Les organismes d’application délégataires soulèvent des inquiétudes

Le recours aux organismes d’application délégataires – ces sociétés sans but lucratif autofinancées, sans lien de dépendance avec le gouvernement – m’inquiète largement.

Il faut dire que dans le passé, ce modèle n’a pas été un gage de succès en matière de prestation de services en français.

Dans mon Rapport annuel 2008-2009, j’avais indiqué que le gouvernement avait mis en place un grand nombre d’organismes dits indépendants du gouvernement. Au fil des ans, le gouvernement a failli à ses devoirs en vertu de la Loi sur les services en français (LSF) en ne transférant pas ses obligations légales aux organismes nouvellement créés.

Donc, en cours de création de ceux-ci, il y a eu perte du respect de la lettre et de l’esprit de la LSF. Pourtant, tout comme les organismes gouvernementaux, ils ont reçu une délégation d’autorité et de responsabilité vis-à-vis de questions relevant du ministère. Ils œuvrent en vertu d’ententes-cadres de gouvernance entre le ministère et une société privée sans but lucratif.

De par la loi constituante et les règlements qui en découlent, ces organismes assument l’aspect règlementaire, financier et administratif de la prestation de ces services. Ils doivent donc rendre des comptes au gouvernement bien que le ministère demeure imputable et garde le contrôle de ce qui est prescrit par la loi.

Mais ces organismes d’application délégataires ne sont pas des organismes gouvernementaux au sens de la LSF et ne sont donc pas assujetties aux obligations prévues par la LSF. Voilà dont une façon bien commode pour le gouvernement de se soustraire aux obligations de services en français, du moins, directement !

Nous avons traité de nombreuses plaintes dans ce domaine, dont j’ai fait état dans mes rapports annuels précédents. Et il semble que grâce à la vigilance des plaignants, ces représentations ont porté fruit, du moins, partiellement.

À preuve, dans la Loi de 2010 sur les maisons de retraite, le législateur a mis en place l’Office de réglementation des maisons de retraite. Il apparaît absolument indéniable que cette organisation aura un rôle important à jouer pour les francophones au cours des années à venir compte tenu du vieillissement de la population. L’article 110 de cette loi fait en sorte que les citoyens ont toujours accès à des services en français.

Cependant, officiellement et légalement parlant, l’Office de réglementation des maisons de retraite n’est pas assujetti à la Loi sur les services en français. En effet, son article 110 témoigne d’une bonne volonté, bien qu’il soit toutefois réducteur. Il n’offre pas toutes les garanties de la LSF, dont celle du pouvoir de se plaindre au Commissariat en cas de dérapage.

À mon avis, le législateur aurait très bien pu, et ce de façon tout à fait légale, assujettir cet organisme à la LSF, dès le départ. Il aurait s’agit là d’une solution efficace et efficiente, à l’image d’un gouvernement soucieux de faire des choix réfléchis.

Dans le projet de loi 55, qui visait l’adoption des mesures budgétaires de 2012, il est spécifiquement mentionné que les organismes d’application délégataires ne seront pas des organismes de la Couronne. Si c’est le cas, alors pourquoi ne pas prévoir l’assujettissement de tout nouvel organisme d’application délégataire, ou toute entité s’y apparentant, à l’intégralité des dispositions de la Loi sur les services en français ?

L’objectif est de prévoir la prestation efficiente et efficace de programmes et services gouvernementaux, lorsqu’ils sont délégués, par des organisations sans but lucratif indépendantes exerçant leurs activités dans un cadre de responsabilisation et de gouvernance rigoureux. Je suis parfaitement d’accord avec cet objectif louable, dans la mesure où les services en français font partie intégrante de ce qu’on estime être une « prestation efficiente et efficace des programmes et services gouvernementaux ». Faute de quoi, le résultat serait, encore une fois, le non-respect de l’esprit de la LSF.

Dans mon rapport annuel 2011-2012, le tout m’a amené à recommander à la ministre des Services aux consommateurs de prendre toutes les mesures nécessaires afin que tout nouvel organisme d’application délégataire ou toute entité s’y apparentant soit assujetti à l’intégralité des dispositions de la Loi sur les services en français. Suite à cette recommandation, je m’engage à vous tenir au courant de la progression du dossier.

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