Sensibilisation des magistrats aux droits linguistiques

Il incombe aux juges d’honorer les droits linguistiques et d’en assurer le respect. Un manque de sensibilisation en matière des droits linguistiques de la part des juges peut nuire gravement aux droits fondamentaux de la personne, voire même violer ses droits d’accès à la justice dans la langue de son choix. C’est d’ailleurs le manque de sensibilisation aux droits linguistiques qui a entraîné des allégations liées à une des plaintes récemment reçue par mon bureau, soit l’affaire Dorcin. Cette nouvelle plainte soumise par une francophone de Toronto résume la mauvaise expérience qu’elle a vécue à la Cour des petites créances de Toronto. Non seulement la plaignante allègue dans cette affaire que l’offre active de services en français est quasi, voire totalement, inexistante, mais elle affirme aussi qu’un juge suppléant de la Cour des petites créances s’est montré insensible à ses droits linguistiques. Selon elle, le juge suppléant lui aurait refusé le droit d’obtenir une audience en français comme elle parlait l’anglais.

C’est en raison de cette absence de sensibilisation aux droits linguistiques que le Rapport 2012 soulignait la nécessité de lancer une campagne de sensibilisation au sein de la magistrature en vue de fournir des prestations de service en français équivalentes à celles offertes en anglais. Dans cette optique, le Rapport 2012 formulait trois recommandations destinées à la magistrature : 1) les droits linguistiques doivent être inclus dans la formation offerte à la  magistrature; 2) des ressources sur les droits linguistiques doivent être mises à la disposition de la magistrature; 3) un programme de mentorat destiné aux juges nouvellement nommés doit être instauré pour que des juges bilingues qualifiés conseillent ces derniers. Mon analyse de cette conclusion du Rapport 2012 et les recommandations en découlant peuvent être consultées ici.

Le Rapport 2015 indique que les trois recommandations ont été implémentées. Diverses présentations et conférences sur les droits linguistiques ont été organisées pour les juges et les juges de paix. Les trois tribunaux de l’Ontario ont mis en place des programmes de mentorat à l’intention des juges nouvellement nommés. De nouvelles ressources facilement accessibles en ligne, dont le site JURISOURCE de l’AJEFO, sont à la disposition de tous les juges et juges de paix. Il est même question de la mise au point d’un forum pour favoriser des discussions entre juges sur les droits linguistiques.

Je félicite donc les magistrats pour les efforts qu’ils déploient afin d’améliorer leurs connaissances en matière des droits linguistiques. Toutefois, malgré ces progrès, les plaintes concernant l’accès à la justice et le manque de sensibilisation aux droits linguistiques dans le système judiciaire ontarien, comme l’affaire Dorcin susmentionnée, ne sont malheureusement pas des cas isolés.  On doit avouer qu’il reste encore beaucoup à faire, surtout qu’il est possible que les juges suppléants de la Cour des petites créances (la plupart des avocats) aient échappé à la formation en matière des droits linguistiques.  J’appuie donc fortement la mesure proposée par le Rapport 2015 qui prévoit de mettre au point des programmes de formation continue sur la sensibilisation des droits linguistiques, offerts par des éducateurs comme l’Institut national de la magistrature.  J’ajouterai qu’il est crucial que tous les juges, juges de paix, y compris les juges suppléants (c’est-à-dire les juges de la Cour des petites créances, bilingues ou non), reçoivent régulièrement une formation obligatoire sur les droits linguistiques. Il est indéniable que le fait de sensibiliser les juges entraînera une égalité réelle en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles.

En attendant que ces mesures deviennent réalité, mon bureau continuera d’enquêter sur les plaintes reçues à cet égard, y compris celle concernant Mme Dorcin. À la lumière du Rapport 2015, notre nouveau défi sera de déterminer comment les nouveaux comités régionaux pour les services en français (dont il est question dans le premier billet), traitent les plaintes comme celle de l’affaire Dorcin. Selon le Rapport 2015, ces comités sont composés de représentants de la magistrature et du Ministère qui servent de personnes-ressources responsables des questions et des plaintes relatives aux services en français de chaque région. Comment le processus de plainte auprès de ces comités fonctionne-t-il? Comment pouvons-nous associer nos efforts?  Naturellement, je vous tiendrai au courant des développements.

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