Vers une administration francosensible de la Loi sur les infractions provinciales

Rapport sur l'accès à la justice en français

Le début d’une nouvelle année me ranime toujours. De fait, le renouveau m’inspire tant que j’ai eu de la difficulté à contenir mon enthousiasme quand le Comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français a rendu public son rapport Accès à la justice en français et, surtout, quand le Procureur général s’est engagé à voir à ce que ses recommandations prometteuses d’un renouveau de l’accès à la justice en français deviennent une réalité.

Ce rapport constitue un tel tournant pour la communauté francophone que j’ai décidé de revoir chacune de ses recommandations dans mon blogue, d’où le présent billet qui traite de la Loi sur les infractions provinciales (ou « LIP »).

Pourquoi le Comité consultatif s’est-il penché sur cette loi en particulier? En ses mots, « les procédures visées par la LIP ne permettent pas d’obtenir des services uniformes et facilement accessibles en français ».

Je brosse le tableau à grands traits : la LIP définit les procédures relatives aux infractions qui peuvent faire l’objet d’une déclaration sommaire de culpabilité, comme les infractions de stationnement. Entre 1998 et 2002, l’administration de la LIP a été transférée aux municipalités et, à moins que celles-ci ne se soient dotées d’un règlement assurant la prestation de services en français, ses agents d’exécution ne peuvent remplir les formulaires du ministère du Procureur général qu’en anglais seulement afin d’entamer un processus d’accusation sommaire. Ce n’est donc souvent qu’après s’être objecté à une accusation d’infraction provinciale qu’un citoyen francophone peut se faire entendre en français, car il tombe alors sous le coup de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui, elle, prévoit le droit à une audience bilingue.

Les plaintes à propos du manque du français dans la procédure énoncée dans la LIP ne sont pas rares au Commissariat. Ainsi, pas plus tard qu’en novembre dernier, un citoyen francophone de Toronto a communiqué avec nous : un policier de la Ville lui avait remis un avis, rempli en anglais seulement, selon lequel il était tenu de se présenter au tribunal à une date indiquée. Le citoyen en question voulait plaider en français. Or, rien sur le formulaire du ministère qu’il avait reçu ne mentionnait cette possibilité.

Nos communications avec le Procureur général nous ont appris que le citoyen en question faisait l’objet d’une accusation en vertu de la partie III de la LIP, qui lui imposait de comparaître devant un juge à l’endroit et à la date indiqués (en anglais seulement) sur le formulaire. À la comparution, le citoyen serait appelé à réagir à l’accusation (fort probablement en anglais, à moins que le hasard fasse en sorte que le juge soit bilingue) et, si – et seulement si – il décidait de contester l’accusation portée contre lui (en anglais seulement, rappelons-le), il se verrait offrir la chance d’exercer son droit à s’exprimer en français à l’audience subséquente.

Ce type de plainte est problématique pour le Commissariat pour d’innombrables raisons, notamment parce que les éclaircissements – au demeurant, drôlement complexes – ne peuvent venir que du ministère du Procureur général puisque la LIP couvre de très nombreuses infractions qui ont chacune leur spécificité. En dépit de l’explication obtenue par le ministère, le cas du plaignant peu aussi rarement être réglé, le début du processus étant de compétence municipale (et non provinciale). Le personnel du commissaire passe ainsi un temps fou à traiter ce type de dossier et, surtout, à expliquer le parcours vaudevillesque de la LIP aux plaignants.

Bref, le processus par la LIP peut être inéquitable pour les francophones ontariens en quête de justice, car, à l’heure actuelle, on exige parfois ni plus ni moins d’eux qu’ils maîtrisent l’anglais (je dis bien « maîtriser », car les avis d’infraction comprennent souvent du jargon juridique peu digestible dans sa langue seconde!).

La problématique est si importante à mes yeux que j’y ai consacré des sections dans chacun de mes quatre derniers rapports annuels : la section 4.2.1 du rapport annuel 2008-2009 (qui a d’ailleurs impulsé la rédaction du rapport Accès à la justice en français), la section 4.2.1 du rapport annuel 2009-2010, la section 2.2.3 du rapport annuel 2010-2011, et la section 3.3.4 du rapport annuel 2011-2012.

Cette persévérance des citoyens qui portent plainte au Commissariat semble enfin avoir porté fruit, puisque dans son rapport, le Comité consultatif formule des recommandations marquantes sur l’administration de la LIP, dont :

  • La mise en place de procédures proactives pour informer le plus tôt possible les citoyens de leurs droits aux services en français, notamment avec l’appui des représentants des municipalités et des services de police municipaux;
  • La mise en place de procédures pour assurer l’accès facile et rapide aux services en français;
  • La création de services extrajudiciaires (c.-à-d. préalables à une comparution en cours) en français pour le paiement des avis d’infraction de stationnement;
  • La facilitation de l’accès à des juges de paix bilingues, p. ex. par les services téléphoniques ou par vidéoconférence

Je me réjouis de l’analyse de la question qu’a faite avec acuité le Comité consultatif à la section 4.3.3 du rapport Accès à la justice en français et, surtout, des répercussions positives que je pressens déjà pour les justiciables francophones de l’Ontario. Une belle réflexion pour entamer l’année, vous ne trouvez-pas?

Je vous reviens sous peu avec un autre billet sur une autre importante conclusion du rapport Accès à la justice en français du Comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français.

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