« Bonjour, vous avez joint la boîte vocale de … »
Le ministère du Procureur général de l’Ontario a rendu public cet automne le rapport Améliorer l’accès à la justice en français : Une réponse au rapport Accès à la justice en français (« Rapport 2015 »). Le Rapport 2015 constitue la réponse aux constatations et aux recommandations du rapport Accès à la justice en français publié en 2012 (« Rapport 2012 »). Ce Rapport 2015 examine les progrès réalisés depuis la publication du Rapport 2012 et propose diverses autres mesures afin de poursuivre l’amélioration de l’accès à la justice en français. Comme ce thème est d’une importance capitale, je compter en faire un examen approfondi et présenter au public une série de billets au cours des prochains mois.
L’objectif du présent billet est d’examiner les mesures prises par le Procureur général de l’Ontario pour mettre en œuvre les recommandations découlant de la première conclusion du Rapport 2012. La première conclusion indiquait :
« Sans offre active de services en français au sein des tribunaux de l’Ontario et sans objectif clair, il se peut que les francophones ne puissent pas avoir accès à des services égaux et se sentir véritablement à l’aise dans un système conçu pour les anglophones. »
Le Rapport 2012 recommandait ainsi que le Procureur général de l’Ontario : 1) adopte un objectif de service clair et cohérent concernant la prestation des services en français au sein du système juridique ontarien; et 2) qu’il renouvelle son engagement à fournir des services en français en se fondant sur la notion de l’offre active.
En bref, l’objectif de service doit s’assurer que les services en français sont de qualité équivalente à celle des services en anglais, et que l’accès à ces services n’entraîne pas de délais ni de coûts supplémentaires. Pareillement, les services en français et le choix de procéder en français doivent être offerts activement dès le début de chaque instance et tout au long de son processus. En général, le terme « offre active » signifie que lorsqu’une personne se présente au comptoir d’un tribunal (ou dans tout autre secteur du système judiciaire) pour obtenir des renseignements sur les procédures à suivre pour intenter une action ou pour déposer un document ou encore pour simplement demander des informations, le préposé au comptoir l’accueille en disant : « Bonjour, puis-je vous aider? ». De plus, cet employé doit être réellement capable d’assister cette personne en français, c’est-à-dire qu’il doit maîtriser la langue française de façon adéquate. On entend par « offre active » l’obligation de fournir des affiches, des pancartes, des avis, etc. pour promouvoir l’existence des services en français et en encourager leur utilisation.
Selon le Rapport 2015, certaines mesures ont été prises par le Procureur général de l’Ontario afin de répondre aux deux recommandations du Rapport 2012 que j’ai soulignées ci-dessus.
Le Rapport 2015 montre que le ministère du Procureur général a rédigé une ébauche sur l’établissement des normes de services clairs et cohérents pour la prestation des services en français. Ce rapport indique que les normes en question font la promotion de l’offre active, prévoient une description claire des services fournis, ainsi qu’une promesse décrivant la qualité de service auquel on peut s’attendre. Par ailleurs, ces normes proposent de mesurer chaque année les résultats en matière des objectifs de rendement et offrent des mécanismes de plainte et de recours bien définis. Le Procureur général doit dorénavant finaliser, approuver, adopter et promouvoir ces normes afin de s’assurer qu’elles produisent les résultats escomptés. J’approuve cette initiative qui, comme le souligne le Rapport 2015, répond à la recommandation du Rapport 2012. J’appuie également la recommandation émise dans le Rapport 2015 suggérant que les objectifs de rendement relatifs aux normes du ministère du Procureur général ne devraient pas être fixes et permanents, mais modifiables pour répondre aux besoins des Franco-Ontariens, ce qui permettrait d’apporter les améliorations nécessaires au système judiciaire selon les besoins et en temps opportun.
Je suis néanmoins préoccupé par les initiatives concernant l’objectif de l’offre active. Certes, je ne conteste pas les mesures prises par le Procureur général et le gouvernement de l’Ontario telles que décrites dans le rapport 2015, pour sensibiliser les fonctionnaires et promouvoir la notion de l’offre active. J’applaudis l’élaboration des modules en ligne sur les services en français destinés aux fonctionnaires. Je me réjouis aussi de savoir qu’il est prévu d’ajouter des programmes de formation sur l’offre active grâce au financement de l’entente Canada-Ontario. Par ailleurs, comme le Rapport 2015 le rappelle, l’adoption du règlement 284/11 a permis d’introduire la notion de l’offre active dans le cadre règlementaire en Ontario, et d’exiger ainsi que les tierces parties qui offrent des services au nom du gouvernement de l’Ontario le fassent en se fondant sur la notion de l’offre active.
Nonobstant cette obligation légale et les mesures prises jusqu’ici, il reste des lacunes à combler au niveau de la prestation des services en français. L’offre active de la prestation des services en français n’est pas prise en compte dans des situations courantes comme les messageries vocales. Par exemple, présentement, le message du système vocal du Bureau des successions de Toronto est enregistré uniquement en anglais.
Même si j’applaudis les normes que propose le ministère du Procureur général et si j’appuie leur finalisation, approbation, adoption et promotion dans les plus brefs délais, je continue d’insister, comme le souligne mon dernier rapport annuel, sur le fait que les normes volontaires ne pourront pas produire les mêmes résultats qu’une directive obligatoire. Les normes de services proposées par le Procureur général, jumelées à une directive obligatoire précise sur l’offre active, pourraient contribuer à atteindre les objectifs recherchés pour améliorer l’accès à la justice en français. Cette double approche permettrait enfin d’entendre le message suivant en français après la tonalité : « Bonjour, vous avez joint la boîte vocale de….»