité du français et de l’anglais comme langues officielles devant les tribunaux ontariens.
    4. François Boileau, « Les héritiers de la Loi sur les langues officielles » dans Jack Jedwab et Rodrigue Landry, dir., Life after Forty, Après quarante ans, Offical Languages Policy in Canada, les politiques de langue officielle au Canada, Kingston, McGill-Queens University Press, 2011, p. 122.
    5. Selon l’article 15 de la Charte de Victoria. « Tout particulier a le droit de choisir l’une ou l’autre des langues officielles comme langue de communication lorsqu’il traite avec le siège principal ou central des ministères ou des organismes du Gouvernement du Canada ainsi que des gouvernements de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. »
    6. Bock et Gervais, op. cit, p. 193.
    7. Ibid.
    8. Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé) (2001) 56 O.R. (3d) 577.
    9. Discours d’ouverture prononcé dans le cadre du Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français tenu les 18 et 19 novembre 2011 à l’Université d’Ottawa.
    10. Philippe Orfali, « François Boileau défendra les francophones de l’Ontario », Le Droit, 2 août 2007.
    11. Projet de loi 49, Loi de 2012 modifiant la Loi sur les services en français. Pour plus de détails : http://www.ontla.on.ca/web/bills/bills_detail.do?locale=fr&Intranet=&BillID=2594 (page consultée en avril 2012).
    12. Présentation de Denis Hubert-Dutrisac, président du Collège Boréal, dans le cadre du Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français tenu les 18 et 19 novembre 2011 à lUniversité dOttawa.
    13. Loi sur les services en français, L.R.O. 1990, ch. F.32, par. 9(1).
    14. Disponible en ligne : http://www.ofa.gov.on.ca/fr/loi-organismes.html (page consultée en avril 2012).
    15. Loi sur les services en français, op. cit., al. 8 (a).
    16. Commissariat aux services en français, Rapport spécial sur la planification des services de santé en français, Toronto, 2009. Disponible en ligne : http://www.csf.gouv.on.ca/files/Rapport.pdf (page consultée en avril 2012).
    17. Dans un document intitulé « Loi de 1986 sur les services en français, Notes explicatives de lhonorable Gilles Pouliot, ministre délégué aux Affaires francophones », on indique clairement, pour expliquer l’article 8(1)a) que « Le gouvernement usera de son pouvoir pour désigner des organismes de façon responsable afin que des services de qualité soient offerts partout où ils sont nécessaires. Il serait vain d’imposer une désignation systématique. Le gouvernement consultera donc la Commission des services en français de l’Ontario (et, après sa dissolution, l’OAF) et l’organisme concerné ; il expliquera les besoins de la communauté et l’aidera à répondre à ces besoins ; et s’efforcera de créer un climat qui prédispose l’organisme à honorer volontairement ses obligations à l’endroit de la communauté francophone. »
    18. Commissariat aux services en français, Une voix, des changements, Rapport annuel 2008-2009, Toronto, 2009, p. 50.
    19. David Bourgeois, Canadian Bilingual Districts: From Cornerstone to Tombstone. Montreal and Kingston, McGill-Queens University Press, 2006.
    20. Disponible en ligne : http://www.ofa.gov.on.ca/fr/loi.html (page consultée en avril 2012).
    21. Disponible en ligne : http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4742 (page consultée en avril 2012).
    22. Disponible en ligne : http://www.csf.gouv.on.ca/files/files/CSF-services-en-francais-tierces-parties.pdf (page consultée en avril 2012).
    23. Pierre Jury, « Un règlement courageux », Le Droit, 28 juin 2011.
    24. Tina Chui, Kelly Tran et Hélène Maheux, La mosaïque ethnoculturelle du Canada : Recensement 2006, Ottawa, Statistique Canada, 2008.
    25. Disponible en ligne : http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024298.html (consulté en avril 2012)
    26. Bock et Gervais, supra note 3, p. 183.
    27. Gaétan Gervais, « L’histoire de lOntario français (1610-1997) », dans Joseph Yvon Thériault, dir. Francophonies minoritaires au Canada — L’état des lieux. Moncton, Éditions d’Acadie, 1999, p. 157.
    28. Disponible en ligne : http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024296.html (page consultée en avril 2012).
    29. Disponible en ligne : http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024298.html (page consultée en avril 2012).
    30. L’Organisation internationale de la Francophonie a publié en 2011 un rapport intitulé La Langue française dans le monde 2010 dans lequel on apprend que le nombre de locuteurs francophones augmente constamment, surtout en Afrique subsaharienne. En effet, ce rapport prévoit que près de neuf francophones sur dix vivront en Afrique dans moins de 40 ans soit en 2050.
    31. Jean-Pierre Corbeil et Sylvie Lafrenière, Portrait des minorités de langue officielle au Canada : les francophones de lOntario, Ottawa, Statistique Canada, 2010.
    32. Dallaire, Christine, “‘I am English too: Francophone Youth Hybridities in Canada.” In Nilan, P. and Feixa, C. Global Youth? Hybrid Identities, Plural Worlds, (pp. 32-52). London and New York: Routledge, 2006.
    33. Selon une récente étude de l’Université York, le bilinguisme pourrait retarder l’arrivée de la maladie d’Alzheimer de quelques années. Pour plus de détails : http://www.lapresse.ca/sciences/medecine/201102/18/01-4371966-le-bilinguisme-reduirait-les-effets-de-lalzheimer.php (page consultée en mai 2012).
    34. Selon les dernières données du Recensement de 2006, lOntario est la province qui reçoit le plus grand nombre dimmigrants internationaux. Ainsi, en 2006, 55 % des immigrants au Canada résidaient dans cette province. Il en est de même pour les immigrants francophones à lextérieur du Québec. Près de 70 % de tous les immigrants de langue française qui sy établissaient résidaient en Ontario, en particulier dans les régions métropolitaines dOttawa et de Toronto. Pour plus de détails : http://www.statcan.gc.ca/pub/89-642-x/89-642-x2010001-fra.pdf (page consultée en avril 2012).
    35. Pour plus de détails : http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/publications/etablissement/acoi-plan.asp (page consultée en avril 2012).
    36. Commission de réforme des services publics de l’Ontario, Des services publics pour la population ontarienne : cap sur la viabilité et l’excellence, Ministère des Finances de l’Ontario, 2012.
    37. En effet, non seulement la ministre déléguée aux Affaires francophones sest dotée dun Comité consultatif provincial sur les affaires francophones, la ministre de la Santé et des Soins de longue durée jouit quant à elle dun Conseil consultatif des services de santé en français; la ministre de lÉducation nest pas en reste, car non seulement un Groupe de travail permanent réunit les principaux partenaires en éducation, mais le ministère a également adopté une Politique de consultation en matière de gouvernance de léducation en langue française en juillet 2011.
    38. Le Budget de lOntario 2012 est disponible en ligne : http://www.fin.gov.on.ca/fr/budget/ontariobudgets/2012/papers_all.pdf (page consultée en avril 2012).
    39. Ibid.
    40. Commissariat des services en français, Rapport d’enquête — Dépliant unilingue anglais sur la grippe H1N1 : Des communications en voie de guérison, Toronto, 2011, p. 19.
    41. Commissariat aux services en français, supra note 16.
    42. Commissariat aux services en français, Étude sur les radios communautaires francophones de l’Ontario : Éléments clés de la vitalité des communautés, Toronto, 2011. Disponible en ligne : http://www.csf.gouv.on.ca/files/files/Etude-radios-communautaires.pdf (page consultée en avril 2012).
    43. Disponible en ligne : http://www.csf.gouv.on.ca/blogue/?p=2333&lang=fr (page consultée en avril 2012)
    44. Les autres types de plaintes sont difficiles à catégoriser, car elles surviennent particulièrement dans des cas où le citoyen na aucune autre option parce que lorganisme a le monopole du service. En effet, ces plaintes se situent dans la sphère de contrôle du gouvernement provincial. Elles se rapportent à des organismes qui ont été créés ou mandatés par des ministères pour offrir des programmes et services qui, dans les cas de transfert de responsabilités, relevaient antérieurement de la province.
    45. Selon le profil de la communauté francophone publié par lOffice des affaires francophones en 2009, la répartition de la population francophone varie selon les régions : presque les deux tiers des francophones de la province vivent dans lEst et le Nord-Est (41,5 % dans lEst et 22,5 % dans le Nord-Est) et notamment dans la région de Champlain. Plus de 28 % de la population francophone vit dans la région Centre de la province, dont presque le tiers se concentre à Toronto. Quant aux régions du Sud-Ouest et Nord-Ouest, elles concentrent respectivement près de 6 % et 1,5 % des francophones.
    46. Il sagit ici des plaintes visant les organismes qui relèvent directement de cette institution. Il importe de noter que 16 sur les 21 plaintes ont été déposées relativement à Élections Ontario.
    47. Ces plaintes jugées recevables sont portées contre les municipalités qui disposent dun règlement sur la prestation des services en français.
    48. Il sagit ici des plaintes visant les organismes et établissements désignés en vertu de la Loi sur les services en français.
    49. Lalonde c. Ontario, supra note 8, par.71.
    50. Le 15 février 2012, la Commission sur la réforme des services publics de lOntario a rendu public un volumineux rapport avec 362 recommandations. Le mandat de cette Commission consistait à donner des conseils sur les moyens déquilibrer le budget avant 2017-2018, une fois le budget équilibré, faire en sorte que la situation financière soit viable, veiller à ce que le gouvernement en ait pour son argent dans toutes ses activités, ne pas recommander la privatisation des services de santé et du système déducation et enfin de ne pas recommander de hausses des impôts.
    51. Pour plus de détails : http://www.fin.gov.on.ca/fr/reformcommission/chapters/report.pdf (page consultée en avril 2012).
    52. Disponible en ligne : http://www.csf.gouv.on.ca/content/communique-2012-02-24 (page consultée en avril 2012).
    53. Supra note 38.
    54. Ibid.
    55. Ibid.
    56. Commissariat aux services en français, supra note 18, p. 46.
    57. Loi de 2010 sur les maisons de retraite, L.O. 2010, chap. 11.
    58. Larticle 110 de la Loi de 2010 sur les maisons de retraite stipule que : « Toute personne a le droit dutiliser le français dans les rapports prescrits avec lOffice. LOffice veille à ce que les communications, renseignements et avis concernant les rapports prescrits avec les titulaires de permis, les résidents ou les membres du public soient disponibles en français, conformément aux règlements. »
    59. Projet de loi 55, Loi de 2012 sur une action énergique pour l’Ontario (mesures budgétaires) et son annexe 16 Loi de 2012 sur les organismes dapplication délégataires où il est indiqué, à l’article 28, que ces organismes ne seront pas considérés comme des organismes de la Couronne.
    60. Ibid, article 1.
    61. Disponible en ligne : http://www.edu.gov.on.ca/fre/amenagement/ConsultEducationFr.pdf (page consultée en avril 2012).
    62. Cette directive et les lignes directrices sy rapportant ont été publiées dans le rapport denquête du Commissariat sur le manquement au niveau des communications lors de la pandémie de la grippe H1N1. Pour plus de détails : http://www.csf.gouv.on.ca/files/files/CSF-Rapport-H1N1-2011.pdf (page consultée en avril 2012).

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