L’indépendance du commissaire : pour une non-ingérence politique
J’aimerais aujourd’hui revenir sur un changement important en 2007, soit lorsque l’Assemblée législative a modifié la Loi sur les services en français pour créer le poste de commissaire et, par le fait même, le Commissariat aux services en français.
C’était il y a cinq ans, à un moment où le législateur voulait donner un nouveau souffle à la mise en œuvre de la Loi pour assurer son plein respect, et surtout, voir à la réalisation de son double objectif mentionné précédemment, à savoir protéger la minorité francophone en Ontario et faire progresser le français en favorisant son égalité avec l’anglais. Ainsi, la création de ce poste a été largement perçue par la communauté franco-ontarienne comme un nécessaire pas en avant.
Mais il y a aussi eu des critiques en 2007, dont celle de l’Opposition officielle qui, bien que contente de la nomination du titulaire actuel au poste de commissaire, dénonçait le fait que le commissaire relevait de la ministre déléguée aux Affaires francophones plutôt que de l’Assemblée législative, contrairement aux autres mandataires du Parlement. Selon cette critique, le processus manquait de transparence puisque l’on demandait à l’enquêteur de se rapporter directement à l’institution qui pouvait faire l’objet d’une enquête.
Par la suite, le Nouveau Parti démocratique en a fait un cheval de bataille, en déposant le projet de loi 193 en mai 2011, puis le projet de loi 49 en mars 2012 pour que le commissaire relève directement de l’Assemblée législative. Cette question a également été soulevée lors de la campagne électorale précédant l’élection d’octobre 2011 et, à ce moment, le gouvernement n’a pas fermé la porte à la possibilité d’accorder une réelle indépendance au commissaire.
J’avais souvent été appelé à me prononcer sur cette question, mais je n’avais pas voulu partager mon opinion jusqu’à maintenant, principalement pour éviter de me mêler d’un enjeu électoral. Toutefois, ce scrutin étant chose du passé, et après avoir discuté directement avec les représentants des trois partis de l’Assemblée législative, j’estime qu’il est de mon devoir de donner mon avis au gouvernement, comme l’exige la Loi.
Ainsi, tel que je le mentionne dans mon rapport annuel 2011-2012, je crois fermement que le poste de commissaire aux services en français devrait relever directement de l’Assemblée législative. Je vous explique pourquoi.
Je jouis, depuis les débuts de mon mandat, d’une indépendance qui honore l’actuelle ministre déléguée aux Affaires francophones. En effet, je me suis vu accorder l‘autonomie nécessaire pour créer mon bureau, pour établir les limites de mon mandat et pour toutes les autres activités du Commissariat.
Cela dit, tout pourrait basculer sur le plan politique et administratif en remplaçant ne serait-ce qu’une seule personne, que ce soit la ministre déléguée aux Affaires francophones ou le commissaire actuel. Car ce poste exige de son titulaire d’avoir la capacité, la volonté et la fermeté nécessaire pour garder le cap sur une mise en œuvre efficace de la Loi sur les services en français.
Il est important, voire essentiel, d’avoir les coudées franches. Et avoir les coudées franches signifie être en mesure d’agir en fonction de ses connaissances, de ses observations et de son indépendance d’esprit. Le fait que ce poste soit tributaire des aléas politiques du moment ne procure pas l’autonomie nécessaire au plein exercice des fonctions qui s’y rattachent.
Nul besoin de chercher bien loin pour constater la fragilité d’un poste qui relève d’un ministre au lieu d’un Parlement ou d’une Assemblée législative. On se souviendra de l’épisode de Statistique Canada, l’an dernier, lorsque le ministre responsable de cette agence fédérale a tôt fait de rappeler à tous, y compris et surtout aux hauts dirigeants de cet organisme, qu’ils relevaient d’un ministre et qu’ils n’étaient justement pas indépendants, contrairement à ce que plusieurs croyaient depuis des décennies. Le statisticien en chef, rappelons-le, a dû alors démissionner.
Dans les prochaines semaines, je passerai en revue d’autres raisons qui expliquent ce pourquoi il est primordial pour le commissaire de devenir indépendant.