Rapport spécial — L’offre active de services en français : la clé de voûte à l’atteinte des objectifs de la Loi sur les services en français de l’Ontario
Résumé du rapport spécial – L’offre active de services en français
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© Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 2016
ISBN 978-1-4606-8004-9 (imprimé)
ISBN 978-1-4606-8008-7 (PDF)
ISBN 978-1-4606-8007-0 (HTML)
Lettre au président
Le 26 mai 2016
L’honorable Dave Levac
Président
Assemblée législative
Province de l’Ontario
Queen’s Park
Monsieur le Président,
J’ai le plaisir de vous présenter, en vertu du paragraphe 12.6(1) de la Loi sur les services en français, le rapport spécial du Commissariat aux services en français intitulé L’offre active de services en français : la clé de voûte à l’atteinte des objectifs de la Loi sur les services en français de l’Ontario.
Conformément au paragraphe 12.6(5) de la Loi, je vous demande de déposer ce rapport spécial à l’Assemblée législative.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
Le commissaire aux services en français de l’Ontario,
Me François Boileau
Remerciements
La publication du présent rapport a été possible grâce aux recherches effectuées par l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML). Le Commissariat aux services en français tient à remercier Éric Forgues, Michel Doucet, Joannie LeBlanc, Philippe Morin et Josée Guignard Noël pour leur importante contribution à ce rapport spécial. Le Commissariat tient aussi à remercier chaleureusement Stéphanie Chouinard pour son apport clé.
Table des matières
- Lettre au Président
- Remerciements
- Table des matières
- Sigles et abréviations
- Sommaire
- Introduction
- Méthodologie et sujets abordés par le présent rapport spécial
- Qu’est-ce que « l’offre active »?
- Le contexte juridique et législatif actuel en matière d’offre active
- Réalité et cas vécus
- Dans un esprit de saine gestion et de collaboration
- Conclusion : L’offre active, la clé de voûte de la Loi sur les services en français
- Annexe : La notion d’offre active dans le droit canadien
Sigles et abréviations
CNFS Consortium national de formation en santé
CRFPP Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques
RLISS Réseaux locaux d’intégration des services de santé
LLO Loi sur les langues officielles (fédéral)
LLONB Loi sur les langues officielles (Nouveau-Brunswick)
LLON Loi sur les langues officielles (Nunavut)
LPLI Loi sur la protection de la langue inuit
UCFO Union des cultivateurs franco-ontariens
Sommaire
Depuis l’adoption de la Loi sur les services en français (Loi), en 1986, la capacité de la population franco-ontarienne d’obtenir des services de la part d’organismes publics dans la langue de leur choix a décuplé. Toutefois, une lacune importante au régime linguistique de la province subsiste aujourd’hui, lacune agissant comme barrière au plein accomplissement des objectifs de la Loi : l’absence d’offre active de ces services à la population francophone. Le présent rapport mettra en lumière la nécessité, pour le gouvernement de l’Ontario, d’adopter des mesures concrètes et de se doter des outils nécessaires afin que les ministères, organismes, entités et tierces parties qui fournissent des services en son nom mettent en œuvre l’offre active de services en français.
Même si la Loi ne mentionne pas explicitement le droit des francophones à obtenir activement les services dans leur langue, il n’en demeure pas moins que certains intervenants ont fait de l’offre active la norme en matière de services[1]. Certains d’entre eux ont même développé une expertise en la matière, qui mériterait d’être mieux mise en valeur afin d’émuler ce qu’ils ont ciblé comme étant des pratiques exemplaires. Toutefois, en l’absence d’une mention explicite de cette obligation dans la Loi, les progrès en matière d’offre active risquent d’être difficiles et lents. Par ailleurs, il est maintenant bien connu que l’absence d’offre active a des effets nuisibles sur la qualité des services offerts, avec des conséquences parfois tragiques en situation d’urgence ou de crise. Les citoyens francophones en situation vulnérable (personnes âgées, jeunes, personnes victimes de violence physique ou psychologique, nouveaux arrivants, personnes qui doivent faire face à une figure d’autorité (justice, sociétés d’aide à l’enfance par exemple), personnes souffrant de maladies mentales ou physiques, bénéficiaires de prestations sociales, etc.) sont les plus durement touchés par cette lacune, comme le démontrent les nombreux témoignages recueillis durant cette étude.
C’est dans ce contexte que le commissaire aux services en français (commissaire) recommande que la ministre déléguée aux Affaires francophones prenne les mesures nécessaires afin que 1) la Loi soit amendée de façon à y inclure une disposition relative à l’offre active. Cette modification ne devrait pas être mise en œuvre plus tard qu’en mai 2018. Par ailleurs, ces changements à la Loi devraient 2) s’appuyer sur un plan d’action offrant des directives claires et des pratiques exemplaires afin de guider les dirigeants et les gestionnaires responsables de son implantation. 3) Le commissaire recommande également l’élaboration d’une stratégie provinciale pour faire la promotion de l’offre active des services en français auprès des organismes gouvernementaux et des institutions assujetties à la Loi. Le développement de cette stratégie devrait se faire avec le concours des partenaires communautaires pouvant offrir une expertise utile et une aide indéniable dans l’atteinte des objectifs.
Introduction
La Loi sur les services en français[2] (Loi) soufflera ses 30 bougies cette année. Lors de son adoption en 1986, la Loi visait à octroyer le droit de communiquer en français avec le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature ou tout autre bureau de l’organisme ou de l’institution qui se trouve dans une des régions désignées par la Loi, et de recevoir les services en français de sa part. Depuis son adoption par l’Assemblée législative de l’Ontario, il est indéniable que la population franco-ontarienne a bénéficié de l’accroissement de l’accès à des services publics dans sa langue.
Cependant, ce droit à des services en français n’est pas absolu dans la province, et ce, même dans les régions désignées. D’une part, l’article 7 de la Loi peut, dans certaines circonstances, permettre aux organismes gouvernementaux et aux institutions de la Législature de ne pas offrir leurs services en français, alors qu’ils auraient habituellement l’obligation de le faire[3]. De plus, par l’entremise d’un règlement, on peut « restreindre le champ d’application de la désignation de sorte que celle-ci ne porte que sur des services précis que fournit l’organisme, ou préciser les services qui sont exclus de la désignation »[4].
D’autre part, lorsque des services en français sont disponibles, les francophones ne sont pas toujours informés de leur existence. En effet, les organismes gouvernementaux ne sont pas mandatés, par la Loi, de faire l’offre active de leurs services à la clientèle francophone. Certains intervenants font déjà de l’offre active la norme en matière de services, même si la Loi ne mentionne pas explicitement le droit des francophones à obtenir activement les services dans leur langue. L’obligation de l’offre active apparaît toutefois dans le Règlement de l’Ontario 284/11 : Prestation de services en français pour le compte d’organismes gouvernementaux[5] (Règlement 284/11). Ainsi, l’obligation est imposée aux tiers qui fournissent un service en français pour le compte du gouvernement, mais pas aux ministères ou fournisseurs de services gouvernementaux en tant que tels.
La clientèle franco-ontarienne ne demande pas toujours d’obtenir un service en français. Afin de sauver du temps, par habitude, pour faciliter le processus, ou lors de situations urgentes, les francophones et francophiles acceptent parfois tout simplement d’être servis en anglais. En n’offrant pas activement les services en français, les établissements fournisseurs de services, et en particulier dans les domaines de la justice et des soins de santé, mettent la responsabilité de la compréhension des informations communiquées sur les épaules de l’utilisateur des services et de ses proches aidants.
Comme le présent rapport le mettra en lumière, l’absence d’offre active a des effets nuisibles, parfois graves, sur la qualité des services offerts, et ce sont les citoyens francophones en situation vulnérable qui sont les plus touchés par cette lacune. Afin de donner toute sa portée au droit à l’emploi du français pour communiquer et recevoir des services en français, il doit exister une obligation correspondante à l’organisme public d’informer la clientèle de ce droit. À moins que l’obligation d’offre active ne soit explicitement prévue dans la Loi ou interprétée par les tribunaux comme faisant implicitement partie du droit de communiquer et de recevoir des services en français, elle demeure inexistante[6], et les progrès en matière d’offre active risquent d’être difficiles et de stagner.
Comme il le rappelle dans son Rapport annuel 2014-2015, « [d]epuis le début de son mandat, le commissaire [aux services en français] a fait du principe de l’offre active un de ses principaux chevaux de bataille »[7]. Il avait notamment émis, dans son Rapport annuel 2012-2013, la recommandation suivante :
Le commissaire aux services en français recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones qu’une directive explicite en matière d’offre active de services en français soit mise en place par le Conseil de gestion durant l’exercice financier 2013-2014, et ce, à l’égard de tous les ministères, organismes gouvernementaux et entités offrant des services en français au nom du gouvernement[8].
Le gouvernement avait alors répondu de la façon suivante à cette recommandation :
Le gouvernement est d’accord avec le commissaire quant au rôle clé de l’offre active de services en français afin de s’assurer que les ministères respectent la lettre et l’esprit de la Loi sur les services en français.
En fait, l’inclusion d’une disposition sur l’offre active dans le nouveau règlement sur la prestation des services en français par des tiers pour le compte des organismes gouvernementaux reflète clairement l’obligation légale des ministères de fournir des services en français de façon proactive, qu’ils soient offerts directement ou par des tiers en leur nom. Cette disposition va bien au-delà d’une simple directive[9].
Bien que le Commissariat reconnaisse que le Règlement 284/11 présente un pas dans la bonne direction en matière d’offre active, cette disposition impose seulement une obligation d’offre active aux tierces parties qui offrent des services en français pour le compte du gouvernement, et non aux organisations gouvernementales en tant que telles. De plus, une directive n’a pas force de loi[10].
En somme, la Loi accorde le droit de communiquer en français avec le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature ou tout autre bureau de l’organisme ou de l’institution situé dans une région désignée et d’en recevoir les services en français. Voilà l’essentiel de « l’obligation légale » qu’ont les ministères. Ils ont donc, en vertu de ce libellé, l’obligation de répondre et de fournir le service en français lorsque le citoyen emploie cette langue. Il n’y a aucune disposition dans la Loi qui fasse allusion à une obligation d’offre active.
L’offre active de services en français est une condition nécessaire afin que le droit des Ontariens à recevoir leurs services en français soit respecté. Les Ontariens d’expression française (les francophones et les francophiles), comme leurs concitoyens anglophones, doivent pouvoir communiquer dans leur langue sans que cela n’entraîne un inconfort, un malaise, des réactions négatives ou des conséquences fâcheuses sur la qualité des services reçus. En contexte minoritaire, il est essentiel de créer un environnement où le citoyen francophone se sentira à l’aise d’utiliser sa langue. Autrement, nombreux sont les francophones qui ne profiteront pas de leur droit et choisiront de communiquer en anglais. Comme le rappelle le commissaire dans son Rapport annuel 2013-2014, un tel environnement permet d’atteindre « ceux et celles qui hésitent encore quotidiennement à utiliser les services en français et à contribuer à conjurer le danger permanent de l’assimilation »[11]. Le Commissariat porte une attention particulière à la population franco-ontarienne en situation vulnérable : les personnes âgées, les jeunes, les personnes victimes de violence (physique ou psychologique), les nouveaux arrivants, les personnes qui doivent faire face à une figure d’autorité (justice, sociétés d’aide à l’enfance par exemple), les personnes souffrant de maladies mentales ou physiques et les personnes bénéficiaires de prestations sociales.
Le Commissariat se montre plus empathique à l’égard des citoyennes et citoyens les plus vulnérables de l’Ontario, ceux qui ont le plus besoin des services gouvernementaux, et pourtant ceux qui sont le moins susceptibles de se faire entendre par crainte de représailles. Le Commissariat croit que le « test moral d’un gouvernement se reflète dans la façon dont il traite les enfants, les aînés, les malades, les indigents et les personnes handicapées »[12].
Plusieurs intervenants et décideurs s’entendent avec le commissaire voulant que l’offre active de services en français soit nécessaire. Le gouvernement ontarien lui-même vise une offre active de services en français et en fait la promotion[13]. Pourtant, les nombreuses recherches effectuées en Ontario français démontrent qu’actuellement, « [a]u-delà des cadres juridiques et des louables intentions, force est de constater que l’offre active […] est non seulement peu connue, mais également fort peu effective à l’heure actuelle »[14].
À l’aube du 30e anniversaire de la Loi, il est aujourd’hui indéniable qu’une plus grande réglementation de l’obligation d’offrir des services en français de façon « active » est la clé de voûte nécessaire afin que cette législation puisse, enfin, atteindre pleinement son objectif envers la population minoritaire de langue française.
Méthodologie et sujets abordés par le présent rapport spécial
Dans le cadre de la recherche inhérente à ce rapport, une revue et une analyse de la littérature ont été effectuées sur les sujets suivants :
- les définitions de la notion d’offre active de services en français ou dans les deux langues officielles;
- les pratiques existant en matière d’offre de services dans un contexte de dualité linguistique au Canada;
- les lois, règlements, la jurisprudence et dispositions juridiques, et les mesures qui existent au Canada afin de favoriser l’offre de services en français;
- l’impact de la réception ou non d’une offre active de services en français pour les citoyens francophones en situation minoritaire, en particulier chez les individus vulnérables;
- l’utilisation ou la demande de services dans la langue de la minorité en Ontario et ailleurs au Canada.
De plus, dix-huit (18) utilisateurs de services publics provinciaux de l’Ontario ont été interviewés afin de comprendre l’impact de l’absence d’une offre active de services en français chez la population franco-ontarienne. Le recrutement de ces utilisateurs a été effectué par une invitation à participer à cette étude du Commissariat auprès d’organismes francophones œuvrant dans divers domaines. Les entretiens ont privilégié des personnes qui ont utilisé des services juridiques, des services de santé, des services sociaux et communautaires, des services directs offerts par ServiceOntario, des services de logement, des services dans les écoles pour enfants requérant des services spéciaux, et les services d’ambulance et de police provinciale.
1. Qu’est-ce que « l’offre active »?
L’offre active pourrait être le sujet de plusieurs définitions, mais, en règle générale, on lui reconnaît quelques caractéristiques. En premier lieu, elle suppose la proactivité des fournisseurs de services. Autrement dit, dans le cadre de la prestation de services gouvernementaux, le citoyen doit avoir un choix réel d’utiliser l’une ou l’autre des langues qui lui sont activement offertes. Pour qu’il y ait une offre dite « active » de services en français, la première communication, que ce soit oralement ou par écrit, doit se faire en anglais et en français. Cela fait en sorte que les francophones savent, dès le premier contact, qu’ils ont accès à un service en français. En deuxième lieu, l’offre active consiste aussi à garantir que les services subséquents puissent être fournis en français et qu’ils soient de qualité égale aux services offerts en anglais. Le citoyen doit donc toujours se sentir à l’aise de choisir le français dans l’utilisation des services. Il parvient à se sentir libre s’il observe dans l’environnement qui l’entoure que les deux langues, français et anglais, ont un statut égal. Finalement, le fait de choisir une langue ou une autre ne doit pas avoir d’influence sur la qualité des services. Le Commissariat martèle depuis longtemps l’importance « de créer un environnement qui suscite la demande et anticipe les besoins spécifiques des francophones et de leur communauté »[15]. Pour le Commissariat, il y a offre active lorsque les citoyens comprennent qu’ils
[…] peuvent recevoir des services en français puisque le nom de l’établissement ainsi que toutes les affiches, pancartes, dépliants, documents, etc., sont soit bilingues, soit offerts visuellement en anglais et en français. De plus, le personnel au comptoir ou au téléphone offre activement, dès la première interaction, un service dans ces deux langues[16].
Pour ce faire, il faut bien entendu qu’il y ait du personnel bilingue apte à offrir les services en français. La documentation doit elle aussi être disponible en français. L’offre active doit devenir un réflexe dans la prestation de services, sous toutes ses formes :
Au premier abord, l’offre active peut être considérée comme une invitation, verbale ou écrite, à s’exprimer dans la langue officielle de son choix. L’offre de parler dans la langue officielle de son choix doit précéder la demande de services. Pour qu’il y ait offre active, il faut que l’offre soit visible, audible, accessible (par la parole) et évidente […] et que l’accueil et les services aux francophones soient automatiques, comme un réflexe, et sans délai […][17].
Cela exige, à la base, que l’organisation des services prenne en compte la langue. Cependant, la manière de mettre en œuvre le concept d’offre active peut varier selon l’organisation. Le tableau suivant résume les caractéristiques de l’offre active de services en français.
Tableau 1 — Caractéristiques de l’offre active de services en français
Offre active de services en français | Mesures concrètes |
L’offre précède la demande : le citoyen est informé de la disponibilité de services en français. | Stratégie et/ou plan de communication
Affichage et accueil dans les deux langues Salutation initiale du citoyen dans les deux langues |
La qualité des services est égale en anglais et en français.
Le temps d’attente est le même pour un service offert dans une langue ou dans l’autre. |
Moyens mis en place pour qu’il y ait du personnel pouvant communiquer ou offrir des services en français |
Le citoyen sent qu’il peut utiliser le français. Il est à l’aise de le faire et de choisir d’utiliser sa langue. | L’usage des deux langues se reflète dans l’environnement de travail et dans la culture organisationnelle.
Le fait d’employer le français ne suscite pas de réactions négatives, n’est pas source de tension ou de malaise. |
Source : Commissariat aux services en français, avril 2016.
En somme, une définition générale et opérationnelle de l’offre active devrait inclure les éléments suivants :
- Veiller à ce que les mesures voulues soient prises pour informer le public de la disponibilité des services;
- Effectuer l’offre de service dans les deux langues dès le premier contact;
- Assurer au citoyen qu’il peut choisir l’une ou l’autre langue de service;
- Veiller à ce que le service octroyé le soit de façon culturellement appropriée;
- Veiller à ce que le citoyen se sente à l’aise dans la prestation de services ;
- S’assurer à ce que le service offert soit de qualité égale ou équivalente que le service offert en anglais.
1.1. L’offre active en contexte minoritaire : une nécessité
Il est maintenant bien connu qu’en contexte minoritaire, le statut de la langue minoritaire pèse lourd lorsque vient le temps de faire un choix en matière de langue de service. Déjà, en 1967, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme faisait allusion dans son rapport au concept de l’offre active, afin de contrebalancer les rapports de pouvoir entre langues majoritaire et minoritaire :
Écartons une solution à nos yeux inacceptable : ne dispenser des services dans la langue de la minorité que dans la mesure où celle-ci les réclamerait. Un tel système ne comporterait aucune garantie sérieuse, car il serait livré à l’interprétation plus ou moins arbitraire des autorités du moment. De plus, dans une province où des services n’ont jamais été établis dans la langue de la minorité officielle, ou bien ne l’ont été que parcimonieusement, les membres de cette minorité […] ont pris l’habitude de se résigner à la situation, même quand ils l’estiment injuste. Il faut à notre avis, retenir des critères plus objectifs, fondés sur une réalité moins fluide[18].
En effet, en contexte minoritaire, la propension à utiliser publiquement une langue ne dépend pas seulement de sa reconnaissance par les instances étatiques ou par la loi. Elle dépend également des perceptions qu’en ont les membres de la minorité[19] (Landry, 2015). Comme l’expliquent Landry et al.,
La langue du groupe majoritaire devient une « langue de statut »; c’est elle qui domine les contacts intergroupes et qui sera principalement employée dans les domaines liés à la mobilité sociale. En d’autres termes, la langue minoritaire aura tendance à devenir une « langue privée » et celle du groupe dominant s’imposera comme « langue publique »[20].
Les membres de la minorité peuvent donc percevoir un statut de légitimité plus élevé pour l’anglais que pour le français[21], et cette perception se manifeste principalement dans l’espace public[22], où les francophones bilingues vivant en contexte minoritaire vont souvent préférer l’usage de l’anglais si le contexte social semble favoriser cette langue. Voici deux extraits d’entretiens révélateurs quant au malaise ressenti par le fait d’avoir à demander des services en français :
[…] Je me sens comme si je suis en train de causer un stress à l’autre personne. Je suis en train de créer un inconvénient pour la personne qui essaie de m’aider et puis, si je le fais, je ne vais pas recevoir le service que je mérite[23].
[…] Si la personne s’adresse à moi, elle dit : « Hi! », je ne me sens pas nécessairement à l’aise […] de continuer en français. […] La gêne, je ne sais pas, […] c’est ce que j’ai connu depuis mon enfance, c’est une réalité pour moi[24].
Par ailleurs, l’environnement sociolinguistique entourant l’offre de services ne manque pas d’influencer les choix qui sont faits par les utilisateurs francophones. Si un francophone entre en tant que consommateur dans un établissement commercial où l’affichage est en anglais et où le personnel l’aborde en anglais, sa propension sera d’utiliser l’anglais pour se faire servir.
Si offrir activement des services en français n’est pas imposé dans les établissements qui offrent des services et si on laisse le libre choix aux gestionnaires de ces établissements de fournir les services en français ou en anglais, on s’en remet à une dynamique sociale qui favorise la langue de la majorité. L’anglais devient la norme en matière de langue d’usage.
L’adoption d’une nouvelle norme exige l’apport de changements culturels qui peuvent se produire, à long terme, si les rapports sociaux se transforment de façon à favoriser un meilleur équilibre entre les anglophones et les francophones. Bien que les droits linguistiques en viennent à favoriser une évolution sociolinguistique, celle-ci pourrait mettre du temps à se produire. Ainsi, la simple existence d’une loi ne suffit pas pour contrer entièrement le jeu des rapports sociaux. Même en présence de droits linguistiques, les rapports sociaux continuent d’influencer les comportements dans les espaces sociaux auxquels ils s’appliquent. Le législateur doit en être conscient et adopter des mesures pour accroître l’effectivité des droits linguistiques. L’obligation d’offre active envers les fournisseurs de services publics devient donc, dans cette optique, une mesure de première ligne visant à renverser la vapeur des normes sociales et à veiller à ce que les droits linguistiques adoptés par les législateurs soient pleinement en vigueur.
1.2. L’offre et la demande : un cercle vicieux… ou vertueux
Certains intervenants modulent l’offre de services en français en fonction de l’absence de demande des utilisateurs francophones – ou encore parce que ces derniers ne les utilisent pas[25]. Pourtant,
[l]a recherche démontre de façon systématique que les gens ne font pas la demande de services en français s’ils jugent que cela est difficile, qu’ils devront attendre ou que le service sera de moindre qualité. Les services en français doivent être facilement accessibles et visibles, d’où le concept de l’offre active. Les francophones ne devraient pas avoir à demander de recevoir des services en français. Il incombe plutôt aux fournisseurs de services de santé d’offrir des services en français[26].
La demande et l’offre de services en français sont reliées de façon à produire un cercle soit vicieux, soit vertueux. Une faible offre de services en français se traduit par une faible demande de ces services, ce qui incite les intervenants à ne plus offrir les services en français. Pour renverser cette dynamique, une approche d’offre active de services en français devrait être privilégiée.
Une étude sur les services gouvernementaux en Nouvelle-Écosse a démontré que la majorité des répondants sont disposés à utiliser le français lorsque l’offre de services en français est faite activement. « En d’autres mots, la majorité des répondants ne sont pas disposés à demander un service en français ; il faut le leur offrir directement »[27]. Si certaines conditions sont réunies, il est plus probable que les citoyens francophones utilisent les services en français. La solution passe donc par l’instauration d’un environnement organisationnel qui rend le personnel à l’aise d’offrir les services en français[28]. Autrement dit, il doit y avoir une offre active de services en français et un environnement organisationnel qui l’appuie.
2. Le contexte juridique et législatif actuel en matière d’offre active
La reconnaissance des droits linguistiques au Canada, du moins pour les communautés francophones et acadiennes, vise à contrer les effets du contexte anglo-dominant et à assurer aux personnes vivant en situation minoritaire la possibilité de vivre et de s’épanouir en français – du moins dans les espaces publics visés par ces droits linguistiques. Ces espaces sont en théorie à l’abri des rapports entre la majorité et la minorité.
L’aspect des droits linguistiques qui importe ici est celui qui garantit le droit des citoyens, notamment ceux d’une minorité, de se faire servir en français ou en anglais. Or, l’offre de services de santé en français varie, entre autres, selon le contexte juridique;
Dans le contexte du fédéralisme canadien, la prise en compte de la langue dans l’organisation des services de santé et la reconnaissance du droit des francophones à obtenir des services de santé dans leur langue dépendent des autorités provinciales et de la reconnaissance juridique des droits linguistiques dans les provinces. […] Les progrès [en matière d’offre de soins de santé en français] varient selon les situations provinciales[29].
Même si cette relation est complexe, il existe un lien entre le contexte juridique et l’offre de services en français. Comme le souligne Tremblay, « [d]ifférentes approches ont été développées et mises en œuvre dans certaines provinces et territoires afin d’assurer une offre de service linguistiquement adaptée. En l’absence de telles modalités ou de lieux de services francophones, cette offre demeure faible »[30]. Ce qui suit est un survol de la situation de l’offre active au Canada, puis comment le cadre ontarien se mesure au reste du pays.
2.1. Perspective canadienne sur l’offre active
Historiquement, au Canada, les législations en matière de langues officielles au pays ne faisaient pas grand cas de la notion d’offre active. Tant au niveau fédéral qu’au Nouveau-Brunswick, à partir de 1969, il était acceptable de dispenser des services dans la langue de la minorité dans la mesure où celle-ci les réclamerait. La Loi sur les langues officielles (LLO) fédérale prévoyait ce qui suit :
Il incombe aux ministères, départements et organismes du Gouvernement du Canada, ainsi qu’aux organismes judiciaires, quasi-judiciaires ou administratifs ou aux corporations de la Couronne créés en vertu d’une loi du Parlement du Canada, de veiller à ce que, dans la région de la Capitale nationale d’une part et, d’autre part, au lieu de leur siège ou bureau central au Canada s’il est situé à l’extérieur de la région de la Capitale nationale, ainsi qu’en chacun de leurs principaux bureaux ouverts dans un district bilingue fédéral créé en vertu de la présente loi, le public puisse communiquer avec eux et obtenir leurs services dans les deux langues officielles[31].
L’obligation qu’avaient les organismes et institutions du gouvernement du Canada en vertu de cet article était « de veiller » à ce que « le public puisse communiquer avec eux et obtenir leurs services dans les deux langues officielles ». Par conséquent, un organisme public pouvait servir le citoyen dans la langue de son choix et attendre que celui-ci demande à communiquer dans l’autre langue officielle avant de devoir l’accommoder en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi. De plus, le fait que l’organisme public devait seulement veiller à remplir l’obligation lui accordait une certaine latitude et « [c]ette latitude, souhaitable au plan de la gestion administrative, n’en constitue pas moins une possibilité, dans certains cas, de diluer l’obligation législative jusqu’à en faire un symbole »[32].
De son côté, la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick (LLONB) de 1969 était plus explicite :
Sous réserve de l’article 15, lorsque quelqu’un lui en fait la demande, tout fonctionnaire ou employé public de la province, de l’un de ses organismes ou d’une société d’État doit veiller à ce que cette personne puisse
a) obtenir les services disponibles dont ce fonctionnaire ou employé public a la responsabilité, et
b) communiquer au sujet de ces services, dans l’une ou l’autre des langues officielles qui est demandée[33].
La Loi néo-brunswickoise était sans équivoque : pour être servi dans la langue officielle de son choix, il fallait en faire la demande. Il s’agissait sans aucun doute d’un premier pas dans la bonne direction pour la minorité francophone du Nouveau-Brunswick, mais la Loi était insuffisante pour contrer l’assimilation et pour atteindre l’égalité entre les deux communautés de langue officielle en raison de l’absence de garantie sérieuse et de mesure réparatrice pour la communauté linguistique officielle minoritaire, en dépit de la mise en garde énoncée dans le rapport de la Commission royale d’enquête.
Ces deux lois allaient cependant être abrogées et remplacées par de nouvelles lois sur les langues officielles dans lesquelles l’offre active ferait son apparition. D’autres provinces et territoires emboîteront le pas et feront place à une forme ou une autre d’offre active de service.
Dans un premier temps, depuis 1982, la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) prévoit que :
Le public a, au Canada, droit à l’emploi du français ou de l’anglais pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services; il a le même droit à l’égard de tout autre bureau de ces institutions là où, selon le cas :
a) l’emploi du français ou de l’anglais fait l’objet d’une demande importante;
b) l’emploi du français et de l’anglais se justifie par la vocation du bureau[34].
Ce paragraphe a fait l’objet de nombreux recours devant les tribunaux du Canada, mais il n’a pas, à ce jour, été interprété comme comprenant l’obligation d’offrir activement les services dans les deux langues officielles[35].
La première apparition formelle du concept de l’offre active en droit canadien est survenue en 1988 avec l’adoption de la nouvelle Loi sur les langues officielles (LLO) du Canada :
Lorsqu’elles sont tenues, sous le régime de la présente partie, de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leurs bureaux ou recevoir les services de ceux-ci ou de tiers pour leur compte, dans l’une ou l’autre langue officielle, il incombe aux institutions fédérales de veiller également à ce que les mesures voulues soient prises pour informer le public, notamment par entrée en communication avec lui ou encore par signalisation, avis ou documentation sur les services, que ceux-ci lui sont offerts dans l’une ou l’autre langue officielle, au choix[36].
Cette disposition, en plus de préciser qu’elle concerne toutes les obligations de la partie IV de la LLO, prévoit également les diverses façons dont cette obligation peut être comblée.
Le libellé de l’article 28 est tout de même révélateur au sujet du concept de l’offre active puisqu’il distingue clairement, d’une part, l’obligation de veiller à ce que le public puisse communiquer avec les bureaux des organismes fédéraux ou en recevoir les services dans l’une ou l’autre langue officielle et, d’autre part, l’obligation de veiller à ce que les mesures voulues soient prises pour informer le public que les services lui sont offerts dans l’une ou l’autre langue officielle, au choix. Il en ressort donc que pour respecter l’obligation d’offre active en vertu de la LLO, les mesures nécessaires doivent être prises pour informer le public qu’il a le choix de recevoir les services dans l’une ou l’autre des deux langues officielles du Canada.
Les gouvernements provinciaux ont aussi légiféré en matière de services en français[37]. La Loi sur les services en français de l’Île-du-Prince-Édouard[38] fait mention d’une obligation d’offre active, en indiquant les limites aux services offerts dans les deux langues. La Loi sur les centres de services bilingues du Manitoba[39] prévoit que « le public doit être informé au moyen de mesures appropriées qu’il peut avoir accès à un large éventail de programmes et de services gouvernementaux et en obtenir la prestation en français ou en anglais; à cette fin, des affiches, des avis et d’autres renseignements lui sont communiqués et les employés s’adressent à lui dans les deux langues »[40]. Le préambule du Règlement municipal de la Ville de Winnipeg, pour sa part, prévoit « que la Ville de Winnipeg s’engage à fournir des services en français suivant le principe de l’offre active »[41]. Le Nouveau-Brunswick, pour sa part, indique clairement à l’article 28.1 de la LLONB, que le fardeau de prendre les mesures nécessaires pour informer le public qu’il peut se faire servir en français ou en anglais repose sur les institutions gouvernementales. En ce sens, l’offre active ne serait pas un droit proprement dit, mais bien une obligation imposée à une institution en raison du droit du public de communiquer avec elle et d’en recevoir les services dans la langue officielle de son choix. Ce qui explique peut-être pourquoi aucun recours n’a été intenté en vertu de l’article 28.1, bien que de nombreuses plaintes aient été déposées auprès du Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick[42]. Le paragraphe 31(1) de la LLONB, de son côté se lit comme suit : « Tout membre du public a le droit, lorsqu’il communique avec un agent de la paix, de se faire servir dans la langue officielle de son choix et il doit être informé de ce choix ».
Les différents territoires ont aussi adopté des législations en matière de services dans les langues officielles. Le Nunavut a adopté deux lois qui portent sur la langue : la Loi sur la protection de la langue inuit (LPLI) et la Loi sur les langues officielles du Nunavut (LLON). Dans le cadre de la LPLI, les mesures adoptées à l’égard de l’offre active se distinguent de celles que l’on retrouve ailleurs au Canada. L’offre active dont il y est question ne concerne pas la prestation des services, mais s’intéresse plutôt à l’individu et à la langue qu’il emploiera dans les différents contextes dans lesquels il peut se retrouver. Les emplois étant d’une grande importance dans toute société, la LPLI ne laisse aucun doute quant aux possibilités de communiquer dans la langue inuit aux diverses étapes du processus d’obtention d’un emploi et après comme langue de travail. Une autre particularité est digne de mention : l’offre active doit être faite « de manière culturellement appropriée » aux individus. La LLON, pour sa part, fait mention de l’offre active dans les communications avec le siège ou l’administration centrale d’une institution territoriale, avec ses autres bureaux où la demande est importante, où l’emploi d’une langue officielle se justifie par la vocation des bureaux ou dont les services sont susceptibles de promouvoir l’usage de la langue indigène[43].
En somme, tant au niveau fédéral que parmi les provinces et territoires, le concept d’offre active a fait du chemin depuis les deux dernières décennies et est devenu la référence en matière d’offre de services dans les deux langues officielles. Comment l’Ontario se compare-t-il en matière d’offre active?
2.2. Le contexte ontarien
2.2.1. Les limites de la Loi sur les services en français (Loi)
Comme il fut expliqué en introduction, la Loi codifie le droit de communiquer en français avec le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature ou tout autre bureau de l’organisme ou de l’institution qui se trouve dans une région désignée, et de recevoir les services en français de sa part. Toutefois, ce droit n’est pas absolu, notamment en vertu des articles 7 et 9 de la Loi. Comme l’ont souligné les tribunaux, notamment dans Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé)[44] et Dehenne c. Dehenne[45], les droits conférés par l’article 5, « bien que non absolus, ne sont limités que par l’article 7 ». L’article 7 pourrait effectivement, dans certaines circonstances, permettre aux organismes gouvernementaux et aux institutions de la Législature de ne pas offrir leurs services en français, alors qu’ils auraient habituellement l’obligation de les offrir. Bien que l’on ignore toujours le sens exact de l’expression « limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances », dans l’affaire Lalonde[46], la Cour d’appel de l’Ontario a expliqué que « [l]e mot ‘nécessaire’ dans ce contexte semble vouloir dire que les services existants ne peuvent être restreints que s’il s’agit de la seule et unique ligne de conduite possible »[47]. S’agissant de l’expression « toutes les mesures raisonnables », la Cour, à défaut de définir cette expression, donne des exemples de mesures qui ne sont pas raisonnables :
Il est possible de définir assez précisément les mesures qui ne sont pas « raisonnables ». Prendre « toutes les mesures raisonnables » ne signifie pas simplement d’ordonner à l’hôpital qui accueillera les services de demander sa désignation en vertu de la L.S.F., puis transférer les services en français avant que cette désignation n’ait été accordée. Prendre « toutes les mesures raisonnables » ne signifie pas non plus rendre en apparence impossible la formation des professionnels de la santé en français, puis laisser la communauté touchée résoudre le problème elle-même.[48]
Dans l’arrêt Lalonde, la Cour d’appel a jugé que la Commission de restructuration des services de santé n’avait pas respecté les exigences de l’article 7 pour limiter le droit conféré à l’article 5 de la Loi. Par conséquent, si, à première vue, l’article 7 est perçu comme une limitation au droit de communiquer et de recevoir des services en français, l’exigence relative aux « limitations raisonnables et nécessaires » qu’il contient afin de limiter ce droit a permis, dans Lalonde, d’invalider une décision prise par le gouvernement qui touche au droit conféré par l’article 5 de la Loi.
Par ailleurs, l’Office des affaires francophones a récemment révisé les critères de désignation des organismes qui souhaitent offrir des services en français. Le tableau suivant, qui a été reproduit du site de l’Office des affaires francophones, fait état des changements.[49]
Tableau 2
Critères pour la désignation d’organismes selon la Loi sur les services en français | |
Ancienne version (1991) | Nouvelle version (2013) |
Le service doit être permanent et de qualité supérieure. | L’offre de services en français doit être permanente et de qualité supérieure assurée par des employés ayant les compétences requises en français. |
L’accès aux services en français doit être adéquat. | L’accès aux services doit être garanti et suivre le principe de l’offre active. |
Il doit y avoir une représentation effective de francophones au conseil d’administration et aux comités au sein des organismes. | La représentation effective de francophones au conseil d’administration et à ses comités est incluse dans les règlements administratifs et doit refléter la proportion de la communauté francophone au sein de la population desservie. |
Il doit y avoir une représentation effective de francophones dans les niveaux de direction. | Il doit y avoir une représentation effective de francophones dans l’équipe de haute direction. |
Il doit exister [une] responsabilité du conseil d’administration et de la haute direction pour les services en français. | Le conseil d’administration et la haute direction doivent être imputables à l’égard de la qualité des services en français. |
Source : Office des affaires francophones, 2013.
On remarque qu’avant ces changements, l’accès aux services devait être adéquat, alors qu’il doit maintenant être garanti et offert selon le principe de l’offre active. Cette façon de procéder est exigée de la part des organismes désignés alors qu’elle ne l’est pas pour le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature. En raison de ce nouveau critère, les organismes désignés doivent mettre en œuvre le principe de l’offre active lorsqu’ils offrent le service en français. Cela étant dit, ces modifications aux critères de désignation sont des mesures administratives. Bien que l’élaboration des critères de désignation ait été effectuée par l’Office des affaires francophones, ces critères ne peuvent créer des droits et des obligations au sens juridique de ces termes. Les obligations que l’on retrouve dans les critères de désignation sont plutôt des conditions à l’obtention et au maintien de la désignation et tout manquement à ces conditions peut vraisemblablement entraîner le retrait de la désignation[50].
2.2.2. La Loi sur les tribunaux judiciaires
La Loi sur les tribunaux judiciaires stipule que « [l]es langues officielles des tribunaux de l’Ontario sont l’anglais et le français »[51] Cependant, « l’anglais est la langue usuelle des tribunaux, le français constituant l’exception à la règle »[52]. L’article 126 de la Loi, pour sa part, énonce qu’ « [u]ne partie à une instance qui parle français a le droit d’exiger que l’instance soit instruite en tant qu’instance bilingue »[53]. Certains droits établis aux articles 125 et 126 de la Loi peuvent varier selon le lieu, le tribunal, et le genre de procédure entamée.
2.2.3. Le Règlement de l’Ontario 284/11 : une mesure importante, mais insuffisante
En 2011, la ministre responsable des Affaires francophones, avec l’approbation du Cabinet, adoptait le Règlement 284/11 : Prestation de services en français pour le compte d’organismes gouvernementaux. Au contraire de la Loi sur les services en français, ce Règlement fait mention de la notion d’offre active :
Au plus tard le jour précisé au paragraphe (3), chaque organisme gouvernemental veille à ce que tout tiers qui fournit un service en français au public pour son compte prenne des mesures appropriées pour informer ce dernier, notamment par entrée en communication avec lui ou encore par signalisation, avis ou documentation sur les services, que le service est offert en français, au choix[54].
Alors que l’article 2(2) ne se réfère pas explicitement à la notion d’offre active, il est largement accepté que c’est de cette notion dont il est question dans cet article. L’absence de titre ou de sous-titre à cet effet n’altère en rien la substance de l’article. Toutefois, comme son titre l’indique, ce Règlement ne touche que les tierces parties agissant pour le compte du gouvernement. Il est étonnant de constater que la même obligation n’est pas imposée aux organismes gouvernementaux.
Pour le commissaire, cette mesure est insatisfaisante, car elle ne touche que les services offerts par les tierces parties qui ont une entente avec leur ministère concerné.
2.2.4. D’autres directives gouvernementales
Nombre de documents ont été produits par des agences gouvernementales ontariennes afin de préciser la notion d’offre active de services en français et la manière de faire cette offre, dont le Practical guide for the active offer of French-language services in the Ontario Government[55] et le Framework for Action: A modern Ontario public service[56].[57] Dans le Framework for Action: A Modern Ontario Public Service, des directives et des mesures précises sont présentées afin d’inciter les employés à faire une offre active de services en français.
Dans le secteur de la santé, les Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) d’Érié St. Clair et du Sud-Ouest ont conçu une trousse d’outils sur les services de santé en français. Cette trousse « fournit des renseignements, des lignes directrices, des gabarits et des articles promotionnels » « La trousse se veut un outil d’aide aux fournisseurs identifiés et désignés de services de santé pour mettre en œuvre et dispenser des services en français de qualité, conformément à leur mandat »[58]. Cette trousse a été distribuée aux coordonnateurs des services en français de tous les RLISS comme exemple de meilleures pratiques.
Dans le domaine de la justice, des efforts louables ont été faits afin de mieux comprendre l’offre active de services dans le contexte de la planification stratégique de ce secteur, en collaboration avec ses partenaires francophones. L’un des principes de base du Plan stratégique de la section de langue française de ce secteur est, depuis 2006, le principe de l’offre active, afin d’améliorer l’accès aux services en français. De plus, le ministère du Procureur général a commandé l’étude De la théorie à la pratique : les mécanismes d’offre de services en français dans le domaine de la justice en Ontario, à l’équipe de Linda Cardinal à la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques (CRFPP), afin d’identifier quels mécanismes répondaient le mieux aux besoins des francophones et de déterminer quels facteurs encourageaient ou décourageaient ces francophones à demander des services en français. Les résultats de cette étude ont mis en lumière plusieurs mécanismes d’offre active de services et ont fait en sorte que les stratégies adoptées par le secteur de la justice soient appropriées afin d’améliorer l’offre active de services en français.
Des projets sont aussi mis en œuvre afin d’explorer des manières d’accroître l’offre active de services en français, par exemple, le Projet pilote pour un accès fluide à la justice en français du ministère du Procureur général, en partenariat avec les juges en chef de l’Ontario, lancé en 2015 au Palais de justice d’Ottawa. Ce projet met l’accent sur le concept de l’offre active comme moyen d’assurer un meilleur accès à la justice en français.
Le projet pilote sera fondé sur le concept de l’offre active et fera en sorte que les francophones reçoivent des services et un soutien appropriés dès le moment où ils entrent dans le palais de justice. L’utilisation possible de la technologie, comme la vidéoconférence, sera aussi examinée pour la prestation à distance de services en français. Une équipe de projet a été créée pour mettre en œuvre le projet pilote qui devrait commencer au printemps 2015[59].
Ce projet met en valeur l’offre active de service en français, qui est promue par différents moyens, notamment :
- des macarons (« Je parle français ») que portent les employés du Ministère qui travaillent au comptoir et qui occupent des postes désignés bilingues;
- des fiches de renseignements sur l’offre active pour le personnel;
- de nouveaux présentoirs pour des dépliants sur les droits linguistiques à l’intention du public;
- des écrans géants au palais de justice affichant de l’information en anglais et en français sur les droits linguistiques pour sensibiliser les citoyens d’expression française.
Comme le démontrent les deux derniers exemples, le projet pilote va au-delà de l’offre active en tant que telle et tente de sensibiliser la population aux droits linguistiques dans le domaine de la justice afin de l’encourager à exercer ses droits. De plus, une formation interactive sur l’« offre active » a été élaborée et offerte aux membres du personnel au palais de justice et une trousse sur l’offre active a été préparée pour les nouveaux employés de la Division des services aux tribunaux. Le commissaire se dit ravi de ce projet pilote.
3. Réalité et cas vécus
À quoi ressemble la situation actuelle dans les institutions pourvoyeuses de services en Ontario? La section qui suit présentera le point de vue des fournisseurs de services à l’égard de l’offre de services en français, pour ensuite discuter de l’envers de la médaille, du point de vue des utilisateurs. Puis une seconde section s’attardera particulièrement aux défis rencontrés par les individus en situation de vulnérabilité, dans leurs interactions avec les fournisseurs de services dans le domaine de la santé et de la justice, qui sont particulièrement névralgiques.
3.1. Le point de vue des fournisseurs de services
En Ontario, un très faible pourcentage des professionnels œuvrant dans le domaine de la santé dit offrir les services dans les deux langues officielles (voir le tableau suivant)[60]. Une proportion plus importante d’entre eux dit aborder le patient dans sa langue. Ils déterminent la langue à utiliser soit en demandant aux patients s’ils parlent français ou anglais, soit en déterminant la langue du patient à partir de son dossier médical, par son nom de famille, par son accent ou par la langue parlée par le patient avec d’autres personnes, ou encore en s’informant auprès d’autres membres du personnel. Dans l’ensemble, une faible proportion de répondants offre le service d’emblée en français (16,8 %), mais la majorité (68 %), abordent le patient en anglais. Le pourcentage de ceux qui utilisent l’anglais est plus faible au Nouveau-Brunswick et en Ontario (environ 60 %). En comparaison, il est plus élevé au Manitoba (86,1 %) et en Nouvelle-Écosse (72,7 %).
Tableau 3 — Langue abordée avec les patients lors d’une première visite
Régies de la santé | Total
(%) |
||||||
Hôpital régional de Yarmouth (NE) | Réseau de santé Horizon (NB) | Hôpital régional de Sudbury[61] (ON) | Hôpital St-Boniface (MB) | ||||
Dans quelle langue abordez-vous vos patients lors d’une première visite ? | Toujours ou surtout en anglais | Effectif | 64 | 206 | 84 | 155 | 509 |
% | 72,7 | 60,2 | 60,4 | 86,1 | 68,0 | ||
En anglais et en français | Effectif | 4 | 2 | 4 | 2 | 12 | |
% | 4,5 | 0,6 | 2,9 | 1,1 | 1,6 | ||
Toujours ou surtout en français | Effectif | 5 | 87 | 23 | 11 | 126 | |
% | 5,7 | 25,4 | 16,5 | 6,1 | 16,8 | ||
Dans la langue du patient | Effectif | 15 | 47 | 28 | 12 | 102 | |
% | 17,0 | 13,7 | 20,1 | 6,7 | 13,6 | ||
Total
(%) |
Effectif | 88 | 342 | 139 | 180 | 749 | |
% | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Source : Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, 2011.
La langue utilisée pour offrir des services a une influence importante en contexte minoritaire sur le choix exercé par l’utilisateur du service quant à la langue de communication. Dans la pratique, le choix d’un francophone d’utiliser un service dans sa langue ne s’exerce pas toujours dans des conditions idéales. Une autre étude a montré que
[s]i le professionnel n’offre pas spontanément et activement des services en français à son client, la communication risque de se faire en anglais dès le premier rendez-vous et lors des rendez-vous subséquents. En d’autres mots, si le professionnel « l’affiche seulement verbalement quand [il] reconnait un nom francophone », « on manque le bateau » quant à l’offre de services en français. À titre d’exemple, un professionnel avoue avoir communiqué en anglais pendant trois ans avec un client, en ignorant qu’il était francophone[62].
Une recherche fondée sur les perceptions des coordonnateurs de services en français auprès des Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) actuels a fait ressortir l’importance « que le concept d’offre active de services en français fasse partie des politiques des organismes […] et soit intégré dans la culture organisationnelle, des conseils d’administration jusqu’aux services directs, et qu’on en reconnaisse la valeur ajoutée »[63]. Pour mettre en place une culture qui valorise l’usage du français, les organisations doivent mettre en œuvre des mesures qui demandent souvent des aménagements dans la gestion et l’organisation des services. Les organisations doivent développer des compétences linguistiques.
Comme l’a déjà souligné le Commissariat :
L’une des pierres angulaires du concept de l’offre active est sans aucun doute la planification des ressources humaines. En effet, l’affichage aura beau être bilingue et les formulaires disponibles en français et en anglais, s’il n’y a pas un nombre suffisant de membres du personnel bilingues capables d’offrir les services de façon équitable, l’expérience du citoyen s’en trouvera compromise[64].
Le commissaire observe une volonté de plus en plus affirmée de la part du gouvernement provincial de favoriser une offre active de services en français. Par exemple, l’un des principes de base de la planification stratégique du secteur de la justice est l’accroissement de l’accès aux services en français, en partenariat avec les intervenants du milieu. Cependant, parce que la Loi ne mentionne pas explicitement la notion d’offre active de services en français, la façon dont l’intention du législateur au sujet de l’offre de services en français est interprétée par les différents fournisseurs de services peut grandement varier. Il est indispensable que la Loi précise les obligations des organismes gouvernementaux en matière d’offre active. C’est une condition nécessaire pour s’assurer que le législateur atteigne les objectifs de la Loi et qu’un standard dans l’offre de services soit mis en place.
3.2. Le point de vue des utilisateurs
Il faut un certain courage à un francophone parfaitement bilingue pour demander des services en français dans les milieux majoritairement anglophones, ne serait-ce que parce que le simple fait de demander des services en français au Canada à l’extérieur du Québec peut être perçu comme un geste politique[65]. Dans les régions désignées de l’Ontario où sont offerts des services publics en français, si l’anglais demeure prédominant, il se peut que le citoyen sente que le français n’a pas le même statut que l’anglais et qu’il favorise l’usage de l’anglais pour se conformer à l’environnement linguistique :
[Les raisons historiques] n’ont pas pour effet d’encourager la personne à demander un [service en français]. Au contraire, la gêne, la peur de troubler et de stresser la personne derrière le comptoir sont des propos qui reviennent sans cesse dans les témoignages. L’accès aux [services en français] est ainsi affecté dès le départ en raison d’aspects subjectifs sur lesquels il faudrait pouvoir intervenir [66].
Le type de services offerts et la crainte de recevoir des services de moindre qualité peuvent influer sur la demande de services en français.
Les circonstances et la nature du système de justice, telles que les poursuites et les divorces, n’ont pas pour effet d’encourager la personne à demander des [services en français]. De plus, il existe une crainte que des revendications pour des [services en français] nuisent [à] leur démarche avec l’administration de la justice[67].
Ainsi, en plus du contexte linguistique, dans certaines situations, les personnes se sentent vulnérables et n’osent pas demander des services en français : « une personne vulnérable peut se sentir intimidée si elle doit revendiquer le respect de ses droits linguistiques; elle peut éprouver une gêne, voire une peur, à demander des services dans sa langue quand les ressources sont déjà limitées »[68]. Donc, même s’ils savent qu’ils ont droit à des services en français, « les francophones ont souvent peur de les demander, car ils ne veulent pas déranger ou parce qu’ils ne souhaitent pas passer pour des “empêcheurs de tourner en rond” » [69]. Comme le soulignent certains témoignages recueillis :
On dirait qu’y sont fâchés après nous autres quand on est francophones. Je sais pas pourquoi, mais j’ai cette impression-là. Parce que quand tu demandes à voir si quelqu’un parle français, on dirait qu’ils deviennent crinqués[70].
Y a des fois, comme dans le cas de ma mère, par exemple, j’avais une réticence de pousser l’affaire plus loin parce que j’avais peur qu’elle reçoive des soins négatifs. Je veux pas dire qu’ils l’auraient fait, là, mais c’est une… c’est une peur qu’on a, hein. Peut-être que c’est une peur que je ne devrais pas avoir, mais c’est un sentiment que nous avons… C’est pour ça qu’on pousse pas pour, hein[71].
Ce sentiment peut être exacerbé lorsque l’individu doit avoir affaire à une figure d’autorité, comme l’a bien souligné la juge Lavigne dans R. c. Gaudet :
Les minorités linguistiques ne revendiquent pas toujours les services auxquels elles peuvent prétendre. Un citoyen face à un agent de la paix qui l’arrête et qui lui parle dans une langue officielle qui n’est pas la langue de son choix, se résignerait à parler dans la langue de l’agent, craignant d’empirer son sort s’il réclame de l’agent qu’il lui parle dans l’autre langue officielle. La notion d’« offre active » revêt donc une grande importance comme facteur de progrès vers l’égalité de statut des deux langues officielles[72].
Parfois, il arrive aussi que même s’il est demandé, le service ne soit simplement pas disponible. L’accès aux services en français doit nécessairement précéder l’offre active. Or, les témoignages recueillis durant l’étude ont démontré plusieurs lacunes en matière d’accès aux services ou à la documentation en français, notamment les expériences vécues avec ServiceOntario, les services 9-1-1 et les services de santé. Voici quelques témoignages recueillis :
ServiceOntario : Ronald est allé au bureau de Saint-Charles de ServiceOntario pour renouveler sa carte santé. La personne qui l’a servi était unilingue anglophone. Il a demandé à être servi en français, mais, cette journée-là, la dame bilingue n’était pas là. « Je trouve ça étrange à Saint-Charles, une communauté franco-ontarienne, qu’il y ait des employés qui ne peuvent pas parler le français[73]. »
Charline s’est rendue au bureau de Chapleau de ServiceOntario avec ses parents en juin 2015. Son père et sa mère devaient renouveler des cartes, alors que Charline devait se procurer un formulaire. Selon Charline, le tout s’est passé en français, mais lorsqu’elle a demandé le formulaire, on le lui a remis en anglais. Elle a demandé le formulaire en français et la personne lui a dit : « Je l’ai simplement imprimé en anglais; tu peux aller sur le site Web, il est là en français. » Charline est donc partie avec le formulaire en anglais. Elle était frustrée par l’affaire : « Ah! moi, je me choque. Je l’ai pas verbalisé, […] je l’ai pas sermonnée ou rien comme ça, là, mais c’est comme : “Aille, ça se peut-y!?”[74]. »
Émilie a vécu une expérience similaire avec ServiceOntario à Ottawa. Elle y est allée en 2014 et a été servie par un agent bilingue. Par contre, un des trois formulaires demandés n’était pas disponible en français. À sa demande, l’agent est allé en chercher un. L’attente s’est ainsi prolongée d’une vingtaine de minutes[75].
À l’inverse, il arrive parfois qu’un service en français soit disponible, bien que l’offre de service soit effectuée en anglais seulement. Pierre, par exemple, est allé renouveler sa carte santé à ServiceOntario. L’accueil au triage s’est fait en anglais seulement. Il a demandé le service en français, après quoi la personne est passée au français, mais un français « boiteux ». Rendu à un guichet de service, il a reçu un formulaire en anglais. Il a demandé le formulaire en français et l’a reçu. À l’autre guichet, où il allait remettre le formulaire, la personne l’a accueilli en anglais : « How can I help you today? ». Il a demandé le service en français et la personne est passée au français. Donc, au cours d’une seule visite à ServiceOntario, c’est à trois reprises que Pierre a dû demander le service en français avant de l’obtenir[76].
Charline, pour sa part, raconte une expérience où elle accompagnait son père à l’Hôpital de Timmins pour un examen. L’accueil était en français. Une fois dans la salle d’examen, la technicienne les a accueillis en anglais. Son père a donc demandé à Charline : « T’en viens-tu avec moi pour traduire? » Charline a demandé, en anglais, à la technicienne si elle devrait accompagner son père pour faire la traduction. Elle lui a répondu : « No, that’s not necessary ». Elle a traduit à son père ce que la technicienne venait de répondre, mais son père voulait qu’elle l’accompagne quand même. La technicienne aurait alors continué dans un « français impeccable[77]. »
Émile aussi a appris l’existence d’un service en français en questionnant avec insistance les pratiques de l’Hôpital universitaire de Sudbury, où il a subi des tests en 2013. L’accueil au service où il avait rendez-vous s’est fait en anglais. Il a demandé le service en français, on lui a dit que personne n’était bilingue. Il a demandé pourquoi, puisqu’il pensait que le service serait en français. On lui a dit qu’il était inscrit en anglais dans le système de l’hôpital. Mais il n’était pas au courant qu’il était possible de s’inscrire en français. « ‘C’est parce que faut que vous nous le dites, là, de nous inscrire en français!’, j’ai dit. ‘Comment qu’on fait pour savoir vos règles internes pis vos règlements?’ » Dans la salle d’attente, il dit qu’il y avait une douzaine de personnes francophones – « on se reconnaît ». Il s’est aperçu qu’elles avaient toutes un bracelet en anglais et il les a informées à propos de l’inscription en français. « Elles ne le savaient même pas[78]. »
Ces témoignages démontrent que la capacité d’offrir des services en français existe parfois, mais qu’elle n’est pas toujours exploitée, au grand préjudice des francophones. Même si les employés ont les compétences pour s’exprimer en français, le contexte anglo-dominant ne l’encourage pas toujours. Cela semble refléter une culture organisationnelle qui ne favorise pas l’utilisation du français lors de l’offre de services et qui ne met pas en place des mesures pour que les services en français soient offerts activement[79].
3.2.1. La langue de service chez les utilisateurs vulnérables : un enjeu névralgique
Pour les populations en situation de vulnérabilité, l’absence d’une offre active de services en français peut alourdir encore davantage leur situation. Les difficultés d’accès aux services en français compromettent le bien-être et la sécurité des francophones en situation de vulnérabilité[80]. Or, deux secteurs de services publics en particulier touchent cette population, soit les institutions de soin de santé et de services sociaux, et les institutions qui ont trait à la justice. Le Commissariat a fréquemment souligné cette situation dans ses rapports annuels, notamment dans son Rapport 2014-2015, dont de grands pans étaient dédiés à cet enjeu. Le Commissariat souligne que les personnes vulnérables ne sont pas enclines à porter plainte en cas d’absence de services en français. Ainsi, l’absence de plaintes n’est pas un indice que tout va bien[81]. Il rapporte certaines situations qui mettent en relief l’enjeu linguistique en contexte de vulnérabilité. Les usagers de service qui se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable et urgente risquent de ne pas demander de services en français s’ils pensent que cela risque de retarder la résolution de leur situation problématique et de leur nuire – d’où l’importance de prendre les devants et d’offrir activement les services nécessaires aux personnes vivant des situations de vulnérabilité.
3.2.1.1. Dans le domaine de la santé et des services sociaux
L’importance de la langue de communication sur la qualité des services offerts dans le secteur de la santé est maintenant bien documentée, ainsi que ses effets sur la santé de la population. L’état de santé d’une population est lié à l’accès aux services de santé – et cet accès passe nécessairement par la langue de communication. En guise d’exemple, l’étude de Bowen démontre comment « [l]es barrières linguistiques ont été associées à l’augmentation des risques d’hospitalisation, à l’accroissement des risques d’intubation des asthmatiques, aux différences de prescriptions, au plus grand nombre de réactions négatives aux médicaments et à la réduction du taux de prescriptions de médicaments antidouleurs optimaux »[82]. La même étude a fait la lumière sur la pratique du recours à des interprètes durant les examens, prouvant qu’elle menait à plusieurs erreurs diagnostiques et à des traitements parfois inadéquats[83]. Le manque de compréhension entre le patient et le professionnel de la santé compromet sérieusement la qualité du service offert : « Pour plusieurs participants, le lien entre qualité de la langue et qualité des services de santé est clair ; ils soulignent ainsi les impacts négatifs d’une couverture de services en français incomplète ou de qualité moyenne sur la qualité des soins et des services »[84]. La satisfaction des citoyens souffre aussi lorsqu’il existe une barrière linguistique entre ceux-ci et les professionnels à qui ils ont affaire[85]. Les Normes de santé publique de l’Ontario reconnaissent aujourd’hui que la langue et la culture sont des déterminants de la santé, au même titre que le niveau de revenu et le statut social, l’éducation, l’alphabétisation, le patrimoine biologique et génétique, le sexe, les réseaux de soutien social, l’emploi et les conditions de travail, les habitudes de santé, etc.[86].
Les entrevues effectuées dans le cadre de la présente étude ont fourni de nombreux témoignages concernant les lacunes des services en français dans le domaine de la santé. En voici quelques-uns :
Lorsque Jacqueline a subi une radiographie pour mesurer sa densité osseuse en mai 2015, elle s’est fait servir par une technicienne anglophone. Selon elle, aucune offre active de service en français n’a été faite. Jacqueline lui a demandé si elle parlait français ; la technicienne lui a répondu que non.
« Elle n’a pas demandé : ‘Veux-tu que j’aille chercher quelqu’un ?’. Elle a fait le scan. Elle a posé quelques questions, ça s’est fait en anglais […]. Je me suis sentie déçue puis un peu désemparée, un petit peu insécure. Je me suis dit : « J’vais avoir de la difficulté à m’exprimer ». Je suis bilingue, je me débrouille bien en français puis en anglais, mais ma langue maternelle est quand même le français, puis j’suis plus confortable en français quand j’ai affaire au domaine de la santé.»[87].
Marie-Lyne est devenue enceinte en novembre 2013. En mars 2014, ses médecins ont réalisé que le fœtus présentait certains problèmes. Ils l’ont référée au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) pour effectuer des analyses chromosomiques. Au CHEO, une seule conférence en génétique s’est déroulée en français. Pour tous les autres suivis qu’elle a dû faire à l’Hôpital général et au CHEO – échographies, rencontres avec la clinique pour grossesse à haut risque – il a été impossible d’obtenir un service en français.
Finalement, les spécialistes se sont rendu compte que son fils n’avait pas assez de liquide amniotique. Elle a dû accoucher; son fils est décédé à la naissance. Elle dit que les suivis étaient faits en français à l’Hôpital Montfort d’Ottawa : son médecin et son gynécologue étaient francophones. Quant aux rapports médicaux, dont les rapports d’autopsie de son fils, ils étaient en anglais. Son gynécologue traduisait pour elle. De plus, la rencontre post-accouchement avec la clinique de génétique du CHEO s’est tenue en anglais.
Dans des situations de vulnérabilité parfois dramatiques, les personnes ont besoin d’être entendues, d’être comprises et de sentir que leurs besoins sont bien pris en charge. Ce n’est pas le cas en l’absence de services dans leur langue, ce qui amplifie la situation de vulnérabilité.
Les situations d’urgence : « Des fois, t’as pas le temps. Ça presse, là »
En situation d’urgence, de choc, voire de vie ou de mort, les utilisateurs ne feront pas la demande pour un service en français parce qu’ils n’ont pas le temps d’effectuer des démarches pour obtenir ce service, si celui-ci n’est pas automatiquement disponible.
Lisa relate une situation où elle était à l’hôpital avec son mari, qui avait été impliqué dans un accident de voiture.
Quand j’y pense maintenant, je me dis : « Ben, j’aurais dû poser la question, j’aurais dû demander le service en français. » Mais honnêtement, c’était comme… La voiture était complètement détruite, y avait du monde de mort dans cet accident-là, pis on était juste bouleversés par toutes les émotions, pis on espérait juste qu’il soit correct parce qu’il s’avait frappé la tête dans l’auto. C’était pas le temps de penser « oh, faut faire du advocacy », tu sais, « faut plaidoyer nos droits comme francophones », non. C’était plutôt comme « oh my god… », pis ça m’a pas passé par la tête, pis y’a pas un chat qui l’a offert[88].
Dans une situation urgente en 2014, Annette n’a pas pu attendre pour se faire servir en français par le service 9-1-1. Elle appelait pour son père, qui est maintenant décédé. La personne qui a répondu était anglophone. Elle a demandé à être servie en français, et on lui a répondu qu’ils allaient aller chercher quelqu’un qui pourrait lui parler français. Mais c’était trop urgent pour qu’elle attende. « Des fois, t’as pas le temps, là. Ça presse, là[89]. » Les ambulanciers qui ont répondu l’appel étaient également anglophones.
La situation devient encore plus dramatique lorsque ces services d’urgence ne sont pas du tout disponibles en français, même lorsqu’on en fait la demande. Voici un cas exemplaire, au sujet du service 9-1-1 : En avril 2015, Mélissa a dû appeler à deux reprises le 9-1-1 pour une crise familiale, alors qu’un membre de sa famille était suicidaire. La première fois qu’elle a appelé, elle a demandé le service en français et n’a pas pu l’obtenir. Elle a dû s’exprimer en anglais avec les deux agents de la Police provinciale de l’Ontario.
Je suis capable, mais tu sais quand tu es dans une situation de crise […] j’aurais vraiment apprécié d’obtenir mes services en français […] C’était toujours chercher mes mots pis, tu sais, quand même, c’était pas une facilité pour moi d’expliquer la situation, d’autant plus que c’était quand même une grosse crise, là[90].
Quelques semaines plus tard, elle a dû rappeler pour la même situation. Lorsqu’on a répondu en anglais, elle a demandé le service en français. Lorsqu’elle a compris que ce serait encore impossible de l’obtenir, Mélissa était en colère :
Elle m’a dit qu’elle ne parlait pas français, et là, j’ai pété les plombs. Je suis consciente que j’ai peut-être réagi fort, parce que j’étais vraiment insultée, parce qu’elle m’a carrément dit : « No, I cannot speak French ». J’ai dit : « What the heck? » Comme, excuse-moi là, c’est ça j’ai dit : « Tu travailles au 9-1-1 pis tu parles pas français? » Je n’en revenais pas, je me disais : « Mon doux, en 2015, on fait encore face à ça, là? »[91]
3.2.1.2. Les populations les plus à risque : les personnes âgées et les enfants
Les personnes âgées sont parmi les populations les plus durement touchées par ces barrières linguistiques dans le domaine de la santé[92]. Pour elles, « [l]a bonne communication et la confiance envers les professionnels de la santé sont des enjeux centraux […]. Celles-ci affirment être plus à l’aise de s’exprimer en français quand il s’agit de santé et préfèrent que l’on s’adresse à elles en français »[93]. De plus,
[…] les aînés francophones sont plus susceptibles de ne pas avoir de médecin. Cependant, pour ceux et celles ayant un médecin, on note que plus de la moitié (66,2 %) des aînés francophones ne parlent pas dans leur langue maternelle lors d’une consultation et sont également moins satisfaits de la qualité des soins reçus par ce professionnel de la santé. […] Finalement, les aînés francophones sont généralement insatisfaits de l’accessibilité et de la qualité des services de santé en Ontario[94].
Le fait de ne pas pouvoir communiquer en français peut entraîner des problèmes de communication dans la présentation des symptômes. De plus, « [i]l y a beaucoup de francophones qui se retrouvent dans des maisons de personnes âgées, mais ils sont très mal servis parce qu’il n’y a pas de services en français »[95].
Face à ces difficultés d’accès aux services en français, les Franco-Ontariens sont souvent obligés de s’adapter à un environnement anglophone. Plusieurs participants affirment qu’ils ont dû agir comme interprètes pour un membre aîné de leur famille qui ne se débrouille pas bien ou pas du tout en anglais :
Les parents de Marie-Reine ne peuvent pas se présenter à leurs rendez-vous chez le médecin sans elle, car « il n’y a jamais personne qui se présente en français. Ils parlent peut-être le français, mais jamais qu’ils vont se présenter en français ». Elle s’absente donc du travail pour aller avec eux lorsqu’ils ont des rendez-vous avec des spécialistes. « Ma mère, mes parents, ils détestent de pas pouvoir s’exprimer eux autres mêmes, de toujours être obligés d’avoir moi entre les deux pour traduire. Y aimeraient ça être plus indépendants[96]. »
Claudette, quant à elle, doit souvent dépendre de son fils pour qu’il traduise. Elle connaît seulement quelques mots en anglais, assez pour se débrouiller dans les magasins. Mais dans un contexte médical, elle tient à bien comprendre et à bien se faire comprendre. Elle dépend de son fils lorsqu’elle a affaire à un médecin anglophone et qu’il n’y a pas d’infirmière francophone sur place qui puisse faire la traduction. Dans ce cas-là, son fils doit s’absenter du travail pour l’accompagner[97].
Ces témoignages montrent que l’offre de services en français repose bien souvent sur des proches aidants, en particulier lorsqu’il s’agit de services aux aînés. Lorsque le proche aidant n’est pas disponible, des situations potentiellement graves peuvent se présenter.
Par exemple, la mère de Charline a 76 ans et se débrouille très difficilement en anglais. Lorsqu’elle a besoin de soins de santé, Charline l’accompagne habituellement toujours pour faire l’interprète. En 2011, alors que Charline était hors du pays en vacances, sa mère s’est présentée à l’urgence des Services de santé de Chapleau pour cause de douleurs abdominales aiguës. Lorsque Charline est revenue de ses vacances deux jours plus tard, sa mère lui a raconté son expérience et lui a dit qu’on ne lui avait pas offert de services en français et qu’elle n’en avait pas fait la demande.
Ma mère, c’est plus une personne timide […]. Elle dit : « Je sais que j’ai un médicament à prendre, mais je sais pas la raison du médicament, je sais pas la fréquence, je sais pas le dosage. Et puis, je crois que je dois faire un suivi à la clinique médicale, mais je sais pas quand. Je sais pas si c’est cette semaine ou dans trois semaines »[98].
Les enfants constituent un autre groupe particulièrement vulnérable. La fille d’Émilie a subi une chirurgie au CHEO. Émilie dit que la réceptionniste et quelques infirmières parlaient un peu français au cours des premières étapes. Par contre, pendant le séjour hospitalier de sa fille, il n’y avait plus de services en français.
La fille d’Émilie ne se sentait pas à l’aise pendant le processus à cause de cette barrière linguistique.
Certaines infirmières croyaient […] que certains éléments étaient comportementaux, quand c’est pas nécessairement un comportement, comme : « elle veut pas prendre ses médicaments », ou : « elle veut pas essayer de faire pipi », ou quoi que ce soit. Ils disaient : « Ah ben, c’est juste, tu sais, c’est comportemental; c’est juste qu’elle veut pas, ça va venir. » Mais non! C’est qu’elle comprend pas ce qui se passe autour d’elle, elle sait pas exactement quoi faire, elle ne comprend pas pourquoi, alors comment tu veux qu’elle se sente à l’aise?
Ces autres extraits montrent que la langue de communication peut être le français à l’accueil ou dans la correspondance, mais ce premier contact en français peut donner la fausse impression que les services suivants seront aussi fournis en français, alors que ce n’est pas le cas. On observe également que l’obtention de services en français parvenait à apaiser une fillette qui, lorsque le personnel s’exprimait en anglais, ressentait de l’inquiétude. De plus, l’incompréhension qui découlait du manque de communication en français favorisait, chez la jeune patiente, des comportements qui étaient mal interprétés par le personnel.
En somme, plusieurs raisons semblent décourager les francophones de demander des services en français. Parfois, parce qu’ils ne veulent pas compliquer l’interaction avec les employés qui offrent les services, l’utilisateur et ses proches peuvent faire comme s’ils avaient compris alors qu’il n’en est rien. Les risques pour la santé des utilisateurs en sont nécessairement accrus.
3.2.1.3. En chiffres : l’accès aux services de santé en français en Ontario
En Ontario, 40 % des francophones prétendent avoir un accès difficile aux services de santé dans leur langue, particulièrement dans les régions de Toronto (69 %), alors qu’ils sont moins nombreux à le prétendre, proportionnellement, dans le Nord-Est (30 %) et à Ottawa (30 %)[99]. Une enquête récente menée par Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques pour le compte de la Société Santé en français au sujet de la langue utilisée pour obtenir des services de santé démontre dans quelle mesure les francophones reçoivent leurs services de santé en français[100]. En moyenne, 40,4% des services ont été offerts en français en Ontario comme le démontre le tableau 4. Toutefois, ce pourcentage varie selon les régions, de 10,4 % dans le Sud de la province à 47,5 % dans l’Est.
Tableau 4
Langue d’obtention des services de santé (%)[101] | |||||
Est | Sud | Nord[102] | Ontario | Canada[103] | |
Anglais | 35,8 | 83,3 | 39,9 | 41,5 | 31,8 |
Français et anglais | 16,6 | 6,3 | 22,8 | 18,1 | 16,9 |
Français | 47,5 | 10,4 | 37,3 | 40,4 | 51,2 |
Source : Société Santé en français, document interne, 2011.
Parmi les citoyens qui ont obtenu leurs services en français, une grande majorité en avait reçu l’offre. Sans grande surprise, les citoyens ont tendance à choisir de recevoir leurs services en français lorsqu’ils sont activement offerts dans cette langue.
Tableau 5
Offre active de services en français (parmi ceux qui en ont reçus en français) | |||||
Est | Sud | Nord | Ontario | Canada | |
Oui | 83,6 | 68,6 | 77,7 | 80,8 | 86,2 |
Non | 16,4 | 31,4 | 22,3 | 19,2 | 13,8 |
Source : Société Santé en français, document interne, 2011.
Parmi ceux qui n’ont pas obtenu leurs services en français, il importait de savoir s’ils avaient demandé à les recevoir en français : une faible proportion de répondants, dans toutes les régions, l’ont effectivement demandé.
Tableau 6
Demande pour un service en français | |||||
Est | Sud | Nord | Ontario | Canada | |
Oui | 11,8 | 7,3 | 13,0 | 11,6 | 10,1 |
Non | 88,2 | 92,7 | 87,0 | 88,4 | 89,9 |
Source : Société Santé en français, document interne, 2011.
Toujours dans le domaine de la santé, d’autres analyses faites à partir des données de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle montrent qu’en Ontario, 40 % des répondants francophones estiment qu’il leur serait difficile, très difficile ou impossible d’avoir des services de santé dans la langue minoritaire[104]. Pourtant, on estime qu’en Ontario, 80 % des francophones habitent une région désignée[105]. La même enquête montre qu’en Ontario, 75 % des francophones accordent une importance à l’obtention de services de santé en français et que 71 % se sentent à l’aise de demander un service de santé en français. Ces proportions varient selon les régions. On se sent moins à l’aise de demander les services de santé en français dans la région de Toronto (à 56 %) que dans le Sud-Est (à 85 %).
Durant l’année précédant cette enquête postcensitaire, l’utilisation du français par les francophones avec des professionnels de la santé a été de 33 % avec les médecins, de 36 % avec les infirmières, de 37 % avec les services d’information et de 22 % avec les autres catégories de services. Ces proportions diminuaient sous la barre des 10 % dans la région de Toronto et dans les régions majoritairement anglophones[106].
3.2.1.4. Dans le domaine de la justice
Dans le domaine de la justice, les études sont moins nombreuses, mais tendent également à révéler un accès inégal en matière de langue de service entre les francophones et les anglophones. Une étude du Comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français auprès du procureur général de l’Ontario soutient qu’« il se peut que la magistrature ne soit pas suffisamment informée des droits linguistiques des francophones. […] Si certains membres de la magistrature ne comprennent pas pleinement ces droits linguistiques, il y a peu d’espoir que le système judiciaire offre un accès égal à la justice en français »[107].
Même si le droit à des services de justice en français est bien établi en Ontario, le Commissariat reçoit depuis plusieurs années des plaintes concernant la difficulté d’accéder à la justice en français[108]. On constate une insuffisance des professionnels bilingues dans le domaine de la justice, en plus de lacunes et d’incohérences dans le régime législatif régissant les droits linguistiques des francophones, ce qui traduirait :
- des ressources insuffisantes à l’appui des initiatives lancées en matière de services en français;
- des écarts au chapitre de l’information qui rendent difficiles la planification et la coordination des services en français[109].
Certes, le secteur de la justice a été passablement actif au cours des dernières années quant à l’amélioration de l’accès à la justice en français. Toutefois, les études démontrent que l’accès des francophones aux services en français demeure problématique en Ontario, et ce, en dépit de l’existence de la Loi sur les services en français et de la Loi sur les tribunaux judiciaires.
3.2.1.5. Des délais prolongés et indus
Les francophones qui réclament malgré tout leur droit à un service en français ont souvent à se soumettre à une attente prolongée. Voici quelques exemples provenant des témoignages recueillis chez les participants :
Pierre doit faire affaire avec le Palais de justice dans le cadre de son travail. Lorsqu’il s’y rend, il insiste toujours pour se faire servir en français, ce qui allonge sa visite puisque l’employé francophone n’est pas toujours immédiatement disponible.
Mes visites au Palais de justice prennent plus de temps. Donc c’est une plus grosse partie de ma journée qui est consacrée à ça. Et en plus ça me met en mauvaise humeur [rire]. C’est drainant, ça prend beaucoup d’énergie puis d’énergie émotionnelle d’insister là-dessus pis de dire : « OK. Je pourrais passer à l’anglais pis prendre mon service en anglais, puis je pourrais être sorti plus tôt. » Mais non, j’insiste… puis ça prend 20 minutes de plus….[110].
Le procès de Diane en cour de justice contre son ex-conjoint s’est étalé sur deux ans, entre 2013 et 2015. Elle demandait les services de justice en français. Puisqu’il était difficile d’avoir accès à des juges bilingues, sa cause avançait très lentement. « C’était constamment remis, pis remis, pis remis. […] Fallait toujours attendre six mois, neuf mois, trois mois pour avoir quelqu’un de bilingue […] Si tu veux l’avoir (le procès) en français, parce que c’est mon droit de l’avoir, mais faut j’attende neuf mois plus longtemps que ceux qui sont anglophones. »[111]
Considérant les témoignages ci-dessus et les plaintes reçues par le Commissariat, il semble évident que demander des services en français peut donc prolonger l’attente pour les utilisateurs francophones qui veulent obtenir des services dans cette langue.
En outre, bien que des études quantitatives rigoureuses sur la durée de ces délais n’aient pas encore été complétées, le fait de devoir attendre pour obtenir un service en français peut avoir des conséquences négatives, voire même sur l’état de santé d’un individu.
3.2.2. Un monde de différence : lorsque les services sont offerts en français
À l’opposé de leurs expériences difficiles, lorsque les participants discutent des instances où ils ont été servis en français, leur discours devient plus léger. L’accueil en français suscite chez eux un soulagement, un apaisement, voire un sentiment d’appartenance.
Pour certains participants, c’est le fait de pouvoir s’exprimer naturellement qui est apprécié. En janvier 2015, Rita a été hospitalisée pendant deux semaines à cause d’un virus. À l’étage où elle se trouvait, elle dit qu’il y avait trois infirmières qui étaient unilingues anglophones; les autres étaient bilingues. Elle dit avoir reçu un très bon service. Dès son arrivée en ambulance, on lui a demandé : « Français or English? ».
Mélissa a elle aussi eu une expérience positive :
Quand je reçois le service en français? Oh my God! Ça fait toute une différence. […]Parfois on pense qu’en anglais on le dit de notre façon qu’on pense en français, mais on le sait que l’interprétation est pas faite comme que je voudrais le dire. Donc, ça fait une totalement grande différence, tu sais, on se sent compris, on se sent écouté, on se sent respecté, pis c’est plus chaleureux, je trouve.[112]
Lorsqu’il est question de soins de santé, le service en français sécurise et apaise. « Quand on a du personnel francophone, tout de suite ton anxiété baisse… Tu sais, quand ils expliquent les choses, tu te sens beaucoup plus en sécurité. »[113]
Enfin, l’offre active de services en français peut susciter chez les Franco-Ontariens un sentiment d’appartenance. Diane parle d’une fois en particulier où on lui a offert le service en français aux bureaux de ServiceOntario : « J’ai trouvé ça vraiment beau pis bon, là. Je me sentais comme chez nous, là. »[114]
Le contraste est saisissant entre les témoignages de ces personnes entre les moments où elles ont obtenu des services en français et ceux où elles les ont obtenus en anglais. L’absence de communication dans la langue du citoyen francophone ne peut qu’amplifier l’inquiétude, l’angoisse, l’anxiété et l’insécurité ressenties.
« Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, cela va dans sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, cela va dans son cœur. »
— Nelson Mandela
3.3. Recommandation 1
Attendu que depuis trente ans, l’offre de services en français dans la province reste en deçà des objectifs de la Loi sur les services en français de l’Ontario, et ce, même dans les régions désignées;
Attendu que le Règlement 284/11 invoque une obligation d’offre active pour les tierces parties agissant pour le compte du gouvernement provincial – une obligation qui n’est pas, en contrepartie, imposée aux organismes gouvernementaux;
Attendu que les francophones en situation minoritaire ne font pas systématiquement la demande de services en français lorsqu’ils font affaire avec les services publics;
Attendu qu’en l’état actuel des choses, moins de la moitié des citoyens francophones se voient offrir des services de santé en français;
Attendu que l’offre active de services en français augmente l’utilisation de ces services par la population franco-ontarienne;
Considérant l’impact direct et important de la langue de communication sur la qualité des services;
Considérant la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les utilisateurs de plusieurs services gouvernementaux, notamment dans le domaine de la santé, des services sociaux et de la justice – vulnérabilité accrue lorsque le service n’est pas offert ou pas disponible dans la langue de l’utilisateur, soit en français;
Attendu qu’une disposition sur l’offre active inscrite dans une loi est une approche suivie par d’autres juridictions au pays afin de faire en sorte que les francophones en situation minoritaire bénéficient d’un réel accès aux services dans leur langue;
Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones de proposer une modification à la Loi sur les services en français afin d’y inclure une ou des dispositions relatives à l’obligation d’offre active, incluant une définition du concept. Cette modification ne devrait pas être mise en œuvre plus tard qu’en mai 2018, soit dans un délai de vingt-quatre mois.
Il doit être clair que la responsabilité d’offrir activement les services en français échoit aux bureaux de l’organisme ou de l’institution qui se trouve dans une région désignée et au siège ou à l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature.
Le commissaire propose de reprendre la définition du principe d’offre active du Plan de désignation:
L’offre active s’entend d’un ensemble de mesures prises afin de s’assurer que les [services en français] sont clairement annoncés, visibles, disponibles à tout moment, facilement accessibles, et d’une qualité équivalente aux services offerts en anglais. Cela comprend les mesures visant les communications – affichage, avis, médias sociaux et toute autre information sur les services – ainsi que le premier contact avec les clients d’expression française[115].
4. Dans un esprit de saine gestion et de collaboration
Pour être effective, la Loi doit prévoir des mesures pour faciliter sa mise en œuvre. Cela est encore plus vrai dans un contexte minoritaire, où sa légitimité peut être mise en doute par les membres de la majorité. La meilleure façon d’assurer l’efficacité et l’efficience des droits linguistiques repose sur une approche de collaboration, permettant aux acteurs de développer un savoir-faire dans la mise en œuvre de la Loi.
Une approche collaborative peut faciliter les changements organisationnels nécessaires à la mise en œuvre de la Loi : elle peut offrir des pistes de révision de la gestion, de la planification, de la mobilisation des ressources et, plus largement, de la culture organisationnelle afin de prendre en compte la langue dans l’organisation des services. S’il est nécessaire de prévoir certaines mesures contraignantes, il est important d’avoir à l’esprit que le respect des droits linguistiques demande un apprentissage et l’acquisition de nouvelles compétences organisationnelles. Par exemple, pour développer des compétences linguistiques dans le domaine de la santé, « les efforts doivent se situer à trois niveaux : 1) le gouvernement et le système de santé, 2) les organisations de santé, 3) les communautés »[116]. Cet apprentissage organisationnel repose sur une série de mesures qui vont de la sensibilisation à la prévision de ressources humaines, matérielles et financières, et à la conception d’outils de travail pour assurer une meilleure offre de services en français. À cette fin, il est préférable qu’un dialogue soit établi et maintenu entre les autorités publiques, les parties prenantes et les organisations assujetties à la Loi afin de développer des capacités organisationnelles. Une approche plus autoritaire ou contraignante ne devrait être adoptée que si les mesures d’appui ne fonctionnent pas, par exemple si les décideurs résistent ou que le dialogue est rompu[117].
Les actions entreprises auprès des organismes gouvernementaux pour assurer le respect de la Loi pourraient s’inspirer de différentes approches. Le législateur et certaines parties prenantes peuvent collaborer avec les organisations assujetties à une loi pour les aider à s’y conformer.
Voici un exemple provenant du secteur de la santé. Les établissements de santé désignés situés dans les régions désignées par la Loi doivent offrir les services en français. La Loi prévoit la création d’entités de planification des services de santé en français qui doivent conseiller les RLISS sur les questions suivantes :
- les méthodes d’engagement de la collectivité francophone dans la région;
- les besoins et priorités de la collectivité francophone de la région en matière de santé, y compris les besoins et priorités de différents groupes au sein de cette collectivité;
- les services de santé mis à la disposition de la collectivité francophone de la région;
- l’identification et la désignation des fournisseurs de services de santé relativement à la prestation des services de santé en français dans la région;
- les stratégies visant à améliorer l’accès, l’accessibilité et l’intégration des services de santé en français au sein du réseau de santé local; et
- la planification et l’intégration des services de santé dans la région[118].
L’offre de services de santé en français en Ontario repose sur une approche collaborative à laquelle prennent part plusieurs intervenants, de même que sur des connaissances, des analyses et des compétences organisationnelles qui permettent d’outiller les établissements de santé qui doivent offrir des services de santé en français. Il existe d’autres organismes, comme le Consortium national de formation en santé (CNFS) et la Société Santé en français, qui développent des outils et des savoir-faire, tout en offrant des services pour aider les établissements de santé à faire une offre active de services en français. Par exemple, le CNFS a créé un site Web qui présente plusieurs informations afin de sensibiliser les employeurs en santé à l’offre active de services en français[119]. De même, certaines entités de planification de services de santé en français ont mis au point des outils pertinents et utiles, comme des vidéos[120], pour justement sensibiliser les fournisseurs de services de santé à livrer leurs services en français, voire même d’en faire de l’offre active. Le gouvernement de l’Ontario devrait s’assurer que ces organismes collaborent à la planification en matière d’offre active de services en français, car leurs savoirs et leurs connaissances des pratiques sont précieux.
La création de partenariats de collaboration permet donc d’améliorer l’offre de services en français. Le Commissariat mentionne la collaboration entre les réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) de l’Ontario et les entités de planification des services de santé en français. Plus précisément, il donne l’exemple de la collaboration entre le RLISS du Centre-Est et le Centre de Santé communautaire TAIBU de Scarborough pour améliorer l’offre active de services en français dans cette région[121]. Il note aussi la collaboration entre le RLISS de Champlain, l’entité locale de planification des services de santé en français (entité no 5) et le Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario qui ont établi des conditions et des modalités de services en français en les enchâssant dans les ententes de responsabilités des fournisseurs de services[122].
Le partage de meilleures pratiques est un outil efficace dans la formation à l’offre active de services en français. Dans son Rapport annuel 2013-2014, le Commissariat soulignait la création d’une trousse d’outils sur les services en français offerte par le RLISS Érié St-Clair et celui du Sud-Ouest. Cette trousse présentait, entre autres, des informations sur la manière de faire une offre active de services en français. D’autres RLISS sont en voie d’en préparer une également. Le RLISS du Centre-Toronto a conçu un outil utilisé dans les formations pour aider les gestionnaires à rendre leur organisation bilingue.
Dans son Rapport annuel 2012-2013, le Commissariat rapportait l’initiative de ServiceOntario (ministère des Services gouvernementaux) visant à créer un outil d’apprentissage en ligne sur l’offre active de services en français pour son personnel[123]. Quant au rapport 2011-2012, le commissaire soulignait l’offre d’une formation linguistique aux professionnels du secteur de la justice par l’Institut de développement professionnel en langue française.
Une autre condition nécessaire à la mise en œuvre d’une offre active de services de santé en français est la prévision de mesures de reddition de comptes pour les établissements assujettis à la Loi. « Sans cadre de responsabilisation engageant ces acteurs de premier plan, il sera difficile, voire impossible, d’assurer l’implantation de l’offre active même si elle contribue à assurer en français des services de santé de qualité. »[124] Les participants à l’étude de Bouchard et al. mentionnent l’intérêt « d’évaluer et de documenter la qualité des services en français, notamment directement à la source, à savoir auprès de la clientèle francophone » à l’aide notamment de sondages, de questionnaires ou de fiches d’appréciation entourant les services reçus[125]. La même conclusion peut être faite à l’égard de l’ensemble des services qui doivent être offerts en français en Ontario. Or, il semble que la gestion des services en français échappe à la gestion axée sur les résultats.
À l’heure actuelle, les établissements de santé, qui ont pourtant, à un degré ou à un autre, l’obligation d’offrir des services de santé en français, colligent peu de données permettant d’évaluer jusqu’à quel point la population francophone est servie dans la langue de son choix[126]. Sans ces informations, il est difficile de savoir à quel point les établissements qui doivent offrir les services en français répondent aux besoins des francophones.
La gestion responsable d’un établissement tenu d’offrir des services en français repose sur les activités suivantes :
- le choix d’objectifs qui peuvent se traduire en résultats concrets et observables;
- la mise en place de moyens de connaître les besoins de la population francophone;
- la mise en œuvre des moyens d’atteindre les objectifs;
- l’évaluation des résultats;
- la production de rapports des réalisations effectuées et de correctifs à apporter pour améliorer la situation.
En guise d’exemple, dans le Groupement des Terres et ressources, le ministère des Transports a intégré, dès 2008, les services en français et l’offre active dans ses vérifications des normes de service qui incluent les boîtes vocales, les lignes téléphoniques publiques, la correspondance et tout dernièrement les courriels. Le ministère a partagé son approche et les ressources produites avec les autres ministères du groupement, qui ont uniformisé leurs pratiques de vérification en 2015 en adoptant une approche coordonnée de vérification de l’offre active des services en français. Les résultats de la vérification permettent aux coordinateurs des services en français de sensibiliser davantage le personnel sur la Loi et le concept d’offre active. Il vaut également la peine de souligner les efforts des ministères des Services sociaux et communautaires et des Services à l’enfance et à la jeunesse afin de s’assurer que les tiers qui fournissent des services en français les offrent activement. Pour évaluer les progrès et assurer les suivis en matière d’offre active de services en français, les ententes avec les fournisseurs de services prévoient la production de rapports annuels. À partir de l’année financière 2016-2017, ces rapports devront rendre compte aux ministères de la capacité actuelle des fournisseurs à offrir activement des services en français, des lacunes et des stratégies en place, comprenant des échéanciers, afin d’accroître les capacités d’offrir activement les services en français.
Chez ServiceOntario, un comité consultatif sur les services en français (French Language Service Advisory Panel) a élaboré en 2014 un plan d’action afin d’améliorer la qualité des services en français. Les mesures mises en place comprennent, entre autres :
- la désignation de dirigeants dans chaque région afin d’appuyer les services en français;
- la création de centres de ressources pour les services en français;
- l’outillage du personnel de première ligne pour offrir activement des services en français;
- la formation en ligne obligatoire du personnel et des gestionnaires à l’offre active de services en français; et
- l’élaboration d’une stratégie de recrutement proactive et ciblée, comportant plusieurs volets afin de favoriser le recrutement de ressources humaines bilingues et veiller à ce que les postes désignés bilingues soient dotés de personnel bilingue qualifié.
Par ailleurs, des activités de vérification de la qualité de l’offre de services en français ainsi que de formation des gestionnaires et du personnel sur les principes de l’offre active de services en français sont prévues.
Malgré ces initiatives très louables et qui méritent d’être soulignées, l’obligation d’offre active des services en français n’est pas une responsabilité ministérielle et institutionnelle qui nécessite des changements dans l’organisation des services et la gestion des ressources. Cette obligation doit s’accompagner de mécanismes de contrôle de la qualité des services afin de viser l’atteinte des objectifs.
4.1. Recommandation 2
Attendu que l’obligation d’offrir activement les services en français est une responsabilité ministérielle et institutionnelle qui nécessite des changements dans l’organisation des services et la gestion des ressources au sein des organismes fournisseurs de services;
Attendu que cette obligation doit s’accompagner de mécanismes de vérification de l’atteinte des objectifs de la Loiet de reddition de comptes, dans l’esprit d’une gestion saine des organismes gouvernementaux;
Le commissaire recommande que les ministères, les organismes gouvernementaux et les institutions assujetties à la Loi produisent et soumettent à l’Office des affaires francophones un plan d’action offrant des directives claires et des pratiques exemplaires afin de guider les dirigeants et les gestionnaires responsables de la mise en œuvre de l’offre active des services en français.
Ce plan devrait notamment prévoir des moyens pour obtenir des données sur le personnel occupant un poste désigné bilingue et le niveau de compétence linguistique en français. Il faut également prévoir des moyens pour évaluer la qualité de l’offre active de services en français, de même que la satisfaction des utilisateurs de services publics sur le plan de l’offre active de services en français. Finalement, il devrait prévoir des moyens pour informer le public de ses droits pour obtenir des services en français et des recours dont il dispose en cas d’insatisfaction, allant de la plainte interne, à la plainte au Commissariat.
4.2. Recommandation 3
Attendu qu’une approche collaborative faciliterait nettement les changements organisationnels nécessaires à la mise en œuvre de la Loi, notamment dans l’apprentissage et l’acquisition de nouvelles compétences organisationnelles;
Attendu que certains organismes publics, parapublics et communautaires détiennent déjà une expertise éprouvée dans la mise en œuvre de l’offre active;
Le commissaire recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones que l’Office des affaires francophones fasse la promotion et ce, de façon récurrente et cyclique, auprès des organismes gouvernementaux et des institutions assujetties à la Loi de mesures collaboratives afin de faciliter sa mise en œuvre, dans le cadre d’une Stratégie provinciale sur l’offre active des services en français. L’élaboration et la mise en œuvre de cette stratégie devraient se faire avec le concours des partenaires détenant une expertise dans le domaine, visant à faciliter l’atteinte des objectifs.
Cette stratégie provinciale sur l’offre active de services en français devrait :
- assurer la mise en lumière des besoins de la population francophone concernant la langue de service, notamment par la création de partenariats afin de mieux connaître les besoins des francophones et de déterminer les meilleurs moyens pour y répondre;
- favoriser l’utilisation des services en français de la part des francophones, notamment par la création d’outils (comme un répertoire en ligne des bureaux désignés et un plan de communication) afin d’informer la population francophone des services disponibles en français;
- fixer des objectifs concernant l’offre active de services en français qui peuvent se traduire en résultats concrets et observables;
- mettre en place des moyens d’atteindre les objectifs en s’inspirant notamment des meilleures pratiques en ce qui concerne l’offre active de services;
- prévoir des moyens d’évaluer l’atteinte des résultats;
- exiger des fournisseurs de service public qu’ils informent le public de ses droits d’avoir des services en français et des recours possibles en cas de manquement ou d’absence de qualité des services en français;
- produire un rapport des réalisations accomplies et des corrections à apporter pour améliorer l’offre active de service en français.
Conclusion : L’offre active, la clé de voûte de la Loi sur les services en français
Depuis maintenant 30 ans, la Loi sur les services en français se limite à offrir aux Franco-Ontariens le droit d’utiliser le français pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la législature ainsi qu’avec tout autre bureau de l’organisme situé dans une région désignée, y compris pour en recevoir les services. Ce cadre légal démontre des limites dans des domaines aussi névralgiques que la santé, les services sociaux et la justice, dans les régions désignées de la province. Ce rapport a démontré non seulement qu’il existe encore des lacunes en matière d’accès aux services en français, mais que lorsque ceux-ci sont disponibles, les francophones ne sont pas toujours informés de leur existence. Or, pour nombre de raisons, la population francophone n’est pas toujours en mesure de faire la demande de ces services. Les conséquences de ces lacunes sur le plan de l’accès à des services en français sont toujours néfastes, et parfois graves, en particulier lorsque les franges les plus vulnérables de la population sont touchées.
D’autres gouvernements au pays ont déjà montré la voie à suivre. L’adoption d’une modification à la Loi énonçant l’obligation d’offre active de services en français permettrait de finalement atteindre les objectifs de la Loi. De plus, elle signalerait un engagement réel de la province envers le progrès vers l’égalité de statut des deux langues. Des mécanismes de reddition de comptes, ainsi que des mesures favorisant la collaboration et les partenariats, sont aussi recommandés par le commissaire, en vue d’une mise en œuvre de ces modifications législatives au cours des deux prochaines années, soit d’ici à mai 2018.
Annexe : La notion d’offre active dans le droit canadien
Les lois et règlements provinciaux et territoriaux
L’Île-du-Prince-Édouard
En 2013, l’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard a adopté une nouvelle Loi sur les services en français[127]. Le préambule de cette loi prévoit notamment « que le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard souhaite établir des obligations claires concernant la prestation en français de services par les institutions gouvernementales, en fonction des priorités en la matière de la communauté acadienne et francophone et de la capacité des institutions gouvernementales d’offrir ces services ». De cette intention découle, notamment, l’article 3, qui porte sur la prestation des services publics ainsi que sur l’offre active. Il se lit comme suit :
(3)
- Les institutions gouvernementales font en sorte que tous les services désignés qu’elles fournissent soient offerts au public en français ou en anglais au choix de la personne.
- Les institutions gouvernementales font en sorte :
- que des mesures soient prises, conformément aux règlements, pour informer le public que leurs services désignés sont offerts en français ou en anglais au choix de la personne;
- que les services désignés dont elles assurent la prestation soient de qualité comparable en français et en anglais.
- Il est entendu que le présent article s’applique aux institutions gouvernementales, que celles-ci fournissent leurs services désignés directement ou par l’entremise de tiers.
En vertu de cette Loi, seuls les services désignés seront offerts en français et en anglais par les institutions gouvernementales ou par des tiers. Du moment où des services sont désignés, les mesures doivent être prises pour informer le public que les services désignés sont offerts en français et en anglais. De plus, la prestation de ces services doit être de qualité comparable en français et en anglais. Le législateur devait prévoir la notion de qualité comparable dans l’obligation d’offre active afin de s’assurer que l’offre active ne se limite pas à l’affichage d’une enseigne bilingue ou que le commis a tout simplement appris à saluer la personne dans les deux langues alors qu’il est unilingue. Autrement dit, l’exigence de qualité comparable dans la prestation des services fait en sorte que l’offre active n’est pas qu’un simulacre. Somme toute, bien qu’il y ait peu de services offerts dans les deux langues, ils le sont, au moins, dans le respect de la langue française et de l’individu membre de la communauté linguistique minoritaire.
En conformité avec l’article 16 de cette Loi, le lieutenant-gouverneur en conseil a pris un règlement général dans lequel il a désigné les services et défini les mesures qui doivent être prises afin que ces services désignés soient offerts en français ou en anglais au choix de la personne[128].
Bien que les services désignés soient peu nombreux (bibliothèques publiques indiquées, le service d’information 5-1-1 pour les voyageurs et les panneaux de signalisation routière renfermant des mots et érigés ou entretenus par le Department of Transportation and Infrastructure Renewal), les mesures prises pour informer le public, quant à elles, sont clairement définies :
Les institutions gouvernementales prennent les mesures suivantes pour informer le public que leurs services désignés sont offerts en français ou en anglais au choix de la personne :
- dans le cas des services désignés offerts en personne,
- les communications orales débutent en français et en anglais;
- des panneaux indiquant que les communications orales sont offertes en français et en anglais sont affichés aux endroits où les services sont fournis;
- dans le cas des services désignés offerts par téléphone, les communications orales débutent en français et en anglais;
- dans le cas des services désignés offerts sous forme écrite ou électronique, la documentation afférente est offerte au public en français et en anglais;
- les avis publics et les autres renseignements fournis au public au sujet des services désignés indiquent :
- que les services sont offerts en français ou en anglais au choix de la personne;
- la nature des limites de la portée de leur désignation[129].
Le législateur a bien cerné la portée de l’obligation de l’offre active en indiquant les limites aux services offerts dans les deux langues. Par conséquent, bien que les bibliothèques d’Abram-Village, de Charlottetown et de Summerside fassent partie des services désignés, l’offre active et la prestation des services dans la langue de son choix « se limite[nt] aux services offerts en personne à ces emplacements[130]».
Pour que l’intention énoncée dans le préambule de la Loi visant « à soutenir la communauté acadienne et francophone et à préserver à l’Île-du-Prince-Édouard la langue française pour les générations futures » soit une réalité, davantage de services devront vraisemblablement être offerts. Quoi qu’il en soit, au lieu de fournir seulement le service si l’individu en fait la demande, la mention de l’offre active dans la Loi et sa précision dans le règlement général reflètent les progrès réalisés en matière de prestation de services dans les deux langues officielles.
Le Manitoba
La Loi sur les centres de services bilingues
Étant donné que la Politique sur les services en langue française « reconnaît dans la province l’existence de six régions où la vitalité de la langue française est forte », le législateur a jugé « qu’il est souhaitable d’avoir en place des centres où un large éventail de programmes et de services gouvernementaux sont accessibles et offerts en français et en anglais à partir de guichets uniques, conformément aux recommandations du Rapport Chartier »[131]. Le législateur a donc adopté la Loi sur les centres de services bilingues, laquelle est entrée en vigueur en décembre 2013. Cette loi prévoit essentiellement qu’« [u]n ou des centres de services bilingues doivent être maintenus dans chaque région de services bilingues afin que toute personne puisse avoir accès à un large éventail de programmes et de services gouvernementaux et en obtenir la prestation en français ou en anglais, selon la langue de son choix »[132]. Comme les personnes peuvent choisir la langue dans laquelle elles recevront les services, il allait de soi que le législateur précise l’étendue de l’obligation de l’offre active. Au paragraphe 2(2), on peut donc lire :
Dans les centres de services bilingues :
- chaque employé du gouvernement qui a des rapports directs avec le public doit bien maîtriser le français et l’anglais et doit pouvoir communiquer avec les membres du public dans l’une ou l’autre de ces langues, selon ce qu’ils choisissent;
- le public doit être informé au moyen de mesures appropriées qu’il peut avoir accès à un large éventail de programmes et de services gouvernementaux et en obtenir la prestation en français ou en anglais; à cette fin, des affiches, des avis et d’autres renseignements lui sont communiqués et les employés s’adressent à lui dans les deux langues;
- l’utilisation du français à titre de langue de travail doit être encouragée.
Cette disposition, ou toute autre disposition de la Loi, n’a pas encore fait l’objet d’analyse par les tribunaux. On peut tout de même relever certaines particularités du paragraphe 2(2). D’abord, il est intéressant de voir que la qualité de la langue entre en jeu dans l’obligation de l’offre active et la prestation des services. Dans bien des cas, l’institution ne saurait se préoccuper de la qualité de la langue du moment que la personne reçoit ses services dans sa langue, mais ici on prévoit que les employés du gouvernement doivent « bien maîtriser le français et l’anglais » et doivent également « pouvoir communiquer avec les membres du public » dans la langue que ceux-ci choisissent. L’alinéa 2(2)a) prévoit donc une exigence supplémentaire en ce sens que l’institution pourrait faillir à son obligation si l’employé ne maîtrise pas bien la langue et même si, par exemple, il accueille la personne par un « Hello/Bonjour ». En vertu de cette disposition, il n’est donc pas suffisant, pour combler l’obligation d’offre active, d’émettre quelques balbutiements dans la langue minoritaire choisie par la personne.
L’autre disposition digne de mention est l’alinéa 2(2)c). Que l’utilisation du français soit encouragée comme langue de travail au sein des centres de services bilingues est louable. Cela étant dit, la formulation de cet alinéa soulève des questions d’effectivité. L’obligation qui y est prévue vise à ce qu’on encourage l’emploi du français, mais non à ce qu’il soit employé dans les faits. De plus, il est un peu étonnant de voir une disposition portant sur la langue de travail sous la rubrique « Offre active ». L’obligation de l’offre active, de prime abord, vise l’interaction entre l’employé du gouvernement et la personne qui se présente à des bureaux gouvernementaux pour en recevoir un service. Par conséquent, l’utilisation du français comme langue de travail aurait probablement dû faire l’objet d’un article en soi.
Le paragraphe 2(3) de cette loi est également digne de mention en raison de son lien avec l’offre active. Il prévoit que :
Dans les centres de services bilingues, les programmes et les services gouvernementaux sont offerts d’une manière appropriée sur les plans linguistique et culturel, compte tenu des besoins de la population de la région de services bilingues, notamment des besoins particuliers de la population métisse et des immigrants.
Dans ce libellé, on retrouve une formulation semblable à celle de la Loi sur la protection de la langue inuit du Nunavut, que nous verrons ci-dessous, en ce qui concerne la manière de fournir les services pour qu’ils soient linguistiquement et culturellement appropriés. Il s’agit d’une disposition qui vise la manière dont l’information est transmise – que ce soit au sujet de l’offre active ou de la prestation des services – afin qu’elle reflète la langue ou la culture minoritaire. De plus, ce paragraphe n’est pas sans rappeler les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt DesRochers[133] concernant le contenu des services et des programmes, qui peut être distinct et propre aux besoins de la communauté à laquelle ils sont offerts.
Le Règlement municipal de la Ville de Winnipeg
Le Règlement municipal de la Ville de Winnipeg sur la prestation de services municipaux dans les deux langues officielles a été adopté en vertu de la partie 9 de la Charte de la Ville de Winnipeg[134]. Le préambule du Règlement municipal prévoit « que la Ville de Winnipeg s’engage à fournir des services en français suivant le principe de l’offre active »[135].
Le Règlement, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, est relativement court et contient, à l’annexe A, des tableaux énonçant les différents services municipaux qui seront offerts dans les deux langues officielles du Canada. À la lecture du contenu de ces tableaux, on constate un nombre important de services offerts en anglais et en français aux résidents du District de Riel (qui comprend les quartiers de Saint-Boniface, de Saint-Vital et de Saint-Norbert). Cependant, l’offre active n’y apparaît pas; il faut plutôt l’inférer de sa mention dans le préambule et de la formulation « Accueil et services bilingues » que l’on retrouve à de nombreux endroits dans l’annexe A.
La partie 9 de la Charte de la Ville de Winnipeg et le Règlement municipal ont fait l’objet d’une analyse par la Cour provinciale[136] et la Cour d’appel[137] du Manitoba dans R. c. Rémillard. Dans cette cause, Rénald Rémillard et les autres demandeurs ont tous été accusés d’excès de vitesse en vertu du Code de la route. Ils ont contesté la validité des avis d’infraction qu’ils ont reçus, car ces derniers n’étaient pas intégralement bilingues, c’est-à-dire que l’information d’ordre général sur l’avis était rédigée en anglais et en français, mais que l’information spécifique au sujet de l’infraction telle que « la date et l’heure de l’infraction, la municipalité où l’infraction a eu lieu, les détails précis de l’infraction, la date de délivrance de l’avis d’infraction, la date d’échéance pour le paiement de la contravention, des renseignements identifiant l’agent de la paix concerné, la description du véhicule en cause et des renseignements identifiant le propriétaire du véhicule »[138] était rédigée seulement en anglais. Selon les accusés, ces avis d’infraction ne respectaient ni la partie 9 de la Charte de la Ville de Winnipeg, ni le Règlement municipal.
Le juge de première instance, devant interpréter des dispositions linguistiques, s’en est remis aux principes d’interprétation énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Beaulac. Selon le juge Joyal, « comme cette cause traite de l’interprétation des droits linguistiques, mon interprétation doit non seulement tenir compte du concept de l’égalité réelle, mais elle doit également être compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada »[139], une démarche qui a également été approuvée par la Cour d’appel du Manitoba[140].
Après avoir interprété les objectifs du Règlement municipal comme imposant à la Ville de Winnipeg l’obligation de fournir, dans le District de Riel, des avis bilingues, le juge de première instance a conclu que les avis d’infraction étaient invalides :
En jugeant comme je l’ai fait que l’inobservation par la Ville constitue un vice dans la forme des Avis d’infraction, ces documents introductifs d’instance et fondamentaux pour la poursuite doivent être vus comme étant nuls. Une poursuite ne peut procéder de façon appropriée sur la base de documents nuls et, par conséquent, les poursuites contre tous les accusés doivent être rejetées[141].
La Cour d’appel, n’ayant pas trouvé d’erreur de droit dans la décision du juge de première instance, a rejeté l’appel du ministère public.
Cette décision est importante à bien des égards, mais surtout à l’égard des principes qui ont été invoqués pour interpréter la partie 9 de la Charte de la Ville de Winnipeg et le Règlement municipal[142]. Comme il en a été question dans la décision, le juge de première instance aurait pu tout simplement modifier l’avis d’infraction « en y ajoutant les renseignements manquants et en accordant un ajournement aux intimés si une demande avait été présentée dans ce sens. Une telle mesure de redressement aurait satisfait au droit à un procès équitable pour les intimés, ainsi qu’aux principes de justice fondamentale. »[143] Cependant, selon la Cour d’appel, cette façon de procéder « aurait de ce fait reconnu que les obligations linguistiques de la Ville envers les résidents de Riel ne constituaient qu’un accommodement et que les manquements seraient tolérés. Une telle décision minerait les droits linguistiques des résidents de Riel et diminuerait l’importance des obligations linguistiques de la Ville »[144].
Bien qu’il n’ait pas été question de l’offre active dans l’arrêt Rémillard, l’application des principes d’interprétation à la partie 9 de la Charte de la Ville de Winnipeg et au Règlement municipal semble indiquer que, même s’il est seulement question du principe de l’offre active dans le préambule et si ce principe n’y est pas défini, son interprétation « libérale et téléologique […] d’une façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada »[145] mènera vraisemblablement les tribunaux à conclure qu’il fait implicitement partie de l’annexe A du Règlement municipal au sens où il est compris en vertu du droit canadien.
Le Nouveau-Brunswick
Le Nouveau-Brunswick est la province qui possède la plus importante jurisprudence au sujet de l’obligation de l’offre active. La Loi sur les langues officielles[146] (LLONB) fait référence non pas une fois, mais bien deux fois à l’obligation d’offre active : dans l’article 28.1, qui porte sur l’offre active de services publics, et le paragraphe 31(1), qui porte sur les services reçus de la part d’un agent de la paix.
L’article 28.1 de la LLONB
Les articles 27 à 30 de la LLONB traitent de la communication avec le public et vont du général au spécifique. On y retrouve l’obligation de l’offre active à l’article 28.1 : « Il incombe aux institutions de veiller à ce que les mesures voulues soient prises pour informer le public que leurs services lui sont offerts dans la langue officielle de son choix »[147].
La formulation de cette disposition relative à l’offre active place de façon évidente sur l’institution le fardeau de prendre les mesures nécessaires pour informer le public qu’il peut se faire servir en français ou en anglais.
L’article 28.1 de la LLONB n’a pas fait l’objet d’une analyse de la part des tribunaux. Il est toutefois possible d’affirmer que les principes qui découlent des décisions des tribunaux en ce qui concerne la même obligation qui se retrouve au paragraphe 31(1) s’appliquent également à l’article 28.1. Celui-ci a tout de même été mentionné par la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans l’arrêt Charlebois c. La Ville de Saint-Jean :
L’article 27 prévoit que le public a le droit de communiquer avec toute institution et d’en recevoir les services dans la langue officielle de son choix. Cette disposition a pour effet de consacrer le droit de tout citoyen du Nouveau-Brunswick de s’adresser aux institutions de la province et d’en recevoir les services dans la langue de son choix. Il s’agit d’un double droit, celui de communiquer et celui de recevoir des services. En énonçant ce droit à des services publics dans les deux langues officielles, le législateur a établi le régime linguistique de base qui vise l’administration provinciale et instaure un bilinguisme institutionnel dans la province. Les obligations linguistiques qui correspondent au droit ainsi créé sont imposées à toute institution qui pourrait être comprise dans la définition du terme « institution » figurant à l’art. 1. L’étendue de cette obligation est précisée dans les articles 28 et 28.1 qui prévoient qu’il incombe aux institutions de veiller à ce que le public puisse communiquer avec elles et en recevoir les services, et de veiller à ce que le public soit informé que les institutions dispensent des services dans la langue officielle choisie par le citoyen, c’est-à-dire une offre active venant de la part de l’institution[148].
Le régime juridique entourant la prestation des services publics au Nouveau-Brunswick est bien détaillé dans la LLONB. Du droit du public de communiquer et de recevoir des services dans la langue officielle de son choix, énoncé à l’article 27, découlent deux obligations pour l’institution : veiller à ce que le public puisse bel et bien communiquer avec elle et en recevoir les services et, comme l’a dit la Cour d’appel, « veiller à ce que le public soit informé que les institutions dispensent des services dans la langue officielle choisie par le citoyen, c’est-à-dire une offre active venant de la part de l’institution ».
En ce sens, l’offre active ne serait pas un droit proprement dit, mais bien une obligation imposée à une institution en raison du droit du public de communiquer avec elle et d’en recevoir les services dans la langue officielle de son choix. Cela explique peut-être pourquoi aucun recours n’a été intenté en vertu de l’article 28.1, mais de nombreuses plaintes ont été déposées auprès du Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick[149]. Cela ne veut pas dire qu’aucun dommage n’a été causé lorsque l’institution n’a pas respecté l’article 28.1 de la LLONB. Comme l’a si bien dit le juge en chef Richard de la Cour du Banc de la Reine : « C’est une question de dignité, de fierté et de respect mutuel des individus de la société »[150].
Il convient de noter que, selon le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, qu’il s’agisse d’une obligation ou d’un droit n’est qu’une question de sémantique. Le citoyen a des droits et l’État a des obligations. Du droit découle donc une obligation correspondante. Qu’une disposition de la loi précise l’obligation n’enlève rien, somme toute, à l’étendue du droit et au respect de l’obligation correspondante. Bref, qu’on interprète l’article 28.1 de la LLONB comme énonçant un droit ou une obligation ne change rien au fait qu’on peut demander réparation en cas de son non-respect. De plus, le fait de concevoir l’offre active comme une obligation qui découle du droit de communiquer avec l’institution et d’en recevoir les services dans la langue officielle de son choix semble être une démarche fidèle à l’interprétation du paragraphe 20(2) de la Charte. Dans le cas de la Charte, une violation du droit à une offre active ouvre évidemment la porte à un recours en vertu de l’article 24.
Les articles 29 et 30 de la LLONB, quant à eux, prévoient que l’affichage, les publications et les communications destinés au public se feront dans les deux langues officielles et que les tiers qui offrent des services pour le compte du gouvernement ont les mêmes obligations. Ces articles se lisent comme suit :
Tout affichage public et autres publications et communications destinés au grand public et émanant d’une institution sont publiés dans les deux langues officielles.
Si elle fait appel à un tiers afin qu’il fournisse des services pour son compte, la province ou une institution, le cas échéant, est chargée de veiller à ce qu’il honore les obligations que lui imposent les articles 27 à 29.
Il convient de noter que le législateur néo-brunswickois n’a pas fait référence à la qualité du service aux articles 27 à 30 de la LLONB. Une telle précision n’était pas nécessaire puisque le paragraphe 16(2) et l’article 16.1 de la Charte et la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick prévoient la notion d’égalité. Puisque ces obligations constitutionnelles et législatives font intégralement partie des droits linguistiques, le service offert doit être de même qualité dans l’une ou l’autre langue officielle du Nouveau-Brunswick, et il était donc inutile de le répéter aux articles 27 à 30.
Le paragraphe 31(1) de la LLONB
Dans le cas du paragraphe 31(1) de la LLONB, le recours judiciaire, étant donné la nature du droit, a été la voie privilégiée pour obtenir une réparation. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, sous la plume du juge en chef Drapeau, a d’ailleurs tranché en ce sens dans l’arrêt Town of Caraquet et al. c. Ministre de la Santé et du Mieux-être :
Même si les appelants n’invoquaient que la Loi sur les langues officielles comme fondement de leurs revendications, leur action ne pourrait être rejetée au motif qu’ils n’ont pas épuisé les recours qui sont prévus à l’article 43. En effet, le par. 43(20) prévoit explicitement que l’art. 43 « ne porte atteinte à aucun autre droit d’action ». Par cette disposition, le législateur a édicté en termes on ne peut plus clairs que les recours prévus à l’art. 43 ne sont pas uniques ou exclusifs. Le texte législatif dont il est question en l’espèce est donc tout à fait différent de celui qui a fait l’objet d’une interprétation par la Cour suprême dans l’affaire Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources) […]. Il vaut également de rappeler qu’aucune disposition de la Loi sur les langues officielles n’oblige un justiciable à faire une plainte aux termes de l’article 43 ou n’investit la cour du pouvoir de contraindre un justiciable à en déposer une. La décision dans l’affaire Charlebois ne fait que confirmer qu’un juge peut, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que le droit lui confère, refuser de fixer une date d’audience pour une requête qui vise uniquement la reconnaissance de droits et une réparation aux termes de la Loi sur les langues officielles, jusqu’à ce que le commissaire ait l’occasion de remplir le rôle que l’art. 43 lui attribue. La décision dans l’affaire Charlebois n’enjoint pas à la cour de rejeter une requête ou une action au motif que les recours prévus à la Loi sur les langues officielles n’ont pas été épuisés[151].
Le paragraphe 31(1) de la LLONB se lit comme suit : « Tout membre du public a le droit, lorsqu’il communique avec un agent de la paix, de se faire servir dans la langue officielle de son choix et il doit être informé de ce choix ».
Le Nunavut
Le Nunavut a adopté deux lois qui portent sur la langue : la Loi sur la protection de la langue inuit (LPLI) et la Loi sur les langues officielles (LLON). Ces lois ont été adoptées en 2008, mais la Loi sur les langues officielles n’est entrée en vigueur qu’en 2013.
La Loi sur la protection de la langue inuit (LPLI)
La LPLI, comme son nom l’indique, a pour but de protéger la langue inuit et représente une tentative de réparer « les mesures et politiques gouvernementales du passé visant l’assimilation »[152]. Cette loi « unique en son genre au Canada » est la première loi « voué[e] expressément […] à la revitalisation d’une langue autochtone »[153]. Elle contient bon nombre de dispositions qui portent sur la langue d’éducation, la langue de travail et la langue d’usage quotidien[154]. Ces dispositions s’inspirent de mesures législatives de partout au Canada, notamment de la Charte de la langue française[155], mais « elle pousse encore plus loin la logique de la Charte de la langue française »[156].
S’agissant de la langue de travail, la LPLI fournit d’abord une seule définition dans la partie intitulée « Fonction publique » : celle de l’obligation de l’offre active. On peut y lire : « À l’article 12, ‘offre active’ s’entend de l’explication claire, donnée en langue inuit, du droit d’un particulier d’utiliser la langue inuit lors du recrutement et en cours d’emploi, et fournie de manière culturellement appropriée et non coercitive »[157].
La mention d’offre active apparaît ensuite à deux reprises dans le cadre de l’article 12 :
Les institutions territoriales :
[…]
- sauf quand des habiletés dans une langue autre que la langue inuit constituent une exigence professionnelle justifiée pour le poste, présentent aux candidats une offre active les informant qu’ils peuvent :
- (i) soumettre leur candidature entièrement en langue inuit,
- (ii) s’ils sont retenus pour une entrevue de sélection, la faire entièrement en langue inuit;
- par une offre active faite au début de l’emploi, déterminent si le nouveau fonctionnaire ou employé préfère la langue inuit comme langue de travail [nous soulignons].
Dans le cadre de la LPLI, les mesures adoptées à l’égard de l’offre active se distinguent de celles que l’on retrouve ailleurs au Canada. La nature et la raison d’être de la LPLI font en sorte que l’offre active dont il y est question ne concerne pas la prestation des services, mais s’intéresse plutôt à l’individu et à la langue qu’il emploiera dans les différents contextes dans lesquels il peut se retrouver. Les emplois étant d’une grande importance dans toute société, la LPLI ne laisse aucun doute quant aux possibilités de communiquer dans la langue inuit aux diverses étapes du processus d’obtention d’un emploi et après comme langue de travail.
Une autre particularité est digne de mention : l’offre active doit être faite « de manière culturellement appropriée ». Il n’est donc pas suffisant, par exemple, d’offrir activement au candidat la possibilité d’employer la langue inuit pour soumettre sa candidature ou pour faire une entrevue, mais on doit également le faire de manière culturellement appropriée. À l’instar de l’arrêt DesRochers[158], le concept de l’offre active dans le cadre de la LPLI présente, en quelque sorte, un contenu distinct et propre aux besoins d’une communauté linguistique officielle du Nunavut. Bien que la LPLI n’indique pas de quelle façon l’on doit procéder pour respecter cette exigence[159], elle attire l’attention du fonctionnaire sur les subtilités culturelles du peuple inuit et sur le traitement à accorder aux candidats et à la langue inuit au sein de la fonction publique du Nunavut.
La Loi sur les langues officielles du Nunavut (LLON)
La LLON ne contient pas de définition du concept de l’offre active, mais elle en fait tout de même mention :
Le responsable administratif d’une institution territoriale soumise aux obligations prévues aux paragraphes (2) à (5) prend des mesures appropriées compatibles avec la présente loi, notamment en ce qui concerne l’affichage des enseignes et panneaux, la remise des avis ou la prise d’autres mesures selon ce qui est approprié :
a) pour faire une offre active de services en question, informant le public de son droit de communiquer dans sa langue officielle préférée et de recevoir les services disponibles dans cette langue […][160].
Les paragraphes (2) à (5) dont il est question portent sur la communication avec le siège ou l’administration centrale d’une institution territoriale, avec ses autres bureaux où la demande est importante, où l’emploi d’une langue officielle se justifie par la vocation des bureaux ou dont les services sont susceptibles de promouvoir l’usage de la langue indigène. Cette disposition, ou toute autre disposition de la LLON, n’a pas encore fait l’objet d’une interprétation par les tribunaux. De par son libellé, une particularité est tout de même digne de mention : il revient au responsable administratif de prendre des mesures appropriées pour faire une offre active de services. Alors que les lois sur les langues officielles du Canada et du Nouveau-Brunswick, par exemple, confèrent cette responsabilité à l’institution, la LLON semble plutôt la conférer à un individu en particulier au sein de l’institution territoriale.
De plus, il est prévu, à l’alinéa 38(1)g), que le commissaire en conseil peut « prendre des dispositions concernant les aspects, mesures, méthodes, modes ou exigences, y compris les questions concernant l’exigence d’une offre active de service, qu’il estime nécessaires à des fins de coordination ou pour assurer l’application ou le respect du paragraphe 12(7) par un responsable administratif ». Aucun règlement n’a, cependant, été adopté à ce sujet ou sur tout autre sujet depuis l’entrée en vigueur de cette loi.
Les politiques publiques provinciales et territoriales
Le Manitoba
En 1989, le gouvernement du Manitoba a adopté la Politique sur les services en langue française, dans laquelle on retrouve l’offre active. Cette politique, qui a été révisée en 1999, prévoit que :
[l]es instances administratives visées par cette politique offrent des services en langue française de façon active. Le concept de l’offre active signifie que les services en français, qu’ils soient fournis oralement, par écrit ou par voie électronique, sont manifestes, facilement disponibles et accessibles au grand public, et de qualité comparable à ceux qui sont offerts en anglais[161].
Le libellé de cet énoncé est clair : les instances administratives offrent des services en langue française de façon active et les services en français sont manifestes, facilement disponibles et accessibles au grand public. De plus, on ne saurait contourner l’obligation d’offre active à l’aide d’un panneau puisque les services offerts doivent être de « qualité comparable à ceux qui sont offerts en anglais ». L’exigence de qualité constitue une étape importante et nécessaire afin que le service soit offert dans le respect de l’individu et de la langue et ne soit pas, tel qu’il est mentionné ci-dessus, qu’un concept théorique qui n’a aucune application dans les faits.
Bien que l’offre active de service soit clairement indiquée dans la Politique, certains passages sèment le doute quant à sa mise en œuvre. Par exemple, le deuxième paragraphe de la Politique prévoit que : « Dans la mesure du possible, le gouvernement du Manitoba offre ses services dans les deux langues officielles dans les régions désignées où la population d’expression française est concentrée ».
Ce que les auteurs de la Politique ont voulu dire par l’emploi du bout de phrase « Dans la mesure du possible » n’est pas clair. Au contraire, l’offre active de service sous-entend que les efforts nécessaires ont été réalisés du côté de l’institution pour qu’elle soit en mesure d’offrir le service soit en français, soit en anglais.
Le Nouveau-Brunswick
Le Plan sur les langues officielles
En vertu de l’article 5.1 de la LLONB, la province a l’obligation d’élaborer un plan établissant les modalités de respect des obligations que lui impose la Loi. En juin 2015, la province présentait son Plan sur les langues officielles. Le bilinguisme officiel : une valeur fondamentale. En ce qui concerne l’offre active, le Plan demeure assez vague. On peut y lire, notamment :
En dépit du fait que plusieurs années se sont écoulées depuis que la politique sur la langue de service a été mise en œuvre au gouvernement, celle-ci est en grande partie encore mal comprise et mal appliquée. Des mesures devraient être mises en place afin que le premier contact avec un membre du public se fasse dans la langue de son choix lorsqu’il utilise des services directs aux clients offerts par les bureaux d’accueil et les guichets de service ainsi que par téléphone[162].
Le Plan énumère des « objectifs stratégiques » dont l’objectif 1.1, qui précise que « l’employeur continue de mettre en place les mesures nécessaires à une pleine application de la [LLONB] en ce qui a trait à la langue de service ». Sous la rubrique « Moyens (stratégies) », le Plan prévoit la manière dont les objectifs devront se réaliser. On y lit que les « ministères et les organismes feront en sorte que toutes les communications écrites et orales se fassent dans la langue de choix des destinataires visés » et que « le principe de l’offre active sera appliqué à la correspondance, aux panneaux, aux affiches et aux services offerts au téléphone, en personne ainsi que par voie électronique »[163]. Dans ses généralités, le Plan n’apporte rien de nouveau en ce qui concerne l’obligation d’offre active et ne fait que répéter ce qui est déjà évident.
La Politique et lignes directrices sur les langues officielles
La province a également une politique interne dans son « Manuel d’administration AD-2919 » qui traite de la langue de service. La Politique et lignes directrices sur les langues officielles – Langue de service a pour objectif « [d’]aider et [de] guider les ministères, institutions et organismes de la province à s’acquitter de leurs obligations légales reliées à la Loi sur les langues officielles. Elles servent de guide pour la prestation des services dans les deux langues officielles »[164].
Étant un guide pour la fonction publique, la Politique est relativement bien détaillée afin que les ministères, les institutions et les organismes de la province respectent les obligations contenues dans la Charte et la LLONB. Par exemple, l’offre active y est définie comme suit : « Offre active consiste à préciser au client dès le premier contact que les services sont disponibles dans les deux langues officielles ». D’autres précisions sont également apportées au sujet de l’offre active faite par téléphone, en personne, au moyen de l’affichage, au moyen de la correspondance et au moyen de services électroniques. On suggère, par exemple, de faire une offre active de service en personne de l’une des façons suivantes :
« Hello, Bonjour! »
« Bonjour, May I help you? »
« Good morning, Bonjour! »
« Hello, Puis-je vous aider? »
Il y est précisé que « l’ordre de présentation des deux langues n’a pas d’importance ». Bien que la Politique donne comme consigne de ne jamais s’excuser de ne pas parler l’autre langue officielle, il est clairement indiqué de ne pas « se lancer dans une conversation avec un client dans une langue autre que celle choisie par le client ». Dans l’éventualité où l’employé ne parle pas la langue officielle choisie par le citoyen, il devrait dire « One moment please » ou « Un moment, s’il vous plaît » et demander à quelqu’un qui parle cette langue de s’occuper immédiatement de cette personne.
Somme toute, cette Politique aide les fonctionnaires à mettre en œuvre les obligations linguistiques contenues dans la LLONB, qui elle-même met en œuvre les obligations constitutionnelles qui incombent au Nouveau-Brunswick en vertu de la Charte. Elle apporte des précisions importantes au sujet de l’offre active.
La Saskatchewan
La Saskatchewan possède, depuis 2003, une Politique de services en langue française. La Politique a pour but d’accentuer les services offerts à la communauté francophone de la Saskatchewan. Afin d’y arriver, il est prévu dans la Politique que les communications se feront également en français « sous réserve de contraintes relatives aux coûts et à la diffusion » ou encore « lorsque c’est approprié ».
S’agissant de la prestation de services proprement dite, la Politique prévoit que la désignation de postes bilingues afin d’offrir efficacement des services en français est vue d’un œil favorable. On y encourage également l’inclusion d’un volet en français lorsque de nouveaux programmes et services sont en cours de développement. Finalement, on y prévoit que l’approche d’offre active doit être employée lorsque des services en français sont offerts. À cette fin, l’offre active est définie comme suit : « Le concept de ‘l’offre active’ signifie que le service est manifesté aux utilisateurs potentiels, que le grand public est encouragé à l’utiliser et se sent à l’aise de le faire, et que la qualité des services est comparable à ceux qui sont offerts en anglais »[165].
Cette définition contient un élément important : se sentir à l’aise de communiquer en français. Cet aspect semble être à l’origine même du concept de l’offre active : en offrant activement les services dans les deux langues officielles du Canada, l’institution fait preuve « de dignité, de fierté et de respect mutuel des individus de la société »[166]. Trop souvent, on semble oublier que le gouvernement est le reflet de l’ensemble des citoyens. En tant que locuteur d’une minorité linguistique d’une des deux langues officielles du pays, un citoyen ne devrait pas avoir l’impression qu’il bouscule le fonctionnement de l’appareil étatique lorsqu’il souhaite s’adresser à celui-ci et en recevoir les services dans sa langue. Comme la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme l’a si bien souligné :
Lorsque cette situation est devenue habituelle, c’est-à-dire lorsque la langue de la minorité est peu ou point reconnue dans une région, la minorité est forcée de se conformer à la pratique courante. Et c’est surtout de cette façon que les pouvoirs publics exercent une influence linguistique : ils pèsent alors de tout leur poids en faveur d’une langue et, de ce fait, ils accélèrent le processus d’assimilation linguistique de la minorité[167].
Finalement, le dernier segment de la définition porte sur la qualité des services offerts, qui doit être comparable à ceux qui sont offerts en anglais. L’exigence de qualité ajoute de la crédibilité à la Politique et, comme dans le cas du Manitoba, elle constitue une étape importante et nécessaire afin que le service soit offert dans le respect de l’individu et de la langue et qu’il ne soit pas qu’un concept théorique qui n’a aucune application dans les faits.
Les Territoires du Nord-Ouest
Le Plan stratégique sur les communications et les services en français du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a pour but « de guider ses ministères, conseils et organismes à élaborer et à offrir des services en français à la communauté francophone »[168]. Le fondement juridique du Plan est la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, et les lignes directrices qu’il contient « ont pour but de faciliter l’application de la Loi sur les langues officielles et visent tous les ministères du gouvernement, le Bureau de l’Assemblée législative et les organismes énumérés dans le Règlement sur les institutions gouvernementales »[169].
En matière de prestation des services, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest met l’accent sur « une prestation efficace et soutenue des services en français »[170]. Le gouvernement définit ce qu’il entend par une prestation efficace de services comme suit : « Une prestation efficace est le résultat d’un ensemble de mesures adoptées pour veiller à ce que les services en français, qu’ils soient offerts par des méthodes orales, écrites ou électroniques, soient clairement indiqués au grand public, ainsi que faciles à obtenir et aisément accessibles »[171].
La disponibilité des services en français est clairement indiquée (un aspect clé de l’offre active) par les moyens suivants :
- de la signalisation spéciale à cet effet;
- la présentation de matériel en français ou bilingue dans les aires d’accueil publiques;
- l’utilisation de salutations bilingues en personne, au téléphone ou dans les messages téléphoniques à l’intention des personnes qui téléphonent, là où les services en français sont offerts;
- l’offre bien en vue de pouvoir accéder à de l’information en français sur le site Web de l’institution désignée, en tenant dûment compte de la qualité et des délais.
En plus de ces mesures, le Plan prévoit l’emploi d’un format bilingue pour le matériel destiné au public, du personnel bilingue aux points de services directs et l’emploi d’un système d’aiguillage, c’est-à-dire une façon d’orienter la personne vers une personne bilingue qui sera en mesure de lui offrir le service en français. Le Plan prévoit également que les services peuvent être offerts de différentes façons : à des guichets uniques, par l’utilisation de lignes téléphoniques propres à un service et par l’utilisation d’une ligne téléphonique automatisée ou sur un site Internet[172].
En vertu du Plan, la prestation efficace de services est un concept qui englobe plusieurs mesures dont l’offre active, laquelle est définie comme suit :
L’offre active consiste en un moyen d’accueil qui informe le public qu’il lui est possible de communiquer en français ou en anglais. Son but est d’assurer qu’un individu se sent libre de s’exprimer dans une langue ou dans l’autre lorsqu’il recherche un service. L’offre active peut revêtir la forme d’une pancarte, d’une salutation personnelle ou d’un message.
Dans les contextes où des questions urgentes ou très confidentielles sont susceptibles de se produire, l’offre active permet à une personne qui recherche de tels services en français de les obtenir aisément ou de savoir qu’ils sont offerts.
L’indication de la disponibilité des services en français se fait par des moyens comme du matériel imprimé présenté en format bilingue, de la signalisation bilingue ou multilingue, des procédures d’accueil en personne ou par téléphone ou, dans le cas de services recherchés dans Internet, sur le site Web.[173]
Somme toute, l’offre active y est clairement définie et la définition contient les principaux éléments de l’offre active proposés ailleurs au Canada, bien que l’on y retrouve parfois des engagements moins fermes et un langage plutôt politique. Le gouvernement a tout de même lancé, en juillet 2015, une trousse d’offre active en français[174]. La trousse de l’offre active, « destinée au personnel de première ligne du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO) », est définie comme suit :
La trousse de l’offre active est une ressource conviviale visant à aider les ministères et les organismes gouvernementaux à offrir leurs services au public. Conçue principalement pour les coordonnateurs des services en français, les gestionnaires, les superviseurs et le personnel de première ligne, la trousse promeut une offre active cohérente dans l’ensemble du GTNO pour assurer une prestation homogène des services. Elle inclut un guide de référence rapide pour le personnel de première ligne, des documents d’affichage et un DVD de formation du personnel[175].
Le contenu en français de la trousse n’a cependant pas été publié sur le site Web du gouvernement, mais « [l]es Ténois devraient constater [dès] l’automne [2015] des changements dans la visibilité de l’offre active »[176].
Le Yukon
En 1994, la Politique sur les services en français est entrée en vigueur au Yukon. En vertu de cette politique, « le gouvernement du Yukon s’engage à promouvoir la reconnaissance du français et à veiller à ce que quiconque désire communiquer avec un ministère, une agence ou un organisme gouvernemental puisse le faire en français ou en anglais et puisse recevoir, des bureaux principaux du gouvernement et des autres bureaux des organismes susmentionnés, des services en français »[177]. Bien que la Politique ait été révisée en 2012, l’offre active n’y apparaît pas. On semble vouloir s’en approcher lorsqu’on garantit que « le public a un droit inconditionnel de communiquer en français ou en anglais avec n’importe quel bureau principal d’un organisme du gouvernement du Yukon, et de se prévaloir des services qui y sont offerts en français ou en anglais »[178]. Ou encore, lorsqu’il est question d’énoncer les priorités en matière de services, malgré une formulation peu commune dans un tel contexte, on frôle l’obligation d’offre active sans toutefois l’énoncer clairement :
Afin d’éviter le gaspillage et de permettre une utilisation efficace des services en français de la part du public, les priorités seront établies selon le principe des services pratiques et de qualité, de même que sur une démarche rentable définie en collaboration avec la communauté francophone. Tous les services offerts doivent être clairement annoncés auprès des utilisateurs possibles[179].
Il n’est pas sans intérêt de rappeler que « [l]e gouvernement tente, dans le volume 1 du Manuel d’administration générale (Politiques ministérielles – Générales) d’offrir des lignes directrices pour assurer le respect de la Loi sur les langues »[180]. Or, même si ces lignes directrices semblent se rapprocher de l’offre active, et « même si elle est souhaitable, [l’offre active] n’est pas imposée par l’art. 6 »[181]. Par conséquent, il serait étonnant que la Politique, qui vise à assurer le respect de la Loi, aille plus loin que le contenu de la Loi elle-même. Cette façon de procéder pourrait peut-être produire des effets favorables pour la minorité linguistique, mais on ne saurait parler de droit, ni de garantie sérieuse ou d’obligation imposée au gouvernement du Yukon.
Dans la même veine, le gouvernement du Yukon prévoyait, le 27 mars 2013, la « somme de 289 000 $ à la mise sur pied de trois projets pilotes visant à améliorer la prestation des services en français dans le secteur de la santé et des services sociaux, ainsi que pour l’élaboration d’un plan global de quatre ans en ce qui a trait aux services en français ». Depuis cette annonce, le cadre stratégique Vision 2014-2018 a été élaboré et, tout récemment, le 15 mai a été proclamé « Journée de la francophonie yukonnaise »[182].
Le cadre stratégique contient des objectifs et des stratégies : offre accrue de services en français, gouvernance et politique renouvelées, amélioration des moyens et des outils opérationnels appuyant l’offre de services en français, communications efficaces et engagement renouvelé. Le terme « offre active » apparaît à deux endroits dans ce cadre stratégique. D’abord, au sujet de l’objectif d’accroître les services en français, on propose, comme stratégie, de « réaliser des projets pilotes dans les domaines de la santé et des services sociaux dans le but de mettre en œuvre l’offre active ». Ensuite, au sujet de l’objectif d’améliorer les moyens et les outils qui appuient l’offre de services en français, on propose de « mettre à la disposition du personnel du [gouvernement du Yukon] des outils et des ressources afin d’appuyer l’offre active et la prestation des services en français ». L’offre active dont il est question dans le cadre stratégique n’est cependant pas définie.
En conformité avec le paragraphe 6(2) de la Loi sur les langues[183], le commissaire en conseil a pris un règlement afin de « fixer les conditions dans lesquelles l’emploi du français et de l’anglais fait l’objet d’une demande importante ou se justifie par la vocation du bureau »[184], mais il ne s’est pas prévalu du pouvoir conféré à l’article 12 de « prendre toute mesure qu’il considère nécessaire […] pour l’application de la présente loi ». Par conséquent, l’obligation de l’offre active, au Yukon, apparaît dans le cadre stratégique Vision 2014-2018, mais n’y est aucunement définie.
[1] C’est le cas par exemple du Regroupement des Entités de planification des services de santé en français de l’Ontario et de l’Alliance des Réseaux ontariens de santé en français, qui ont adopté une position commune concernant l’offre active de services de santé en français.
[2] Loi sur les services en français, L.R.O. 1990, chapitre F.32 (ci-après Loi). À l’origine, elle s’intitulait Loi assurant la prestation de services en français par le gouvernement de l’Ontario, LO 1986, c 45.
[3] L’article 7 de la Loi indique que « [s]i toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés afin de faire respecter la présente loi, les obligations qu’elle impose aux organismes gouvernementaux et aux institutions de la Législature sont assujetties aux limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances ». (L.R.O. 1990, chap. F.32, art. 7)
[4] Ibid., art. 9(1).
[5] Pour plus de détails : https://www.ontario.ca/fr/lois/reglement/r11284 (page consultée en mai 2016).
[6] Mis à part les tiers qui offrent des services en français pour le compte d’organismes gouvernementaux, en vertu du Règlement 284/11.
[7] Commissariat aux services en français, La parole aux sans-voix, Rapport annuel 2014-2015, Toronto, 2015, p. 17.
[8] Commissariat aux services en français, Une nouvelle approche, Rapport annuel 2012-2013, Toronto, 2013, p. 29.
[9] Extrait de la réponse du gouvernement au 6e rapport annuel du commissaire datée du 14 janvier 2014.
[10] Un droit ou une obligation ne peuvent exister aux yeux du droit que s’ils trouvent leur origine dans une loi, un règlement ou, en common law, dans la jurisprudence. Par conséquent, bien qu’une directive explicite en matière d’offre active de services en français soit tout à fait louable, elle ne possède pas la force contraignante d’une loi ou d’un règlement.
[11] Commissariat aux services en français, Une institution francophone s’enracine, Rapport annuel 2013-2014, Toronto, 2014, p. 8.
[12] Ibid., p. 11.
[13] Pour plus de détails : http://www.ofa.gov.on.ca/fr/loi-designation.html (page consultée en mai 2016).
[14] Voir notamment Louise Bouchard, Marielle Beaulieu et Martin Desmeules, « L’offre active de services de santé en français en Ontario : une mesure d’équité », Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, vol. 18, n° 2, 2012, p. 38-65, p. 52.
[15] Commissaire aux services en français, L’accès aux solutions, Rapport annuel 2009-2010, Toronto, 2010, p. 11.
[16] Ibid.
[17] Bouchard et al., 2012, op. cit., p. 46.
[18] Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme : Livre I, Les langues officielles, Ottawa, 1967, p. 97-98.
[19] Rodrigue Landry, « Légitimité et devenir en situation linguistique minoritaire », Minorités linguistiques et société / Linguistic Minorities and Society, n° 5, 2015, p. 58-83.
[20] Rodrigue Landry, Réal Allard et Kenneth Deveau, « Un modèle macroscopique du développement psycholangagier en contexte intergroupe minoritaire », Diversité urbaine, 2008, p. 45-68 et p. 54.
[21] Kenneth Deveau, Rodrigue Landry et Réal Allard, Utilisation des services gouvernementaux de langue française : une étude auprès des Acadiens et francophones de la Nouvelle-Écosse sur les facteurs associés à l’utilisation des services gouvernementaux en français, Moncton, ICRML, 2009, p. 30.
[22] L’« espace public » désigne les espaces d’activités sociales et commerciales à l’extérieur du foyer.
[23] Linda Cardinal, Nathalie Plante et Anik Sauvé, De la théorie à la pratique : les mécanismes d’offre de services en français dans le domaine de la justice en Ontario, vol. 2 : Les perceptions des fonctionnaires et des usagères et usagers, Ottawa : Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques (CRFPP), 2010, p. 35. Le ministère du Procureur général avait commandé cette étude à la CRFPP afin de mieux comprendre les différents mécanismes pouvant répondre aux besoins de la population francophone dans le cadre de son processus de planification stratégique. Des témoignages avaient été recueillis dans le cadre de cette étude.
[24] Ibid.
[25] Éric Forgues, Boniface Bahi, Jacques Michaud et Kenneth Deveau, L’offre de services de santé en français en contexte minoritaire, Moncton : ICRML, 2011. Disponible en ligne : http://www.icrml.ca/fr/recherches-et-publications/publications-de-l-icrml/item/8489-l-offre-de-services-de-sante-en-francais-en-contexte-minoritaire (page consultée en mai 2016).
[26] Marthe Dumont et Suzy Doucet-Simard, Trousse sur les services en français, Réseaux locaux d’intégration des services de santé d’Érié St. Clair et du Sud-Ouest, 2013, p. 15.
[27] Deveau et al., 2009, op. cit.
[28] Cardinal et al., 2010, op.cit., p. 38.
[29] Forgues et al., 2011, op. cit., p. 37.
[30] Suzanne Tremblay, Étude sur les services de santé linguistiquement et culturellement adaptés : portrait pancanadien. L’accessibilité linguistique est un déterminant de la qualité et de la sécurité des services de santé, 2013, p. 47.
[31] Loi sur les langues officielles, LC 1969, c 54, art. 9(1).
[32] Pierre Foucher, « Le droit à la prestation des services publics dans les langues officielles », dans Michel Bastarache (dir.), Les droits linguistiques au Canada, Cowansville, Qc, Yvon Blais, 1986, p. 195.
[33] Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, LNB 1969, c 14, art. 10.
[34] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, para. 20(1).
[35] À l’instar du paragraphe 20(2) de la Charte, on peut penser qu’il sera éventuellement interprété comme comprenant l’obligation d’offre active, tout en tenant compte des limites prévues aux alinéas a) et b).
[36] Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (4e suppl), art. 28.
[37] Des renseignements sur les différentes législations et politiques publiques provinciales et municipales en matière d’offre active de services en français ainsi qu’une analyse de la jurisprudence à cet effet se trouvent en annexe.
[38] PEI Reg EC845/13 (Loi sur les services en français).
[39] Loi sur les centres de services bilingues, CPLM c B37, art. 2(1).
[40] Ibid., para. 2(2).
[41] Règlement municipal no 8154/2002 de la Ville de Winnipeg, préambule.
[42] Voir notamment la plainte contre la Ville de Dieppe et la plainte contre Ambulance Nouveau-Brunswick aux pages 57-58 et 68-74 du rapport annuel 2013-2014 du Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick. Disponible en ligne : http://www.languesofficielles.nb.ca/sites/default/files/imce/pdfs/FR/rapport_annuel_2013-2014.pdf (page consultée en mai 2016).
[43] LNun 2008, ch. 10, art 12(7)a).
[44] Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé), [1999] O.J. No. 4489 (QL).
[45] Dehenne c. Dehenne, 47 O.R. (3d) 140.
[46] Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé), 2001 56 O.R. (3d) 577.
[47] Ibid., par. 164.
[48] Ibid., par. 165.
[49] Disponible en ligne : http://ofa.gov.on.ca/fr/loi-organismes.html (page consultée en mai 2016).
[50] LSF, supra note 2, art. 10(1)b).
[51] Loi sur les tribunaux judiciaires, RSO 1990, c. C. 43, art. 125. (1).
[52] Comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français auprès du procureur général de l’Ontario, Accès à la justice en français, Toronto, 2012, p. 11. Disponible en ligne : https://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/about/pubs/bench_bar_advisory_committee/full_report.pdf (page consultée en mai 2016).
[53] Loi sur les tribunaux judiciaires, supra note 51, art. 126. (1).
[54] Règlement de l’Ontario 284/11, art. 2(2).
[55] Office des affaires francophones de l’Ontario, Practical guide for the active offer of French-language services in the Ontario Government, Toronto, 2008.
[56] Services publics de l’Ontario, OPS Framework for Action : A modern public service, Toronto, 2006.
[57] Bouchard et al., 2012, supra note 14, p. 40.
[58] Marthe Dumont et Suzy Doucet-Simard, Trousse sur les services en français, Réseaux locaux d’intégration des services de santé d’Érié St. Clair et du Sud-Ouest, 2013.
[59] Pour plus de détails: http://news.ontario.ca/mag/fr/2014/10/ameliorer-lacces-a-la-justice-en-francais.html (page consultée en mai 2016).
[60] Forgues et al., 2011, supra note 25.
[61] L’établissement se nomme désormais Horizon Santé-Nord
[62] Danielle de Moissac, Janelle de Rocquigny, Florette Giasson, Cindy-Lynne Tremblay, Natalie Aubin, Marc Charron et Gratien Allaire, « Défis associés à l’offre de services de santé et de services sociaux en français au Manitoba : perceptions des professionnels, Université Laurentienne et Institut franco-ontarien », Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, vol. 18, n° 2 (automne), 2012, p. 66-100, p. 85.
[63] Bouchard et al., 2012, supra note 14, p. 51.
[64] Commissariat aux services en français, 2013, supra note 8, p. 29.
[65] François Charbonneau, « Dans la langue officielle de son choix : la loi canadienne sur les langues officielles et la notion de « choix » en matière de services publics », Lien social et Politiques, n° 66, 2011, p. 39-63, p. 53.
[66] Cardinal et al., 2010,supra note 23, p. 39.
[67] Ibid.
[68] Jacinthe Savard, Lynn Casimiro, Josée Benoît et Pier Bouchard, « Évaluation métrologique de la Mesure de l’offre active de services sociaux et de santé en français en contexte minoritaire », Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, vol. 20, n° 2, 2014, p. 83-122, p. 86. Nous soulignons.
[69] Cardinal et. al, 2010, op. cit., p. 7.
[70] Témoignage d’Émile, H, 56 ans.
[71] Témoignage de Ronald, H, 69 ans.
[72] Voir notamment R. c. Gaudet, 2010 NBBR 27, 355 RNB (2e) 277 et R. c. Losier, 2011 NBCA 102, 380 RNB (2e) 115.
[73] Témoignage de Ronald, H, 69 ans.
[74] Témoignage de Charline, F, 51 ans.
[75] Témoignage d’Émilie, F, 37 ans.
[76] Témoignage de Pierre, H, 40 ans.
[77] Témoignage de Charline, F, 51 ans.
[78] Témoignage d’Émile, H, 56 ans.
[79] Forgues et al., 2011, supra note 25.
[80] Simon Lapierre, Cécile Coderre, Isabelle Côté, Marie-Luce Garceau et Chantal Bourassa, « Quand le manque d’accès aux services en français revictimise les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants », Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, vol. 20, n° 2, 2014, p. 22-51, p. 22-23.
[81] Commissariat aux services en français, Une voix, des changements, Rapport annuel 2008-2009, Toronto, 2009.
[82] Sarah Bowen, Barrières linguistiques dans l’accès aux soins de santé, Ottawa, Santé Canada, 2001, p. vi.
[83] Ibid., p. vii.
[84] Bouchard et al., 2012, supra note 14, p. 48. Voir aussi Laurie M. Anderson, Susan C. Scrimshaw, Mindy T. Fullilove, Jonathan E. Fielding, Jacques Normand, « Culturally competent Healthcare System: A systematic review », American Journal of Preventive Medicine, vol. 24, n° 3, 2003, p. 68-79.
[85] Bowen, op. cit., p. vii.
[86] Pour plus de détails : http://www.health.gov.on.ca/fr/pro/programs/publichealth/oph_standards/docs/ophs_2008f.pdf (page consultée en mai 2016).
[87] Témoignage de Jacqueline, F, 58 ans.
[88] Témoignage de Lisa, F, 41 ans.
[89] Témoignage d’Annette, F, 51 ans.
[90] Témoignage de Mélissa, F, 35 ans.
[91] Ibid.
[92] Bouchard et al., 2012, supra note 14.
[93] Louise Bouchard, Marie-Hélène Chomienne, Monique Benoit, Françoise Boudreau, Manon Lemonde, Suzanne Dufour, « Les Franco-Ontariens âgés souffrant de maladies chroniques se perçoivent-ils bien desservis?: Une étude exploratoire de l’impact de la situation linguistique minoritaire » dans Canadian Family Physician, vol. 58, no 12, 2012, p.1325.
[94] Valérie Bourbonnais, La santé des aînés francophones en situation linguistique minoritaire : État des lieux en Ontario, Thèse de maîtrise en sciences sociales non publiée, Ottawa, Université d’Ottawa, 2007, p. 72.
[95] Manon Lemonde, Françoise Boudreau et Suzanne Dufour, Impact de la situation linguistique minoritaire sur les soins de santé pour des personnes âgées francophones de l’Ontario souffrant de maladies chroniques : partage de connaissances et rétroaction, 2012, p. 16. Disponible en ligne : http://www.carmencuisineandtravel.com/rrasfo/images/docs/publications/2012/RAPPORT_PA_TORONTO_2012-.pdf (page consultée en mai 2016).
[96] Témoignage de Marie-Reine, F, 54 ans.
[97] Témoignage de Claudette, F, 66 ans.
[98] Témoignage de Charline, F, 51 ans.
[99] Louise Bouchard et Martin Desmeules, « Les minorités linguistiques du Canada et la santé », HealthCare Policy / Politiques de santé, vol. 9, Special Issue, 2013, p. 38-47, p. 44.
[100] Noter qu’il se peut que les répondants francophones aient obtenu des services dans des établissements qui ne sont pas désignés pour offrir les services en français. Mais puisque l’objectif de la LSF est de favoriser l’accès de la population francophone aux services en français, il est important de voir dans quelle mesure ce but est atteint.
[101] Les pourcentages sont calculés en fonction des services offerts.
[102] L’Est correspond à la région économique d’Ottawa, le Nord correspond aux régions économiques du Nord-Est et du Nord-ouest, et le Sud correspond à toutes les autres régions.
[103] Pour cette enquête, le Canada exclut le Québec, la Saskatchewan et les trois territoires.
[104] Isabelle Gagnon-Arpin, Louise Bouchard, Anne Leis et Mathieu Bélanger, « Accès et utilisation des services de santé en langue minoritaire », dans Rodrigue Landry (dir.), La vie dans une langue officielle minoritaire au Canada, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 2014, p. 195-221. Il s’agit d’une enquête postcensitaire.
[105] Pour plus de détails: http://www.ofa.gov.on.ca/fr/loi-designation.html (page consultée en mai 2016).
[106] Ibid.
[107] Comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français auprès du procureur général de l’Ontario, supra note 51.
[108] Ibid., p. 7.
[109] Ibid., p. 48.
[110] Témoignage de Pierre, H, 40 ans.
[111] Témoignage de Diane, F, 58 ans.
[112] Témoignage de Mélissa, F, 35 ans.
[113] Témoignage d’Émile, H, 56 ans.
[114] Témoignage de Diane, F, âge inconnu.
[115] Cette définition est extraite du « Plan de désignation selon la Loi sur les services en français » élaboré par l’Office des affaires francophones. Disponible en ligne : http://www.forms.ssb.gov.on.ca/mbs/ssb/forms/ssbforms.nsf/GetFileAttach/025-0005F~1/$File/0005F.pdf (page consultée en mai 2016).
[116] Léonard Aucoin, Compétences linguistiques et culturelles des organisations de santé : analyse critique de la littérature, Ottawa, Société Santé en français, 2008, p. 24.
[117] Ibid.
[118] Pour plus de détails : http://www.health.gov.on.ca/fr/public/programs/flhs/planning.aspx (page consultée en mai 2016).
[119] Pour plus de détails : http://www.offreactive.com/ (page consultée en mai 2016).
[120] Pour plus de détails : http://www.reseaudumieuxetre.ca/pour-les-fournisseurs/trousse-dinformation-de-loffre-active/video-de-loffre-active/ (page consultée en mai 2016).
[121] Commissariat aux services en français, 2014, supra note 11.
[122] Commissariat aux services en français, Rapport annuel 2011-2012 : Droits devant, Toronto, 2012.
[123] Disponible en ligne au : https://csfontario.ca/fr/articles/4740 (page consultée en mai 2016).
[124] Bouchard et al., 2012, supra note 14, p 56.
[125] Ibid., p. 53.
[126] Forgues et al., 2011, supra note 25.
[127] PEI 2013, c F-15.2.
[128] PEI Reg EC845/13 (Loi sur les services en français).
[129] Règlement général, PEI Reg EC845/13 pris en application de la Loi sur les services en français de l’Ile-du-Prince-Édouard. Disponible en ligne : https://www.canlii.org/en/pe/laws/regu/pei-reg-ec845-13/latest/part-1/pei-reg-ec845-13-part-1.pdf (page consultée en mai 2016).
[130] Ibid.
[131] Loi sur les centres de services bilingues, CPLM c B37, préambule.
[132] Ibid., art 2(1).
[133] DesRochers c. Canada (Industrie), [2009] 1 R.C.S. 194.
[134] LM 2002, c 39.
[135] Règlement municipal no 8154/2002 de la Ville de Winnipeg, préambule.
[136] R. c. Rémillard, [2005] MJ no 212 (QL).
[137] R. c. Rémillard, 2009 MBCA 112, 251 ManR (2e) 17.
[138] Ibid., par. 6.
[139] R. c. Rémillard, 2005, op. cit., par. 42.
[140] R. c. Rémillard, 2009, op. cit., par. 46-48.
[141] R. c. Rémillard, 2005, op. cit., par. 108.
[142] Aimée Craft, « R c Rémillard : la prochaine génération de défense des droits linguistiques au Manitoba », Revue de la common law en français, vol. 12, 2010-2011, p. 325-332, p. 332.
[143] R. c. Rémillard, 2009, op. cit., par. 53.
[144] Ibid., par. 56.
[145] DesRochers c. Canada (Industrie), op. cit., par. 31.
[146] LN-B 2002, c O-0.5 [LLONB].
[147] Ibid., art 28.1.
[148] Charlebois c. La Ville de Saint-Jean (2004 NBCA 49, 275 RNB (2e) 203, par. 39.
[149] Supra note 42, par. 165.
[150] Gautreau c. Nouveau-Brunswick, 101 RNB (2e) 1, [1989] AN-B no 1005 (QL), par. 28.
[151] Town of Caraquet et al. c. Ministre de la Santé et du Mieux-être (2005 NBCA 34, 282 RNB (2e) 112, par. 17.
[152] LNun 2008, c 17, préambule [LPLI].
[153] Naiomi Metallic, « Les droits linguistiques des peuples autochtones », dans Michel Bastarache et Michel Doucet (dirs.), Les droits linguistiques au Canada, 3e éd, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2013, p. 891-992, p. 950.
[154] LPLI, préambule.
[155] Pour plus de détails : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/C_11/C11.html (page consultée en mai 2016).
[156] Julie Robinson et Mark C. Power, « Constitutionnalité de dispositions conférant un statut, des privilèges et des droits à une langue minoritaire : le cas singulier du Nunavut et de sa Loi sur la protection de la langue inuit », Revue de droit de McGill, vol. 58, no 3 (mars), 2013, p. 519-528, p. 528.
[157] LPLI, art. 11.
[158] DesRochers c. Canada (Industrie), supra note 133.
[159] On peut supposer que l’article 27.1 de la LPLI, qui a trait à des principes et à des concepts généraux des Inuit Qaujimajatuqangit, notamment le respect d’autrui, les rapports avec autrui et le souci du bien-être d’autrui, ainsi que la promotion d’un bon état d’esprit en se montrant ouvert, accueillant et intégrateur, est un bon point de départ pour que l’offre active se fasse d’une manière culturellement appropriée.
[160] LNun 2008, c 10, art 12(7)a).
[161] Gouvernent du Manitoba, Politique sur les services en langue française, mars 1999. Disponible en ligne : http://www.gov.mb.ca/fls-slf/pdf/fls_policy.pdf (page consultée en mai 2016).
[162] Gouvernement du Nouveau-Brunswick, Plan sur les langues officielles. Le bilinguisme officiel : une valeur fondamentale, 2015, p. 10. Disponible en ligne : http://www2.gnb.ca/content/dam/gnb/Departments/iga-aig/pdf/Plansurleslanguesofficielleslebilinguismeofficielunevaleurfondamentale.pdf (page consultée en mai 2016).
[163] Ibid., p. 11.
[164] Gouvernement du Nouveau-Brunswick, Politique et lignes directrices sur les langues officielles – Langue de service. Disponible en ligne : http://www2.gnb.ca/content/gnb/fr/ministeres/ressources_humaines/notre_sujet/politiques_lignes_directrices/langue_service.html (page consultée en mai 2016).
[165] Gouvernement de la Saskatchewan, Politique de services en langue française, Regina, Direction des affaires francophones, 2009. Disponible en ligne : http://www.saskatchewan.ca/~/media/files/executive%20council/bonjour/2%20politique%20slf%20%20fr%20mise%20a%20jour%2015%20mai%2009.pdf (page consultée en mai 2016).
[166] Gautreau c. Nouveau-Brunswick, supra note 150, p. 28.
[167] Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, 1967, supra note 18, p. 91.
[168] Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Plan stratégique sur les communications et les services en français, 2012. Disponible en ligne : http://www.ece.gov.nt.ca/files/publications/4668_ECE_French_Language_Strat_Plan_P9.pdf (page consultée en mai 2016).
[169] Ibid., p. 7.
[170] Ibid., p. 14.
[171] Ibid., p. 14.
[172] Ibid.
[173] Ibid., p. 14-15.
[174] Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, « Lancement de la trousse d’offre active en français au GTNO », 2015. Disponible en ligne : http://www.gov.nt.ca/fr/newsroom/lancement-de-la-trousse-d%E2%80%99offre-active-en-fran%C3%A7ais-au-gtno (page consultée en mai 2016).
[175] Ibid.
[176] Ibid. Pour plus de détails, voir également : https://www.ece.gov.nt.ca/files/pages/736/e-newsletterfrench16.01.08.pdf (page consultée en mai 2016).
[177] Gouvernement du Yukon, Politique sur les services en français, Direction des services en français, Whitehorse, 2012, art. 1.3. Disponible en ligne : http://www.flsd.gov.yk.ca/fr/pdf/GAM_Policy_1_7_French_Language_Policy_Rev_Dec_2012-FR.pdf (page consultée en mail 2016).
[178] Ibid, art 1.3.2.2.
[179] Ibid., art 1.3.2.5.
[180] Commission scolaire francophone du Yukon no. 23 c. Yukon (Procureure générale), 2014 YKCA 4, [2014] YJ no 110 (QL), para. 60.
[181] (Commission scolaire francophone du Yukon no. 23 c. Procureure générale du Territoire du Yukon, 2011 YKSC 57, [2011] YJ no 132 (QL), para. 801.
[182] Disponible en ligne : http://www.flsd.gov.yk.ca/fr/pdf/Framework-2014-18_FR.pdf (page consultée en mai 2016)
[183] LRY 2002, c 133.
[184] Voir le Règlement portant sur les bureaux réglementaires, YD 2003/79.