Programme de formation linguistique pour les juges provinciaux du Nouveau-Brunswick
Ce billet est rédigé par la commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Katherine d’Entremont
Je remercie le commissaire Boileau de m’avoir invitée à ajouter un billet de mon cru à son blogue. Voici l’occasion pour moi de vous parler d’une initiative néo-brunswickoise qui connaît beaucoup de succès : un programme de formation linguistique pour les juges provinciaux.
Depuis 2011, des juges provinciaux du Nouveau-Brunswick et d’autres provinces canadiennes se rendent dans la Péninsule acadienne pour participer à des sessions intensives de formation en français juridique.
Une juge du Nouveau-Brunswick, Yvette Finn, est à l’origine de ce programme offert par le Conseil canadien des juges en chef des cours provinciales avec l’appui financier de Justice Canada et du gouvernement du Nouveau-Brunswick.
En lançant ce projet, la juge Finn avait un objectif précis en tête, soit « de fournir à ses collègues la possibilité d’utiliser la langue seconde dans un cadre le plus proche possible de leurs activités judiciaires, mais sans conséquence pour le justiciable ».
Pour ce faire, elle a su s’entourer de collaborateurs remarquables, dont le Centre canadien de français juridique ainsi qu’une équipe de juristes et de spécialistes de l’apprentissage des langues.
Le programme de formation linguistique se distingue par l’accent mis sur la formation pratique. En effet, les juges qui participent à ces sessions (d’une semaine environ) prennent part, entre autres, à des procès simulés.
Chaque session de formation porte sur un thème particulier lié aux accusations les plus courantes en cour provinciale, notamment les infractions impliquant des véhicules à moteur, celles contre la personne et les accusations liées aux stupéfiants.
Le programme compte au total cinq thèmes. À raison de deux sessions de formation par année, un participant a suivi l’ensemble des modules en deux ans et demi.
Les activités de la semaine se composent d’ateliers de terminologie, d’exercices pratiques et de simulations, le tout dirigé par une équipe de spécialistes de l’apprentissage, de juristes et de juges formateurs.
Un des éléments clefs de ce programme est l’échelle de la compétence en français juridique qui a été élaborée par le Centre canadien de français juridique, et dont l’auteur est M. Normand Fortin. L’échelle comprend quatre niveaux progressifs de compétence, à savoir les habiletés à comprendre (lire et écouter) et à s’exprimer (écrit et oral). L’ensemble est placé en contexte, les tâches d’un juge de la cour provinciale servant d’exemple.
Le programme de formation est bien rempli : on travaille fort le jour, on se détend en soirée, mais l’apprentissage est toujours présent. En effet, le programme comprend aussi des activités pédagogiques communautaires ayant comme objectif de fournir aux participants des occasions de communiquer en français avec les membres de la communauté. D’ailleurs, les responsables de ce programme ont de la suite dans les idées : l’une de ces activités sociales, Meurtre et mystères, se déroule au Village historique acadien. Voir des juges interviewer les personnages du village historique et tenter de trouver le meurtrier démontre que l’on peut apprendre tout en s’amusant.
La session de formation d’une semaine se termine par un temps fort : le procès simulé d’une durée de deux heures, d’un réalisme frappant. Les avocats sont de vrais juristes; les policiers, des membres de la GRC. Les rôles d’accusés et de témoins sont joués par des comédiens de la région. Les juges sont donc appelés à mettre en pratique ce qu’ils ont appris au cours de la semaine. Ils entendent les exposés, les plaidoiries, posent des questions, puis doivent rendre leur décision.
Le programme de formation a évolué depuis les premières sessions pilotes, et ce, à la lumière de la rétroaction des participants et d’une meilleure compréhension des besoins des juges. Depuis cet été, un programme similaire est donné aux juges francophones qui veulent améliorer leurs compétences en anglais juridique.
Le Programme de formation linguistique à l’intention des juges canadiens de nomination provinciale est un moyen remarquable d’accroître la capacité bilingue des cours. En outre, ce programme contribue à l’essor de l’industrie de langue dans la seule province officiellement bilingue du Canada.
Cool and cute