Langues officielles : un règlement modernisé qui répond aux attentes
Une grande nouvelle est tombée hier après-midi : après plusieurs mois de consultations, les ministres Mélanie Joly et Scott Brison ont dévoilé leur projet de modification du Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services.
Le Règlement est un texte important en matière de langues officielles – c’est grâce à celui-ci que le gouvernement fédéral définit où et comment il offre des services au public. Il y détermine en quoi consiste une « demande importante », ou dit autrement, qui peut faire demande pour des services dans la langue de la minorité.
La dernière modification de ce Règlement datait de 1991 – et le Canada a bien changé en près de trois décennies. Cette modernisation est certainement la bienvenue. En fait, on dirait même qu’une vague de renouveau s’est emparée des parlements – on adopte une Politique en matière de francophonie en Alberta, on révise la Loi sur les services en français de l’Ile du Prince-Édouard, et on annonce la modernisation de la Loi sur les langues officielles fédérale et la Loi sur les services en français (LSF) de l’Ontario. Je vais revenir sur ce dernier point plus loin …
La nouvelle méthode de calcul du Règlement est plus inclusive et permet à plus de citoyens de recevoir des services, alors qu’auparavant, une grande partie de la population était exclue. On assistera à une hausse de la demande importante, et conséquemment, à une augmentation du nombre de bureaux où le gouvernement va devoir servir les gens dans la langue de leur choix.
Dès mon premier rapport annuel, j’ai mis de l’avant un principe important qui devait faire partie de toutes les nouvelles moutures de loi concernant les langues : la Définition inclusive. Dans mon deuxième rapport annuel, après que le gouvernement ontarien eut adopté cette nouvelle définition, j’écrivais que je souhaitais que cette nouvelle définition fasse boule de neige dans d’autres provinces et auprès du gouvernement fédéral. Je suis exaucé.
Je me réjouis donc que ce principe se retrouve maintenant au cœur même du nouveau Règlement et que l’Ontario ait pu jouer un rôle de leadership à cet égard, si petit soit-il.
Mais cet exercice est plus qu’un calcul mathématique : la vitalité même des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) doit être prise en compte lorsque le gouvernement évalue où sont offerts des services dans les deux langues officielles. Dans mon rapport annuel sur la refonte de la LSF, j’avais justement souligné qu’une nouvelle méthode de calcul doit impérativement inclure une évaluation de la vitalité des communautés. J’avais souligné que le nombre d’écoles de la minorité est un indicateur significatif de cette vitalité.
Je suis donc heureux de constater que le nouveau Règlement va aussi tenir compte de la vitalité des CLOSM dans sa planification de la prestation de services – il prévoit en effet que les écoles primaires et secondaires sont des indicateurs de vitalité importants, et qui vont avoir un impact sur le calcul de la demande.
J’aimerais aussi souligner l’ajout de l’obligation de consultation désormais incluse dans le Règlement. Depuis le début de mon mandat comme commissaire, j’ai insisté sur l’importance de la consultation du public lorsque le gouvernement mettait en œuvre une nouvelle politique ou un nouveau programme. Le public est au cœur de l’impact des décisions prises par les instances gouvernementales – il devrait certainement avoir le droit de s’exprimer sur elles, surtout lorsqu’elles touchent à des droits fondamentaux comme la langue.
Au début de ce billet, je listais toutes les juridictions qui ont fait un pas vers l’avant en matière de langues officielles. En effet, les droits linguistiques relèvent tant des législatures provinciales que du Parlement fédéral, et tous les ordres gouvernementaux sont appelés à en faire la promotion dans leurs sphères de compétences respectives.
Mais dans les deux cas du Canada et de l’Ontario, ce pas en avant n’est qu’annoncé.
Ces deux gouvernements ont récemment promis qu’ils allaient commencer la modernisation de leurs lois respectives. C’est donc le moment idéal pour être innovateur et travailler vers l’harmonisation entre la Loi sur les langues officielles fédérale et la LSF. Que ce soit en matière de dénombrement inclusif des utilisateurs potentiels de services, de collaboration intergouvernementale dans la prestation de services, ou même d’encadrement des ententes de transfert, les gouvernements peuvent s’assurer que les deux lois s’agencent et se complètent parfaitement, pour le bien du public ontarien.
De plus, l’harmonisation de ces lois pourrait servir à éviter les disputes inter juridictionnelles et la diminution des failles du système public.
Ce nouveau Règlement reprend plusieurs des points que j’ai soulevés au cours de mon mandat. Son adoption confirme la pertinence et le bien-fondé de mes recommandations, parmi lesquelles la grande nécessité de moderniser la LSF, plus tôt que plus tard.
Je félicite donc les ministres Joly et Brison pour un Règlement modernisé qui reflète les réalités d’aujourd’hui des communautés de langues officielles en situation minoritaire, mais aussi appuie la cristallisation de leurs aspirations légitimes.