Rapport d’enquête — Centre Jules-Léger
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© Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 2015
ISBN 978-1-4606-6519-0 (Imprimé)
ISBN 978-1-4606-6520-6 (HTML)
ISBN 978-1-4606-6521-3 (PDF)
ISBN 978-1-4606-6529-9 (Audio)
Sommaire :
Version complète :
Table des matières
- Mise en contexte
- Méthodologie
- Historique du Centre Jules-Léger
- Les faits
- Différents enjeux écartés
- Gouvernance : quelques concepts
- Modèle qui porte atteinte à l’article 23 de la Charte
- Quelques constats
- Atteinte à l’intégrité et à la mission des deux écoles
- Là où le nombre le justifie : analyse prévisionnelle
- Là où le nombre le justifie : analyse du degré de gestion et de contrôle des questions linguistiques et culturelles
- Gestion par un conseil scolaire de langue française
- Création d’un Centre d’excellence de l’enfance en difficulté
- Rôle important des parents
- Mise en place d’un Comité consultatif pour l’enfance en difficulté
- Comité de transition
- Nécessité de prévoir des fonds suffisants
Conclusion
Annexe A : Liste des documents consultés
Annexe B : Modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger pour l’année scolaire 2014-2015
Annexe C : Règlement demandé par les plaignants
Annexe D : Comité consultatif pour l’enfance en difficulté
Annexe E : Inscriptions de 2004 à 2014 – Écoles provinciales et écoles d’application
Avant-propos
Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance d’être impliqué dans de multiples dossiers, souvent complexes, qui ont notamment enrichi ma perception des difficultés à vivre et à s’épanouir en milieu minoritaire. Mais peu de ces dossiers ont eu un impact aussi important sur moi que la présente enquête concernant la gouvernance du Centre Jules-Léger. Pour les élèves de ce centre, il ne s’agit pas seulement des difficultés liées à la langue française, mais du fait d’être doublement minoritaires. Certains ont en commun le français et la Langue des signes québécoise (LSQ). D’autres rencontrent aussi de graves difficultés d’apprentissage. Tous cherchent à être entendus et compris, à apprendre en toute sécurité, à ne pas être stigmatisés à leur retour dans les écoles dites régulières. Tous cherchent aussi à développer un sentiment d’appartenance à une communauté.
Mais de quelle communauté s’agit-il? D’une communauté franco-ontarienne sourde en déclin? D’une communauté qui inclut aussi tous ces professeurs et autres membres du personnel si dévoués, dont beaucoup ont accompli au Centre Jules-Léger le travail de leur vie? D’une communauté où les parents d’enfants sourds auront eux aussi la possibilité de s’assurer que leurs enfants soient éduqués, respectés et grandissent dans un environnement en français où tout espoir soit désormais permis? S’agit-il d’une communauté strictement ontarienne? Ne se trouve-t-il pas d’élèves sourds francophones ailleurs au pays qui pourraient bénéficier de l’expertise du Centre Jules-Léger et dont la présence recréerait possiblement cette communauté tant recherchée?
Je ne m’en cacherai pas, j’ai été profondément touché par nos rencontres d’élèves, de parents, d’éducateurs, d’administrateurs et de membres d’organismes sans but lucratif, souvent d’anciens élèves du Centre Jules-Léger. Certes, la portée de notre enquête a été limitée, et c’était voulu, car développer une analyse approfondie de tous les enjeux entendus aurait demandé une expertise et des connaissances hors du champ du Commissariat.
Je suis conscient que plusieurs seront probablement déçus des conclusions de cette enquête. Notre objectif n’était pas de plaire à tout le monde, mais de répondre à la question posée concernant la gouvernance du Centre Jules-Léger. Nous croyons avoir répondu de la manière la plus appropriée, la plus respectueuse du droit des parents et la plus responsable socialement et économiquement. Je suis également conscient que le personnel du Centre Jules-Léger ne veut que le bien-être des enfants sous sa garde. Mais au fil des dernières années, la perception que les décisions se prennent ailleurs, qu’on ne peut faire vivre le Centre à son plein potentiel, que rien ne va changer pour le mieux, a créé une atmosphère de travail relativement lourde à porter. Je comprends les membres du personnel de garder espoir – voilà pourquoi les solutions mises de l’avant dans ce rapport devront aussi répondre à leurs interrogations légitimes.
Les enjeux, il n’en manque pas. Comment concilier le fait que les parents, en règle générale, souhaitent le meilleur pour leurs enfants, mais qu’il faille parfois envoyer ceux-ci à des centaines de kilomètres pendant toute la semaine? Comment concilier la peur tout à fait légitime des parents qui craignent la disparition du Centre Jules-Léger ou l’amalgame à un conseil scolaire de langue française où ils seraient noyés dans un système qui ne les comprendrait pas? À cet égard, plusieurs parents croient, à tort je l’espère, que les conseils scolaires souhaitent mouler l’enfant au système et non l’inverse, dans l’intérêt de l’enfant.
Comment s’assurer que l’enfant sourd apprenne la LSQ s’il ne peut vivre dans une communauté où l’apprentissage est autrement facilité par les nombres? Pour de nombreux parents, non seulement aucun conseil scolaire de langue française n’est équipé pour enseigner la LSQ, mais les fonctionnaires y œuvrant ne sont pas sensibles aux besoins particuliers des élèves et des parents. Ce sont là des commentaires lourds de sens et les conseils scolaires de langue française devront être conscients de cette méfiance à leur égard.
Comment s’assurer que les parents disposent d’un choix véritable pour leurs enfants, étant donné les ressources disponibles du côté anglophone et le pouvoir d’attraction d’installations modernes et bien arrimées? Mais du même souffle, il importe d’ajouter que l’intérêt des parents n’est peut-être plus de favoriser l’apprentissage de la LSQ, ni même de l’American Sign Language (ASL). Bien entendu, les chiffres ne mentent pas quant aux inscriptions en déclin au Centre Jules-Léger. Du même coup, il y a lieu de se demander pourquoi il en est ainsi. Est-ce en raison des politiques administratives établies, comme la fameuse règle des soixante-dix minutes de proximité si souvent invoquée au cours de nos rencontres? Ou est-ce parce que les conseils scolaires de langue française deviennent aussi de plus en plus performants, tant au niveau des difficultés graves d’apprentissage qu’au niveau des services aux enfants francophones sourds ou malentendants? Ou est-ce en raison du manque de promotion et de visibilité des services offerts par le Centre Jules-Léger? Ou des avancées médicales? Encore une fois, le Commissariat n’est pas en mesure de répondre à toutes ces questions. Ce n’est pas son mandat non plus.
D’un autre côté subsiste la perception très claire selon laquelle après un certain nombre d’années d’existence, surtout en relatif vase clos, il peut y avoir une culture de l’immobilisme au Centre Jules-Léger, impropre aux changements pourtant nécessaires dans une société moderne et en mouvance. Les solutions proposées dans ce rapport prennent aussi cela en considération.
Tous veulent voir le Centre Jules-Léger renaître, redevenir un centre de référence, un modèle pour d’autres. Un endroit doté d’une vision commune, où il sera permis d’innover et d’avoir les coudées suffisamment franches pour prendre des décisions parfois osées, mais toujours en fonction de l’intérêt de la jeune clientèle desservie. Je ne peux que souhaiter que les conseils scolaires de langue française, par le biais du CODELF, soient visionnaires et non seulement opérationnels. Je souhaite, comme l’ont exprimé les dirigeants des conseils scolaires, qu’il y ait centralisation décisionnelle, mais accompagnée d’une décentralisation au niveau des services. Je souhaite qu’enfin une gestion responsable et visionnaire soit aussi au cœur de la recherche renouvelée afin de faire de cet endroit un véritable centre d’excellence.
Un grand merci à Mme Madeleine Champagne, consultante en éducation et ex-membre de la haute direction des conseils scolaires. Son expertise et son expérience ont permis de poser de bonnes questions, de faire les constats qu’il fallait et d’émettre des recommandations pertinentes. Toute erreur ou omission n’est toutefois nullement sa responsabilité, mais plutôt la mienne.
Je tiens finalement à remercier chaleureusement tous ces gens qui nous ont rencontrés, qui nous ont offert de leurs temps, de leurs idées, et qui ont fait valoir leurs passions inébranlables. À tous ces gens, parents, élèves, anciens élèves, administrateurs et membres du personnel, membres des conseils scolaires de langue française, merci.
Le commissaire aux services en français de l’Ontario,
Me François Boileau
Sommaire
Depuis quelques années, les parents et les élèves du Centre Jules-Léger à Ottawa remettent en question le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger. Ils revendiquent des changements. Ces parents et élèves sont autant ceux de l’École provinciale pour les élèves francophones sourds, malentendants, aveugles puis sourds et aveugles que ceux de l’École d’application pour les élèves francophones avec des difficultés d’apprentissage, soit les deux écoles du Centre.
Bien qu’ils aient accès à une éducation spécialisée en langue française, ceux-ci n’ont pas le pouvoir de prendre des décisions relatives au Centre Jules-Léger. En effet, toutes les décisions sur l’admission des élèves ou l’offre de programme sont prises par le ministère de l’Éducation de l’Ontario et ses représentants.
Le problème central soulevé dans le présent rapport d’enquête et qui a trait à la gouvernance réside donc dans l’absence de gestion autonome du Centre par et pour les francophones. La structure actuelle ne comprend aucun conseil d’administration qui puisse gérer le Centre, du fait que ce dernier ne relève pas d’un conseil scolaire de langue française, mais plutôt directement et ultimement de la ministre de l’Éducation de l’Ontario.
Or, la Cour suprême du Canada a conclu, à plusieurs reprises, que la communauté d’expression française de l’Ontario possède bel et bien un droit de gestion et de contrôle sur les programmes et les établissements d’éducation en langue française. Ce droit est d’ailleurs garanti par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi, comme le démontre ce rapport d’enquête, en n’octroyant pas un certain degré de gestion et de contrôle aux membres des communautés desservies par le Centre Jules-Léger, le ministère de l’Éducation contrevient à ses obligations en vertu de l’article 23 de la Charte.
C’est dans ce contexte que le commissaire recommande que le Centre Jules-Léger, centre d’excellence de l’enfance en difficulté, soit gouverné par l’un des douze conseils scolaires de langue française dit de tutelle. Il recommande de plus que la ministre de l’Éducation de l’Ontario y maintienne l’offre de programmes actuels et reconnaisse officiellement que le tout soit sous la gouverne des francophones de l’Ontario. À cet effet, le Conseil ontarien des directrices et directeurs de l’éducation de langue française (CODELF) pourrait être ultimement responsable de choisir le conseil scolaire de tutelle responsable des services présentement offerts par le Centre Jules-Léger.
À cette fin, le commissaire recommande qu’un comité de transition soit mis en place. Ce comité devra être formé au plus tard en septembre 2015 et effectuer ses recommandations au plus tard en décembre 2015. Le commissaire demande de plus que les recommandations de ce comité soient reçues favorablement et que la ministre de l’Éducation se montre à l’écoute des demandes financières du comité de transition. Le tout dans le but d’assurer le succès véritable du Centre Jules-Léger et de son mandat renouvelé.
De surcroît, le commissaire recommande que la rentrée scolaire de septembre 2016 s’effectue de façon ordonnée sous l’égide du conseil scolaire de langue française choisi afin que tout soit en place pour accueillir les élèves. Des décisions doivent être prises rapidement.
Pour le commissaire, ce conseil scolaire de langue française devra être responsable de dispenser les programmes et les services pour les enfants francophones de la province et des élèves des conseils scolaires de langue française de la province. De même, le commissaire recommande que le conseil scolaire soit responsable, pour les deux écoles, des ressources humaines, de l’immobilisation, des finances, de l’enseignement et des services connexes, du curriculum, du transport, du service informatique, de la formation professionnelle ainsi que de la recherche et du développement.
Le présent rapport permet également de souligner la perte en 1995 du mandat de recherche et de développement du Centre Jules-Léger. C’est ce qui mène le commissaire à recommander qu’un centre de recherche et de développement offrant formation et perfectionnement professionnel soit créé.
Du côté des parents, le commissaire conclut au terme de la présente enquête que ces derniers jouissent de droits linguistiques indéniables en vertu de l’article 23 de la Charte et qu’il importe donc de les consulter.
Pour cette raison, il émet la recommandation d’établir un conseil d’école pour les parents d’élèves du Centre Jules-Léger qui inclue aussi une représentation des élèves.
Enfin, tel que le prévoit la Loi sur l’éducation, un comité consultatif pour l’enfance en difficulté joue un rôle important au sein d’un conseil scolaire. Dans cette optique, le commissaire recommande que soit assurée une représentation de personnes ayant les mêmes exceptionnalités que celles desservies par le Centre Jules-Léger au sein du comité consultatif de l’enfance en difficulté du conseil scolaire de langue française responsable de la gestion du Centre Jules-Léger. Dans le même ordre d’idées, il recommande qu’un comité consultatif provincial de l’enfance en difficulté soit mis en place, spécifiquement pour discuter des enjeux relatifs au Centre Jules-Léger.
Ce rapport d’enquête met en lumière le fait que le gouvernement de l’Ontario est en mesure d’octroyer les droits à la minorité linguistique francophone comme le prévoit la Charte. C’est en ce sens que le commissaire émet les huit présentes recommandations afin de doter le Centre Jules-Léger d’une structure de gouvernance autonome au bénéfice des francophones qui la géreront.
1 Mise en contexte
Suivant la réception d’une série de plus d’une vingtaine de plaintes concernant la gouvernance du Centre Jules-Léger, le Commissariat aux services en français de l’Ontario a procédé à une enquête sur la question. Le problème principal vient du fait que le Centre Jules-Léger relève de deux directions du ministère de l’Éducation: la Division de l’éducation en langue française, de l’éducation autochtone et de la recherche, en ce qui concerne le programme, et la Division de l’apprentissage et du curriculum (Division de langue anglaise) pour toutes questions de fonctionnement. Les parents n’ont aucune occasion (sauf à titre consultatif) d’exercer leur droit démocratique de représentation dans les prises de décision concernant l’éducation de langue française de leurs enfants, aucune forme de gouvernance n’étant en place.
Le Commissariat souhaite, d’entrée de jeu, souligner l’entière collaboration du ministère de l’Éducation dans ce dossier. En effet, ses représentants ont facilité les nombreuses rencontres de consultation et ont fait parvenir en temps opportun divers documents pertinents qui ont été utiles au personnel du Commissariat.
1.1 Plaintes reçues
Le Commissariat aux services en français de l’Ontario a reçu plus d’une vingtaine de plaintes concernant la gouvernance du Centre Jules-Léger. Les plaignants jugent inacceptable « la subjugation du Centre Jules-Léger au Provincial Schools Branch et ultimement aux ordonnances du gouvernement de l’Ontario par l’intermédiaire de son ministère de l’Éducation », et estiment que « cela porte atteinte à l’intégrité de cette institution scolaire franco-ontarienne, à sa mission, à ses mandats, à ses programmes, à ses pratiques exemplaires ainsi qu’à l’avenir même de ses services éducationnels essentiels et uniques dans les domaines de la surdité, de la cécité, de la surdicécité, des troubles d’apprentissage et des troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité. » Les plaignants s’interrogent à savoir pourquoi l’école provinciale et l’école d’application du Centre Jules-Léger sont « les dernières écoles de langue française de l’Ontario n’ayant pas encore acquis leur droit de gestion en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés », une gestion par et pour les francophones.
Les plaignants font état d’allégations de réduction, de retrait de services et de perte de l’identité francophone et culturelle des écoles du Centre Jules-Léger depuis la prise en charge du Centre par le ministère de l’Éducation en 1995. Ils déplorent le manque de reconnaissance des besoins et des réalités des francophones, en particulier celles de la communauté minoritaire francophone qui s’exprime en Langue des signes québécoise (ci-après la « LSQ »). Cette communauté détient les mêmes droits que tous les autres francophones en ce qui a trait à la vitalité de sa langue, de sa culture et de sa communauté.
Certains plaignants ont souligné les limites imposées à l’indépendance et à l’autonomie du Centre Jules-Léger. Par exemple, le mandat de recherche et de développement ainsi que celui de perfectionnement professionnel du personnel des conseils scolaires de langue française ont été retirés du Centre à la fin du partenariat avec l’Université d’Ottawa. De plus, selon les plaignants, le fonctionnement doit être identique aux écoles provinciales et d’application de langue anglaise. Cela, disent-ils, va totalement à l’encontre du cheminement historique de l’éducation de langue française et des droits constitutionnels à une éducation par et pour les francophones adaptée à leurs spécificités.
Les plaignants ajoutent que la proposition de transfert du Centre Jules-Léger à un conseil scolaire de langue française tel que le préconise la Commission de réforme des services publics de l’Ontario (Rapport Drummond, 2012) – recommandation 6-19 – n’a aucunement pour fondement le respect des droits des francophones, mais bien le motif strictement économique «d’assainir les finances publiques. »
2 Méthodologie
Dans le cadre de l’enquête, une équipe du Commissariat aux services en français a procédé à une série de démarches afin de mieux saisir la situation. Chacune d’elles sont exposées à la page suivante.
2.1 Démarches entreprises
- Analyse des plaintes reçues au Commissariat aux services en français
- Études de documents afférents1, dont les rapports suivants :
- Leduc-Lévesque – La révision du Centre Jules-Léger : Une nouvelle organisation pour une prestation améliorée (2005) ;
- Deloitte – Direction des écoles provinciales, Examen des services en établissement (2008) ;
- Bernard-Boulianne – Rapport d’établissement des faits, Examen des préoccupations exprimées par les élèves du Centre Jules-Léger (2011) ;
- Drummond – Commission de réforme des services publics de l’Ontario, Des services publics pour la population ontarienne : CAP sur la viabilité et l’excellence (2012).
Rencontres de consultation avec les personnes suivantes :
- Les plaignants
- La haute direction du ministère de l’Éducation :
- – Division de langue française, de l’éducation autochtone et de la recherche
- – Division de l’apprentissage et du curriculum
- L’administration du Centre Jules-Léger :
- deux surintendances (actuelle et précédente)
- deux directions des deux écoles
- la direction des programmes (retraité)
- le gestionnaire du service résidentiel
- Les membres du Conseil d’orientation du Centre Jules-Léger
- Des membres du personnel du Centre Jules-Léger :
- école provinciale
- école d’application
- Des élèves du Centre Jules-Léger
- école provinciale
- école d’application
- La majorité des directions de l’éducation des conseils scolaires de langue française et des cadres responsables des services à l’enfance en difficulté dans les conseils scolaires de langue française.
- Des représentants de l’Association ontarienne des sourd(e)s francophones (ci-après « AOSF »)
- Des représentants du Regroupement des parents et amis des enfants sourds et malentendants franco-ontariens (ci-après le « RESO »).
3 Historique du Centre Jules-Léger
Le bref historique qui suit prend sa source dans le rapport Leduc-Levesque (La révision du Centre Jules-Léger : Une nouvelle organisation pour une prestation améliorée – juin 2005).
3.1 Les débuts2
« La notion d’une école d’application à l’intention des élèves atteints de troubles graves d’apprentissage est née de la préoccupation qu’avait le ministère de l’Éducation par rapport aux nombreux élèves ontariens qui s’inscrivaient dans les écoles privées américaines spécialisées dans ce domaine. […] C’est une décision de la cour ontarienne en 1976 qui a poussé le gouvernement ontarien à prendre action pour pallier à ce besoin. Dans le cas « David Bruyn » contre le Gouvernement de l’Ontario, la cour a statué qu’il était de la responsabilité de la province de fournir les services spécialisés à ce jeune d’âge scolaire et ainsi de rembourser les frais encourus par la famille pour les services scolaires offerts par l’école privée fréquentée par leur enfant3. »
« […] C’est en 1977 que la Direction de l’enfance en difficulté du ministère de l’Éducation en collaboration avec la Division de l’enfance du ministère des Affaires communautaires et sociales a initié les discussions pour la création d’une école provinciale à l’intention des élèves avec troubles graves d’apprentissage, dont la condition exigeait un placement en internat – c’est-à-dire un centre d’intervention à temps complet, soit vingt-quatre heures par jour. C’est ainsi qu’est né le projet du premier internat en difficulté d’apprentissage. Cet internat était d’abord un projet expérimental ayant un triple mandat: un programme scolaire, un programme résidentiel et un programme de formation. C’était la naissance de deux écoles de démonstration : l’une maintenant connue sous le vocable Trillium Demonstration School, à l’intention des élèves de langue anglaise, et l’autre, le Centre Jules-Léger à l’intention des élèves de langue française. Dès le départ, la Trillium School a été logée à l’E.C. Drury Provincial School, une école provinciale pour les sourds. Toutefois, Trillium opérait comme entité distincte […]. Cette école débuta ses activités en 19784. »
Le Centre Jules-Léger a ouvert ses portes en 1979. « Étant donné qu’il n’existait aucune école provinciale de langue française, le ministère de l’Éducation a décidé d’établir un partenariatavec une entité déjà engagée aux services de la communauté scolaire de langue française en Ontario5 », soit la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.
En plus des trois mandats mentionnés précédemment, un quatrième mandat de recherche et de développement a été confié au Centre Jules-Léger. « Ce 4e mandat avait été jugé nécessaire à cause de la grande carence de matériel d’évaluation et d’apprentissage en français dans le domaine des troubles d’apprentissage, surtout en milieu scolaire minoritaire6. »
3.2 Récents développements7
En 2014, le Centre Jules-Léger a célébré ses trente-cinq ans d’existence. Au cours de cette période, différents changements sont survenus. Entre 1979 et 1995, la responsabilité du fonctionnement du Centre avait été déléguée par le ministère de l’Éducation à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. « Depuis 1995, le ministère de l’Éducation (Provincial Schools Branch) a pris en main la responsabilité totale de l’opération du Centre pour la confier au Provincial Schools Branch8. » Il est à noter qu’au moment de la prise en charge du Centre Jules-Léger par le ministère de l’Éducation, le mandat de recherche et développement a été retiré du Centre. Puis, lors de la rédaction du rapport Leduc-Levesque en juin 2005, c’était toujours cette division qui en assumait la responsabilité9.
En 2004, le mouvement SOS Centre Jules-Léger a pris forme dans le but de revendiquer le respect des droits constitutionnels des parents d’élèves fréquentant le Centre Jules-Léger : l’éducation pour et par les francophones.
Suivant les recommandations de l’étude menée par Ronald Leduc et Denis Levesque, il a été décidé que le Centre Jules-Léger relèverait de la Direction des politiques et programmes d’éducation de langue française pour l’aspect des programmes. De plus, un Conseil d’orientation a été créé. Le mandat du Conseil est de fournir des avis à la haute direction de la Division de l’éducation en langue française, de l’éducation autochtone et de la recherche du ministère de l’Éducation sur la prestation des programmes et services aux élèves francophones, et de proposer des moyens appropriés pour consulter la communauté francophone. (Certains des plaignants ont indiqué que ce conseil ne prenait pas en considération les demandes des francophones. De plus, le fait que deux divisions se partagent le leadership crée des ambiguïtés et des défis de diffusion de l’information. La perception est que « les divisions se renvoient la balle» et, conséquemment, certaines questions demeurent sans réponse.)
En 2011, une plainte a été acheminée au Commissariat aux services en français alléguant que le ministère de l’Éducation n’offrait pas aux élèves francophones, sourds, malentendants et sourds et aveugles de programmes ou de services adéquats ni équivalents à ceux offerts à la majorité.
En 2013-2014, de nouveau, le Commissariat était saisi de vingt-deux plaintes concernant la gouvernance du Centre Jules-Léger, laquelle ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
L’offre des programmes et des services a évolué au cours des années. Ce qui suit établit très brièvement la chronologie des faits :
Dates / Mandat
1979 à 1986
École d’application offrant, à l’intérieur de ses quatre mandats (fournir des programmes résidentiel, scolaire, de formation pédagogique et de recherche et de développement), des services scolaires et résidentiels à l’intention d’élèves atteints de troubles graves d’apprentissage provenant d’écoles de langue française.
1984
Élargissement du mandat pour inclure les élèves atteints de troubles du langage, en particulier l’aphasie.
1986
Suivant une étude concernant les besoins de la population d’élèves francophones atteints de surdité (1985), mise en place de programmes et services pour cette population incluant des services aux enfants d’âge préscolaire et à leurs parents. (À noter que les anglophones profitaient depuis un bon moment de tels services).
1988
Établissement de programmes et services à l’intention d’élèves atteints de surdicécité.
1989
Création de l’école provinciale et mise en place de services en surdicécité.
1999
Établissement de programmes et services à l’intention d’élèves ayant des troubles déficitaires d’attention et d’hyperactivité (TDAH).
2002
Offre d’un service en surdicécité à l’École Marius-Barbeau en collaboration avec le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE).
4 Les faits
Le Centre Jules-Léger est constitué de deux écoles : l’École provinciale et l’École d’application.
4.1 École provinciale
L’École provinciale a été créée en vertu de l’article 13 de la Loi sur l’éducation10 et du Règlement sur les écoles provinciales pour aveugles et pour sourds11 et offre des programmes et des services, dont un internat de langue française, aux élèves admissibles à l’école de langue française qui sont sourds12, malentendants, aveugles ou sourds et aveugles.
L’École provinciale a pour mission « d’offrir des programmes d’éducation de qualité aux élèves sourds, malentendants, aveugles, en basse vision ou sourds-aveugles francophones de l’Ontario pour lesquels aucun programme approprié n’existe dans leur collectivité13». L’École provinciale enseigne à ses élèves la Langue des signes québécoise, le français et l’anglais, dans un environnement qui favorise le bilinguisme et la diversité culturelle14. L’École provinciale offre également un programme d’internat qui est destiné aux « élèves sourds ou malentendants ainsi qu’à certains […] élèves sourds-aveugles qui pourraient bénéficier d’un bain de langage signé où justement la Langue des signes québécoise est privilégiée15».
En vertu du Règlement sur les écoles provinciales pour aveugles et pour sourds, un élève est admissible à l’École provinciale s’il a moins de vingt et un ans et qu’en raison d’un « handicap visuel ou d’un handicap auditif, ou des deux, attesté par un médecin dûment qualifié, il a besoin de suivre un programme d’enseignement à l’enfance en difficulté16». Pour être admissible, l’élève doit avoir un parent résident de l’Ontario ou, s’il a dix-huit ans ou plus, être lui-même résident de l’Ontario17.
L’École provinciale offre également des services de consultation aux élèves inscrits dans les écoles des douze conseils scolaires de langue française de l’Ontario afin :
- d’offrir un appui au niveau de l’évaluation des besoins des élèves sourds18;
- d’offrir des services aux enfants d’âge scolaire,à leurs parents, ainsi qu’aux conseils scolaires desquels ces enfants relèvent, y compris l’évaluation des élèves et la transcription en braille ou en gros caractères de matériel scolaire19;
- d’offrir des services d’appui aux enfants sourds et aveugles, aux parents, aux conseils scolaires de langue française et aux centres de la petite enfance20;
- d’offrir des services préscolaires aux parents d’enfants sourds ou malentendants, y compris des visites au foyer afin, entre autres, « d’accompagner les parents dans leur choix d’un mode de communication à l’intention de leur enfant sourd ou malentendant21» ;
- d’offrir des services aux enfants sourds et aveugles d’âge préscolaire, ainsi qu’à leur famille, y compris des visites à domicile et dans des centres de la petite enfance au sujet de la communication et de la « programmation sensorielle22».
4.2 École d’application
L’École d’application a été créée par l’article 13 de la Loi sur l’éducation et par le Règlement sur l’identification et le placement des élèves en difficulté23.
L’École d’application est, entre autres, un internat de langue française à l’intention des élèves admissibles à l’école de langue française en Ontario qui ont des troubles graves d’apprentissage ou qui ont des difficultés d’apprentissage.
Le mandat de l’École d’application :
consiste […] à traiter chez l’enfant sa difficulté à apprendre, justement pour en faire un apprenant ou une apprenante plus efficace. Pour ce faire, nous nous inspirons des résultats de recherches récentes effectuées en psycho-sociolinguistique et en neurolinguistique. Ainsi, nous préconisons l’installation de processus métacognitifs susceptibles d’activer les apprentissages autrement difficiles pour nos élèves. Lorsque nos objectifs seront atteints, tant à l’école qu’à la résidence, l’enfant aura appris à apprendre et sera, subséquemment, plus disposé à comprendre ce qui lui sera enseigné à l’école au moment de sa réintégration, après un séjour de un (1) an ou plus jusqu’à concurrence de deux ans chez nous24.
En vertu de la note 89 du ministère de l’Éducation concernant les internats pour enfants en difficulté d’apprentissage, un élève est admissible à l’École d’application si les conditions suivantes sont réunies :
- il présente une grave difficulté d’apprentissage ;
- il a besoin « de suivre un programme dispensé dans le cadre d’un internat » ;
- son admission a été recommandée par un comité d’identification, de placement et de révision25;
- un professionnel de la santé mentale a déterminé, à une date récente, que l’élève n’a pas besoin d’être suivi pour des problèmes de comportement affectif ou autre ;
- l’élève a rencontré un conseiller de l’École d’application26.
L’expression « difficulté d’apprentissage » est définie dans la note 89 par le ministère de l’Éducation :
Difficulté éprouvée tant sur le plan des études que sur le plan social, dans l’un ou l’autre des processus nécessaires à l’utilisation des symboles de communication ou du langage parlé :
- qui n’est pas essentiellement due à :
- une déficience visuelle ;
- une déficience auditive ;
- un handicap physique ;
- une déficience mentale ;
- une perturbation affective primaire ;
- une différence culturelle ;
- qui entraîne un écart considérable entre le rendement scolaire et l’aptitude intellectuelle ainsi que des déficiences dans :
- le langage réceptif (écoute, lecture) ;
- l’assimilation du langage (pensée, idéation, intégration) ;
- le langage expressif (parole, orthographe, écriture) ;
- le calcul ;
- qui peut être associée à :
- un trouble de la perception ;
- une lésion cérébrale ;
- un dysfonctionnement cérébral mineur ;
- la dyslexie ;
- l’aphasie d’évolution27.
En créant l’École d’application, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a reconnu qu’« il existe néanmoins un petit nombre d’élèves qui présentent de graves difficultés d’apprentissage et qui ont besoin des installations dont dispose un internat28». De plus, afin de remplir son mandat, l’École d’application limite les inscriptions à quarante élèves afin de former un maximum de cinq groupes de huit personnes29.
4.3 Écoles provinciales et d’application anglophones de l’Ontario
Le ministère de l’Éducation opère quatre écoles provinciales de langue anglaise en Ontario :
- Sir James Whitney School for the Deaf à Belleville ;
- W. Ross Macdonald School for the Blind à Brantford ;
- Ernest C. Drury School for the Deaf à Milton ;
- Robarts School for the Deaf à London.
Le ministère de l’Éducation opère également trois écoles d’application de langue anglaise en Ontario pour environ cent vingt élèves30 :
- Saganoska Demonstration School à Belleville ;
- Amethyst Demonstration School à London ;
- Trillium Demonstration School à Milton.
4.4 Modèle de gouvernance actuel du Centre Jules-Léger
En 2014, le Centre Jules-Léger, qui inclut tant l’École provinciale que l’École d’application, était géré par le ministre de l’Éducation31.
Le ministère de l’Éducation a créé l’organisme « Administration des écoles provinciales » :
[l]’administration des écoles provinciales [qui inclut le Centre Jules-Léger] a été créée afin d’être l’employeur officiel des enseignantes et des enseignants, des directrices et des directeurs ainsi que des directrices adjointes et des directeurs adjoints des ministères de l’Éducation, et de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Elle conserve les contrats des enseignants, négocie leur convention collective, se charge de l’administration des griefs à la deuxième étape et au stade de l’arbitrage et conseille les dirigeants des ministères sur l’administration de la convention collective32.
Le Centre Jules-Léger compte deux directions d’école – une pour l’École provinciale et une pour l’École d’application –, ainsi qu’un gestionnaire des services résidentiels, qui se rapportent au surintendant du Centre Jules-Léger. Le surintendant du Centre Jules-Léger se rapporte à la Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, un employé du ministère de l’Éducation, en ce qui a trait aux programmes du Centre Jules-Léger, et se rapporte à la Direction des écoles provinciales en matière de finances et de soutien administratif du Centre Jules-Léger33. L’annexe B comprend un organigramme décrivant le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger.
4.5 Statistiques concernant les inscriptions
Selon la haute direction du ministère de l’Éducation, en 2014-2015, treize élèves (dix élèves de jour et trois en résidence) étaient inscrits à l’École provinciale34. Le site Web du Centre Jules-Léger présente également le nombre d’élèves inscrits aux différents services de l’École provinciale, mais il ne précise pas l’année en question.
Selon les informations obtenues du ministère de l’Éducation, environ trente-huit élèves étaient inscrits à temps plein à l’École d’application au cours de l’année scolaire 2014-201535.
Mais indépendamment du nombre d’élèves qui ont défilé au cours des ans au Centre Jules-Léger, indépendamment du nombre d’élèves actuellement inscrits au Centre et indépendamment du nombre d’élèves à venir, le droit à la gestion scolaire existe. Ces élèves reçoivent des services répondant à leurs besoins et anomalies et ces services doivent être offerts en fonction d’une gestion par et pour les francophones.
5 Différents enjeux écartés
Certaines des questions abordées par les plaignants ou lors des consultations des différents intervenants, quoique très intéressantes et significatives, ne peuvent être prises en considération dans les conclusions ou dans les recommandations découlant de l’enquête. En effet, certains des sujets touchés vont au-delà du mandat du Commissariat. D’ailleurs, au cours des échanges, le commissaire a été très clair et précis à ce sujet. Il a insisté sur le fait que ce n’était ni de son recours, ni de son expertise, de proposer les approches pédagogiques les plus efficaces et de prendre position sur les conditions de travail. Il n’entend pas non plus procéder à l’analyse comparative des programmes, services et ressources des écoles provinciales, ni à une analyse financière exhaustive. De même, le commissaire ne s’est pas laissé entraîner dans le débat du statut des résidences du Centre Jules-Léger, reconnaissant que les prises de position de part et d’autre sont aussi vives que méritoires. Il n’est pas du ressort du Commissariat de tenir compte des considérations syndicales et autres politiques de ressources humaines dans le cadre de la présente enquête portant sur la gouvernance du Centre Jules-Léger. Le point de mire pour le Commissariat est la gouvernance par et pour les francophones ainsi que le respect du droit démocratique des parents d’être représentés dans les prises de décision majeures concernant l’éducation en langue française de leurs enfants : l’orientation des programmes et des services à l’intention de la population desservie et le fonctionnement de l’institution qui offre le service.
6 Gouvernance : quelques concepts
6.1 Gouvernance dans l’éducation en langue française en Ontario
Afin de savoir si le modèle de gouvernance actuel du Centre Jules-Léger, donc tant l’École provinciale que l’École d’application, porte atteinte à l’intégrité de cet établissement scolaire de langue française, à sa mission, à ses mandats et à ses programmes, il convient de définir le terme « gouvernance ».
En 2011, le ministère de l’Éducation a adopté la Politique de consultation en matière de gouvernance de l’éducation en langue française, en reconnaissance de l’importance de consulter les partenaires en éducation de langue française « sur des propositions de projets d’amendements à la Loi sur l’éducation ou ses règlements36». Cette politique a pour objectif de « décrire la façon de procéder s’il est déterminé que des consultations auront lieu afin d’identifier les faits et les questions connexes qui pourraient apporter des changements en matière de gouvernance de l’éducation en langue française37.» Dans le cadre de cette politique, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a défini la gouvernance comme « la gestion et le contrôle des aspects linguistiques et culturels de l’éducation en langue française38 ». Bien que le dictionnaire Larousse définisse le terme gouvernance comme une « manière de gérer, d’administrer39 », dans le contexte de l’éducation en langue française, la gouvernance s’apparente davantage à la définition du terme autonomie, soit la « situation d’une collectivité, d’un organisme public doté de pouvoirs et d’institutions leur permettant de gérer les affaires qui leur sont propres sans interférence du pouvoir central40 ».
« […] la gouvernance est l’exercice de l’autorité, de l’orientation et de la responsabilité au service de la raison d’être de l’éducation financée par les fonds publics. Une structure de gouvernance définit les rôles, les relations et les paramètres de comportement du conseil et de son personnel. En éducation, la pierre de touche d’une structure de gouvernance est son efficacité pour ce qui est de promouvoir et de soutenir les normes de rendement d’un conseil scolaire, d’atteindre les résultats positifs recherchés pour la communauté et de faire preuve de responsabilité41. »
« La priorité absolue d’un conseil scolaire, c’est de mettre en place les conditions voulues pour fournir à chaque élève une éducation de haute qualité qui lui permettra de réussir à l’école et dans la vie42. »
Les tribunaux canadiens se sont penchés à maintes reprises sur l’interprétation à donner à l’expression « gestion et contrôle » dans le contexte de l’éducation de langue française. Dans le Renvoi sur la Loi sur l’éducation en Ontario de 1984, le droit de la minorité linguistique d’être gérée et contrôlée par des représentants de la communauté d’expression française a été reconnu dans le domaine de l’éducation43, mais c’est dans le contexte de l’affaire Mahé c. Alberta44, en 1990, que la Cour suprême du Canada a précisé avec certitude le contenu de ce droit garanti par l’article 23 de la Charte.
6.1.1 Étendue du pouvoir des représentants des communautés d’expression française
Dans l’affaire Mahé, la Cour suprême du Canada a réitéré l’importance du droit de « gestion et contrôle » pour les communautés d’expression française.
La Cour suprême du Canada a reconnu que les communautés d’expression française ont le droit, là où il existe suffisamment d’enfants admissibles à l’école de langue française, à des établissements qui leur appartiennent. Incidemment, les représentants des communautés d’expression française devraient avoir une certaine mesure de gestion et de contrôle à l’égard de ces établissements45. Ce pouvoir est nécessaire afin de :
« préserver et promouvoir la langue et la culture de la minorité partout au Canada […] Cette gestion et ce contrôle sont vitaux pour assurer l’épanouissement de leur langue et de leur culture. Ils sont nécessaires parce que plusieurs questions de gestion en matière d’enseignement (programmes d’études, embauchages [sic] et dépenses, par exemple) peuvent avoir des incidences sur les domaines linguistique et culturel. Je tiens pour incontestable que la vigueur et la survie de la langue et de la culture de la minorité peuvent être touchées de façons subtiles, mais importantes par les décisions prises sur ces questions46. »
Selon la Cour suprême du Canada, ce pouvoir est également nécessaire puisque la majorité de langue anglaise en Ontario ne peut pas tenir compte des besoins de la minorité de langue française, ni d’un point de vue linguistique ni d’un point de vue culturel : « On ne peut attendre de la majorité qu’elle comprenne et évalue les diverses façons dont les méthodes d’instruction peuvent influer sur la langue et la culture de la minorité47. »
6.1.2 Mandat culturel de l’école de langue française
Selon la Cour suprême du Canada, l’objet de l’article 23 de la Charte est de « maintenir les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu’elles représentent48 ». L’importance de l’école de langue française afin de transmettre la langue et la culture de langue française est fondamentale :
« Toute garantie générale de droits linguistiques, surtout dans le domaine de l’éducation, est indissociable d’une préoccupation à l’égard de la culture véhiculée par la langue en question. Une langue est plus qu’un simple moyen de communication ; elle fait partie intégrante de l’identité et de la culture du peuple qui la parle. C’est le moyen par lequel les individus se comprennent eux-mêmes et comprennent le milieu dans lequel ils vivent49. »
Tout récemment, dans l’affaire Rose-des-vents, la Cour suprême du Canada a davantage précisé sa pensée en indiquant que :
« L’article 23 vise la préservation de la culture et de la langue. Comme l’a souligné la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, « langue et culture ne sont pas synonymes, mais le dynamisme de la première est indispensable à la préservation intégrale de la seconde » (Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, volume II, L’éducation (1968), p. 8)50. »
Ainsi, les écoles de langue française « servent elles-mêmes de centres communautaires qui peuvent favoriser l’épanouissement de la culture de la minorité linguistique et assurer sa préservation. Ce sont des lieux de rencontre dont les membres de la minorité ont besoin, des locaux où ils peuvent donner expression à leur culture51. »
6.1.3 Limites du pouvoir de gestion et de contrôle des aspects linguistiques et culturels : justification par les nombres
L’article 23 de la Charte fait état de droits individuels, en ce sens qu’il garantit à des individus le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité ; on y fait également référence à des droits collectifs en ce sens qu’ils visent à protéger les communautés linguistiques en situation minoritaire52.
Le caractère collectif de l’article 23 de la Charte se manifeste notamment à travers le degré de gestion et de contrôle des aspects linguistiques et culturels de l’éducation en langue française garanti par la Charte : en effet, ce degré varie selon le nombre d’enfants admissibles aux écoles de langue française53. Dans certaines circonstances, le degré de gestion et de contrôle qui sera justifié par le nombre d’élèves admissibles mène à la création d’un conseil scolaire francophone indépendant. Par contre,
« […] quand le nombre d’élèves inscrits dans les écoles de la minorité est relativement petit, la capacité d’un conseil indépendant d’atteindre cet objet peut s’en trouver réduite, de sorte qu’il peut y avoir lieu de recourir alors à d’autres méthodes qui permettent à la minorité de s’identifier avec l’école54».
Afin de déterminer si le nombre justifie certains des modèles de gouvernance contemplés par l’article 23 de la Charte, les tribunaux canadiens ont retenu le critère du « nombre de personnes qui se prévaudront en définitive du programme ou de l’établissement envisagé55 ». Il est évidemment impossible de déterminer exactement le nombre de personnes qui se prévaudront des services offerts en langue française. Les tribunaux canadiens analysent la question du nombre en fonction de « la demande connue56 », c’est-à-dire le nombre d’élèves qui se prévalent déjà des services en français existants, mais également en tenant compte du « nombre total de personnes qui pourraient éventuellement se prévaloir57 » des services éducatifs.
Il est important de noter que le pouvoir exclusif de gestion et de contrôle sur les questions qui touchent ou concernent la langue et la culture de la minorité ne constitue qu’un plancher58; le gouvernement de l’Ontario peut décider d’octroyer plus de droits à la minorité que ce qui est prévu par la Charte.
6.2 Droits et rôles des divers intervenants
Le principe de la gestion et du contrôle des aspects linguistiques et culturels de l’éducation en langue française par la communauté d’expression française en situation minoritaire crée donc des droits pour les membres de la communauté d’expression française en situation minoritaire de l’Ontario, pour les douze conseils scolaires de langue française qui ont été créés afin de représenter les intérêts des membres de la communauté d’expression française de l’Ontario et pour le ministère de l’Éducation de l’Ontario. L’on peut définir ceux-ci comme les « intervenants » de l’éducation en langue française en Ontario. De plus, le principe de la gestion et du contrôle des aspects linguistiques et culturels de l’éducation en langue française implique que les membres de la communauté d’expression française en situation minoritaire jouent un rôle important dans l’éducation des enfants admissibles aux écoles de langue française.
Les lois, les règlements ainsi que les tribunaux canadiens ont octroyé à ce jour des droits, des rôles et des obligations aux trois intervenants en éducation en langue française qui suivent.
6.2.1 Membres de la communauté d’expression française de l’Ontario
- Droit de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, en français59;
- S’il existe un nombre suffisant d’élèves, droit à des établissements d’enseignement de la minorité60;
- S’il existe un nombre suffisant d’élèves, droit que l’éducation en langue française soit assurée dans des locaux situés à proximité du lieu où habitent les enfants61;
- Droit à des programmes d’éducation d’une qualité équivalente à ceux dont dispose la majorité ; voire droit au respect du principe de l’équivalence réelle62;
- Droit à des établissements d’une qualité équivalente à ceux dont dispose la majorité63;
- Droit de participation démocratique, donc droit de vote aux élections des représentants élus du conseil scolaire de langue française de leur région64;
- Droit à des services spécialisés pour les enfants avec des difficultés d’apprentissage dans leur langue d’instruction65.
6.2.2 Les douze conseils scolaires de langue française de l’Ontario
- Prendre les décisions nécessaires afin de transmettre la langue et la culture aux enfants admissibles à l’école de langue française en Ontario66 ;
- Droit exclusif de gérer les dépenses, de créer et de mettre en oeuvre des programmes pédagogiques en français, d’engager du personnel administratif et pédagogique, de conclure des accords pour l’enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique67 ;
- Droit exclusif de déterminer l’emplacement des écoles de langue française, la taille de celles-ci et l’organisation scolaire à l’intérieur de celles-ci68 ;
- Droit exclusif de gérer les admissions dans les écoles de langue française69.
6.2.3 Ministère de l’Éducation de l’Ontario
- Financer l’instruction en langue française par des fonds publics70 ;
- Encadrer le contenu et la qualité des programmes en langue française dans la mesure où cet encadrement n’affecte pas de façon négative les « préoccupations linguistiques et culturelles » de la communauté d’expression française71 ;
- Mettre en place des structures et des politiques et règlements qui répondent aux besoins de la communauté d’expression française de l’Ontario72 tout en assurant que l’expérience éducative des élèves francophones soit réellement équivalente à ce que vivent les autres élèves de la majorité73 ;
- Financer des services spécialisés aux enfants avec des difficultés d’apprentissage dans leur langue d’instruction74.
En l’espèce, les membres de la communauté d’expression française, bien qu’ils aient accès à une éducation spécialisée en langue française dans un établissement distinct, soit le Centre Jules-Léger, n’ont pas le pouvoir de prendre des décisions sur le Centre Jules-Léger (tant l’École provinciale que l’École d’application) qui concernent la langue et la culture. En effet, comme expliqué plus haut, les décisions concernant l’embauche du personnel du Centre Jules-Léger, l’admission des élèves du Centre Jules-Léger et les programmes offerts au Centre Jules-Léger sont prises par le ministère de l’Éducation ou ses représentants.
À l’heure actuelle, le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger ne respecte pas la division des rôles et des obligations des intervenants en matière d’éducation en langue française qui a été reconnue par les lois en matière d’éducation et les décisions des tribunaux ayant interprété l’article 23 de la Charte.
7 Un modèle qui porte atteinte à l’article 23 de la Charte
En 1979, le gouvernement de l’Ontario a créé un établissement offrant des programmes pour les enfants en difficulté de la minorité d’expression française, le Centre Jules-Léger, qui est constitué de l’École provinciale et de l’École d’application. Comme expliqué précédemment, les membres de la communauté d’expression française de l’Ontario ne gèrent pas le Centre Jules-Léger. Au contraire, celui-ci est géré exclusivement par le ministère de l’Éducation de l’Ontario.
En raison de cette décision gouvernementale de créer un établissement de la minorité, les représentants de la communauté d’expression française de l’Ontario « ont droit à un certain degré de direction de cet établissement. Ce droit de gestion et de contrôle est présent indépendamment de l’existence d’une commission de la langue de la minorité75. » Ainsi, le fait que le Centre Jules-Léger ne soit pas géré par un conseil scolaire ne diminue en rien la reconnaissance du droit constitutionnel des membres de la communauté d’expression de langue française de participer à sa gestion et à son contrôle.
Par conséquent, la question en jeu n’est pas tant celle de savoir si le nombre justifie un établissement de la minorité dispensant des services en français aux enfants avec des difficultés, mais plutôt de savoir quel niveau de gestion et de contrôle est justifié par le nombre d’élèves qui peuvent se prévaloir des services du Centre Jules-Léger, tant de l’École provinciale que de l’École d’application.
7.1 Quelques constats
Depuis quelques années, les parents et les élèves du Centre Jules-Léger, tant de l’École provinciale pour les élèves sourds, malentendants, aveugles puis sourds et aveugles que de l’École d’application pour les élèves avec des difficultés d’apprentissage, remettent en question le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger et revendiquent des changements.
Dans une étude menée par Ronald Leduc et Denis Levesque en juin 2005, cinquante parents76 et vingt-neuf élèves77 du Centre Jules-Léger, tant de l’École provinciale que de l’École d’application, ont répondu à un questionnaire concernant les services du Centre Jules-Léger et en ont identifié les forces et les faiblesses. La gouvernance était un thème récurrent de cette consultation78. Le rapport Leduc-Levesque a dressé, entre autres, les constats suivants :
- « le Centre [Jules-Léger] a vécu l’influence d’une gestion externe par la Direction du Provincial School Branch (PSB) » ;
- « la gouvernance du Centre [Jules-Léger] n’est pas suffisamment liée au réseau des écoles de langue française » ;
- « tous s’entendent sur la nécessité d’une gouvernance par et pour des francophones79 ».
De plus, en février 2011, les élèves de l’École provinciale pour les élèves sourds, malentendants, sourds et aveugles, l’une des deux écoles du Centre Jules-Léger, ont manifesté pour revendiquer :
- « une qualité de l’enseignement dans la langue [sic] LSQ [Langue des signes québécoise] en français qui réponde aux besoins des sourds et des malentendants80 » ;
- « un leadership scolaire qui soit sensible à la langue et à la culture des sourds et à leurs besoins81 » ;
- « une promotion de l’École Centre Jules-Léger afin d’augmenter les effectifs scolaires et l’accès au Centre Jules-Léger ; une école unique en Ontario français82 ».
Finalement, en 2014, le CODELF s’est penché sur la question de la gouvernance du Centre Jules-Léger à la demande du Commissariat aux services en français. Le CODELF s’intéresse à la gestion du Centre Jules-Léger puisque des élèves inscrits dans les écoles de ses membres sont admis au Centre Jules-Léger, mais les membres du CODELF n’ont aucun contrôle sur les décisions en matière d’admission au Centre, et surtout « n’ont aucun droit de regard quant à l’éducation une fois un de leurs élèves admis au Centre Jules-Léger83 ». C’est entre autres pour ces raisons que « les conseils scolaires de langue française [en Ontario] souhaitent obtenir la gouvernance, pleine et entière, du Centre Jules-Léger84 ».
Recommandation 1
Attendu que le principe de la gestion et du contrôle des aspects linguistiques et culturels de l’éducation en langue française implique que les membres de la communauté d’expression française en situation minoritaire jouent un rôle important dans l’éducation des enfants admissibles aux écoles de langue française ;
Attendu que le ministère de l’Éducation est conscient de ses obligations constitutionnelles en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, incluant l’obligation d’octroyer aux représentants de la communauté d’expression française de l’Ontario la gestion et le contrôle des questions qui touchent la langue et la culture ;
Attendu qu’à l’heure actuelle et depuis 1995, le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger prévoit que la gestion et le contrôle des questions de l’École d’application et de l’École provinciale qui touchent la langue et la culture sont dévolus au ministère de l’Éducation ;
Attendu que le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger viole l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés ;
Attendu que le modèle de gouvernance actuel du Centre Jules-Léger ne s’insère pas dans les objectifs de la Politique d’aménagement linguistique de l’Ontario, notamment l’objectif de « promouvoir, valoriser et étendre l’usage du français dans toutes les sphères d’activité » et de « contrer l’impact de l’assimilation par la création et le maintien d’alliances avec les parents » ;
Attendu que n’importe quel enfant pourrait, pour diverses raisons, développer au cours de sa jeunesse, une condition qui justifierait le recours aux services offerts par le Centre Jules-Léger :
Le commissaire recommande que la ministre de l’Éducation de l’Ontario reconnaisse officiellement que la gouvernance du Centre Jules-Léger doit être sous la gouverne des francophones de l’Ontario.
7.2 Atteinte à l’intégrité et à la mission des deux écoles
Le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger actuel, en vertu duquel tant l’École provinciale que l’École d’application sont gérées par le ministère de l’Éducation, porte atteinte à l’intégrité et à la mission du Centre Jules-Léger.
En effet, les deux écoles formant le Centre Jules-Léger, en tant qu’écoles de langue française, ont pour mandat, entre autres, de transmettre la langue et la culture française85.
Dans le cas de l’École provinciale, l’école a également pour mandat de transmettre la langue et la culture des sourds86, incluant la Langue des signes québécoise. Elle constitue une langue à part entière ; il s’agit d’une langue distincte du français et de l’anglais87. En 1968, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme a constaté que : « [l]a langue est en outre la clef du progrès culturel. Certes, langue et culture ne sont pas synonymes, mais le dynamisme de la première est indispensable à la préservation intégrale de la seconde88. » Suite à l’adoption de la Charte, la Cour suprême du Canada a statué que le langage est plus qu’un moyen de communication : « Il colore le contenu et le sens de l’expression […] un moyen d’exprimer son identité culturelle »89. Certes, tant la Commission royale d’enquête que la Cour suprême du Canada dans les affaires Ford et Mahé ne traitaient pas de la Langue des signes québécoise. Par contre, la Langue des signes québécoise, en sa qualité de langue, entraîne la création d’une culture propre, distincte de la culture de langue française90. Ainsi, puisque l’école de langue française est l’outil principal de la communauté d’expression française afin de transmettre la langue et la culture de langue française, il faut reconnaître que l’École provinciale joue le même rôle pour la Langue des signes québécoise et la culture qui en découle.
La Cour suprême du Canada a reconnu le rôle fondamental que joue l’école de langue française dans l’épanouissement et la préservation de la culture de langue française. L’École provinciale joue un rôle fondamental dans l’épanouissement et la préservation de la culture des sourds – et qui plus est, elle est la seule école qui joue ce rôle. Ainsi, l’École provinciale est l’un des seuls lieux de rencontre pour les membres de la communauté91 de la Langue des signes québécoise en Ontario.
Ce double mandat culturel – d’une part en tant qu’agent de promotion et de préservation de la langue et de la culture françaises, et d’autre part en tant qu’agent de promotion et de préservation de la culture de la Langue des signes québécoise et de la culture des sourds – doit être pris en compte dans le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger, et ce, bien que seul le mandat culturel de l’école de langue française soit protégé par la Charte.
D’ailleurs, des liens importants unissent la langue française et la Langue des signes québécoise, ainsi que les deux cultures qui en découlent, puisque les enfants qui parlent la Langue des signes québécoise proviennent de familles appartenant à la communauté d’expression française et puisque ces enfants reçoivent généralement une éducation bilingue leur permettant d’apprendre la Langue des signes québécoise et le français.
Pour reprendre les termes utilisés par la Cour suprême du Canada dans les affaires Mahé et Solski, le droit de gestion et de contrôle permet aux membres des communautés en situation minoritaire de s’identifier à leur écoles92. Dans le cas du Centre Jules-Léger, puisque les membres des communautés en situation minoritaire ne gèrent ni ne contrôlent les questions qui touchent la langue et la culture – comme l’embauche du personnel du Centre et les dépenses du Centre –, les membres des communautés desservies par le Centre ne peuvent s’identifier pleinement à leur école.
Ce constat permet de conclure qu’un modèle de gouvernance selon lequel le ministère de l’Éducation gère des écoles de la minorité porte atteinte à la mission de celles-ci de transmettre la langue et la culture des communautés qu’elles desservent. C’est pour cette raison que la Cour suprême du Canada a conclu, à maintes reprises, que la communauté d’expression française de l’Ontario avait un droit de gestion et de contrôle sur les programmes d’éducation en langue française ainsi que sur ses établissements, droit garanti par l’article 23 de la Charte. En n’octroyant pas un certain degré de gestion et de contrôle aux membres des communautés desservies par le Centre Jules-Léger, le ministère de l’Éducation contrevient à ses obligations en vertu de l’article 23 de la Charte.
Cette conclusion demeure vraie même si le ministère de l’Éducation argumentait que tous ses employés du Ministère qui sont responsables de la gestion du Centre Jules-Léger sont des membres de la communauté d’expression française. Il va sans dire que cela ne change en rien le fait que les membres de la communauté sourde ne sont pas représentés dans le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger. La langue de travail du ministère de l’Éducation de l’Ontario est l’anglais. De plus, bien que dans les faits ce soient des employés du ministère de l’Éducation qui gèrent le Centre Jules-Léger, l’autorité ultime de la gestion des deux écoles qui le composent revient à la ministre de l’Éducation93.
Recommandation 2
Le commissaire recommande à la ministre de l’Éducation que les programmes actuellement offerts par le Centre Jules-Léger soient maintenus.
7.3 Là où le nombre le justifie: analyse prévisionnelle
Le fait que le modèle de gouvernance actuel porte atteinte à l’intégrité et à la mission du Centre Jules-Léger n’est qu’une partie de l’équation. Ce qui détermine également le niveau de gestion et de contrôle à octroyer aux membres des communautés desservies par le Centre Jules-Léger dépend du nombre d’élèves qui se prévaudront en définitive des programmes du Centre Jules-Léger, tant à l’École provinciale qu’à l’École d’application.
En 2006, Statistique Canada a mené une « Enquête canadienne sur l’incapacité » afin de « recueillir des données concernant les adultes canadiens dont les activités quotidiennes sont limitées par un état ou un problème de santé à long terme94 ». L’Enquête canadienne sur l’incapacité recensait, à l’aide d’un échantillon de petite taille, les enfants de cinq à dix-huit ans qui étaient identifiés comme limités par un problème de santé, incluant des déficiences visuelles, des problèmes auditifs et des troubles d’apprentissage95. Le terme problèmes auditifs est défini de manière large par Statistique Canada. Ce terme inclut les personnes sourdes, devenues sourdes, malentendantes et implantées96. Une personne qui est devenue sourde est une personne qui avait une ouïe fonctionnelle, mais qui a perdu une partie de son ouïe pour diverses raisons. Le terme malentendant désigne une personne qui entend sans avoir une ouïe totalement fonctionnelle. Le terme implanté signifie une personne ayant reçu un implant cochléaire, c’est-à-dire un système électronique implanté par chirurgie dans l’oreille afin de permettre à une personne sourde d’entendre97. Selon Statistique Canada, le nombre d’enfants âgés de cinq à dix-huit ans, résidant en Ontario, dont au moins un parent possédait le français comme langue première, parlant français fréquemment à la maison ou ayant une connaissance du français, et ayant identifié dans l’Enquête canadienne sur l’incapacité être limité par un problème de santé pertinent pour l’admission à l’École provinciale ou à l’École d’application, est trop petit pour produire un rapport. Selon Statistique Canada, le nombre d’élèves potentiels de l’École provinciale, l’école pour les élèves sourds, malentendants, aveugles puis sourds et aveugles, serait inférieur à vingt.
Toutefois, il est important de comprendre que les données de Statistique Canada sous-estiment le nombre d’élèves admissibles à l’école de langue française, notamment puisque seuls les enfants ayant au moins un parent qui a le français comme langue première sont recensés et il ne s’agit que de l’une des trois catégories d’élèves admissibles à l’école de langue française en Ontario identifiées par l’article 23 de la Charte. De plus, l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2006 ne recense qu’un échantillon de la population canadienne. Il faut aussi tenir compte du fait que l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2006 ne recense que les enfants identifiés par leurs parents comme limités par un « handicap », ce qui n’est pas le cas de toutes les personnes sourdes, aveugles ou sourdes et aveugles.
Malheureusement, il a été impossible dans le cadre de cette enquête d’identifier le nombre total de personnes qui pourraient éventuellement se prévaloir des services du Centre Jules-Léger, malgré les courriels expédiés tant au ministère de l’Éducation qu’aux douze conseils scolaires de langue française de l’Ontario leur demandant d’identifier ce nombre d’élèves potentiels. Les réponses obtenues n’ont permis d’identifier qu’une partie de la demande connue du Centre Jules-Léger durant l’année scolaire 2014-2015, c’est-à-dire le nombre d’élèves actuellement inscrits, mais non le nombre d’élèves qui pourraient éventuellement se prévaloir des services du Centre Jules-Léger.
Par contre, selon la Cour suprême du Canada, il revient au gouvernement de l’Ontario d’identifier la demande potentielle pour le Centre Jules-Léger. En effet,
« [l]a province a l’obligation de promouvoir activement des services éducatifs dans la langue de la minorité et d’aider à déterminer la demande éventuelle […] La province ne peut se soustraire à son obligation constitutionnelle en invoquant une preuve numérique insuffisante, surtout si elle n’est pas prête à faire ses propres études ni à recueillir et présenter d’autres éléments de preuve sur la demande connue et éventuelle98 ».
Il importe de considérer d’abord que Statistique Canada sous-estime le nombre d’élèves admissibles à l’École provinciale et à l’École d’application. Ensuite, il faut se souvenir que le ministère de l’Éducation de l’Ontario a créé les écoles provinciales et les écoles d’application en acceptant que très peu d’élèves y soient inscrits à temps plein99, mais également qu’il revient à ce Ministère d’identifier le nombre d’élèves qui pourraient éventuellement se prévaloir des services du Centre Jules-Léger et que cela ne semble pas avoir été fait100. Aussi, l’analyse sur les nombres justifie un certain niveau de gestion et de contrôle pour les membres de la communauté d’expression française, et ce, bien que le potentiel d’élèves du Centre Jules-Léger soit peu élevé.
Cette conclusion est également étayée du fait que ce ne sont pas seulement les enfants nés avec une déficience visuelle, auditive ou d’apprentissage qui pourraient se prévaloir des services du Centre Jules-Léger : n’importe quel enfant pourrait, pour diverses raisons, développer au cours de sa jeunesse, une condition qui justifierait le recours aux services offerts par le Centre Jules-Léger.
À tout événement, le gouvernement de l’Ontario a décidé d’ouvrir et d’entretenir une école de langue française pour les sourds ou aveugles en application de l’article 13(4) de la Loi sur l’éducation, de même qu’une école d’application de langue française, conformément à l’article 13(4.1) de cette loi. De plus, le gouvernement de l’Ontario s’est donné l’obligation de favoriser le placement en dehors des salles de classes régulières des enfants en difficulté qui le requièrent101.
7.4 Là où le nombre le justifie: analyse du degré de gestion et de contrôle des questions linguistiques et culturelles
Le nombre d’élèves en cause ne justifie pas nécessairement la création d’un conseil scolaire de langue française afin de gérer uniquement le Centre Jules-Léger. En effet, au regard du critère de l’échelle variable énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mahé, la création d’un conseil scolaire constitue le degré le plus élevé de gestion et de contrôle102 et donc parfois « d’autres degrés de gestion et de contrôle peuvent être nécessaires dans des situations où le nombre ne justifie pas l’attribution de pleins droits de gestion et de contrôle103 ».
Par contre, la Loi sur l’éducation prévoit la création d’une « administration scolaire » qui est définie comme suit :
- soit du conseil d’un secteur scolaire de district ;
- soit du conseil d’une école séparée rurale ;
- soit du conseil d’une zone unifiée d’écoles séparées ; […]104.
Selon la Loi sur l’éducation, une administration scolaire s’apparente à un conseil scolaire puisqu’un « conseil » ou « conseil scolaire » est défini comme un « Conseil scolaire de district ou administration scolaire105 ». Le concept d’administration scolaire dans la loi reconnaît et accepte que les membres d’une communauté, même une communauté de très petite taille, possèdent un intérêt dans la gestion de leur école. Le concept d’administration scolaire reconnaît également l’importance d’accorder un certain degré de gestion et de contrôle aux principaux intéressés, sur le plan micro. C’est aussi ce que les plaignants souhaitent obtenir. Il semble cependant clair que le ministère de l’Éducation tente de s’éloigner du concept des administrations scolaires au cours des dernières années. Pratiquement, ce modèle de gouvernance peut sembler intéressant de prime abord, mais l’adopter équivaudrait à faire abstraction des liens intrinsèques qui doivent unir entre eux les deux écoles du Centre Jules-Léger et les douze conseils scolaires francophones de l’Ontario.
7.5 Gestion par un conseil scolaire de langue française
Après avoir analysé une variété de modèles possibles de gouvernance du Centre Jules-Léger par et pour les francophones, dont la solution proposée par les plaignants de créer une administration scolaire, il est ressorti que le transfert de la gouvernance à l’un des douze conseils scolaires de langue française était le modèle le plus approprié et le plus efficace à l’heure actuelle. Il s’appuie aussi, tel qu’indiqué plus bas, sur des modèles existants à succès. Il assure entre les douze conseils scolaires de langue française la collaboration souhaitée et encouragée par le ministère de l’Éducation.
Idéalement, le modèle de gouvernance privilégié consisterait à confier la gestion du Centre Jules-Léger directement au CODELF plutôt qu’à la ministre de l’Éducation. Mais comme le CODELF n’est pas en soi légiféré – à la différence du CODE (Council of Ontario Directors of Education) –, il n’est pas possible d’en faire une recommandation. Dans ce contexte, il est recommandé que le Centre Jules-Léger, centre d’excellence de l’enfance en difficulté, soit gouverné par l’un des douze conseils scolaires de langue française dit de tutelle, lequel prendra toutes les décisions stratégiques et opérationnelles concernant le Centre Jules-Léger et assumerait la gestion opérationnelle quotidienne (finances, ressources humaines, informatiques, immobilisation, entretien, etc.), incluant la supervision des programmes et du personnel du Centre Jules-Léger. Cette stratégie est basée sur des valeurs pragmatiques et favorise une bonne rationalisation des ressources humaines et de leurs compétences. Les paliers décisionnels et bureaucratiques sont limités tout en assurant la vision provinciale. Pour ce faire, le ministère de l’Éducation transférerait la gouvernance de l’École provinciale et de l’École d’application à ce conseil scolaire de langue française de tutelle qui, à l’image de la ministre de l’Éducation, chapeauterait tant l’École d’application que l’École provinciale. C’est le CODELF qui serait ultimement responsable de choisir le conseil scolaire de tutelle responsable de la gestion quotidienne des deux écoles formant le Centre Jules-Léger. De fait, le CODELF agirait comme un conseil d’administration normal, laissant la pleine liberté d’action au conseil scolaire de langue française choisi car, au bout du compte, c’est ce dernier qui sera véritablement le gestionnaire au quotidien du Centre Jules-Léger.
Ce modèle de gouvernance s’inspire, entre autres, du modèle de gouvernance du Consortium d’apprentissage virtuel de langue française de l’Ontario. En 2006, le CODELF a appuyé la recommandation de mettre sur pied le Consortium d’apprentissage virtuel de langue française de l’Ontario. Le Consortium offre des cours virtuels en français à tous les élèves inscrits dans une école de langue française en Ontario peu importe leur provenance et leur confession respectives. Le CODELF a délégué la gestion quotidienne du Consortium à un conseil scolaire de tutelle, le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE). Par contre, toutes les décisions légales et opérationnelles du Consortium sont prises par le CODELF, sur la recommandation des douze membres du comité de mise en oeuvre, qui regroupe un représentant de chaque conseil scolaire.
D’ailleurs, d’autres projets panontariens sont également gérés de cette manière, notamment le Conseil de liaison pour les leaders provinciaux pour la pédagogie, géré par le Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien (CSDCEO), et le Regroupement des leaders en enfance en difficulté, géré par le Conseil scolaire Viamonde.
En Alberta, les conseils scolaires de langue française ont créé la Fédération des conseils scolaires francophones, qui se réunit au moins une fois par année, afin de discuter des sujets qui les concernent tous. De plus, la Fédération des conseils scolaires francophones chapeaute trois programmes conjoints, gérés par un conseil de tutelle, mais qui bénéficient aux élèves de tous les conseils scolaires francophones de la province.
Par exemple, le Réseau d’adaptation scolaire gère les services spécialisés de langue française offerts aux élèves inscrits aux écoles de langue française de l’Alberta. La Fédération des conseils scolaires francophones gère ce Réseau, mais la gestion quotidienne du Réseau a été confiée à un conseil scolaire de tutelle, le Conseil scolaire francophone Centre-Nord. Ainsi, le Conseil scolaire francophone Centre-Nord prend les décisions et assume la gestion concernant l’embauche du personnel et le budget du Réseau. De plus, la Convention collective du Conseil scolaire francophone Centre-Nord s’applique aux employés du Réseau. Les directeurs généraux des autres conseils scolaires francophones sont également impliqués dans la gouvernance du Réseau à travers des rencontres du « comité de gestion » et du « comité de leadership ». Le comité de gestion est constitué des quatre directeurs généraux des conseils scolaires francophones de l’Alberta, qui se rencontrent deux fois par année afin, entre autres, de poser des questions au directeur du Réseau et au conseil scolaire de tutelle, si nécessaire. Le « comité de leadership» est composé des directeurs généraux adjoints des quatre conseils scolaires francophones, qui se rencontrent quatre fois par année pour établir, entre autres, le plan stratégique du Réseau. Finalement, le directeur du Réseau présente un rapport annuel aux élus de tous les conseils scolaires francophones lors de l’Assemblée générale de la Fédération des conseils scolaires francophones de l’Alberta106.
Recommandation 3
Attendu que le Centre Jules-Léger est une école qui dessert les élèves francophones ;
Attendu que son statut provincial n’enlève pas les responsabilités légales d’un conseil scolaire envers ses élèves ;
- Le commissaire recommande que la ministre de l’Éducation s’assure que le Centre Jules-Léger (structure opérationnelle et mise en oeuvre des programmes) soit sous la gestion de l’un des douze conseils scolaires de langue française de l’Ontario.
- Le commissaire recommande que ce conseil scolaire de langue française soit responsable de dispenser les programmes et les services aux enfants francophones de la province et aux élèves des conseils scolaires de langue française de la province.
- Le commissaire recommande en outre que ce conseil scolaire de langue française soit responsable pour les deux écoles des ressources humaines, de l’immobilisation, des finances, de l’enseignement et des services connexes, du curriculum, du transport, du service informatique, de la formation professionnelle ainsi que de la recherche et du développement.
7.6 Création d’un centre d’excellence de l’enfance en difficulté
Compte tenu de la différence significative entre les populations d’élèves desservies et les interventions pédagogiques requises, le commissaire recommande le maintien de deux écoles dans un centre d’excellence.
Selon le commissaire, le centre d’excellence pourrait regrouper différents éléments clés :
- une école pour sourds, malentendants et enfants atteints de surdicécité ;
- une école pour enfants ayant des troubles d’apprentissage et peut-être d’autres anomalies (tel que déterminé par le CODELF selon les besoins émergents) ;
- des services aux populations d’enfants qui ne fréquentent pas l’école, mais ont des besoins similaires ;
- un centre de recherche et de développement qui coordonnerait aussi la formation et le perfectionnement professionnel.
Les droits des francophones sont respectés parce que la gouvernance est assurée par des francophones pour des francophones, notamment des chefs de file francophones qui connaissent et respectent la langue et la culture françaises ainsi que le domaine de l’éducation de langue française en milieu minoritaire. En effet, puisque les élèves bénéficiant de l’enseignement ou des services du Centre Jules-Léger proviennent des douze conseils scolaires de langue française, leur langue, leur culture, leurs réalités, leurs droits seront respectés. Cette structure garantit la perspective provinciale. Bien qu’un conseil de tutelle assure la gestion opérationnelle quotidienne, le CODELF pourra orienter les décisions qui tiendront compte, entre autres, des besoins locaux. La mise en oeuvre de ce modèle est aussi assez simple compte tenu d’expériences semblables dans d’autres dossiers, et peut s’effectuer assez rapidement.
Ce leadership provincial appuiera de façon extraordinaire la mission d’excellence du Centre Jules-Léger. En effet, la complémentarité qui existe entre le personnel en enfance en difficulté des conseils scolaires et celui du Centre Jules-Léger favorisera la constitution d’une communauté d’apprentissage provinciale dans le domaine de l’enfance en difficulté améliorant l’offre de services à tous les élèves francophones de la province.
Le développement annuel d’un plan pour l’enfance en difficulté au Centre Jules-Léger augmentera la rigueur dans l’offre des programmes et services, qui se voudront à la fine pointe, et permettra à toutes les parties prenantes de garder le cap et de concerter les programmes et les services.
Le centre d’excellence, davantage un concept que nécessairement un lieu physique, ferait en sorte qu’il soit possible de revenir au mandat initial du Centre Jules-Léger, à savoir le développement et la recherche. L’idée de collaborer avec des universités serait donc bien reçue parce que cela fait partie des pratiques déjà en place dans les conseils scolaires de langue française. Dans les discussions avec les conseils scolaires, une des participantes précise que ce qui est visé est possiblement la « centralisation décisionnelle avec une décentralisation dans l’offre des services.» Un autre participant propose un modèle hybride avec un centre résidentiel (siège social) permettant une offre de services aux élèves ayant des besoins particuliers très graves et des appuis régionaux et locaux d’experts « équipe volante » qui assistent les conseils scolaires, les écoles, les parents et les élèves.
Le fait que la gestion quotidienne soit confiée à un seul conseil scolaire de langue française de tutelle réduit la bureaucratie et favorise une gestion efficace et efficiente. L’infrastructure de gestion opérationnelle par un conseil scolaire est bien établie, rodée et performante. Un conseil scolaire a généralement en place des politiques et des directives administratives qui favorisent l’équité et la cohérence des décisions et des actions.
Recommandation 4
Le commissaire recommande à la ministre de l’Éducation que le Centre Jules-Léger soit aussi composé d’un centre de recherche et de développement incluant la formation et le perfectionnement professionnel.
7.7 Rôle important des parents
Selon la Loi sur l’éducation, un conseil scolaire doit créer un conseil d’école pour chacune de ses écoles107, auquel incombe la mission « [d’]améliorer le rendement des élèves108 » et « [d’]accroître la responsabilité du système d’éducation envers les parents109 » tout en favorisant la participation active des parents dans l’éducation de leurs enfants110. Tant l’École provinciale que l’École d’application comptent un conseil d’école.
Un conseil scolaire doit notamment consulter les conseils d’école sur les questions suivantes :
- « L’élaboration ou la modification de ses politiques et lignes directrices relatives au rendement des élèves ou à la responsabilité du système d’éducation envers les parents » ;
- « L’élaboration de programmes de mise en oeuvre des nouvelles mesures prises dans le domaine de l’éducation relativement au rendement des élèves ou à la responsabilité du système d’éducation envers les parents » ;
- « Les programmes d’amélioration du conseil scolaire, fondés sur les rapports de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation quant aux résultats des tests administrés aux élèves, et la communication de ces programmes au public » ;
- « Le processus et les critères applicables au choix et au placement des directeurs d’école ou des directeurs adjoints111 ».
Pour sa part, le conseil d’école est tenu de consulter les parents d’élèves de l’école en question au sujet des questions posées par le conseil scolaire112.
En raison du caractère unique de la clientèle du Centre Jules-Léger, notamment les élèves de l’École provinciale, peut-être faudrait-il songer à les impliquer directement au conseil d’école. Bien entendu, normalement, les élèves peuvent se doter d’un conseil étudiant au sein de leur école, ce qui demeure éminemment souhaitable. Cela dit, lors des rencontres tenues avec notamment des élèves actuels de l’école provinciale, ainsi qu’avec d’anciens élèves de cette même école, il appert que, parfois, même des membres de leurs familles pourraient ne pas saisir toutes les nuances des besoins précis de la culture sourde. Aussi, une représentation formelle au sein de ce conseil d’école, au-delà de ce qui est déjà mandaté, pourrait s’avérer une voie à explorer.
Recommandation 5
Attendu que la Loi sur l’éducation exige que chaque conseil scolaire crée un conseil d’école ;
Attendu que le droit de gestion et de contrôle garanti à l’article 23 de la Charte appartient aux « parents appartenant à la minorité linguistique » ;
Attendu que le contexte particulier de l’école provinciale peut inciter les élèves des deux écoles à vouloir s’impliquer également à ce conseil d’école afin d’exprimer leurs voix propres et particulières :
Le commissaire recommande que la ministre de l’Éducation exige l’établissement d’un conseil d’école pour les parents d’élèves du Centre Jules-Léger et que ce conseil inclue aussi une représentation des élèves.
7.8 Mise en place d’un comité consultatif pour l’enfance en difficulté
Selon la Loi sur l’éducation, tous les conseils scolaires (et toutes les administrations scolaires) doivent créer un «comité consultatif pour l’enfance en difficulté113 » (CCED). Bien entendu, le conseil scolaire de langue française qui sera choisi aura un CCED bien à lui, comme il se doit.
Un comité consultatif pour l’enfance en difficulté joue un rôle important au sein d’un conseil scolaire en matière d’éducation pour l’enfance en difficulté. En effet, ce comité, prévu par la Loi sur l’éducation, formule des recommandations au conseil d’administration d’un conseil scolaire au sujet de « toutes questions qui touchent la création, l’élaboration et la prestation de programmes d’enseignement et de services à l’enfance en difficulté à l’intention des élèves en difficulté du conseil114 ». Le conseil d’administration d’un conseil scolaire n’est pas contraint d’accepter les recommandations de ce comité, mais il doit permettre au comité de se faire entendre avant de prendre une décision concernant ses recommandations115.
Conformément au Règlement 464/97, la composition d’un CCED est légiférée. Il va de soi que le conseil scolaire de langue française de tutelle priorise comme choix des représentants d’associations (voir l’annexe D sur le CCED) engagées envers les besoins éducatifs des enfants bénéficiant ou aptes à profiter des programmes et services du Centre Jules-Léger (associations qui veillent aux intérêts des enfants sourds, des malentendants, des aveugles, des enfants atteints de surdicécité ou de troubles d’apprentissage sévères). Il importe que des représentants des deux écoles du Centre Jules-Léger soient membres du CCED du conseil scolaire de langue française de tutelle afin de faire entendre le point de vue particulier de la réalité de ces deux écoles.
Aussi, le commissaire est d’avis que l’on doive entourer ce CCED d’une perspective propre au Centre Jules-Léger et les membres qui siègeront au CCED au nom du Centre Jules-Léger. En plus des membres prévus par la Loi, des douze conseils scolaires, des représentants de parents, d’élèves, d’universités et de collèges pourraient s’ajouter à un comité provincial de l’enfance en difficulté. Ce comité inclurait diverses perspectives – celles d’associations faisant valoir le point de vue des parents des enfants qu’elles représentent et celles de chercheurs et de leaders dans le domaine de l’enfance en difficulté.
Le CCED continuera de faire des recommandations au conseil scolaire de tutelle, en conformité avec le Règlement, sur toutes questions qui touchent la création, l’élaboration et la prestation de programmes d’enseignement et de services à l’enfance en difficulté à l’intention des élèves en difficulté desservis par le Centre Jules-Léger. Le CCED participera aussi à l’examen du plan pour l’enfance en difficulté que le conseil scolaire de tutelle développerait chaque année. De plus, le CCED participera au processus budgétaire annuel et examinera les états financiers.
En effet, les questions qui touchent les programmes d’enseignement et de services à l’enfance en difficulté constituent le coeur du mandat de l’École provinciale pour les élèves sourds, malentendants, aveugles et sourds-aveugles et du mandat de l’École d’application pour les élèves avec des troubles d’apprentissage. En Ontario, la norme consiste à intégrer les élèves avec des difficultés d’apprentissage ou autres dans les écoles des conseils scolaires de langue française, mais les deux écoles du Centre Jules-Léger existent afin de répondre aux besoins des élèves qui ne profitent pas de se trouver dans une salle de classe « ordinaire116 ». De plus, l’École provinciale offre des services de consultation aux élèves inscrits dans les écoles des conseils scolaires de langue française117. Ainsi, avec l’avènement de ce nouveau centre d’excellence de l’enfance en difficulté, il serait possible de créer une véritable communauté d’apprentissage entre tous les intervenants – tant du Centre Jules-Léger que des conseils scolaires qui, eux aussi, ont beaucoup d’expertise à offrir.
La mise en place d’un CCED rattaché au conseil scolaire de tutelle apportera un éclairage systématique sur les programmes et services, le plan annuel de l’enfance en difficulté et les priorités budgétaires. De nombreux collaborateurs auront l’occasion d’influencer les décisions dans un cadre légiféré. C’est l’occasion, comme l’indique le document ressource Éducation de l’enfance en difficulté, Guide pour les éducatrices et éducateurs (2001), pour les représentants d’associations locales d’apporter la perspective des parents d’élèves desservis et d’exprimer leurs préoccupations. De la sorte, le Centre Jules-Léger profitera des mêmes avantages que tous les autres conseils scolaires francophones en ce qui a trait à l’apport du CCED aux programmes et services en enfance en difficulté.
Recommandation 6
Attendu que chaque conseil scolaire doit avoir un comité consultatif de l’enfance en difficulté ;
Attendu que la situation particulière du Centre Jules-Léger, en raison de son mandat provincial et de sa clientèle, justifie une présence de ce Centre au sein du comité consultatif de l’enfance en difficulté du conseil scolaire de langue française de tutelle :
- Le commissaire recommande à la ministre de l’Éducation d’assurer une représentation de personnes ayant les mêmes exceptionnalités que celles desservies par le Centre Jules-Léger au sein du comité consultatif de l’enfance en difficulté du conseil scolaire de langue française appelé à devenir responsable de la gestion du Centre Jules-Léger.
- Le commissaire recommande aussi à la ministre qu’un comité consultatif provincial de l’enfance en difficulté soit mis en place, spécifiquement pour discuter des enjeux relatifs au Centre Jules-Léger.
7.9 Comité de transition
Dans le contexte budgétaire actuel des conseils scolaires, notamment celui des conseils scolaires de langue française, bien peu d’entre eux se porteraient volontaires pour accueillir la gestion du Centre Jules-Léger avec une simple promesse de transfert des fonds actuellement dévolus par le ministère de l’Éducation. Un tel transfert ne peut se faire en criant ciseaux de toute façon. Pour ne nommer qu’un seul exemple, mais complexe, le personnel du Centre Jules-Léger est, pour l’heure, employé de la Fonction publique de l’Ontario. On ne peut transférer en bloc tout le personnel en pensant naïvement que cela n’aura pas d’impact sur le conseil scolaire de langue française de tutelle qui sera choisi. Les contraintes, que ce soit au niveau des finances, de la logistique, du curriculum, de l’enseignement au sein des deux écoles, des ressources humaines, etc., sont aussi énormes que complexes.
Le ministère de l’Éducation devra inévitablement dialoguer avec tous les conseils scolaires de langue française de la province, non pas seulement ceux de la région de la capitale nationale, là où se situe physiquement le Centre Jules-Léger. Lors des consultations, le message véhiculé par la haute direction des conseils scolaires a été particulièrement clair quant au souhait « […] que le modèle provincial soit revu pour refléter les besoins locaux et régionaux ». Il a aussi été dit que le conseil scolaire de langue française responsable de l’éducation offerte par le Centre Jules-Léger devra développer un modèle de livraison pouvant tenir compte des différents modèles tels que : programme de l’article 23, école alternative, etc.
Dans la même veine, il importe aussi de consulter les parents d’élèves du Centre Jules-Léger. Après tout, comme il a été démontré plus tôt, ces derniers jouissent de droits linguistiques indéniables en vertu de l’article 23 de la Charte. De plus, la Loi sur l’éducation, notamment le para. 8(3) stipule clairement qu’il est du ressort de la ministre de s’assurer que des programmes et services d’éducation à l’enfance en difficulté sont offerts sans frais par les conseils scolaires à leurs élèves en difficulté, suivant la Loi et les règlements. Comme l’avenir et la gouvernance du Centre Jules-Léger concernent les parents au premier chef, on se doit de les consulter. Dans le même ordre d’esprit, une consultation des élèves serait également appropriée afin de bien en sonder les attentes.
Que l’on soit cependant très clair. Toutes ces consultations ne doivent porter que sur les étapes et les conditions gagnantes d’un transfert réussi vers un conseil de langue française de tutelle. Ce qui prime demeure une rentrée harmonieuse pour les élèves des deux écoles en septembre 2016.
Il est entendu que des discussions de haut niveau devront avoir lieu au sein du ministère de l’Éducation, notamment avec les conseils scolaires. Afin de faciliter la tâche et surtout pour s’assurer que tout soit en place d’ici septembre 2016 pour une telle rentrée harmonieuse des élèves, le commissaire recommande la mise en place d’un comité de transition dont le mandat principal serait d’agir comme intermédiaire entre le Ministère et les conseils scolaires.
Les membres de ce comité de transition devront être peu nombreux – pas plus de trois personnes –, question de garder l’accent sur l’efficacité. Les membres choisis devront posséder une expérience pertinente à des postes stratégiques de haut niveau au sein de conseils scolaires de langue française. De plus, il serait souhaitable d’assurer une représentation des conseils scolaires publics et catholiques de langue française. Le commissaire verrait d’un bon oeil que les membres choisis possèdent une expérience au niveau des programmes et des services, de l’éducation des élèves en difficulté, de la formation, de la supervision de personnel, des relations avec les parents et élèves, des finances, de l’immobilisation, des ressources humaines, du budget, de l’informatique et du transport.
Afin de garantir que tout soit en place pour septembre 2016, le comité de transition doit être à pied d’oeuvre d’ici septembre 2015 avec l’objectif de tout terminer avant la fin de décembre 2015. Les membres de ce comité pourront jouir en outre de l’imposante documentation déjà disponible, sous forme de rapports et autres, dont le présent rapport d’enquête fait mention.
Des décisions importantes doivent être prises, et relativement rapidement.
Tant le Ministère que les conseils scolaires de langue française doivent donc se montrer à l’écoute des recommandations du comité de transition. Le commissaire ne peut recommander au Ministère de mettre en oeuvre toutes les conclusions du comité de transition sans poser de question. Mais il souhaite néanmoins que le choix des membres de ce comité de transition soit effectué avec toute la confiance voulue envers eux. Les détails administratifs, de ressources humaines, de curriculum et d’enseignement sont légion. Il faudra agir avec célérité, efficacité et de façon efficiente. Le commissaire se dit persuadé que si les membres du comité de transition sont bien choisis, il est possible d’en arriver à une rentrée harmonieuse pour les élèves en septembre 2016, tout en ne dérogeant pas de la routine habituelle lors de la rentrée des élèves de septembre 2015.
Recommandation 7
Attendu qu’il serait irresponsable de demander à un conseil scolaire de langue française de prendre immédiatement à sa charge le Centre Jules-Léger, tant les contraintes sont élevées au plan des finances, de la logistique, du curriculum, de l’enseignement au sein des deux écoles, des ressources humaines, etc. ;
Attendu que les conseils scolaires de langue française devront être consultés dans la nouvelle gouvernance du Centre Jules-Léger ;
Attendu que les parents d’élèves du Centre Jules-Léger devront aussi être consultés ;
Attendu que des discussions de haut niveau devront avoir lieu au sein du ministère de l’Éducation avec un interlocuteur agissant comme intermédiaire entre les conseils scolaires de langue française et le ministère de l’Éducation ;
Attendu qu’une courte période de transition est nécessaire en fonction des changements au sein de la gouvernance du Centre Jules-Léger ;
Attendu que le ministère de l’Éducation a déjà reçu quelques rapports sur les besoins et l’avenir du Centre Jules-Léger ;
Attendu que le comité de transition proposé doit être composé de deux ou trois personnes, tout au plus, ayant oeuvré à des postes stratégiques de haut niveau au sein de conseils scolaires publics et catholiques de langue française et possédant une expérience au niveau des programmes et des services, de la formation, de la supervision de personnel, des relations avec les parents et élèves, des finances, de l’immobilisation, des ressources humaines, du budget, de l’informatique et du transport :
- Le commissaire recommande à la ministre de l’Éducation de mettre en place un comité de transition chargé d’assurer une transition tant en douceur qu’ordonnée, dont la durée du mandat serait de septembre 2015 à décembre 2015.
- Le commissaire recommande à la ministre de l’Éducation de s’assurer qu’une rentrée ordonnée, sous l’égide du conseil scolaire de langue française qui sera responsable du Centre Jules-Léger, soit prévue pour septembre 2016 au Centre Jules-Léger et que tout soit en place pour faciliter l’accueil des élèves et la rentrée scolaire.
7.10 Nécessité de prévoir des fonds suffisants
Le plus grand défi de ce modèle vient de la nécessité d’assurer que les fonds requis pour la gouvernance du Centre Jules-Léger seront disponibles au conseil scolaire de langue française de tutelle. Les besoins des élèves en difficulté sont non seulement considérables, mais en perpétuelle croissance, et les ressources nécessaires doivent être garanties à court, à moyen et à long terme. De plus, il est essentiel d’injecter des fonds récurrents pour la formation et le développement professionnels à l’intention du personnel du Centre Jules-Léger et des conseils scolaires de langue française, de même que pour la recherche et le développement organisationnel. Il serait irresponsable de simplement transférer ces fonds existants en souhaitant que tout aille pour le mieux, et de s’en laver les mains par la suite.
Dans le mémoire du CODELF au commissaire ainsi que lors des rencontres avec les hauts dirigeants des conseils scolaires de langue française, il est clairement ressorti qu’il existe des défis propres à l’éducation de langue française, notamment :
- les distances considérables entre les territoires ;
- la dispersion de la population francophone ;
- l’assimilation ;
- la pénurie de personnel francophone qualifié et de matériel de rééducation ou autre ;
- les lacunes de certaines instances médicales de langue anglaise par rapport aux services éducatifs de langue française ;
- le manque de personnel formé en LSQ ;
- la grande diversité des spécificités régionales (p ex., la réalité multiethnique de certains conseils, etc.)
Malheureusement, aux dires des participants, les critères qui s’appliquent à la majorité tiennent rarement compte des aspects susmentionnés. L’équité des services par opposition à l’égalité à tout prix est remise en question. Et avec la récente affaire Rose-des-vents de la Cour suprême du Canada, il convient désormais de parler d’équivalence réelle118.
Le commissaire souhaite instaurer un modèle dynamique, flexible, innovateur, à l’image du XXIe siècle. L’intention d’offrir des services hautement spécialisés à des enfants ayant de très grands besoins est non seulement un droit bien établi, mais d’abord et avant tout une nécessité, sans quoi les familles se tourneront inévitablement vers des services promptement offerts en langue anglaise, ce qui les entraînera vers l’assimilation bien présente.
Comme le dit si bien la Cour suprême du Canada dans l’affaire Rose-des-vents d’avril 2015 :
« L’un des traits distinctifs de l’art. 23 est qu’il est particulièrement vulnérable à l’inaction ou aux atermoiements des gouvernements. Le fait de tarder à mettre en oeuvre le droit accordé par cet article ou de remédier aux violations de celui-ci peut entraîner l’assimilation et gêner l’exercice du droit lui-même. Comme la Cour l’a déjà indiqué, le risque d’assimilation et d’érosion culturelle augmente avec les années scolaires qui s’écoulent sans que les gouvernements respectent les obligations que leur impose l’art. 23 (Doucet-Boudreau, par. 29). Laissé à lui-même, le droit à l’enseignement dans la langue de la minorité risque de disparaître entièrement dans une collectivité donnée. Par conséquent, il est essentiel de veiller à mettre en oeuvre avec vigilance les droits reconnus par l’art. 23 et de remédier à temps aux violations119. »
Il ne faudrait pas sous-estimer la complexité des programmes de qualifications additionnelles en enseignement à l’intention des sourds et des malentendants.
« La gouvernance, oui, mais pas à n’importe quel prix. Il existe des régions où les services en français se font rares», a-t-on entendu lors des consultations du commissaire. Cette intervention sous-entend la crainte que les décisions concernant la gouvernance du Centre Jules-Léger n’aient comme conséquence de priver des élèves de services indispensables.
Et tout ceci a inévitablement un coût. Il convient de rappeler que les considérations purement financières ne sauraient justifier le refus de corriger les violations de droits linguistiques constitutionnels, comme le rappelle la Cour suprême du Canada120.
Une fois la décision prise, une analyse en profondeur des besoins et des meilleures options devra s’effectuer sous le leadership du conseil scolaire de langue française de tutelle. Lors des discussions avec les cadres des conseils scolaires de langue française, ces derniers ont même dit anticiper la possibilité d’une approche progressive « étapiste » avec des mesures transitoires de démarrage. « Le financement adéquat du Centre Jules-Léger restera un élément crucial dans ces discussions121. »
Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de laisser sous-entendre que le ministère de l’Éducation ne donne pas déjà sa juste part du financement de l’éducation en langue française dans la province – sous toutes ses facettes, comme l’a démontré une enquête de 2011 portant sur les écoles de langue française dans la région du Grand Toronto122. Le Ministère reconnaît, à son honneur, le principe de l’égalité réelle mentionné précédemment, tel que proclamé par la Cour suprême du Canada.
Recommandation 8
Attendu que les francophones de l’Ontario ont le droit de bénéficier de programmes et services axés sur le principe de l’équivalence réelle ;
Attendu que de simples transferts des fonds existants pour l’administration du Centre Jules-Léger dans sa forme actuelle vers le conseil scolaire de langue française de tutelle ne seraient pas suffisants pour mettre en oeuvre le mandat renouvelé du Centre Jules-Léger ;
Attendu que la détermination des fonds exacts dépendra d’une analyse réfléchie, transparente et délibérée de la part du comité de transition :
- Le commissaire recommande à la ministre de l’Éducation que les recommandations du comité de transition soient reçues favorablement.
- Le commissaire recommande à la ministre de l’Éducation de se montrer à l’écoute des demandes financières du comité de transition afin de garantir le succès véritable du Centre Jules-Léger et de son mandat renouvelé.
Conclusion
L’article 23 de la Charte garantit un droit de gestion et de contrôle aux membres de la communauté d’expression française de l’Ontario ; c’est-à-dire que les membres de la communauté d’expression française de l’Ontario doivent pouvoir prendre les décisions qui touchent l’éducation, les programmes, les services, la langue et la culture au Centre Jules- Léger.
Par contre, depuis 1995, le Centre Jules-Léger est géré par le ministère de l’Éducation, qui a la responsabilité exclusive d’embaucher le personnel du Centre, de gérer les dépenses du Centre et d’adopter les orientations pédagogiques et culturelles du Centre.
Ainsi, selon une analyse de l’article 23 de la Charte et des décisions qui l’interprètent, le modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger porte non seulement atteinte à l’article 23 de la Charte, mais également à l’intégrité et à la mission culturelle du Centre Jules-Léger.
Le nombre d’élèves qui pourraient se prévaloir des services du Centre Jules-Léger, tant à l’École provinciale pour les élèves sourds, malentendants, aveugles puis sourds et aveugles qu’à l’École d’application pour les élèves avec des troubles d’apprentissage sévères, justifie un niveau de gestion et de contrôle approprié. Par contre, les nombres ne justifient pas forcément la création d’un conseil scolaire indépendant, c’est-à-dire le niveau maximum de gestion et de contrôle garanti par l’article 23 de la Charte.
Parmi les douze conseils scolaires de langue française devrait figurer le conseil scolaire de tutelle chargé de la gestion du Centre Jules-Léger. Ce conseil scolaire serait l’organisme le mieux placé pour gérer ce centre d’excellence de l’élève en difficulté. À la lumière de ces conclusions, il apparaît crucial que le Ministère prenne des décisions rapidement.
Annexe A : Liste des documents consultés
Documents obtenus du ministère de l’Éducation de l’Ontario
Rapports
- Le rapport Leduc-Levesque : La révision du Centre Jules-Léger : Une nouvelle organisation pour une prestation améliorée (2005)
- Le rapport Bernard-Boulianne : Rapport d’établissement des faits – Examen des préoccupations exprimées par les élèves du Centre Jules-Léger (2011)
- Commissariat aux services en français : réponse du ministère de l’Éducation à une plainte faite au Commissariat aux services en français (2011)
Sondage
- Sondage de satisfaction des parents d’élèves du Centre Jules-Léger (2014)
Correspondance entre le Ministère et différents intervenants
- Enseignants, Éducateurs scolaires, Interprètes travaillant à l’école pour sourds et malentendants du Centre Jules-Léger (2011)
Plans d’action
- Administrative Changes (2005)
- Centre Jules-Léger’s Action Plan, September 2011 Survey, Level of Program Satisfaction by parents and students
- Employee Engagement Action Plan, November
- Centre Jules-Léger Action Plan, Last Update (2011)
- Plan d’action visant à répondre aux préoccupations des élèves (2011-2012)
Autres documents
- Rapport Deloitte : Direction des écoles provinciales, Examen des services en établissement (2008)
- Rapport Drummond : Commission de réforme des services publics de l’Ontario, Des services publics pour la population ontarienne : CAP sur la viabilité et l’excellence (2012)
- La Corporation des services en éducation de l’Ontario: Une gouvernance efficace pour les conseils scolaires: Programme de perfectionnement professionnel des membres des conseils scolaires (2014)
Mémoire
- Centre Jules-Léger Gouvernance : Position du CODELF (2014)
Annexe B : Modèle de gouvernance du Centre Jules-Léger pour l’année scolaire 2014-2015
Annexe C : Règlement demandé par les plaignants
Les plaignants ont suggéré le règlement qu’ils souhaitent par rapport à la gouvernance du Centre Jules-Léger.
« En vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et de l’arrêt Mahé, que le gouvernement de l’Ontario reconnaisse :
- Que ce sont les parents d’élèves des écoles du Centre Jules-Léger, ou leurs représentants élus ou nommés par eux, qui possèdent le droit de gérer et de contrôler leur établissement. Que le droit de gérer est un droit individuel automatique. On ne peut pas priver un parent de son droit de gestion, du simple fait que la majorité francophone aimerait y renoncer.
- Que tous les parents francophones en province ayant des enfants sourds, aveugles, sourds et aveugles, ou ayant des troubles graves d’apprentissage ou des troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité ont le droit de faire instruire leurs enfants au Centre Jules-Léger.
- Que les élèves du Centre Jules-Léger ont le droit de recevoir une instruction qui leur donne des chances égales à celles des anglophones, c’est-à-dire que la qualité de l’instruction offerte dans les écoles du Centre Jules-Léger soit de qualité équivalente à celle offerte aux anglophones, sans que les programmes et services soient identiques.
- Que les écoles du Centre Jules-Léger doivent être financées par les fonds publics. Ces fonds doivent être suffisants pour assurer une qualité équivalente à l’instruction offerte aux anglophones et pour remédier aux torts historiques causés par l’assimilation. Ils doivent être au moins équivalents aux fonds affectés aux écoles de la majorité. Pour compenser le fossé en matière d’équité, il est justifié que les écoles du Centre Jules- Léger reçoivent aussi un montant par élève supérieur à ce qui est versé aux écoles de la majorité. Ce droit n’entraîne pas la responsabilité de prélever des fonds ou des impôts scolaires additionnels.
- Que les parents d’élèves des écoles du Centre Jules-Léger ont droit à leur système d’éducation, avec des structures organisationnelles, un territoire d’envergure provincial et des services différents de ceux dont bénéficie la majorité. Ce système scolaire de langue française doit répondre aux besoins des parents d’élèves des écoles du Centre Jules-Léger et correspondre à leur réalité, une réalité provinciale liée à l’Éducation de l’enfance en difficulté.
[…] le seul modèle de gouvernance acceptable et capable de répondre aux besoins particuliers des parents d’élèves des écoles du Centre Jules-Léger est celui d’une administration scolaire de langue française non confessionnelle ayant un territoire provincial. Ce qui est tout à fait inacceptable pour ces mêmes parents est le statu quo ou un transfert sous la juridiction et la tutelle d’un conseil scolaire régional déjà établi. […] la reconnaissance, l’application et le maintien des droits des parents francophones d’élèves des écoles du Centre Jules-Léger ne sont assujettis ni à la conjoncture économique de la province, ni à celle du pays. »
Des parents ont mis en valeur l’importance de la socialisation des enfants sourds et malentendants dans leur culture et leur langue en conformité avec les attentes du ministère de l’Éducation énoncées dans la Politique d’aménagement linguistique (ci-après la « PAL »). « Mon fils a besoin d’acquérir une langue et une communauté. » La population sourdienne francophone est une minorité au sein d’une minorité et a besoin d’être gouvernée par une entité qui comprenne les besoins de même que les réalités d’une communauté minoritaire et qui possède une solide expérience en ce qui a trait à l’éducation de langue française en milieu minoritaire.
Rencontres avec les plaignants
Lors des consultations, les participants ont essentiellement repris les propos susmentionnés. Ils ont ajouté que les comités consultatifs aux niveaux local (Conseils d’école) et provincial (Conseil d’orientation) fonctionnent plus ou moins, car les préoccupations principales des parents ne sont peu ou pas prises en considération. Leurs questions restent la plupart du temps sans réponse.
Les participants ont proposé des pistes de solution quant au modèle de gouvernance qui, à leur avis, serait le plus approprié :
- Un mode de gouvernance par et pour les francophones est certes souhaitable, mais pas au prix du démantèlement du Centre Jules-Léger. Les participants espèrent maintenir le Centre Jules-Léger, pour eux siège de l’expertise. Ils craignent, si les programmes et services étaient offerts dans les conseils scolaires, qu’il y ait dilution de la qualité. La dispersion des experts leur semble très problématique. De plus, selon les participants, cet état de fait pourrait entraîner le départ d’élèves francophones vers les conseils de langue anglaise qui, en raison de la masse critique d’élèves qui y est desservie, pourraient jouir d’un plus grand nombre de services et de ressources. Enfin, le nombre d’experts francophones étant limité, il y a risque que des élèves de certaines régions ne puissent pas profiter de leur présence. L’équité d’une éducation de qualité en langue française pour tous les jeunes Franco-Ontariens serait mise en jeu.
- Un des éléments cruciaux pour les plaignants est le besoin de constituer une masse critique d’élèves sourds et malentendants francophones afin d’assurer une socialisation en français et la construction d’une communauté vibrante et dynamique. La possibilité d’accueillir des élèves d’autres provinces favoriserait des interactions entre un nombre significatif de jeunes.
- Une application plus flexible du critère des soixante-dix minutes de déplacement, tenant compte de la réalité francophone, favoriserait l’accès à la résidence pour un plus grand nombre d’élèves et contribuerait à améliorer la communication en français (LSQ), faciliterait la construction identitaire et assurerait la vitalité de cette communauté francophone, comme le préconise la PAL.
Autres groupes consultés
Plusieurs des groupes consultés ont appuyé les propos des plaignants quant à la nécessité d’obtenir une gouvernance du Centre Jules-Léger par et pour les francophones :
- droit constitutionnel – article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés ;
- respect de l’identité culturelle et de la langue d’expression – PAL ;
- gouvernance et gestion pour et par des francophones qui connaissent la réalité de la communauté minoritaire, avec une autonomie et un pouvoir décisionnel réels ;
- ressources personnalisées pour la réalité francophone, y compris les sourds.
Annexe D : Comité consultatif pour l’enfance en difficulté
Référence : Règlement de l’Ontario 464/97
Responsabilité du Conseil scolaire et composition du CCED :
Chaque conseil scolaire de district crée un comité consultatif pour l’enfance en difficulté qui comprend les personnes suivantes :
- un représentant de chacune des associations locales* (douze représentants tout au plus) qui exerce ses activités sur le plan local dans le territoire de compétence du conseil, qui est mis en candidature par l’association locale et nommé par le conseil ;* association locale : association ou groupe de parents qui exercent ses activités sur le plan local dans le territoire de compétence d’un conseil scolaire et qui n’est pas affilié à une association ou à un groupe d’éducateurs professionnels, mais qui soit constitué en personne morale et exerce ses activités dans tout l’Ontario pour favoriser les intérêts et le bien-être d’un ou de plusieurs groupes d’enfants ou d’adultes en difficulté.
- un membre suppléant pour chaque représentant d’association locale, mis en candidature par l’association locale et nommé par le conseil ;
- des membres du conseil scolaire (le moins élevé des nombres suivants : trois ou 25 % du nombre total des membres du conseil, arrondi à la baisse au chiffre entier le plus proche) ;
- une ou deux personnes pour représenter les intérêts des élèves autochtones ;
- un ou plusieurs autres membres n’étant ni représentants d’associations locales, ni membres du conseil ou de ses comités.
Un employé du conseil ne peut ni être mis en candidature par son association locale ni être nommé par le conseil.
Chaque administration scolaire, à l’exception d’un conseil créé aux termes de l’article 68 de la Loi, crée un CCED qui comprend les personnes suivantes :
- deux représentants des associations locales qui exercent leurs activités sur le plan local dans le territoire de compétence du conseil, qui sont mis en candidature par les associations locales et nommés par le conseil ;
- un membre suppléant pour chaque représentant nommé, mis en candidature par les associations locales et nommé par le conseil ;
- un membre nommé par le conseil parmi ses membres ;
- un membre suppléant pour le conseil nommé parmi ses membres;
- une ou deux personnes pour représenter les intérêts des élèves autochtones ;
- en l’absence d’associations locales, le conseil, au lieu de nommer les membres et les membres suppléants, nomme deux membres et deux membres suppléants qui ne sont pas membres du conseil.
Pour être membre du CCED, une personne doit être habilitée à voter lors de l’élection des membres de ce conseil et résider dans le territoire de compétence du conseil.
Le membre du CCED ou son suppléant doit abandonner son poste si :
- il est déclaré coupable d’un acte criminel ;
- il n’assiste pas, sans y avoir été autorisé par une résolution inscrite au procès-verbal, à trois réunions ordinaires consécutives du comité ;
- il cesse de posséder les qualités requises pour être nommé au comité.
Mandat :
Celui-ci est de la même durée que le mandat des membres du conseil scolaire et est reconduit jusqu’à ce qu’un nouveau conseil soit constitué.
Quorum :
La majorité des membres d’un CCED constitue le quorum. Le vote de la majorité des membres présents à une réunion est nécessaire pour engager le comité. Chaque membre présent à une réunion, ou son suppléant lorsqu’il assiste à la réunion à sa place, a droit de vote. La présidence peut voter avec les autres membres du comité. En cas de partage des voix, la motion est rejetée.
Autres responsabilités du conseil scolaire :
- Le conseil scolaire doit offrir à ses membres, dans un délai raisonnable après la constitution du comité, des renseignements et l’orientation nécessaires à l’égard de ce qui suit :
- les rôles respectifs du comité et du conseil scolaire en ce qui a trait à l’enfance en difficulté ;
- les politiques du Ministère et du conseil en ce qui concerne l’enfance en difficulté ;
- Le conseil doit mettre à la disposition du CCED le personnel et les installations qu’il juge nécessaires au bon fonctionnement du comité.
Rôle et responsabilités du CCED :
- se réunir dix fois pendant l’année scolaire ;
- faire des recommandations au conseil scolaire sur toutes questions qui touchent la création, l’élaboration et la prestation de programmes d’enseignement et de services à l’enfance en difficulté à l’intention des élèves en difficulté du conseil scolaire ;
- avoir la possibilité d’être entendu par le conseil scolaire avant que ce dernier rende une décision sur une décision du CCED ;
- avoir la possibilité de participer à l’examen de son plan pour l’enfance en difficulté ;
- avoir la possibilité de participer au processus budgétaire du conseil scolaire ;
- avoir la possibilité d’examiner les états financiers du conseil scolaire.
Annexe E : Inscriptions de 2004 à 2014 – Écoles provinciales et écoles d’application
Source : ministère de l’Éducation de l’Ontario, 12 juin 2015
Note : Les chiffres représentent les inscriptions en septembre. Ces inscriptions peuvent fluctuer en cours d’année selon les arrivées et les départs d’élèves.
Source : ministère de l’Éducation de l’Ontario, 12 juin 2015
Note : Les chiffres représentent les inscriptions en septembre. Ces inscriptions peuvent fluctuer en cours d’année selon les arrivées et les départs d’élèves.
Source : ministère de l’Éducation de l’Ontario, 12 juin 2015
Note : Les chiffres représentent les inscriptions en septembre. Ces inscriptions peuvent fluctuer en cours d’année selon les arrivées et les départs d’élèves.
1 L’annexe A présente une liste non exhaustive de tous les documents consultés.
2 Ronald Leduc et Denis Levesque, La révision du Centre Jules-Léger : Une nouvelle organisation pour une prestation améliorée, 2005, p. 12.
3 Ibid.
4 Ibid.
5 Ibid., p. 13.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Loi sur l’éducation, LRO 1990, c E-2, para. 13(1) (2) et (4.1).
11 Règlement de l’Ontario 296 : Écoles provinciales pour aveugles et pour sourds pris en application de la Loi sur l’éducation, para. 2(5).
12 La surdité revêt des sens différents pour les personnes ayant une limitation auditive et pour la majorité entendante. L’expression « majorité entendante » désigne les personnes qui, à l’inverse des personnes sourdes, devenues sourdes et malentendantes, pour ne nommer que celles-là, ont une ouïe totalement fonctionnelle.
13 Jean-Luc Bernard et Jacqueline Boulianne, Rapport d’établissement des faits : Examen des préoccupations exprimées par les élèves du Centre Jules-Léger, Ministère de l’Éducation de l’Ontario, p. 10.
14 Pour plus de détails : www.centrejulesleger.com/ecoleprov.htm (page consultée en juillet 2015).
15 Ibid.
16 Règlement de l’Ontario 296, op. cit., para. 3(1).
17 Ibid., para. 3(1)c) et d).
18 Selon le site Web du Centre Jules-Léger, les six consultants du Centre suivent 274 élèves au cours d’une année scolaire et 558 visites dans les écoles de la province sont prévues pour une année scolaire. Le site ne précise pas l’année dont il est question. Pour plus de détails : www.centrejulesleger.com/ecoleprov.htm (page consultée en juillet 2015).
19 Selon le site Web du Centre Jules-Léger, les trois consultants du Centre suivent 98 élèves au cours d’une année scolaire. Le site ne précise pas l’année en question. Pour plus de détails : www.centrejulesleger.com/ecoleprov.htm (page consultée en juillet 2015).
20 Selon le site Web du Centre Jules-Léger, les deux consultants du Centre suivent 37 élèves au cours d’une année scolaire. Le site ne précise pas l’année en question. De plus, il existe une classe « satellite » pour les élèves sourds et aveugles à l’École Marius-Barbeau, à Ottawa. Pour plus de détails : www.centrejulesleger.com/ecoleprov.htm (page consultée en juillet 2015). 20 Selon le site Web du Centre Jules-Léger, les deux consultants du Centre suivent 37 élèves au cours d’une année scolaire. Le site ne précise pas l’année en question. De plus, il existe une classe « satellite » pour les élèves sourds et aveugles à l’École Marius-Barbeau, à Ottawa. Pour plus de détails : http://www.centrejulesleger.com/ecoleprov.htm (page consultée en juillet 2015).
21 Selon le site Web du Centre Jules-Léger, l’enseignante du Centre offre des services à 31 enfants à travers la province, sans préciser l’année en question.
22 Pour plus de détails : www.centrejulesleger.com/ecoleprov.htm (page consultée en juillet 2015).
23 Règlement de l’Ontario 181/98 : Identification et placement des élèves en difficulté, para. 18(2)c).
24 Pour plus de détails : www.centrejulesleger.com/ecoleapplication.htm (page consultée en juillet 2015).
25 Politique/Programmes note 89 : Internats pour enfants en difficulté d’apprentissage : renseignements généraux et détails sur les demandes de placement. Disponible en ligne : www.edu.gov.on.ca/extra/fre/ppm/89f.html (page consultée en juillet 2015).
26 Ibid.
27 Ibid.
28 Ibid.
29 Supra note 24.
30 Pour plus de détails : http://www.psbnet.ca/eng/schools/sagonaska/general_information.html (page consultée en juillet 2015).
31 Loi sur l’éducation, op. cit., art. 8(3), 13(3), 13(4.1) et 13(7).
32 Disponible en ligne : http://www.pas.gov.on.ca/scripts/fr/BoardDetails.asp?boardID=753 (page consultée en juillet 2015).
33 Ronald Leduc et Denis Levesque, supra note 2, p. 27.
34 Voir l’annexe E.
35 Ibid.
36 Politique de consultation en matière de gouvernance de l’éducation en langue française, 2011, p. 1. Disponible en ligne : www.edu.gov.on.ca/fre/amenagement/ConsultEducationFr.pdf (page consultée en juillet 2015).
37 Ibid., p. 4.
38 Ibid.
39 Disponible en ligne : www.larousse.fr/dictionnaires/francais/gouvernance/37692?q=gouvernance#431601 (page consultée en juillet 2015).
40 Ibid.
41 La Corporation des services en éducation de l’Ontario, Une gouvernance efficace : guide à l’intention des conseils scolaires, de leurs membres, des directions de l’éducation et des communautés, 2014, p. 22.
42 Ibid., p. 2.
43 Reference re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights, (1984) 47 RJO (2e) 1, CanLII
44 Mahé c. Alberta, [1990] 1 RCS 342.
45 Ibid., p. 370.
46 Ibid., p. 371-372.
47 Ibid., p. 372.
48 Ibid., p. 362.
49 Ibid., p. 362 ; voir également Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, p. 748 et 749.
50 Association des parents de l’école Rose-des-vents c. Colombie-Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, para. 26.
51 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 363.
52 Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), [2005] 1 RCS 201, para. 23 et 33.
53 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 374.
54 Ibid.
55 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 384 ; Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 RCS 839 p. 850 ; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince Édouard, [2000] 1 RCS 3, para. 32.
56 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 384.
57 Ibid.
58 Ibid., p. 379.
59 Charte canadienne des droits et libertés, art. 23(1), partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 ; Loi sur l’éducation, LRO 1990, c E-2, art. 21.
60 Charte canadienne des droits et libertés, art. 23(3)b), partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.
61 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince Édouard, [2000] 1 RCS 3, para. 52 et 55.
62 Marchand c. Simcoe County Board of Education et al., (1986) 55 RJO (2e) 638 p. 660 (HCJ) ; Reference re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights, op. cit. ; Mahé c. Alberta, op. cit., p. 378 ; Association des parents de l’école Rose-des-vents c. Colombie-Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, para. 41.
63 Association des parents de l’École Rose-des-vents c. Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, op. cit., para. 128 à 135.
64 Il est loisible d’interpréter le droit de vote des membres de la communauté d’expression française de l’Ontario au regard des décisions qui interprètent le droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte. Voir p. ex. Renvoi : Circ. électorales provinciales (Sask), [1991] 2 RCS 158 p. 183 : « Je conclus que l’objet du droit de vote garanti à l’art. 3 de la Charte n’est pas l’égalité du pouvoir électoral en soi mais le droit à une « représentation effective ». Notre démocratie est une démocratie représentative. Chaque citoyen a le droit d’être représenté au sein du gouvernement. La représentation suppose la possibilité pour les électeurs d’avoir voix aux délibérations du gouvernement aussi bien que leur droit d’attirer l’attention de leur député sur leurs griefs et leurs préoccupations ; comme il est dit dans l’arrêt Dixon c. British Columbia (Attorney General), [1989] 4 W.W.R 393, p. 413, les représentants élus exercent deux rôles : “un rôle législatif et celui que l’on qualifie d’ombudsman” ».
65 Loi sur l’éducation, supra note 10, para. 8(3).
66 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 377.
67 Ibid., p. 394-395.
68 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince Édouard, op. cit., para. 52.
69 Reference re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights, op. cit., p. 57 (CA) ; Commission scolaire francophone, Territoires du Nord-Ouest et al. c. Procureur général des Territoires du Nord- Ouest, 2012 CSTN-O 44 cor 1, para. 657 ; Commission scolaire francophone du Yukon n° 23 c. Procureure générale du Territoire du Yukon, 2011 YKSC 57, para. 762-764. Ces trois décisions ont été infirmées en appel sur la question de la gestion des admissions ; l’affaire au Yukon a été amenée devant la Cour suprême du Canada par la Commission scolaire francophone du Yukon, entre autres sur la question de la gestion des admissions. Cette affaire est en délibéré depuis le 21 janvier 2015.
70 Charte canadienne des droits et libertés, op. cit.
71 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince Édouard, op. cit., para. 52.
72 Ibid., para. 43 ; Mahé c. Alberta, op. cit., p. 393.
73 Association des parents de l’école Rose-des-vents c. Colombie-Britannique (Éducation), op. cit., para. 41.
74 Loi sur l’éducation, supra note 10, para. 8(3).
75 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince Édouard, op. cit., para. 42.
76 Ronald Leduc et Denis Levesque, supra note 2, p. 48.
77 Ibid., p. 44.
78 Ibid., p. 53.
79 Ibid., p. 55.
80 Jean-Luc Bernard et Jacqueline Boulianne, supra note 13, p. 9.
81 Ibid.
82 Ibid.
83 Supra note 1.
84 Ibid.
85 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 362 et p. 363.
86 Pour approfondir la question, voir Émilie Moniz et Mark Power, « Les langues des signes au Canada : entre droits linguistiques et droits de la personne », dans Revue de droit et santé de McGill, vol. 8, no 1, 2014, p. 43-78 ; Jean- Luc Bernard et Jacqueline Boulianne, supra note 13, p. 10.
87 Pour plus de détails : http://www.cad.ca/la_langue.php (page consultée en juillet 2015).
88 Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Livre II : L’éducation, Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1968, p. 8.
89 Ford c. Québec (Procureur général), op. cit., p. 748, 749.
90 Supra note 86.
91 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 363.
92 Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), supra note 52, para. 50.
93 Loi sur l’éducation, supra note 31.
94 Disponible en ligne : http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SurvId=133011&InstaId=133012& SDDS=3251 (page consultée en juillet 2015).
95 Pour plus de détails : http://www23.statcan.gc.ca/imdb-bmdi/instrument/3251_Q3_V1-fra.htm (page consultée en juillet 2015).
96 Statistique Canada, L’Enquête sur la participation et les limitations d’activités de 2006 : Faits sur les limitations auditives, Ottawa, 2006, p. 1.
97 Pour plus de détails : www.implantcochleaire.ca/implant.html (page consultée en juillet 2015).
98 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, op. cit., para. 34.
99 Politique/Programmes, note 89, supra note 25.
100 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, op. cit., para. 34 ; Lavoie c. Nouvelle-Écosse (Procureur général), 1988 CanLII 3950 p. 7.
101 Loi sur l’éducation, supra note 10 ; voir également l’affaire Farnham (Re), 2005 SKPC 122, para. 13 et 49. L’affaire Farnham (Re) démontre l’importance d’une école pour les enfants sourds et particulièrement sur le développement langagier des enfants. Le juge dans cette affaire a critiqué le gouvernement de la Saskatchewan pour la fermeture de l’école pour les sourds de la province et le fait que les programmes gouvernementaux de la Saskatchewan mettaient l’accent sur l’intégration des enfants sourds dans les salles de classes régulières de la Saskatchewan.
102 Mahé c. Alberta, op. cit., p. 379 et p. 380.
103 Ibid., p. 380.
104 Loi sur l’éducation, op. cit., art. 1.
105 Ibid.
106 Information émise par Henri Lemire, directeur général du Conseil scolaire francophone Centre-Nord, lors d’un entretien le 9 février 2015.
107 Loi sur l’éducation, op. cit., al. 170(1)17.1).
108 Règlement de l’Ontario 612/00 : Conseils d’école et comités de participation des parents pris en application de la Loi sur l’éducation, para. 2(1).
109 Ibid.
110 Ibid.
111 Ibid., para. 19(1). Selon cet article, cette liste n’est pas exhaustive.
112 Ibid., art. 23.
113 Règlement de l’Ontario 464/97 : Comités consultatifs pour l’enfance en difficulté pris en application de la Loi sur l’éducation, para. 3(1).
114 Ibid., para. 11(1).
115 Ibid., para. 11(2).
116 Loi sur l’éducation, op. cit., para. 8(3) ; Pour plus détails : https://www.edu.gov.on.ca/fre/general/elemsec/speced/guide/spedhandbookfr.pdf (page consultée en juillet 2015).
117 Supra note 14.
118 Association des parents de l’école Rose-des-vents c. Colombie-Britannique (Éducation), op. cit., para. 26.
119 Ibid., para. 28.
120 Ibid., notamment au para. 51.
121 Supra note 14.
122 Commissariat aux services en français, Rapport d’enquête – Les écoles françaises dans la région du Grand Toronto : Quand l’élémentaire devient secondaire, Toronto, 2011.