Justice en français en Ontario : un avenir prometteur
Il y a quelques mois, je m’étais engagé à passer en revue les divers constats du rapport Accès à la justice en français, signé par le Comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français. L’exercice avait pour but d’expliquer l’importance des recommandations de cet important rapport pour les justiciables francophones de l’Ontario, et ce, non seulement parce que le rapport en question constitue la réalisation de la quatrième recommandation de mon rapport annuel 2008-2009, mais aussi parce que les enjeux et solutions dégagés ont ou auront des répercussions très concrètes sur la vie des francophones de notre province.
Rappelons-le, en Ontario, le français jouit du statut de langue officielle devant les tribunaux. Ce statut implique évidemment que le citoyen qui souhaite se faire entendre en français devant les tribunaux puisse le faire devant un magistrat capable de le comprendre et de s’exprimer sans l’aide d’un interprète. Cela va toutefois bien plus loin : le citoyen qui opte pour le français dans sa quête de justice en Ontario – que ce soit pour contester une contravention ou pour réclamer des dommages à la suite d’une agression – doit jouir d’un accès égal à celui dont jouit le citoyen anglophone.
Pour le justiciable de langue officielle minoritaire, cela signifie notamment qu’il doit être activement informé de ses droits et des moyens de les exercer; qu’il ne doit pas voir l’exercice de son droit remis en question (combien de fois entendons-nous ici, au Commissariat, des cas où le justiciable s’est vu dire « mais, pourtant, vous parlez pourtant très bien anglais »); qu’il ne doit pas engager de frais supplémentaires ni subir davantage de retard dans le traitement de sa cause. Bref, sa demande ne doit pas être traitée comme un accommodement négociable, mais bien comme une invocation incontestable d’obligations de la part du système judiciaire.
À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas, comme le démontrent les plaintes reçues par le Commissariat.
La situation est d’autant plus préoccupante que, compte tenu du caractère intimidant des rapports avec la justice pour la plupart des citoyens, je suis convaincu que les plaintes que nous recevons ne constituent que la pointe de l’iceberg. Pensez-y : Qui oserait risquer de se mettre à dos le magistrat qui doit trancher sur la garde de ses enfants? Qui oserait critiquer un système chargé de décider de son sort?
Bien sûr, le Comité consultatif abonde ce sens : dans son rapport, il reconnaît ouvertement la nécessité d’améliorer l’accès à la justice en français. Plus encore, il cerne savamment les problèmes qu’éprouvent les justiciables francophones et propose des pistes de solution audacieuses. Je ne pouvais donc faire autrement que de compulser le rapport et de partager mes réflexions avec la communauté, d’où mes billets récapitulatifs des derniers mois.
Le travail ne s’arrête pas là pour autant. Le dégrossissage doit maintenant laisser place à l’affinage, puis à l’exécution. Et j’ai confiance que c’est ce qui se passera à la lumière de la détermination du procureur général de l’Ontario de s’assurer que les citoyens jouissent d’un accès égal au système de justice de l’Ontario dans la langue officielle de leur choix et surtout à la lumière de la constitution d’un comité directeur chargé d’élaborer un plan de mise en œuvre des recommandations du rapport, comité qui a d’ailleurs déjà commencé ses travaux, et j’en suis bien content.
Manifestement, l’amélioration d’un système aux multiples intervenants nécessitera du temps, et je suis tout à fait disposé à attendre pour que des changements systémiques soient apportés qui garantiront, à terme, un accès égal à la justice en français aux citoyens de l’Ontario.
Mais qu’on ne se méprenne pas : j’entends être patient, mais pas passif. J’ai déjà demandé que l’on m’informe des progrès du comité directeur; j’ai rencontré des représentants – au demeurant, très coopératifs – de l’administration des infractions provinciales; j’ai lancé un appel à la collaboration au Barreau du Haut-Canada, et, surtout, j’ai clairement exprimé que je m’attends des organismes gouvernementaux qui sont informés de plaintes mettant en cause des citoyens vulnérables (ce que sont les justiciables, à mes yeux) qu’ils adoptent une approche axée sur la sensibilité et la responsabilisation.
J’estime donc que l’avenir est rassurant pour les justiciables francophones devant cette convergence des vues des divers intervenants du système judiciaire. Je ne saurais toutefois trop encourager les citoyens qui éprouvent des difficultés à se faire entendre en français devant les tribunaux et autres organes décisionnels de l’Ontario ou encore, ce qui n’est pas moins important, à obtenir activement de l’appui dans l’exercice de ce droit, à communiquer sans crainte avec le Commissariat. Mon équipe veillera à ce que toutes les plaintes soient portées à l’attention des autorités compétentes dans une optique de résolution individuelle ou systématique, selon le cas.