Rapport d’enquête – L’état de l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario : Pas d’avenir sans accès

ISBN 978-1-4435-9509-4 (imprimé)
ISBN 978-1-4435-9510-0 (HTML)
ISBN 978-1-4435-9511-7 (PDF)

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Table des matières
SOMMAIRE
CHAPITRE 1 − L’ENQUÊTE
1.1 COMPÉTENCE DU COMMISSAIRE
1.2 MÉTHODOLOGIE
1.3 CADRE LÉGISLATIF, RÉGLEMENTAIRE ET POLITIQUE
CHAPITRE 2 − DÉFINIR LE PROBLÈME
2.1 LE DÉBAT SUR LES ÉTUDES POSTSECONDAIRES EN LANGUE FRANÇAISE
2.2 PROFIL DU CENTRE-SUD-OUEST DE L’ONTARIO
2.2.1 Possibilités d’études postsecondaires en langue française
2.2.2 Besoins divergents
CHAPITRE 3 − QUESTIONS RELATIVES À L’OFFRE ET À LA DEMANDE
3.1 L’IMPORTANCE DE L’OFFRE ACTIVE
3.2 PROXIMITÉ
3.3 RECRUTEMENT ET RÉTENTION
3.3.1 Recrutement
3.3.2 Rétention
3.3.3 Répercussions sur les études postsecondaires
3.4 LA RECHERCHE DE L’EXCELLENCE
3.5 LE MANQUE DE DONNÉES
RECOMMANDATION 1
3.5.1 Identification des francophones
3.5.2 Les paliers élémentaire et secondaire
3.5.3 Le niveau postsecondaire
RECOMMANDATION 2
CHAPITRE 4 − LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE
4.1 GOUVERNANCE DE L’ÉDUCATION ÉLÉMENTAIRE ET SECONDAIRE
4.2 GOUVERNANCE DE L’ÉDUCATION POSTSECONDAIRE
4.3 STRUCTURES DE LA GOUVERNANCE DE L’ÉDUCATION POSTSECONDAIRE
4.4 LIENS DE COLLABORATION
CHAPITRE 5 − RÉPERCUSSIONS ET LE BESOIN D’INCITATIFS
5.1 RÉPERCUSSIONS
5.1.1 Inégalité
5.1.2 Assimilation
5.1.3 Inefficacités
5.2 RÉPONSE DU GOUVERNEMENT
5.3 CRÉER UN CLIMAT POUR LE CHANGEMENT : LE BESOIN D’INCITATIFS
CHAPITRE 6 − QUE FAIRE MAINTENANT?
6.1 VERS UNE UNIVERSITÉ FRANCO-ONTARIENNE
6.2 METTRE DE L’AVANT DES IDÉES
6.2.1 Partenaires, que cela plaise ou non
6.2.2 Participation de la communauté
6.2.3 Différentes stratégies pour différentes clientèles
6.2.4 Nécessité de phases distinctes
6.2.5 Questions de financement
6.2.6 Une nouvelle structure
RECOMMANDATION 3
6.2.7 La situation unique du Collège universitaire Glendon
RECOMMANDATION 4
CONCLUSION
Annexe A − Le cas de l’Université de Saint-Boniface

SOMMAIRE

Une langue est plus qu’un simple moyen de communication; elle fait partie intégrante de l’identité et de la culture du peuple qui la parle. C’est le moyen par lequel les individus se comprennent eux-mêmes et comprennent le milieu dans lequel ils vivent.

– Feu le juge en chef du Canada Brian Dickson [1]

L’Ontario s’enorgueillit de disposer d’un solide système d’éducation postsecondaire reconnu qui est composé de 44 établissements bénéficiant de fonds publics. En effet, il existe 20 universités et 24 collèges d’arts appliqués et de technologie (collèges) qui reçoivent un financement public. Plusieurs d’entre eux ont de nombreux sites en plus de leurs principaux campus. Ainsi, l’Université York offre des programmes au Collège universitaire Glendon et l’Université de Toronto possède des sites à Scarborough et à Mississauga.

Un monde de possibilités et de perspectives d’avenir est ouvert aux personnes qui souhaitent poursuivre des études supérieures en Ontario : de l’apprentissage d’habiletés pratiques dans le cadre du programme d’art culinaire du Collège Boréal ou du programme d’animation du Collège Algonquin, à l’étude de la gestion des bioressources (gestion équine) au Collège de technologie agricole de Kemptville, au programme de médecine de l’École de médecine du Nord de l’Ontario, ou d’informatique de l’Université de Waterloo, ou encore de génie de l’Université de Toronto.

Cependant, pour les francophones vivant dans les régions du Centre et du Sud-Ouest de l’Ontario, il s’agit d’une toute autre histoire. En effet, le Commissariat aux services en français a reçu de nombreuses plaintes au sujet du manque de possibilités d’études postsecondaires en langue française dans les régions du Centre et du Sud-Ouest de la province. On y compte seulement cinq universités et collèges de langue française et bilingues offrant une poignée de programmes postsecondaires, ce qui se traduit par un taux d’accès à l’éducation postsecondaire en langue française variant de 0 % dans la région du Sud-Ouest de l’Ontario à 3 % dans la région du Centre par rapport à la proportion de programmes offerts en anglais . [5].

Cette situation peut être influencée par un certain nombre de facteurs, notamment le besoin de mieux comprendre les mécanismes de l’offre et de la demande dans un milieu linguistique minoritaire et la manière dont cela est lié à la proximité des écoles, à la rétention et au recrutement des étudiants, ainsi qu’à l’insuffisance de données. Il est également essentiel de tenir compte de l’importance de la gouvernance pour les francophones par les francophones pour répondre au manque actuel d’établissements postsecondaires de langue française et trouver des solutions pour l’avenir. L’insuffisance d’établissements postsecondaires de langue française a une incidence sur la population étudiante, la collectivité et le gouvernement.

Dans la situation, il est important de se poser la question suivante : pourquoi ne retrouve-t-on pas plus de programmes postsecondaires en langue française dans la région du Centre-Sud-Ouest? La réponse est simple : parce qu’il y a très peu de programmes disponibles et que les efforts déployés par les collèges et universités pour en faire la promotion, là où ils existent, sont perçus comme étant très rares et à de trop longs intervalles par les étudiants potentiels.

Une question complémentaire pourrait ensuite se poser. Quelle est l’incidence de l’offre quasi inexistante de programmes postsecondaires en langue française? La réponse est simple : pas d’avenir sans accès. En d’autres mots, pour la communauté francophone, il s’agit d’une mort lente. Et pour l’ensemble de la société, il s’agit d’une triste occasion manquée.

Cela est tout simplement inacceptable. Et la situation n’est pas nouvelle. En effet, le manque de programmes et services dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario est une situation connue du ministère de la Formation et des Collèges et Universités depuis le rapport Rae. Le commissaire est d’avis qu’elle dure depuis trop longtemps et qu’il est urgent d’agir.

Ce rapport présente une analyse de l’état de l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, et recommande au gouvernement plusieurs mesures clés à prendre, en vue de corriger cette situation.

RECOMMENDATION 1:

Étant donné que l’éducation postsecondaire attire un large éventail d’étudiants, le commissaire recommande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’éloigner de la méthode actuelle de collecte de données basée sur une compréhension incomplète de l’éducation en langue française centrée uniquement sur les ayants droit, dans le contexte particulier des écoles élémentaires et secondaires, et de tenir compte des personnes susceptibles de poursuivre des études postsecondaires en langue française en Ontario. Au-delà de la cueillette de données sur les élèves du palier secondaire, on devrait en outre intégrer des données relatives aux élèves en immersion, à ceux qui sont membres d’une famille exogame ou allophone, ainsi qu’aux francophiles.

RECOMMENDATION 2:

Le commissaire recommande au gouvernement d’utiliser le numéro d’immatriculation scolaire de l’Ontario (NISO), lié à des variables linguistiques, tout au long de la vie scolaire de la population étudiante, de l’apprentissage des jeunes enfants à l’enseignement postsecondaire et au-delà. Le NISO devrait en outre être modifié afin d’y intégrer des questions liées à la langue. De préférence, on devrait employer des questions ou des indicateurs multiples plutôt qu’un indicateur à un seul facteur (p. ex., langue d’enseignement OU langue de communication OU langue maternelle).

RECOMMENDATION 3:

Le commissaire recommande que le ministère de la Formation et des Collèges et Universités crée, d’ici le 31 mars 2013, un nouveau secrétariat, ou une structure similaire, afin de déterminer la nécessité de services et de programmes d’enseignement postsecondaire pour la population franco-ontarienne dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, en particulier dans la région du grand Toronto.

Le commissaire recommande en outre que cette nouvelle structure ait la capacité de négocier avec les établissements postsecondaires afin de faciliter la mise en œuvre de nouveaux programmes et services pour la population franco-ontarienne dans la région du Centre-Sud-Ouest, à commencer par de nouveaux programmes et services dans la région du grand Toronto.

En outre, le commissaire recommande que cette nouvelle structure fasse intervenir, tout au moins, les acteurs suivants :

  • Professionnels du secteur de l’éducation
  • Administrateurs du secteur de l’éducation
  • Professionnels ou administrateurs des conseils scolaires
  • Organismes communautaires et membres du public
  • Étudiants
  • Administrateurs ou professionnels des collèges et universités
  • Chefs de file de chambres de commerce et d’entreprises
  • Représentants officiels du ministère de la Formation et des Collèges et Universités

RECOMMENDATION 4:

Le commissaire recommande au ministère de la Formation et des Collèges et Universités d’envisager, d’ici le 31 mars 2013, toutes les mesures nécessaires en vue de négocier avec l’Université York relativement à une plus grande autonomie pour le Collège universitaire Glendon, de sorte que ce campus universitaire serve de base potentielle pour de nouveaux programmes et services d’éducation postsecondaire destinés à la population franco-ontarienne de la région du Centre-Sud-Ouest.

CHAPITRE 1 – L’ENQUÊTE

Le commissaire aux services en français a reçu plusieurs plaintes concernant l’éducation postsecondaire en langue française, relativement à l’accès et à la qualité. Les plaignants soutiennent que les collèges d’arts appliqués et de technologie (collèges) et universités offrant des programmes et services en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario sont insuffisants. Ces personnes prétendent également que les quelques établissements postsecondaires de langue française situés dans la région offrent si peu de programmes et services qu’il est difficile d’affronter la concurrence que présentent les établissements connus de langue anglaise jouissant d’une grande réputation et qui offrent une vaste gamme de programmes et services spécialisés.

Les plaignants laissent entendre que ce manque d’accès à des études supérieures de qualité en langue française dans le Centre et le Sud-Ouest de l’Ontario porte préjudice aux étudiants qui se montrent intéressés par la poursuite de leurs études en français au-delà de l’école secondaire. Ils affirment en outre que cette situation a pour effet de réduire le bassin potentiel de professionnels francophones et bilingues qui non seulement contribueraient à l’économie de la province, mais qui aideraient également à combler les écarts persistants dans les services en français en raison justement du manque de professionnels parlant couramment le français. En ce sens, les personnes qui ont porté plainte ont voulu souligner les graves conséquences de l’insuffisance d’établissements et de programmes d’éducation postsecondaire en langue française sur la vitalité et le développement de la minorité linguistique francophone de l’Ontario.

À la lumière de ces plaintes, le Commissariat aux services en français a procédé au lancement d’une enquête formelle relativement à la question de l’insuffisance des services en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.

1.1 COMPÉTENCE DU COMMISSAIRE

En vertu de la Loi sur les services en français le Commissariat aux services en français a la responsabilité de mener des enquêtes indépendantes par suite de plaintes ou encore de sa propre initiative. Il a également la responsabilité de préparer les rapports sur les enquêtes et de surveiller les progrès accomplis par les organismes gouvernementaux en ce qui concerne la prestation des services en français en Ontario . [6].

Étant donné le rôle de premier plan que joue le ministère dans la prestation de l’éducation postsecondaire en langue française en Ontario, le commissaire a choisi d’exercer les pouvoirs qui lui ont été conférés en vertu de la Loi sur les services en français et a amorcé une enquête formelle dans ce dossier.

1.2 MÉTHODOLOGIE

Dans le cadre de l’enquête, le Commissariat aux services en français a effectué une collecte de renseignements en communiquant avec les plaignants et en rencontrant en personne, par téléphone et par courriel les intervenants et représentants du ministère. Le Commissariat a également effectué une analyse documentaire approfondie fondée sur des sources telles que les revues spécialisées, ouvrages et documents parallèles, notamment des politiques et rapports.

Le 12 janvier 2011, le Commissariat a informé le ministère de la Formation et des Collèges et Universités de son intention de réaliser une enquête sur l’insuffisance des possibilités d’études postsecondaires en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Le 16 décembre 2011, le ministère a répondu aux questions préliminaires du commissaire présentées le 22 septembre 2011. La communication d’une liste de documents a également fait l’objet d’une demande de la part du ministère par le Commissariat. Le présent rapport d’enquête constitue le résultat d’une réflexion et d’une analyse approfondies de la question, à la lumière des réponses du ministère et de la documentation pertinente.

La grande collaboration dont a fait preuve le ministère tout au long de l’enquête mérite d’être soulignée.

1.3 CADRE LÉGISLATIF, RÉGLEMENTAIRE ET POLITIQUE

La Loi sur les services en français [7]
Le préambule de la Loi sur les services en français reconnaît l’importance majeure de l’éducation pour la minorité linguistique de la province. La Loi stipule ce qui suit : « Attendu que la langue française a joué en Ontario un rôle historique et honorable, et que la Constitution lui reconnaît le statut de langue officielle au Canada; attendu que cette langue jouit, en Ontario, du statut de langue officielle devant les tribunaux et dans l’éducation; attendu que l’Assemblée législative reconnaît l’apport du patrimoine culturel de la population francophone et désire le sauvegarder pour les générations à venir ».

Mandat du ministère de la Formation et des Collèges et Universités [8]
Le mandat du ministère de la Formation et des Collèges et Universités comporte, notamment, ce qui suit :

Le ministère de la Formation et des Collèges et Universités oriente et façonne les systèmes d’éducation postsecondaire, d’emploi et de formation de la province. Il alloue un financement au titre des dépenses de fonctionnement et d’immobilisations aux collèges et aux universités financées par les deniers publics, il établit les objectifs provinciaux quant à l’utilisation des fonds publics et il élabore des cadres en vue d’atteindre ces objectifs. Le ministère veille à ce que toutes les personnes qualifiées aient accès à une éducation postsecondaire de qualité au moyen de règlements relatifs aux frais de scolarité, de dépenses en immobilisations, d’un régime d’aide financière aux étudiants, et de mécanismes de financement et de reddition des comptes ciblés[9].

En outre, le ministère a énoncé que ces principales stratégies et priorités sont les suivantes :

« L’atout de l’Ontario, c’est-à-dire son avantage concurrentiel, est sa population. La province ne peut que réussir lorsque sa population dispose des possibilités et des outils dont elle a besoin pour atteindre son plein potentiel. Dans l’économie du savoir actuelle, l’éducation et les compétences sont essentielles à la réussite de chacun et la pierre angulaire de la croissance et de la prospérité de la province. C’est pourquoi le gouvernement continue de placer l’éducation et la formation au sommet de ses priorités. Par exemple, nous porterons à 70 % le taux de participation aux études postsecondaires en Ontario, […] et ferons en sorte que toutes les personnes compétentes qui le souhaitent aient la possibilité de faire des études collégiales ou universitaires. » [10]î Discours du Trône 2011
Dans son plus récent discours du Trône, le lieutenant gouverneur annonçait :

« Nous savons aussi que 70 % des nouveaux emplois dans l’économie mondiale nécessiteront une formation et des études postsecondaires. Votre gouvernement a donc décidé de créer 60 000 nouvelles places dans les collèges et universités de la province, afin de permettre à tous les élèves qui en ont les compétences et qui le souhaitent de faire des études supérieures. […] Pour que davantage d’étudiantes et d’étudiants dans un plus grand nombre de localités de la province aient accès à des programmes d’éducation de qualité plus près de chez eux, votre gouvernement choisira l’emplacement de trois nouveaux campus offrant des programmes de premier cycle. » [11]

Loi de 2002 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario[12]

  • Paragraphe 2 (1) : Contrairement aux universités qui fonctionnent dans le cadre de leur propre charte, des collèges d’arts appliqués et de technologie peuvent être ouverts par règlement.
  • Paragraphe 5 (1) : Le ministre peut intervenir dans les affaires d’un collège ou d’une constituante de celui-ci de la manière et dans les conditions prescrites; le paragraphe 5 (2) porte sur les interventions visant à protéger l’intérêt du public et notamment quand il s’agit de l’administration du collège, de l’utilisation par le collège de ses ressources financières pour la gestion et la prestation des principaux services d’enseignement et de formation, l’accessibilité des services d’enseignement et de formation et la qualité de ces services.
  • Paragraphe 8 (1) : Ce paragraphe traite des règlements établis par le lieutenant-gouverneur en conseil, y compris la gestion et l’administration des collèges et de leur conseil, la création, l’agrandissement, la fusion ou la fermeture de collèges, ainsi que le respect « des langues d’enseignement, y compris autoriser certains collèges à offrir tout ou partie de leurs programmes en français et interdire à d’autres de le faire » alinéa 8 (1)f).

Loi de 2000 favorisant le choix et l’excellence au niveau postsecondaire [13]
Cette loi régit l’attribution des grades universitaires et l’utilisation du terme « université » en Ontario. Elle exige des organismes qui souhaitent promouvoir ou offrir, ou les deux, un programme ou une partie d’un programme menant à l’obtention d’un grade, ou prétendre constituer une université :

  • d’obtenir le consentement du ministre de la Formation et des Collèges et Universités;
  • ou d’y être autorisé par une loi de l’Assemblée législative de l’Ontario.

Cette loi précise la composition et les fonctions de la Commission d’évaluation de la qualité de l’éducation postsecondaire. La Commission d’évaluation de la qualité de l’éducation postsecondaire est chargée d’examiner les demandes de consentement et de faire des recommandations au ministre sur la qualité et la validité organisationnelle des programmes.

De plus, le Règlement de l’Ontario 279/02 pris en application de cette loi définit les organisations publiques et privées aux fins de la loi, la protection financière des frais de scolarité, les règles s’appliquant aux attestations scolaires et les procédures ministérielles à suivre dans le cadre des décisions, des ordonnances et des appels concernant les modifications apportées aux consentements, les suspensions, les révocations, les annulations et les réinstitutions [14].

La Loi sur l’éducation [15]
Bien que le présent rapport soit axé sur l’éducation postsecondaire, il met en lumière les répercussions sur d’autres parties du continuum de l’éducation, notamment, l’interdépendance entre les collèges, les universités et les paliers élémentaire et secondaire.

La Loi sur l’éducation attribue au ministre de l’Éducation les pouvoirs relatifs à l’administration du système d’éducation élémentaire et secondaire de la province financé par les deniers publics. Elle stipule que le but de l’éducation est de « donner aux élèves la possibilité de réaliser leur potentiel et de devenir des citoyens possédant de solides compétences, connaissances et qualités humaines qui contribueront au bien-être de la société où ils vivent » et établit les rôles et responsabilités des partenaires du secteur de l’éducation, notamment le ministre et les conseils.

Programme La priorité aux étudiants (2011) [16]
Le plan pluriannuel du gouvernement, fondé sur le Plan d’action pour des résultats supérieurs de 2005, vise à « faire en sorte qu’un système d’éducation postsecondaire durable soit harmonisé stratégiquement avec les besoins des étudiants et de l’économie de l’Ontario dans les années à venir. » [17]

Cette stratégie comprend plusieurs objectifs dont les francophones pourraient tirer parti, notamment une hausse des places pour les étudiants dans les collèges et universités (60 000 places supplémentaires), une prolongation de la Stratégie d’accès aux perspectives d’avenir visant à aider les francophones à réussir leurs études postsecondaires, la prestation de financement pour un plus grand nombre de places aux deuxième et troisième cycles, la modernisation de formules de financement et la création de nouvelles relations de responsabilité.

Cette initiative cible notamment les francophones et précise son objectif d’offrir des mesures accrues de soutien et d’encouragement à un groupe particulièrement sous représenté [18].

Politique d’aménagement linguistique (2011) [19]
Le ministère de la Formation et des Collèges et Universités a récemment mis de l’avant une Politique d’aménagement linguistique pour l’éducation et la formation postsecondaire en langue française, une composante de son initiative La priorité aux étudiants. La Politique d’aménagement linguistique porte sur les six axes d’intervention suivants :

  1. L’accès aux programmes en langue française
  2. Le soutien et la réussite de l’étudiant
  3. L’amélioration de la qualité
  4. La promotion du système et le recrutement ciblé
  5. Les partenariats et les collaborations
  6. La gouvernance

Cette politique vise « à assurer à tous les étudiants et étudiantes ontariens qualifiés l’accès à une formation et une éducation abordables et de haute qualité, afin de les aider à réussir dans le monde d’aujourd’hui. Dans le cadre de ce plan, nous continuerons de soutenir les étudiants francophones qui souhaitent faire leurs études en français. » [20]

CHAPITRE 2 – DÉFINIR LE PROBLÈME

2.1 LE DÉBAT SUR LES ÉTUDES POSTSECONDAIRES EN LANGUE FRANÇAISE

La pérennité de la culture et de la communauté franco-ontariennes repose sur la préservation de la langue française. Il n’est donc pas surprenant que, depuis qu’ils se trouvent en Ontario, la préoccupation constante des francophones est d’assurer et de protéger l’éducation en langue française. Bien que la question soit particulièrement bien documentée en ce qui a trait à l’éducation en langue française aux paliers élémentaire et secondaire, un débat fait rage depuis un certain temps au sujet de l’avenir de l’éducation postsecondaire en langue française en Ontario. Ce débat a souvent eu lieu dans les régions du Nord et de l’Est de la province où la proximité avec le Québec et la capitale nationale, et la période de prospérité dans certains domaines, comme le secteur minier, ont contribué à une première concentration de résidents francophones.

L’évolution de l’Université d’Ottawa en est un excellent exemple. Son prédécesseur, le Collège Bytown, fondé en 1848 par l’évêque francophone, Mgr Joseph-Bruno Guigues, offrait des cours en français le matin et en anglais l’après-midi. Déjà en 1848, la langue constituait un sujet d’affrontement, allant d’une période de « difficile coexistence », de 1848 à 1889, à l’atteinte d’une « existence équitable » après 1965, lorsque la préservation et le développement de la culture francophone en Ontario étaient au cœur de l’objectif et du mandat de l’université[21]. En 1987, l’année suivant l’introduction de la Loi sur les services en français, l’Université d’Ottawa a présenté une demande formelle de désignation en vertu de la Loi[22]. Cette demande avait suscité une vive opposition politique, y compris de la part de certaines factions au sein de la communauté francophone qui soutenaient qu’un appui à un établissement bilingue porterait préjudice à leur cause soit la création d’une université uniquement francophone en Ontario [23]. Par conséquent, la demande de désignation s’est soldée par un échec. Puis, 20 ans plus tard, en 2007, le Groupe de travail sur les programmes et services en français de l’université, un groupe dont le mandat était de proposer un plan d’action au sénat de l’Université d’Ottawa, a recommandé à l’université d’obtenir un avis juridique indépendant, relativement à la pertinence de sa désignation éventuelle en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario, et de procéder à une évaluation approfondie des avantages et inconvénients liés à une telle désignation [24] Même s’il s’agit toujours d’un établissement bilingue, le débat à propos de sa désignation perdure [25]. Pendant ce temps, le Collège Boréal de Sudbury a obtenu la désignation en 2008, et le Collège de Hearst[26] a récemment annoncé qu’il effectuerait une demande de désignation. Plus récemment, l’Université Laurentienne de Sudbury, La Cité collégiale et l’Université d’Ottawa ont également exprimé leur intention de faire une demande de désignation.

Cette préoccupation liée au sort de l’éducation postsecondaire en langue française témoigne de la vigueur et de la persévérance de ces régions qui souhaitent assurer l’épanouissement de la culture et de la communauté franco-ontariennes. Comme la question est toujours à l’ordre du jour et dans le cœur et l’esprit de la collectivité, ce n’est pas un hasard que les régions du Nord et de l‘Est de l’Ontario comptent le plus grand nombre d’établissements d’enseignement postsecondaire de langue française et dans les deux langues avec deux collèges de langue française et sept universités [27].

Mais, les francophones du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario ne sont pas étrangers au débat sur les études supérieures en langue française. Par exemple, après des années de pression incessante sur le gouvernement par des groupes, comme la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO)[28] relativement aux établissements et programmes d’éducation postsecondaire en langue française dans la région, et appuyés par une étude gouvernementale soulignant le faible taux de participation des francophones au niveau collégial, le Collège des Grands Lacs a ouvert ses portes en 1995[29]. La mission du collège était d’encourager l’épanouissement de la diversité culturelle des communautés francophones auxquelles elle offre ses services dans la région du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, de promouvoir la langue française, et de favoriser le développement économique des francophones [30].

En 2002, le Collège des Grands Lacs a dû fermer ses portes en raison d’une faible fréquentation. Cependant, les difficultés éprouvées par le collège étaient prévisibles, non seulement en raison de ses graves lacunes en matière de ressources comparativement aux deux autres collèges de langue française de la province, mais également à cause de son modèle de fonctionnement non conventionnel, essentiellement « virtuel », alors que La Cité collégiale et le Collège Boréal sont des collèges conventionnels avec de nouveaux édifices abritant une cafétéria, des bibliothèques et des laboratoires, ainsi que d’autres ressources comme un amphithéâtre. Ces collèges jouent un rôle plus important relativement au développement de la conscience communautaire et comme lieu de rassemblement pour les membres de la communauté francophone dans leurs régions respectives. En revanche, le Collège des Grands Lacs était un collège non conventionnel sans campus à proprement parler, mais muni de matériel pour assurer la prestation d’un enseignement à distance dans l’ensemble de la région, y compris Toronto, Welland, Hamilton, Penetanguishene et Windsor . En effet, parce qu’il n’y avait aucun point d’appui de collège de langue française dans la région Centre-Sud-Ouest, le Collège des Grands Lacs n’a pas amorcé ses activités sur un pied d’égalité avec les autres collèges :

« Les trois régions de l’Ontario étaient loin d’être égales en ce qui a trait à la diversité et à la qualité des programmes collégiaux qui étaient offerts en français ou sur un mode bilingue et dont ont hérité les collèges de langue française. Les ressources humaines y étaient inégalement réparties et ne pouvaient être intégrées aux nouveaux collèges. Elles étaient loin de pouvoir offrir la même gamme de services communautaires à l’appui des établissements à naître. Le Collège des Grands Lacs devait en outre composer avec un financement insuffisant comparativement aux deux autres collèges francophones ainsi qu’un taux d’assimilation dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario le plus élevé de la province. » [32]. [traduction libre]

Après cinq années en tant que collège entièrement virtuel, le collège a dû modifier son mandat afin d’offrir des cours conventionnels avec un personnel enseignant et un effectif scolaire en salles de classe. Cependant, ceci devait seulement avoir lieu à Toronto et le Collège des Grands Lacs n’a eu que très peu de temps ou de ressources pour apporter les changements nécessaires . L’absence d’infrastructures et de ressources adéquates attendues généralement d’un campus régulier (bibliothèques, cafétéria et autres espaces où les étudiants et les membres de la collectivité peuvent se rencontrer), ainsi que la décision par l’administration de sabrer les programmes ont donné lieu à l’impossibilité pour le collège d’attirer des étudiants francophones, particulièrement à la lumière de l’offre bien supérieure des collèges anglophones de la région[34].

Malgré ses failles, la fermeture du Collège des Grands Lacs a été profondément ressentie par la communauté francophone dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, communauté qui s’est longtemps battue, et se bat toujours, pour tracer des avenues possibles pour l’éducation postsecondaire en langue française dans la région. Ainsi, la fermeture du collège a relancé le débat sur la nécessité d’examiner les possibilités d’études postsecondaires en français dans la région. Ont eu lieu des contestations judiciaires et des pressions de la part de groupes locaux de citoyens comme le mouvement Notre Collège qui se consacrait au « rétablissement d’un collège postsecondaire francophone dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario » . C’est exactement le type de dynamisme associé à un débat sur les études supérieures en langue française, et l’ensemble des résultats qui s’ensuivent, dont il existe un besoin dans la région du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario[36].

2.2 PROFIL DU CENTRE-SUD-OUEST DE L’ONTARIO

FLes francophones du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario représentent environ le tiers des francophones de l’Ontario. La région du Centre s’étend de Welland, Hamilton, Mississauga, Oshawa, la région du grand Toronto jusqu’à Penetanguishene, et sa population francophone est composée de 167 235 personnes. Même si les francophones ne représentent que 2 % de la population totale du Centre de l’Ontario, cette région regroupe 28,7 % des francophones de la province, dont près du tiers vit dans la ville de Toronto [37]. Il est important de noter que la population francophone de cette région est en croissance.

La région du Sud-Ouest s’étend de Windsor à Sarnia, London et Lakeshore, et comprend une population francophone de 34 395 personnes [38]. Bien que les francophones ne représentent que 2,3 % de la population totale du Sud-Ouest de l’Ontario, cette région regroupe 5,9 % des francophones de la province.

Le Centre-Sud-Ouest constitue un carrefour économique diversifié, avec des industries florissantes axées sur le savoir et les services tout en étant l’un des plus importants districts financiers du pays. Cette région incarne également un centre culturel plein de vitalité, avec 2,2 millions des 2,7 millions d’Ontariens qui se définissent comme étant des membres d’une minorité visible et qui vivent dans la région du grand Toronto[39]. Cette diversité se reflète dans la communauté francophone de la région où, par exemple, presque un francophone sur trois à Toronto se définit comme un membre d’une minorité visible[40]. La région Centre-Sud-Ouest comprend également un total de huit régions désignées sous la Loi sur les services en français.

Possibilités d’études postsecondaires en langue française

Il existe un manque d’établissements et de programmes d’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Seulement cinq des 21 établissements postsecondaires de la région offrent quelques programmes en français.

Ceux-ci comprennent deux universités de langue anglaise avec des facultés ou des campus de langue française, une université bilingue, et deux collèges d’arts appliqués et de technologie de langue française.

  1. Collège universitaire Glendon.Établi en 1959, le Collège universitaire Glendon est un campus d’enseignement spécialisé dans les arts libéraux de l’Université York, un établissement anglophone situé à Toronto. Bien connu pour ses programmes d’études de premier cycle, le Collège universitaire Glendon offre néanmoins un certain nombre de programmes d’études supérieures.
  2. Centre de recherche en éducation franco-ontarienne (CRÉFO)..Anciennement une unité d’enseignement de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario (IEPO) de l’Université de Toronto, le CRÉFO a accédé au statut de Centre interne de l’Institut en 1977. Le Centre offre des programmes d’études supérieures en langue française axés sur les pratiques éducatives et l’étude des questions pédagogiques liées à la francophonie en Ontario. Des possibilités d’apprentissage à distance et en classe sont offertes.
  3. Université d’Ottawa. Fondée en 1848, l’Université d’Ottawa est située à Ottawa. En effet, l’Université a adopté, en 1974, le Règlement sur le bilinguisme qui indique, notamment, que « le caractère bilingue de l’Université se manifeste par le bilinguisme de ses programmes, de son administration centrale, de ses services généraux, de l’administration interne de ses facultés et de ses écoles, de son corps professoral, de son personnel de soutien et de sa clientèle étudiante. »[41]
  4. Collège Boréal. . Bien que son campus principal soit situé à Sudbury, le Collège Boréal a ouvert un campus satellite à Toronto, en 2002. Le campus de Toronto offre près de 20 programmes collégiaux et d’apprentissage uniquement en français. Le collège propose également un certain nombre de programmes à London, Hamilton et Windsor [42].
  5. La Cité collégiale. Son campus principal est situé à Ottawa. En 2011, La Cité collégiale a ouvert un programme spécialisé en relations publiques offert au campus du Collège universitaire Glendon. La Cité collégiale offre d’autres programmes à temps partiel[43].

La concision de cette liste illustre la nature du problème : le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario connaît une pénurie alarmante de collèges et d’universités de langue française, et cette situation est foncièrement inéquitable.

Une analyse des taux d’accès effectuée par le ministère en 2008 a permis de confirmer ce déficit. Le taux d’accès évalue la disponibilité des programmes en calculant la proportion de programmes offerts en anglais qui sont aussi disponibles en français[44]. Selon ce calcul, le tableau 1 montre que même si l’Est de l’Ontario présente le plus haut taux d’accès aux études postsecondaires en langue française comparativement à d’autres régions, la région reste fortement mal desservie avec un taux d’accès de 36 % aux études de premier cycle et de 39 % aux études collégiales.

Tableau 1 − Accès aux programmes collégiaux et universitaires en français, selon la région

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Source : Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, Étude des écarts : Les systèmes d’éducation postsecondaire et de formation de langue française et de langue anglaise, Toronto, ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2008, p. 11.

Ainsi, il y a beaucoup moins d’accès aux possibilités d’études postsecondaires bilingues et en langue française dans l’ensemble de la province. Cette situation ne met naturellement pas les francophones sur un pied d’égalité avec la majorité. Le tableau 1 indique clairement que la situation de la région du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario est la pire. En effet, comparativement à l’offre de formation et d’études postsecondaires en langue anglaise, les francophones de la région n’ont qu’un taux d’accès de 3 % aux programmes de premier cycle et collégiaux en français. Le graphique 1 illustre également qu’en 2008-2009, on ne comptait que 10 programmes collégiaux en français dans la région comparativement à 323 programmes en anglais. En outre, au cours de la même période, on ne comptait que 26 programmes de premier cycle en langue française comparativement à 397 programmes en anglais. Les possibilités pour les francophones de poursuivre dans la région des études de maîtrise ou de doctorat sont même moins favorables comme en fait foi le faible taux d’accès de 2 %. L’examen des taux d’accès révèle également des différences clés au sein de la région, notamment le fait que tous les programmes postsecondaires en langue française se retrouvent dans le Centre. En d’autres mots, il y a une grave lacune en ce qui concerne l’accès aux programmes collégiaux et universitaires de langue française et bilingues dans la région du Sud-Ouest bien que l’Université d’Ottawa offre un baccalauréat en éducation en mode alternatif aux campus de Glendon et de Windsor.

Graphique 1 – Programmes postsecondaires offerts en français et en anglais dans la région du Centre-Sud-Ouest et taux d’accès des francophones (2008)
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Source : Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, Étude des écarts : Les systèmes d’éducation postsecondaire et de formation de langue française et de langue anglaise, Toronto, Ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2008, p. 156 et 168.

Une insuffisance d’établissements postsecondaires de langue française comporte nécessairement une insuffisance de programmes en français. Par conséquent, en plus d’un manque global d’accès aux études collégiales et universitaires en français, les programmes dans certains domaines particuliers sont insuffisants. Le ministère a examiné le taux d’accès aux programmes universitaires de premier cycle en langue française et en langue anglaise du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario en fonction de 24 différentes catégories.

Comme le présente le graphique 2, les résultats de l’examen du ministère montrent que, en 2008, les francophones de la région n’ont eu accès qu’à cinq des 24 catégories de programmes universitaires de premier cycle et aucun accès aux 19 autres catégories de programmes, y compris les études en pharmacie, en thérapie et en réadaptation, en optométrie, en médecine, en santé et autres programmes connexes. Le commissaire observe également une absence d’accès aux programmes de droit, de journalisme, de génie, d’architecture ou d’informatique en langue française. Par ailleurs, le taux d’accès aux programmes offerts en français était loin de correspondre au taux d’accès aux programmes offerts en anglais, de 1 % pour les affaires et le commerce à 9 % pour les sciences sociales (comprenant les domaines universitaires comme l’économie, la criminologie, la psychologie, les sciences politiques) et pour les études en mathématiques.

Graphique 2 − Programmes d’études de premier cycle offerts en français et en anglais dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario et taux d’accès des francophones (2008)

Source: Source : Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, Étude des écarts : Les systèmes d’éducation postsecondaire et de formation de langue française et de langue anglaise, Toronto, Ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2008, p. 148.

La situation se détériore aux niveaux supérieurs pour les étudiants qui souhaitent poursuivre plus loin leurs études postsecondaires en français. En effet, selon les calculs du ministère, comme l’illustre le graphique 3, les personnes qui souhaitaient poursuivre des études de maîtrise ou de doctorat en français dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, en 2008, n’avaient accès qu’à trois catégories de programmes, dont les sciences sociales et l’éducation. À la lumière de ces renseignements, le ministère a conclu :

« On constate que plus on décide de poursuivre les études supérieures et de recherche en français, plus on est limité dans le nombre de catégories de programmes auxquels on a accès. » [45].

Graphique 3 − Programmes d’études supérieures offerts en français et en anglais dans la région du Centre-Sud-Ouest et taux d’accès des francophones (2008)

Source : Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, Étude des écarts : Les systèmes d’éducation postsecondaire et de formation de langue française et de langue anglaise, Toronto, ministère de la Formation et des Collèges et Universités, p. 150 et 154.

Tout comme la pénurie de programmes universitaires en français, il existe en outre un important manque de certains programmes collégiaux en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Le ministère a fondé son analyse de 2008 du taux d’accès des francophones sur 16 différentes catégories de programmes collégiaux, comme l’illustre le graphique 4. Selon cette étude, les personnes souhaitant poursuivre des études collégiales en français dans la région ne pouvaient choisir qu’à partir de cinq des 16 catégories de programmes. En effet, les étudiants avaient un accès très limité aux programmes liés aux systèmes et aux ordinateurs, aux services sociaux et à la personne, aux affaires et à la comptabilité, à l’administration, et aux soins infirmiers qui comptaient le plus haut taux d’accès des francophones, c’est-à-dire seulement 20 %. En d’autres mots, la population étudiante était privée de la possibilité de poursuivre des études dans 11 différentes catégories de programmes collégiaux (technologie et génie, force motrice, laboratoire et clinique, électronique et génie).

Graphique 4 – Programmes collégiaux offerts en français et en anglais dans la région du Centre-Sud-Ouest et taux d’accès des francophones (2008)

Source : Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, Étude des écarts : Les systèmes d’éducation postsecondaire et de formation de langue française et de langue anglaise, Toronto, Mnistère de la Formation et des Collèges et Universités, p. 166.

À la lumière de la précédente analyse, une chose est claire : il existe un manque manifeste d’accès aux établissements postsecondaires de langue française et bilingues, et à un éventail et une diversité de programmes dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.

Depuis l’Étude des écarts menée par le ministère en 2008, certaines améliorations ont été observées, notamment dans le secteur des professions paramédicales où un certain nombre de programmes sont offerts à La Cité collégiale et au Collège Boréal. Parmi ces programmes dans le cadre de certificats d’études collégiales de l’Ontario, on compte la formation de préposé aux services de soutien à la personne, le programme d’assistance dentaire niveaux I et II, le programme d’hygiène dentaire, la formation des ambulanciers paramédicaux et le programme Assistant de l’ergothérapeute et Assistant du physiothérapeute. Les deux collèges offrent, en outre, le programme de soins infirmiers auxiliaires et le programme conjoint en sciences infirmières. Des programmes de techniques médicales, dont les programmes de technologie de radiation médicale et de massage thérapeutique, y sont également offerts. De plus, La Cité collégiale et le Collège Boréal proposent un certain nombre de programmes en technologie et génie, y compris la prétechnologie, la mécanique et la chimie, selon divers titres de compétences.

En effet, des investissements ont récemment été accordés pour l’éducation postsecondaire de langue française dans l’ensemble de la province. Par exemple, en 2010-2011, le ministère a consenti un investissement de 84,8 millions de dollars dans l’éducation postsecondaire de langue française.

2.2.2 Besoins divergents

Bien qu’il existe une « communauté francophone », il est important de se rappeler qu’il ne s’agit pas d’un groupe monolithique. Dans le cas du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, une population si hétérogène présente une diversité de besoins. En effet, le gouvernement a reconnu la diversité de la communauté en adoptant la définition inclusive de francophone (DIF) afin de refléter ces différences[46].

En ce qui concerne la question des études supérieures en français, divers groupes de personnes, comme les diplômés du secondaire, les adultes ou les nouveaux arrivants, sont attirés vers des établissements et des programmes postsecondaires pour diverses raisons et, par conséquent, leurs attentes sont différentes.

Malgré l’insuffisance de possibilités d’études postsecondaires en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, la communauté francophone de la région atteint le plus haut taux d’accession aux études postsecondaires. Par exemple, « presque un tiers des francophones dans le Centre de l’Ontario ont un grade universitaire en comparaison d’un sur dix dans le Nord-Est. En fait, une proportion supérieure de francophones dans le Centre détient un baccalauréat, ce qui est plus élevé que chez les Ontariens dans leur ensemble (32,2 % comparativement à 28,1 %) »[47].Cependant, étant donné le manque important de possibilités d’études postsecondaires en langue française, il est probable que ces étudiants soient diplômés d’universités anglophones.

Par exemple, selon le ministère, en 2003-2004, 1 627 francophones recevaient leur diplôme d’études secondaires. De ce groupe de diplômés, un faible 1 % se sont inscrits dans un collège de langue française, alors que seulement 5 % se sont inscrits dans une université bilingue, et 36 % des finissants ont opté pour des établissements postsecondaires de langue anglaise [48]. Le ministère observe également que les étudiants de la région, tant francophones qu’anglophones, semblent choisir les campus universitaires, et sont plus réfractaires à s’inscrire dans les collèges. Par conséquent, même si environ 14 % des francophones diplômés du secondaire s’inscrivaient au collège, en 2003, ils étaient deux fois plus nombreux (28 %) à s’inscrire à l’université [49].

Ces données ne donnent aucune indication au sujet des besoins des sous-groupes particuliers de la communauté francophone comme les nouveaux arrivants ou les adultes qui souhaitent poursuivre des études au collège ou à l’université. Bien que 40 % des étudiants aient moins de 21 ans et 37 % soient âgés de 21 à 25 ans[50], Fselon Collèges Ontario, les étudiants francophones qui vivent dans la région du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario ont tendance à être plus âgés que les autres étudiants. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Par exemple, un certain nombre d’adultes s’inscrivent au collège dans un contexte de développement de carrière, et d’autres le font pour terminer leurs études ou recevoir leur grade et obtenir un diplôme d’études collégiales ou une certification professionnelle. Enfin, bon nombre d’adultes s’inscrivent aussi à un programme collégial pouvant mener à une transition rapide et bien définie au sein du marché du travail.

Puisque 57 % des immigrants en Ontario sont âgés de 30 à 64 ans, il est possible que bon nombre des nouveaux arrivants francophones qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires en langue française optent pour le collège plutôt que l’université. En effet, les nouveaux arrivants adultes allophones, qui ont une connaissance de la langue française, pourraient choisir des programmes collégiaux en français afin d’acquérir les compétences et l’expérience qui leur permettront d’entrer sur le marché du travail dès que possible. Ils pourraient en outre être d’avis qu’un programme collégial offre une transition plus efficace qu’un programme universitaire vers le marché du travail.

Il semble que ce soit le cas au campus de Toronto du Collège Boréal où, en 2002, seulement 35 % de la population étudiante était composée de citoyens canadiens comparativement à 65 % de nouveaux arrivants (y compris les immigrants et les personnes ayant un visa d’étudiant)[51]. Par ailleurs, 60 % des personnes inscrites étaient âgées de plus de 30 ans et 85 % d’entre elles se sont inscrites en tant qu’apprenants adultes (par opposition au statut de diplômés du secondaire)[52].

En outre, dans son étude intitulée Deux langues, tout un monde de possibilités : L’apprentissage en langue seconde dans les universités canadiennes[53]le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, montre qu’un nombre croissant d’étudiants souhaitent poursuivre leurs études postsecondaires dans l’autre langue officielle et pas seulement parce qu’il est avantageux d’acquérir un avantage concurrentiel dans la réalité économique d’aujourd’hui, mais pour des raisons très personnelles :

« Étonnamment, bon nombre d’étudiants ont également indiqué que le perfectionnement et l’enrichissement personnel étaient les raisons pour lesquelles ils voulaient apprendre une deuxième langue. Ils considèrent la nécessité de maîtriser d’autres langues comme allant de soi dans la société moderne de plus en plus axée sur la mondialisation et, par conséquent, comme une partie intégrante de l’éducation postsecondaire. »

Finalement, comme l’indique le graphique 5, les régions du Centre et du Sud-Ouest comptent également l’un des plus hauts niveaux de familles francophones exogames ayant des enfants, ou de familles dont l’un des parents est francophone et l’autre non. Ce facteur peut avoir une influence importante sur les taux de fréquentation des Collèges et universités, et il faudrait par conséquent en tenir compte dans la planification des politiques relatives aux études postsecondaires. Par exemple, les études suggèrent que dans le contexte de la minorité linguistique franco-ontarienne, la hausse soutenue du nombre de familles exogames contribue à rendre la population francophone plus vulnérable à l’assimilation[54].

Graphique 5 − Foyers exogames en Ontario par région (2006) (%)

Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2006.

2.2.3 Taille et croissance de la population

Le manque de possibilités d’études postsecondaires en langue française est particulièrement préoccupant compte tenu du nombre assez important de francophones vivant dans la région du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Selon le recensement de 2006, la région compte 201 630 francophones[55].

En outre, comparativement à d’autres communautés de la province, la communauté francophone du Centre-Sud-Ouest est en croissance. En effet, alors que le nombre de francophones dans d’autres régions est en décroissance ou en croissance plus lente, la région du Centre-Sud-Ouest dans l’ensemble est en pleine croissance. Le graphique 6 reflète cette situation et présente les différences par région dans la croissance de la population au cours d’une période de 15 ans (de 1991 à 2006), en Ontario. Les valeurs négatives dénotent une décroissance de la population alors que les valeurs positives indiquent une croissance de la population.

Graphique 6 – Différences entre les populations francophones de l’Ontario, par région (1991-2006)[56]

Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 1991, 1996, 2001, 2006.

Par conséquent, comparativement aux régions de l’Est, du Nord-Est et du Nord-Ouest, le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario affiche la plus forte croissance de sa population. Cette croissance soutenue au fil du temps s’explique essentiellement par le fait qu’un nombre important de nouveaux arrivants au Canada choisissent de s’installer dans la région, avec plus d’un francophone sur quatre (27,4 %) dans les régions du Centre et du Sud-Ouest nés à l’extérieur du Canada [57].

Manifestement, une part importante de l’avenir de la communauté franco-ontarienne se trouve dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. C’est en outre l’endroit où choisit de s’établir un nombre important de nouveaux arrivants francophones au pays avec une nécessité évidente pour des services en français. En effet, ces nouveaux immigrants souhaitent bâtir un meilleur avenir pour eux-mêmes et leurs enfants. Cependant, des questions subsistent relativement à la façon dont ils vont y arriver. Se joindront-ils à la communauté franco-ontarienne, et conserveront-ils leurs aptitudes linguistiques en français, ainsi que leur volonté de participer à la mise en place des institutions de la communauté? Cette occasion leur est-elle offerte dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario où, comparativement aux régions du Nord et de l’Est de la province, il y a un manque très évident d’institutions francophones?

Quelques-unes des réponses à ces enjeux se trouvent dans les chapitres suivants du présent rapport qui approfondissent certaines questions liées à l’insuffisance d’établissements et de programmes postsecondaires en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.

CHAPITRE 3 – QUESTIONS RELATIVES À L’OFFRE ET À LA DEMANDE

Bien que l’approche conventionnelle à l’offre et à la demande, où la demande est stimulée par l’offre, puisse fonctionner dans un contexte de majorité linguistique, ce n’est certainement pas le cas en ce qui concerne une minorité linguistique. En effet, la voix plus forte de la majorité linguistique fait taire ou étouffe celle de la minorité. Cela est vrai pour les francophones en Ontario. Et c’est aussi pour cette raison que les droits des minorités linguistiques existent au départ : ils confirment que le statut particulier des minorités linguistiques mérite une protection supplémentaire afin qu’elles puissent se faire entendre.

L’évaluation des besoins des Franco-ontariens et la capacité d’y répondre posent des défis particuliers aux responsables des politiques qui doivent mettre au point des façons de définir ces besoins particuliers. Le présent chapitre explore les défis permanents liés à l’offre et à la demande en ce qui a trait à l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.

3.1 L’IMPORTANCE DE L’OFFRE ACTIVE

Comme il a été mentionné antérieurement, l’importance d’offrir de façon active des services en français aux Franco-ontariens est clairement illustrée par le nombre important de francophones qui obtiennent un diplôme d’études secondaires et qui choisissent les établissements et les programmes postsecondaires en langue anglaise dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Selon le ministère de la Formation et des Collèges et Universités, il s’agit d’un résultat direct du manque de possibilités d’études postsecondaires en langue française dans la région :

« […] le fait que plus du double des finissantes et finissants transfèrent d’un système [en langue française] vers un autre [en langue anglaise] indique le besoin d’une stratégie concertée pour contrer l’exode des jeunes francophones du Centre et de l’Ouest vers d’autres régions […]. L’alternative [pour les diplômés francophones du secondaire] est d’étudier dans une des quinze institutions collégiales ou une des onze institutions universitaires de langue anglaise desservant ces deux régions […]. »[58].”

Cependant, l’application de la logique conventionnelle de l’offre et de la demande à cette situation ne permettrait pas de saisir les nuances importantes qui existent dans le contexte d’une minorité linguistique. Comme le suggèrent les constatations du ministère, les faibles taux d’inscription dans les établissements postsecondaires de langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario ne devraient pas être interprétés simplement comme une insuffisance de demande, comme il serait tentant de faire dans le cadre des règles de jeu équitables de la majorité linguistique anglophone, mais plutôt comme la conséquence nécessaire d’un manque d’offre liée aux possibilités d’études postsecondaires en langue française.

Ainsi, alors que l’on croit généralement que l’offre est l’élément déclencheur de la demande, les études révèlent que cette relation est inversée dans le contexte unique des minorités linguistiques comme l’indique l’étude de Frenette et Quazi :

« La logique institutionnelle des établissements postsecondaires veut que la population étudiante minoritaire crée une demande pour des programmes en français plutôt que l’inverse. Mais la logique de l’étudiant minoritaire est tout à fait l’opposé, c’est-à-dire que la demande pour des programmes en français est une réaction à l’offre. Il semblerait que dans un contexte minoritaire, c’est l’offre de services d’enseignement qui crée la demande plutôt que l’inverse. »[59].” [traduction libre]

D’autres provinces ou territoires du Canada en sont également arrivés à la conclusion que le contexte particulier de la minorité linguistique francophone appelle à une solution de rechange à la logique conventionnelle en ce qui concerne l’offre et la demande. Par exemple, une analyse de la conjoncture réalisée par le ministère de la Justice du Canada dans 12 provinces et territoires relativement aux obstacles aux services judiciaires et juridiques pour une population minoritaire francophone a permis de dégager ce qui suit :

« Généralement, si la demande est faible, l’offre de services dans la langue minoritaire l’est aussi. […] on adopte le discours selon lequel une faible proportion de demandes de services judiciaires et juridiques dans la langue officielle minoritaire justifie une prestation de services plutôt limitée. Cette thèse s’apparente à ce que l’on pourrait qualifier de logique du marché dans la mesure où il s’agit de fixer l’offre en fonction de la demande. Cependant, il nous semble que, du point de vue du ministère de la Justice du Canada, ce serait une erreur de perspective d’aborder cette question d’un strict point de vue mercantile, comme si l’accès aux services judiciaires et juridiques dans la langue de la minorité de langue officielle devait suivre la loi économique de l’offre et de la demande. » [60]

À la lumière de la relation inversée entre l’offre et la demande dans le cas d’une minorité linguistique, il est important que les établissements postsecondaires et leurs programmes soient offerts de façon active en français. Le commissaire aux services en français a souligné à de nombreuses reprises que la planification efficace et la mise en œuvre de services en français requièrent une offre active. Ce point de vue est également appuyé par l’étude du ministère de la Justice du Canada, laquelle conclut que plutôt que de suivre la logique conventionnelle de l’offre fondée sur la demande, le contexte de la minorité linguistique commande ce qui suit :

« Il existe une autre perspective, qui est celle adoptée par la Cour suprême et le Commissariat aux langues officielles selon laquelle il s’agit d’abord d’une question de droit. […] Cette approche impose au système judiciaire et aux autorités gouvernementales des obligations à rendre les services disponibles à la minorité de langue officielle. Ceci justifie, par exemple, la notion d’une véritable politique d’offre active de services judiciaires et juridiques dans la langue officielle minoritaire. Dans cette optique, l’offre de services dans la langue officielle minoritaire n’a pas à être régie simplement en fonction de la demande. »[61].”

L’importance de comprendre la relation inversée entre l’offre et la demande dans le contexte d’une minorité linguistiquene peut être surestimée. Comme les sections suivantes de ce chapitre le montreront, les problèmes d’offre et de demande ont contribué à perpétuer la situation concernant l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. En effet, les approches actuelles ont mené à un cercle plutôt vicieux au sein duquel on observe l’absence de possibilités d’études postsecondaires en langue française – ce qui se reflète dans le taux effarant de participation de 3 % – expliquée par un manque de demande, lequel, en retour, s’explique par un manque d’offre qui s’explique de nouveau par une absence de demande. Cette boucle sans fin ne contribue guère à régler le problème. La clé pour passer d’un cercle vicieux à un cercle vertueux est de mieux comprendre les mécanismes de l’offre et de la demande dans le contexte de la minorité linguistique francophone, fondés sur l’offre active.

3.2 PROXIMITÉ

Un des facteurs qui contribuent au cercle vicieux d’un manque d’offre et de demande relativement à l’éducation postsecondaire en langue française est la proximité des établissements d’enseignement. En effet, les études montrent que la distance entre le domicile de l’étudiant et son collège ou son université a une influence notable sur les décisions concernant l’éducation postsecondaire[62]. Par exemple, deux études de Statistique Canada ont montré que même après le contrôle des facteurs communs ayant une incidence sur la participation aux études postsecondaires, comme le revenu familial et l’éducation parentale, les étudiants sont moins susceptibles de s’inscrire à l’université ou au collège s’ils n’habitent pas à distance de navettage[63].”

Lorsqu’ils doivent faire un choix entre déménager et supporter une charge financière supplémentaire pour étudier dans un collège ou une université de langue française ou rester libres de dettes, les étudiants ont tendance à choisir de fréquenter un établissement d’enseignement local de langue anglaise. En plus du coût de la vie loin du foyer, la proximité s’accompagne également de coûts émotionnels associés au fait de quitter la maison, ainsi que son réseau social et familial [64]. Ceci comporte en outre des répercussions socioéconomiques parce que les familles à faible revenu ont tendance, de façon disproportionnée, à ne pas vivre à distance de navettage des établissements postsecondaires.

La corrélation entre la participation aux études postsecondaires et la distance entre le foyer et l’établissement d’enseignement comporte également des incidences pour la minorité linguistique franco-ontarienne du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Bien qu’une proportion assez importante de la population francophone habite Toronto, où l’on retrouve les programmes en langue française de la région, d’autres francophones de la région doivent parcourir de longues distances pour avoir accès aux programmes postsecondaires collégiaux et universitaires en langue française. Le graphique 7 illustre de façon claire que seulement une ville sur neuf de la région du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario est située à « distance de navettage » (40-50 km), dans le cas présent, Mississauga. Pendant ce temps, les francophones de six autres villes vivent à plus de 100 km des programmes en français les plus près offerts à Toronto [65]. Par conséquent, il en coûte moins à un étudiant qui vit avec ses parents à Sarnia ou à London et qui étudie en anglais à l’Université de Western Ontario plutôt que de parcourir plusieurs heures de route pour aller à un cours ou de vivre à Toronto et de fréquenter une école de langue française. Il en va de même pour les étudiants qui vivent à Windsor ou à Lakeshore à l’égard de l’Université de Windsor, pour les étudiants qui vivent à Hamilton se trouvant à proximité de l’Université McMaster, ainsi que ceux qui vivent à Welland et qui fréquentent l’Université Brock.

Graphique 7 − Distance (km) entre Toronto et certaines villes du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario (dans un rayon de 40 à 50 km de distance de navettage)

Note : Les distances sont basées sur les itinéraires calculés par www.MapQuest.ca selon des parcours effectués en voiture.

Également, alors que les étudiants francophones vivant dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario pourraient souhaiter poursuivre leurs études postsecondaires en français et vivre à distance de navettage d’un collège ou d’une université, il y a de fortes chances que l’établissement en question n’offre pas de programmes en français. En ce sens, la langue ajoute un autre élément à la simple distance, menant les étudiants vers l’un des nombreux et excellents établissements postsecondaires de langue anglaise de la région. À cause de l’absence de possibilités d’études postsecondaires en langue française dans les régions du Centre et du Sud-Ouest de l’Ontario, la question de la proximité devient étroitement liée à la langue d’enseignement.

Plusieurs études le confirment, et montrent que les étudiants préfèrent continuer leurs études en français au niveau postsecondaire même dans un milieu linguistique minoritaire, et ce, à proximité de la résidence parentale [66]. Une étude a montré qu’une proportion considérable (47 %) d’étudiants en Ontario a mentionné la « distance » comme étant un obstacle moyen à majeur à la poursuite des études postsecondaires en français [67]. Cette constatation est d’autant plus importante qu’elle ne tient pas compte des différences régionales au sein de la province. En tant que telle, l’« incidence » de ce taux d’accès particulièrement faible dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario est diluée par les réponses d’autres régions de l’Ontario.

Par conséquent :« La volonté d’étudier en français est mitigée par l’offre de programmes disponibles près de chez soi […] dans la plupart des milieux minoritaires francophones, les jeunes sont conditionnés par l’offre de programmes disponibles. Si les programmes ne sont pas disponibles en français, les jeunes [francophones] auront tendance à s’inscrire en anglais, ce qui représente une proportion significative du 25 % des répondants [de notre étude] qui choisissent de s’inscrire à une institution anglophone. »[68].”

Dans le cas des études supérieures en langue française dans le Centre et le Sud-Ouest de l’Ontario, le manque d’accès sous l’angle de la diversité des programmes et des établissements est par conséquent décuplé par le manque d’accès sous l’angle de la distance de collèges et d’universités de langue française.

3.3 RECRUTEMENT ET RÉTENTION

Un autre exemple de l’incidence de l’offre des programmes postsecondaires en français sur la demande dans le contexte de la minorité linguistique francophone se reflète dans la question de la rétention et du recrutement aux paliers élémentaire et secondaire. Malgré les droits constitutionnels de la minorité linguistique à un enseignement offert dans sa langue, et malgré les politiques comme la Politique d’aménagement linguistique, le manque d’établissements et de programmes postsecondaires en langue française a pour effet de dissuader les élèves de l’élémentaire et du secondaire à opter pour un enseignement en français dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario et à conserver ce choix. Le manque d’établissements et de programmes en français dans la région semble être perçu comme étant restrictif à la carrière et à la possibilité de faire valoir ses compétences.

3.3.1 Recrutement

Dans ses réponses préliminaires présentées au commissaire le 22 septembre 2011, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités a fourni les données du ministère de l’Éducation en ce qui concerne le recrutement aux paliers élémentaire et secondaire des enfants titulaires du statut d’ayant droit à l’instruction en français et des nouveaux arrivants ayant des connaissances du français comme un défi majeur. Par exemple, comme le démontre le graphique 8, bien que 48 % des ayants droit francophones fréquentent une école secondaire de langue française dans la région, une majorité (52 %) n’y est pas inscrite malgré l’augmentation soutenue du nombre d’élèves qui fréquentent les écoles de langue française. Les constatations révèlent également que 13 % des ayants droit francophones s’inscrivent à des programmes d’immersion plutôt que dans les écoles de langue française dans la région.

Graphique 8 − Taux de participation aux études secondaires par programme linguistique, région du Centre-Sud-Ouest (2006)

Source : Données de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, ministère de la Formation et des Collèges et Universités, réponse au Commissaire aux services en français, document d’enquête formelle, décembre 2011, p. 8.

En outre, bien qu’il y ait plus de 3 000 nouveaux arrivants d’âge scolaire ayant une connaissance du français dans la région en 2008, seulement 2 000 d’entre eux se sont inscrits dans des écoles de langue française. De ce fait, environ 1 000 enfants récemment arrivés sont inscrits dans des écoles autres que celles de langue française. En fin de compte, puisque seulement 28 300 élèves ont fréquenté des écoles de langue française sur les 54 200 élèves francophones d’âge scolaire dans la région du Centre-Sud-Ouest, en 2006, le ministère a identifié un nombre possible de 25 900 élèves francophones supplémentaires qui auraient pu fréquenter les écoles de langue française dans la région, mais ne l’ont pas fait.

3.3.2 Rétention

En plus des difficultés à recruter des élèves dans les écoles élémentaires et secondaires de langue française, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités a également déclaré que la rétention des élèves déjà inscrits dans ces écoles constitue un défi. [69].

Selon le ministère, pendant que les élèves des écoles de langue française transfèrent vers des écoles de langue anglaise toutes les années d’études, l’érosion du système d’éducation en français est particulièrement prononcée durant les années de transition, notamment entre la 6e et la 7e année et entre la 8e et la 9e année. Par exemple, bien que 22 063 élèves étaient inscrits dans les écoles élémentaires de langue française de la région de 2007 à 2008, seulement 5 523 étaient inscrits dans les écoles secondaires de langue française, une différence de 16 540 élèves[70]. Cette divergence signale une tendance alarmante voulant que les élèves délaissent l’enseignement en langue française et qui devient même plus évidente en comparant la différence entre le nombre d’élèves en 6e année et en 9e année. Cette différence est particulièrement prononcée dans la région du Sud-Ouest où la baisse du nombre d’élèves qui poursuivent leurs études en français de l’élémentaire au secondaire a donné lieu à un écart de -26 % [71].

Malgré les problèmes de recrutement et de rétention auxquels font face les écoles élémentaires et secondaires du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, un récent rapport du commissaire aux services en français indique que les installations de la région du grand Toronto fonctionnent à une capacité qui est soit au même niveau soit au-dessus du taux d’utilisation moyen pour les écoles publiques de la province parce que de plus en plus d’élèves souhaitent fréquenter une école de langue française[72].

3.3.3 Répercussions sur les études postsecondaires

L’incapacité de recruter et de retenir les élèves dans le système de langue française avant l’obtention du diplôme d’études secondaires comporte des répercussions possibles sur le recrutement postsecondaire de langue française. En effet, le graphique 9 montre qu’en 2009, la majorité de la population étudiante obtenant un diplôme d’études secondaires d’une école de langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario a choisi de poursuivre des études postsecondaires en langue anglaise, 23 % des étudiants choisissant un collège de langue anglaise et 57 % d’entre eux optant pour une université de langue anglaise[73].

Graphique 9 − Inscription des diplômés d’écoles secondaires francophones à des études collégiales ou universitaires dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, selon la langue d’enseignement de l’établissement (2009)

Source : Ministère de la Formation et des Collèges et Universités. Réponse au Commissariat aux services en français, rapport d’enquête formelle, décembre 2011.

L’accent est sur les étudiants francophones qui ont obtenu leur diplôme d’écoles secondaires francophones. Le graphique 9 ne présente pas les données sur les élèves francophones qui ont laissé le secteur d’éducation francophone en grand nombre, surtout à la 8e année d’études. Le commissaire a traité de cette situation dans son rapport d’enquête de 2011 intitulé Les écoles de langue française dans la région du grand Toronto : Quand le plus élémentaire devient secondaire :

« Dans ce secteur, les enfants qui passent à la 9e année et leurs parents doivent faire un choix très difficile, le « choix » étant ici réduit à sa plus simple expression puisqu’une des « options » à laquelle donne lieu le manque d’écoles consiste ni plus ni moins à abdiquer son droit constitutionnel et à consentir à l’assimilation. Le Commissariat s’intéresse particulièrement à l’accès au niveau secondaire, car les statistiques indiquent que dans le sud de l’Ontario, une très grande partie des élèves (près de 20 %) quittent les conseils scolaires de langue française pour intégrer ceux de langue anglaise entre leur 8e et leur 9e année d’études. On peut difficilement douter que cette situation soit directement liée à l’inaccessibilité de certaines écoles de langue française, car les données montrent que les taux de rétention diminuent lorsqu’augmentent la distance et l’inaccessibilité des écoles. »[74]

Il est important de noter que la désertion du système d’éducation de langue française par les étudiants du niveau postsecondaire ne peut s’expliquer facilement par une simple question de préférence à l’enseignement en langue anglaise. En effet, lorsqu’il leur a été demandé quelle était la langue de leur choix au niveau postsecondaire, la majorité des étudiants francophones du secondaire indiquent qu’ils préféreraient poursuivre leurs études dans le cadre d’un programme collégial ou universitaire de langue française [75].

En fin de compte, la question du recrutement et de la rétention mène tout droit au cercle vicieux de l’offre et de la demande dans un milieu linguistique minoritaire. L’effarante carence de l’offre de possibilités d’études postsecondaires en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario pourrait très bien réduire la demande actuelle et future pour une éducation postsecondaire de langue française, comme le suggèrent les défis liés au recrutement et les taux cumulatifs de l’érosion des effectifs aux paliers élémentaire et secondaire. Ceci entraîne une chute du nombre d’étudiants qui souhaitent faire leurs études dans un collège ou une université de langue française dans la région, malgré leur préférence actuelle pour un enseignement en français.

LA RECHERCHE DE L’EXCELLENCE

Il est nécessaire de tenir compte d’un autre facteur d’importance : le fait que dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, on compte un grand nombre d’établissements postsecondaires de langue anglaise réputés. En effet, il s’agit d’une importante considération pour les étudiants francophones de la région qui, à juste titre, souhaitent la meilleure instruction possible au risque de perdre leurs aptitudes linguistiques en langue française[76].

De plus, lorsqu’un étudiant francophone choisit de ne pas tenir compte de l’obstacle lié à la proximité en poursuivant des études postsecondaires en français, il importe peu si le programme est offert à Sudbury ou à Ottawa à condition que le programme soit excellent.

La question demeure : y a-t-il une niche pour l’enseignement postsecondaire en langue française dans la région? Absolument! Même ne s’il se référait pas particulièrement aux programmes en langue française dans la région du Centre-Sud-Ouest, le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur de l’Ontario a déjà indiqué que l’une des solutions à la prestation de programmes et de services est la différentiation. Il sera question de ce sujet plus en détail au chapitre 6.

3.5 LE MANQUE DE DONNÉES

L’identification des francophones constitue une étape nécessaire afin de consigner leurs besoins ou leur « demande ». Ceci est particulièrement vrai dans le cas des minorités linguistiques puisque, comme il a été mentionné auparavant, leurs besoins sont facilement éclipsés par ceux de la majorité. Pourtant, le gouvernement, à l’heure actuelle, ne dispose pas de mécanisme pour effectuer le suivi des étudiants qui poursuivent des études postsecondaires en langue française, et ceux qui pourraient le faire, ni aucun moyen fiable de distinguer les étudiants francophones aux études postsecondaires de leurs consœurs et confrères anglophones. Ainsi, il existe une grave lacune statistique et les données qui existent sont inexactes puisqu’elles n’englobent pas tous les francophones. Un manque de données se traduit par des répercussions négatives lorsque vient le temps d’estimer la demande d’inscription postsecondaire francophone et l’accès basé sur cette demande. Comme l’indique une étude du ministère de la Formation et des Collèges et Universités :

« En contexte linguistique majoritaire, comptabiliser la langue de l’étudiant ne porte pas véritablement à conséquence. Étant donné la réalité linguistique des francophones de l’Ontario, la manière de procéder existante peut potentiellement limiter le nombre de francophones recensés, rendant moins efficaces les interventions du décideur public. »[78].”

Il est difficile d’élaborer des politiques en vue de répondre à des besoins lorsque la demande n’a pas été correctement définie. Par conséquent, le manque de données représente un défi pour les responsables des politiques qui ont la tâche de déterminer la « demande » de francophones, et de concevoir les programmes et initiatives afin de satisfaire aux besoins de cette communauté.

RECOMMENDATION 1:

Étant donné que l’éducation postsecondaire attire un large éventail d’étudiants, le commissaire recommande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’éloigner de la méthode actuelle de collecte de données basée sur une compréhension incomplète de l’éducation en langue française centrée uniquement sur les ayants droit, dans le contexte particulier des écoles élémentaires et secondaires, et de tenir compte des personnes susceptibles de poursuivre des études postsecondaires en langue française en Ontario. Au-delà de la cueillette de données sur les élèves du palier secondaire, on devrait en outre intégrer des données relatives aux élèves en immersion, à ceux qui sont membres d’une famille exogame ou allophone, ainsi qu’aux francophiles.

3.5.1 Identification des francophones

À la question de savoir « qui ranger sous l’étiquette de francophone », on pourrait croire qu’il s’agit simplement d’identifier les personnes qui parlent français. Cependant, la définition et la mesure des francophones s’avèrent beaucoup plus compliquées. Les données sur les francophones tirées de sondages où la langue est déterminée en fonction d’indicateurs à un seul facteur (p. ex., langue maternelle, langue de communication, langue parlée à la maison) sont généralement trop restrictives. Par exemple, les données du gouvernement étaient auparavant fondées sur la définition selon laquelle seule la langue maternelle comptait. Cependant, cette approche exclut les personnes qui appartiennent aux familles exogames anglophones et les allophones qui parlent le français — des groupes qui représentent une proportion considérable et en croissance de la communauté francophone dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. En effet, comme le montre le graphique 5 (Foyers exogames, chapitre 2), plus de 80 % des francophones du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario se définissent comme membres d’un foyer exogame.

Compte tenu de la croissance démographique de la communauté francophone au profil de plus en plus diversifié, le gouvernement a annoncé, en 2009, qu’il adoptait une nouvelle définition de la population francophone : la définition inclusive de francophone (DIF). Contrairement à la méthode antérieure de « comptabilisation » des francophones, la DIF n’est pas uniquement fondée sur la langue maternelle, mais également sur la langue ou les langues parlées à la maison afin de ne pas exclure les allophones et les personnes qui sont membres d’un foyer exogame[79]. L’adoption de la définition inclusive de francophone pour définir les francophones est particulièrement importante dans le domaine de l’éducation postsecondaire.

Étant donné que la clientèle des universités et collèges ne se limite pas aux ayants droit visés par la Charte, il n’est pas inconcevable que le système d’éducation postsecondaire de langue française attire d’autres groupes de population. Par conséquent, la population francophone et immigrante qui s’installe en Ontario peut contribuer à accroître le nombre de personnes qui étudient en français. Une autre tendance qui se dessine concerne le nombre d’apprenants adultes qui retournent aux études par intérêt personnel ou pour commencer une deuxième carrière. En dernier lieu, les étudiants anglophones inscrits à un programme d’immersion en français ou à un programme intensif de français forment un autre groupe qui pourrait souhaiter faire des études postsecondaires en français[80].

Le Collège universitaire Glendon est un excellent exemple d’un établissement qui attire des étudiants autres que les ayants droit. En effet, en tant qu’établissement scolaire bilingue du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario – une région où le nombre de foyers exogames est élevé – il est bien connu que la population étudiante du Collège universitaire Glendon est composée d’un nombre assez important de francophiles.

En fin de compte, étant donné la diversité des besoins pour une éducation postsecondaire de langue française dans la région, il est essentiel de recueillir et d’analyser des données fiables sur tous les francophones.

3.5.2 Les paliers élémentaire et secondaire

Comme il a été mentionné antérieurement dans le présent rapport, il existe un cercle vicieux de l’offre et de la demande dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, selon lequel les possibilités d’études postsecondaires en langue française contribuent à un taux cumulatif d’attrition aux paliers élémentaire et secondaire, ce qui a pour effet de réduire le nombre de diplômés qui opteraient de poursuivre leurs études postsecondaires, et de renforcer le manque d’offre relativement aux programmes en langue française. Par conséquent, l’avenir du système d’éducation élémentaire et secondaire est étroitement lié àcelui du système d’éducation postsecondaire– particulièrement dans le contexte d’une minorité linguistique comme la minorité franco-ontarienne. En conséquence, afin d’avoir une meilleure idée de la demande potentielle réelle des francophones pour des études supérieures en langue française, il est essentiel de déterminer qui, à l’heure actuelle, est un ayant droit et qui est susceptible de poursuivre une éducation postsecondaire en français.

Cependant, au cours de la présente enquête, il est apparu clairement au commissaire que le ministère de l’Éducation et le ministère de la Formation et des Collèges et Universités ne possèdent pas de données sur l’ensemble potentiel des effectifs postsecondaires de langue française. Par exemple, bien que le ministère de l’Éducation possède les données complètes sur la population étudiante qui fréquente les écoles de langue française – lui permettant d’effectuer le suivi des cheminements scolaires – cela n’est pas le cas des étudiants inscrits dans les programmes d’immersion en français ni de ceux qui sont soit immigrants ou nouveaux arrivants en Ontario et qui ont une connaissance du français leur permettant de poursuivre des études postsecondaires en langue française s’ils en avaient l’occasion.

En effet, à partir des données sur les effectifs qu’il a recueillies, le ministère savait qu’au cours de l’année scolaire 2009-2010, 3 957 élèves étaient inscrits à des programmes d’immersion en français à l’élémentaire et 5 381 élèves en 10e, 11e et 12e année dans la région. Cependant, le ministère n’était pas en mesure de déterminer combien de ces élèves ont reçu leur diplôme, combien ont poursuivi leurs études postsecondaires, et combien ont choisi de le faire en français ou en anglais. Le ministère n’a également pas été en mesure de fournir des données sur le nombre d’immigrants francophones dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario en âge de poursuivre leurs études postsecondaires, combien d’entre eux ont choisi de le faire et dans quelle langue officielle. Il semblerait que le ministère de l’Éducation et le ministère de la Formation et des Collèges et Universités planifient et élaborent des politiques fondées sur la définition restrictive de francophone.

3.5.3 Le niveau postsecondaire

Le manque de données sur les francophones aux paliers élémentaire et secondaire persiste également au niveau postsecondaire. Autrement dit, pour le moment, le gouvernement ne dispose d’aucun moyen d’identifier précisément quels sont les étudiants francophones parmi ceux qui s’inscrivent aux collèges et universités. Ceci souligne le besoin d’avoir plus de données sur les francophones, selon le ministère de la Formation et des Collèges et Universités:

« […] les données sur le nombre d’inscrites et inscrits francophones dans le système postsecondaire anglophone permettraient de connaître le réel portrait de l’impact du transfert linguistique. De fait, les inscrites et inscrits dans les institutions collégiales de langue anglaise ont été comptés comme étant anglophones. De même, on ignore le nombre d’anglophones qui s’inscrivent dans les institutions collégiales de langue française. Aux fins de l’étude, on a considéré que le pourcentage de ces deux groupes était négligeable et ils n’ont donc pas été considérés dans les observations. »[81].”

Une étude a attribué ce manque de données complètes et précises, au moins en partie, à une mauvaise gestion des données linguistiques. Par exemple, l’utilisation par le ministère de renseignements provenant des systèmes d’admission en ligne, dont le Centre de demande d’admission aux universités de l’Ontario et le Service d’admission des collèges de l’Ontario, produit le rapport des données statistiques sur les inscriptions universitaires dont les données linguistiques sont fondées sur la langue maternelle de l’étudiant. Cependant, ce système est basé sur une auto-évaluation. Par conséquent, il pourrait ne pas comptabiliser le nombre de tous les étudiants francophones étant donné que cette approche ne prend pas en compte toutes les variables de la nouvelle définition inclusive de francophone (DIF)[82].

De plus, il est actuellement impossible pour le ministère de déterminer si un étudiant est inscrit dans un programme en langue française, bilingue ou en langue anglaise ou si un étudiant francophone ou non francophone inscrit dans un programme en langue française reçoit une partie ou l’intégralité de sa formation en français[83]. En conséquence, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités convient que des données plus précises sont nécessaires :

« […] des données qui permettent de savoir plus précisément la langue d’instruction universitaire (par cours) donneraient un aperçu clair sur les choix des individus par rapport à la langue et l’apprentissage à ce niveau. Ces données permettraient de mieux cerner les motifs des francophones pour suivre des cours dans l’une ou l’autre des langues officielles. Une collecte de données sur la réalité linguistique des apprenantes et apprenants (surtout dans les institutions universitaires) permettrait de connaître la dynamique au sein des institutions postsecondaires dites bilingues et des individus qui les fréquentent. »[84].”

Une possible solution en vue de commencer à traiter cette carence statistique sur les francophones inscrits dans les programmes postsecondaires a été proposée dans le rapport Rae de 2005 sur l’éducation en Ontario. Ce rapport proposait d’utiliser le numéro d’immatriculation scolaire de l’Ontario (NISO) comme moyen d’effectuer les collectes de données sur les groupes sous-représentés. Selon ce rapport, le gouvernement pourrait songer à utiliser cet identificateur unique attribué à chaque élève à partir de leur premier contact avec l’école et tout au long de leurs études et de leur formation parce qu’« [i]l en résulterait un portrait très complet et fidèle des cheminements éducatifs, des transitions, des taux de participation et des résultats pour la province. » D’autres territoires et provinces au Canada font à l’heure actuelle appel à un système analogue pour suivre les cheminements de l’apprentissage des jeunes enfants aux études postsecondaires, mais il faudra l’adapter afin d’y incorporer les caractéristiques linguistiques. La Colombie-Britannique, par exemple, utilise des données cumulatives à partir des numéros scolaires personnels dans le cadre de la planification des politiques de la province en matière d’éducation, y compris son plan d’action pour les langues officielles dans l’enseignement [86].

RECOMMENDATION 2:

Le commissaire recommande au gouvernement d’utiliser le numéro d’immatriculation scolaire de l’Ontario (NISO), lié à des variables linguistiques, tout au long de la vie scolaire de la population étudiante, de l’apprentissage des jeunes enfants à l’enseignement postsecondaire et au-delà. Le NISO devrait en outre être modifié afin d’y intégrer des questions liées à la langue. De préférence, on devrait employer des questions ou des indicateurs multiples plutôt qu’un indicateur à un seul facteur (p. ex., langue d’enseignement OU langue de communication OU langue maternelle).

CHAPITRE 4 – LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE

De tous les facteurs qui influent sur le développement et l’avenir de l’éducation postsecondaire en langue française, il ne fait pas de doute que la gouvernance se classe parmi les plus importants. Aux fins du présent rapport, la gouvernance est la gestion et le contrôle des aspects linguistiques et culturels de l’éducation en langue française . Elle a une incidence sur toutes les facettes des collèges et universités, des questions d’ordre financier aux politiques de l’établissement, et aux services administratifs, de curriculum et aux étudiants. Seuls deux établissements sur cinq offrant des programmes en français dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario sont dirigés par des francophones pour des francophones : le Collège Boréal et La Cité collégiale.

En vertu du paragraphe (c) de l’article 4 de la Loi concernant l’Université d’Ottawa cette institution doit « favoriser le développement du bilinguisme et du biculturalisme, préserver et développer la culture française en Ontario. » En effet, l’Université d’Ottawaa créé, en 2008, la Commission permanente des affaires francophones et des langues officielles. Son mandat est d’assurer la planification et la mise en œuvre d’initiatives permettant à l’Université d’Ottawa d’assumer pleinement sa mission et son engagement envers la promotion et le développement de la culture française en Ontario.

Les deux autres établissements sont des unités d’enseignement : le Collège universitaire Glendon de l’Université York et le Centre de recherche en éducation franco-ontarienne de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario (faculté d’éducation de l’Université de Toronto). Faisant partie des universités de langue anglaise, ces derniers sont soumis au mandat et aux processus opérationnels des établissements dirigés pour et par la majorité linguistique. Par conséquent, le développement et la direction du Collège universitaire Glendon et du Centre de recherche en éducation franco-ontarienne sont d’abord et avant tout assurés par le calcul des résultats nets comme les taux d’inscription et de participation afin de répondre aux besoins des universités « mères » de langue anglaise plutôt qu’à ceux de la communauté aussi concernée : les francophones et francophiles.

4.1 GOUVERNANCE DE L’ÉDUCATION ÉLÉMENTAIRE ET SECONDAIRE

Depuis aussi longtemps qu’il existe un système d’éducation en Ontario, les francophones ont compris la nécessité d’une gouvernance par les francophones et pour les francophones pour laquelle ils ont lutté. Comparativement aux établissements postsecondaires[89], qui sont autonomes et indépendants, les écoles élémentaires et secondaires sont régies par la Loi sur l’éducation. Par conséquent, les efforts de la communauté francophone se sont concentrés sur des pressions exercées sur le gouvernement pour obtenir la gestion et le contrôle du système d’éducation élémentaire et secondaire. La réaction du gouvernement à ces pressions a varié au fil du temps, de l’indifférence à la suppression catégorique comme le reflète le Règlement 17 de 1912 – un règlement adopté par le gouvernement et qui imposait la langue anglaise comme seule langue d’enseignement dans les écoles publiques ontariennes. De plus, des mesures juridiques et constitutionnelles, comme la Loi Scott de 1863 sur les conseils des écoles séparées et l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, étaient axées sur la protection des droits des écoles confessionnelles [90].

Au fil du temps – et avec une pression incessante de la communauté francophone – le gouvernement est finalement devenu plus conciliant, par exemple, en sanctionnant, en 1969, des écoles publiques de langue française aux paliers élémentaire et secondaire. Cependant, le plus important avancement pour les Franco-ontariens qui déployaient des efforts pour obtenir la gouvernance de l’éducation en langue française a été sans aucun doute l’adoption, en 1982, de la Charte canadienne des droits et libertés qui établissait fermement les droits à l’instruction dans la langue de la minorité (article 23). La Charte ainsi qu’une décision de la Cour d’appel de l’Ontario[91], ont contraint le gouvernement de l’Ontario à reconnaître les droits à l’éducation en langue française, ce qui a mené à la création des premiers conseils scolaires de langue française de la province à la fin des années 1980 et au début des années 1990[92]. En 1998, les Franco-ontariens avaient obtenu la gouvernance du système d’éducation élémentaire et secondaire, triplant le nombre de conseils scolaires de langue française dans l’ensemble de la province. Les études ont révélé que la création et, par conséquent, l’offre des écoles de langue française a été satisfaite grâce à une augmentation rapide et constante des effectifs dans les écoles de langue française à tel point qu’elle a rejoint et même dépassé les effectifs des écoles de langue anglaise[93].

Dans Mahé c. Alberta (1990), la Cour suprême du Canada a énoncé de façon claire l’importance majeure de la gouvernance dans un contexte de minorité linguistique. Cette affaire a permis d’établir un lien entre la vitalité linguistique et culturelle des communautés minoritaires et le droit des parents à une participation concrète dans l’éducation de leurs enfants, y compris le droit de représentation au sein des conseils scolaires. La Cour suprême a déclaré :

« Cette gestion et ce contrôle sont vitaux pour assurer l’épanouissement de leur langue et de leur culture. Ils sont nécessaires parce que plusieurs questions de gestion en matière d’enseignement (programmes d’études, embauchage et dépenses, par exemple) peuvent avoir des incidences sur les domaines linguistique et culturel. Je tiens pour incontestable que la vigueur et la survie de la langue et de la culture de la minorité peuvent être touchées de façons subtiles, mais importantes par les décisions prises sur ces questions. […] En outre, comme l’indique le contexte historique dans lequel l’art. 23 a été adopté, les minorités linguistiques ne peuvent pas être toujours certaines que la majorité tiendra compte de toutes leurs préoccupations linguistiques et culturelles. Cette carence n’est pas nécessairement intentionnelle : on ne peut attendre de la majorité qu’elle comprenne et évalue les diverses façons dont les méthodes d’instruction peuvent influer sur la langue et la culture de la minorité. » [94].”

4.2 GOUVERNANCE DE L’ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

Bien que les droits garantis par la Charte n’englobent pas l’éducation postsecondaire[95], le principe de la gouvernance comme élément central au développement de la communauté et de la culture s’applique néanmoins. Le Comité sénatorial permanent des langues officielles est d’accord avec cette opinion lorsqu’il déclare : « Pas plus que les services éducatifs à la petite enfance, l’éducation au niveau postsecondaire n’est mentionnée expressément dans l’article 23 de la Charte. Or, il ne fait pas de doute qu’elle fait partie intégrante du continuum d’éducation qui permettra à la francophonie canadienne de se développer et de s’épanouir. »[96]” Le gouvernement de l’Ontario a également reconnu l’importance de la gouvernance à l’éducation postsecondaire en langue française dans la province, ce qui en fait un objectif stratégique clé de la nouvelle Politique d’aménagement linguistique pour l’éducation postsecondaire[97].

Tout comme aux paliers élémentaire et secondaire, la gouvernance a une incidence sur tous les aspects de l’éducation postsecondaire. Étant donné que certains campus et facultés de langue française sont soumis à la gouvernance des institutions de langue anglaise, ils ont un pouvoir limité sur leurs finances et le financement de programmes. En effet, l’exercice de ce pouvoir est confié à l’établissement postsecondaire mère de langue anglaise – une situation qui, en soi, comporte d’innombrables ramifications pour l’avenir, le développement et la direction des services et programmes en langue française. Par exemple, la gouvernance par les anglophones des programmes en français mène à un accès inégal à l’admission des étudiants et aux services de soutien administratif pour les étudiants de langue française. Ainsi, les étudiants inscrits dans les programmes en langue française et en langue anglaise au sein d’une même université de langue anglaise auront des expériences très différentes en ce qui a trait à l’accès à l’admission des étudiants et aux services de soutien administratif. Contrairement à leurs consœurs et confrères anglophones, les étudiants francophones ne pourront accéder aux syndicats et clubs, aux équipes sportives et aux loisirs, aux conférences et symposiums dans la langue de leur choix à l’extérieur des paramètres étroits de leur programme. De même, les étudiants actuels et potentiels de programmes en français qui existent au sein d’un contexte institutionnel anglophone ne peuvent avoir accès aux renseignements sur les admissions et au soutien administratif en français de la part du corps professoral et du personnel au-delà du programme de leur choix.

En plus de l’accès restreint aux services, la gouvernance de la majorité sur les programmes en français comporte également des répercussions sur ces programmes en français ainsi que sur le curriculum. La gouvernance par les francophones est nécessaire pour assurer la protection des programmes en français actuels et leur développement. À partir de données tirées d’entrevues auprès d’administrateurs francophones de collèges bilingues en Ontario, une étude a révélé dans quelle mesure les programmes en français offerts actuellement dans les établissements postsecondaires de langue anglaise sont vulnérables aux coupures :

« Après la récession [de 1982], le gouvernement provincial a réduit son soutien financier aux collèges d’arts appliqués et de technologie et, en conséquence, les collèges ont tenté de réaliser des économies d’échelle dans la mesure du possible. Les cours et programmes pour lesquels les inscriptions étaient insuffisantes ont ainsi été éliminés. Dans les établissements bilingues, la cible était en règle générale les cours et programmes en français puisque, par définition, les effectifs étaient moindres. » [traduction libre][98].”

Cet exemple démontre que l’avenir et la direction des programmes en français, dont la gestion et le contrôle sont assurés par les établissements de langue anglaise, sont fondés sur la logique conventionnelle de l’offre et de la demande laquelle, comme les études l’ont démontré à maintes reprises, fonctionne efficacement dans un milieu linguistique majoritaire. Ceci s’explique parce que ces établissements doivent rendre des comptes à la communauté qu’ils servent, notamment la majorité anglophone. Dans ce contexte de majorité linguistique, l’élimination des programmes en français est perçue comme étant une réponse logique aux contraintes financières. Ceci démontre comment, en l’absence d’une gestion et d’un contrôle exercés par les francophones sur les établissements postsecondaires, les programmes en français sont perçus comme étant superflus et dont on peut se passer. Dans cet exemple, ce qui aurait pu sembler être « sensé sur le plan administratif » pour la majorité linguistique anglophone (élimination de programmes fondée sur le taux d’inscription) aurait sûrement été perçu différemment du point de vue de la minorité linguistique francophone et vu comme minant davantage un système d’éducation postsecondaire de langue française déjà vulnérable et diminué.

En fin de compte, la gouvernance francophone procure à la communauté francophone un sentiment d’attachement et d’appartenance aux établissements et programmes d’éducation postsecondaire en langue française. Elle crée une obligation envers la communauté, qui implique nécessairement une participation accrue par la communauté francophone dans l’avenir de son système postsecondaire. Par ailleurs, elle requiert des universités bilingues et des collèges de langue française de rendre des comptes aux communautés qu’ils servent.

4.3 STRUCTURES DE LA GOUVERNANCE DE L’ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

Une gouvernance francophone efficace ne signifie pas nécessairement une autonomie complète des établissements postsecondaires de langue anglaise. En effet, il existe différentes structures de gouvernance comme les affiliations et les fédérations, ce qui rend possibles la prospérité et le développement parallèles des programmes en langue française et en langue anglaise. Des affiliations et fédérations existent déjà en Ontario entre des établissements bilingues, de langue française et de langue anglaise, comme l’Université de Saint-Paul (bilingue) fédérée avec l’Université d’Ottawa, le Collège de Hearst affilié à l’Université Laurentienne (bilingue) et le King’s University College (de langue anglaise, catholique) affilié à l’Université de Western Ontario. Les établissements scolaires affiliés et fédérés fonctionnent de façon autonome à divers degrés, mais ont des ententes avec des établissements postsecondaires, de plus grande envergure et généralement mieux établis, et qui ont un certain regard sur la gestion et le contrôle des politiques, normes et programmes de leurs affiliés.

Le cas de l’Université de Saint-Boniface, située dans la province du Manitoba, indique qu’il est possible pour une université de langue française de s’épanouir dans les limites d’une affiliation avec une université anglophone [99]. En Ontario, l’établissement fédéré ou affilié, une entité légalement indépendante, s’administre lui-même. Essentiellement, l’université mère supervise l’enseignement des programmes visés par l’accord de fédération ou d’affiliation entre les deux établissements. (Voir l’annexe A pour plus de détails.)

Les collèges et universités de langue française et bilingue forment de futurs professionnels qui maitrisent les deux langues et dont les activités sur le marché du travail contribuent non seulement à l’économie provinciale, mais aident également le gouvernement à satisfaire à ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français. Tout comme le système d’éducation élémentaire et secondaire, le système d’éducation postsecondaire est d’une importance cruciale à l’avancement et à la pérennité de la communauté et de la culture franco-ontariennes. En conséquence, il est impératif pour l’épanouissement et la réussite du système d’éducation en langue française que la gestion des établissements soit assurée par des francophones pour des francophones, pour le bénéfice de la communauté franco-ontarienne.

4.4 LIENS DE COLLABORATION

La mise en place de structures de gouvernance solides et efficientes dans un milieu linguistique minoritaire repose sur des liens de collaboration fermes et productifs entre les établissements d’enseignement de la minorité linguistique et ceux de la majorité linguistique, et entre les établissements de la minorité linguistique.

Cette relation de nature collaborative s’illustre dans l’exemple du lien qui unit l’Université de Saint-Boniface à l’Université du Manitoba. En effet, leur accord d’affiliation comprend des articles qui jouent un rôle crucial dans la création d’un partenariat qui ne mène pas à la domination d’un établissement sur un autre, mais qui permet la croissance et le développement de l’ensemble des entités concernées. Notamment :

(a) Un article établissant l’importance de Saint-Boniface comme établissement de langue française pour le mieux-être linguistique, culturel et économique des francophones du Manitoba et du Canada;
b) Une clause stipulant que la langue principale de Saint-Boniface est le français, non seulement en ce qui a trait à l’enseignement, mais également à son administration interne;
c) Une clause soulignant le caractère propre des deux établissements, ainsi que leur autonomie et leur indépendance l’un de l’autre, particulièrement en ce qui concerne les questions de gouvernance et d’administration;
d) Un article précisant l’autorité du sénat de Saint-Boniface relativement à la prise de décisions concernant les affaires universitaires;
e) Une clause accordant à l’établissement affilié un certain poids dans le pouvoir décisionnel de l’organe directeur, dans le cas présent, un membre votant siégeant au sénat de l’Université du Manitoba et le droit d’être nommé à ses comités[100].

En effet, l’affiliation productive et avant-gardiste de l’Université de Saint-Boniface à l’Université du Manitoba offre des leçons clés sur lesquelles l’Ontario peut se baser pour planifier et développer les politiques en matière d’éducation postsecondaire en langue française.

Compte tenu de l’importante carence de possibilités, d’infrastructures et d’établissements postsecondaires de langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, un plan exemplaire de développement de l’enseignement supérieur en langue française dans cette région dépend de solides liens de collaboration entre les collèges de langue française et les universités bilingues. La relation entre le Collège universitaire Glendon de l’Université York et La Cité collégiale illustre bien une telle collaboration. Dans le but d’élargir ses programmes et d’accroître ses effectifs, le Collège universitaire Glendon participe à des programmes productifs de collaboration avec La Cité collégiale, située à Ottawa, comme le programme de communications et de journalisme. Mais en fin de compte, il est très difficile, voire impossible, pour le Collège universitaire Glendon de décider seul de ses nouveaux programmes, sans d’abord obtenir les permissions nécessaires de l’Université York. Un établissement important et prestigieux qui offre des programmes et services pour la majorité et pourrait éprouver moult difficultés à tenir compte des besoins de la communauté franco-ontarienne. Il est important toutefois de noter que le plan stratégique quinquennal du Collège universitaire Glendon comporte des engagements visant à accroître l’inscription des francophones.

CHAPITRE 5 − RÉPERCUSSIONS ET LE BESOIN D’INCITATIFS

L’insuffisance de possibilités d’études postsecondaires en langue française comporte d’importantes répercussions. Non seulement entraîne-t-elle une inégalité entre les étudiants de langue française et ceux de langue anglaise, mais elle mène éventuellement à une assimilation accrue des étudiants francophones, ce qui par ailleurs se traduit par de graves conséquences pour la communauté francophone.

5.1 RÉPERCUSSIONS

5.1.1 Inégalité

L’importante carence de possibilités d’études postsecondaires en langue française est, d’abord et avant tout, une question d’inégalité. Qu’il s’agisse de francophones ou d’anglophones, les étudiants qui souhaitent poursuivre des études supérieures en vue de bâtir ou de mettre en valeur leur carrière veulent prendre la bonne décision en ce qui a trait à leur choix de programme. En effet, la plupart du temps, les étudiants francophones ne peuvent choisir un programme qui leur permettra de réaliser leurs aspirations professionnelles. Cette situation existe soit parce que les programmes de leur discipline ne sont pas offerts en français, ou parce que les programmes en français qui sont offerts sont loin de proposer le même calibre de services, une réputation équivalente ou des installations sur le campus dont disposent les collèges et universités de langue anglaise. Par conséquent, contrairement aux étudiants anglophones, les étudiants francophones du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario sont aux prises avec un choix difficile : décider de poursuivre leurs études postsecondaires en français, ce qui pourrait signifier qu’ils ne peuvent privilégier la carrière de leur choix, ou poursuivre la carrière de leur choix à tout prix, même si cela signifie qu’ils doivent abandonner les bases d’une instruction en français qu’ils ont passé des années à établir [101].

5.1.2 Assimilation

Comme l’a déjà démontré ce rapport, même si les étudiants francophones préféreraient poursuivre leurs études postsecondaires en français, une majorité d’entre eux décide d’abandonner leurs études en français et de s’inscrire dans un collège ou une université de langue anglaise pour diverses raisons, y compris l’accès à des établissements de langue anglaise jouissant d’une grande réputation et situés plus près du domicile, et qui proposent un éventail et une diversité de programmes et de services. Le nombre de Franco-ontariens inscrits dans les universités de langue anglaise dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario illustre cette situation (tableau 2). De plus, il faut se rappeler que, dans le tableau suivant, le nombre total de francophones qui fréquentent les universités de langue anglaise dans la région est sous-estimé. D’une part, les données sont fondées sur un système d’auto-identification de base (c.-à-d., sur leur formulaire de demande d’admission auprès de plusieurs établissements postsecondaires où l’on trouve peu d’explications sur la définition de « francophone » et la portée de cette information, où il est plausible de concevoir que bon nombre d’étudiants s’identifient comme anglophones s’ils font une demande auprès d’une université anglophone). D’autre part, les étudiants qui ne font pas une demande directement au moyen des canaux réguliers y sont exclus et les données sur les admissions dans les collèges n’y sont pas présentées. Ce système d’auto-identification ne permet pas aux enfants de couples exogames de réellement exprimer ce qu’ils sont, la complexité associée à une simple question d’identité. De plus en plus, les jeunes adultes se disent « bilingues » et attribuent cette notion à une identité plutôt qu’à une caractéristique personnelle . De fait, s’ils ont été élevés par un parent anglophone et l’autre francophone, pour eux, le choix est le même. En conséquence, s’identifier comme étant « bilingue » constitue pour eux la réponse appropriée, mais cette réponse n’est pas traitée dans le système d’auto-identification.

Tableau 2 − Étudiants de langue française inscrits dans les universités anglophones du Sud-Ouest de l’Ontario (2007-2008)*

À la lumière de ces données, une étude conclut :

« S’agissant de la probabilité d’entreprendre des études postsecondaires en français, les communautés francophones s’inquiètent de l’inscription parfois presque obligatoire ou par défaut de leurs élèves à des établissements de langue anglaise. Notre enquête confirme le bien-fondé de cette préoccupation. Elle montre en effet que des pourcentages importants d’élèves de 12e année des écoles de langue française choisissent de poursuivre leurs études postsecondaires dans des établissements anglophones ou dans des programmes offerts principalement en anglais dans des établissements bilingues[..].Ce phénomène [..].serait souvent relié à l’absence, dans certaines régions, d’établissements postsecondaires francophones ou, a tout le moins, de programmes d’études offerts en français dans les domaines d’intérêt des élèves. »[103].”

Dans un milieu linguistique minoritaire où la vitalité d’une communauté et de sa culture est étroitement liée à la préservation de sa langue, l’éloignement des étudiants des études supérieures en langue française vers un enseignement en anglais est une tendance qui, si on n’y voit pas, pourrait facilement mener à l’assimilation. Il est plausible de supposer que les francophones diplômés de collèges ou d’universités de langue anglaise feront leur entrée sur le marché du travail en tant que travailleurs de langue anglaise. Après avoir reçu une formation et un enseignement en anglais, ils seront, par exemple, moins à l’aise avec la terminologie en français associée à un domaine de spécialisation particulier. Il est important de noter que dans le cadre de certains programmes en français, on enseigne aux étudiants les termes techniques tant en français qu’en anglais afin de mieux les préparer au marché du travail. C’est le cas de divers programmes du Collège Boréal, notamment l’administration de bureau, la technique juridique, les services policiers et la technique en santé animale [104].

En outre, l’incidence de l’assimilation découlant d’une insuffisance de possibilités d’études postsecondaires en langue française va au-delà de l’un ou de l’autre des étudiants. L’ensemble de la communauté en subit les répercussions et les conséquences à long terme sont possibles, car il faut du temps pour un système d’éducation postsecondaire de croître et d’élaborer des possibilités de programmes en langue française, et il faut également du temps pour bâtir un capital humain, incarné dans une nouvelle génération d’étudiants formés et instruits dans les collèges et universités de langue française.

5.1.3 Inefficacités

L’insuffisance de possibilités d’études postsecondaires en langue française comporte des répercussions pour le gouvernement de l’Ontario. D’abord, au cours des années, le gouvernement a consolidé son investissement et son engagement relativement au système d’éducation élémentaire et secondaire en langue française. Par conséquent, le fait que les étudiants francophones de la région abandonnent les études en langue française après l’école secondaire en raison du manque de possibilités d’études postsecondaires en français a pour effet de drainer l’Ontario de son capital humain francophone dans lequel il avait initialement investi.

Ensuite, cette érosion de l’éducation en langue française au niveau postsecondaire contribue directement au manque persistant de professionnels de langue française au sein de la province, qui non seulement contribuent au marché du travail ontarien au sein des communautés francophones, mais offrent des services adéquats en langue française au nom du gouvernement et de ses organismes. À long terme, l’insuffisance d’établissements postsecondaires de langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario freine la capacité du gouvernement à satisfaire de manière efficace et efficiente ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français.

5.2 RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

Le gouvernement de l’Ontario a depuis longtemps reconnu l’importance de l’éducation pour la vitalité et le développement de la communauté francophone de la province. En effet, il y a moins d’un an, le gouvernement a affirmé ce qui suit :

« Les étudiantes et étudiants francophones de tous âges ont besoin d’un environnement d’apprentissage qui offre du soutien pour apprendre et réussir dans leur langue. La priorité doit être accordée aux besoins des étudiants. Le gouvernement de l’Ontario reconnaît l’importance de leur donner accès à un large éventail de programmes d’études postsecondaires en français et d’investir à cet effet dans une éducation postsecondaire et une formation soutenant l’excellence de l’enseignement public. » [105]

Il est donc prioritaire pour le gouvernement de se pencher sur l’insuffisance de collèges de langue française, d’universités bilingues et de programmes d’éducation en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Cette situation est particulièrement urgente compte tenu du fait qu’environ le tiers de l’ensemble des francophones de la province réside dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, que cette communauté connaît le plus fort taux de croissance, mais seulement un taux d’accès de 3 % aux collèges et universités de langue française.

Le ministère est au courant de cette situation depuis maintenant plusieurs années . En effet, le rapport produit par le ministère en 2008 et intitulé Étude des écarts : Les systèmes d’éducation postsecondaire et de formation de langue française et de langue anglaise a mis en évidence l’envergure du problème [107] :

« En termes d’accès, la disponibilité des programmes pour les Franco-ontariennes et Franco-ontariens qui choisissent de poursuivre leurs études en français est inférieure à celle des anglophones, et ce dans toutes les régions. […] Il est clair qu’une carence importante existe tant pour les institutions collégiales et universitaires que pour les formations en apprentissage. L’accessibilité aux programmes d’études postsecondaires, et en particulier aux études supérieures dans les régions du Centre et de l’Ouest, représente un des défis les plus importants auquel fait face ce secteur surtout dans une perspective de développement durable de la communauté francophone de l’Ontario. »[108]

Étant donné le rôle central que joue la langue dans la culture, le gouvernement a élaboré une Politique d’aménagement linguistique pour l’éducation postsecondaire et la formation, laquelle a été rendue publique en 2011. Elle vise à augmenter la capacité en éducation et en formation des établissements postsecondaires de langue française, à accroître la gouvernance en langue française et met l’accent sur la nécessité d’une collaboration accrue entre les universités et collèges de langue française et bilingues et également entre les institutions et la collectivité. La Politique d’aménagement linguistique vise principalement à : « renforcer la viabilité de la culture francophone […] en mettant l’accent sur les stratégies que peuvent déployer les institutions de langue française et bilingues pour promouvoir la langue française, en étendre l’usage et la connaissance et assurer la prestation de services en français dans la province. »[109]

De plus, puisque les compétences linguistiques et culturelles revêtent de plus en plus de valeur sur le marché mondial concurrentiel d’aujourd’hui, la Politique d’aménagement linguistique vise également à promouvoir les avantages économiques et les chances d’emploi pour l’ensemble des Ontariens [110]. Des actions concrètes et décisives en vue de trouver des solutions au faible taux d’accès de 3 % aux études postsecondaires en langue française dans le Centre-Sud-Ouest permettraient d’assurer la viabilité de la communauté francophone et d’accroître les possibilités économiques et d’emploi des francophones de la région. Par conséquent, la résolution de cette question n’est pas seulement la chose à faire, mais elle correspond aussi parfaitement avec les priorités du gouvernement en matière d’éducation.

En 2008, le gouvernement a également augmenté le financement accordé à l’éducation postsecondaire en langue française, dont un investissement de 20 millions de dollars pour le Collège universitaire Glendon, en le nommant centre d’excellence pour l’éducation postsecondaire en langue française et bilingue dans la région du Sud de l’Ontario. Ce statut particulier s’accompagne d’un important projet de construction dont les bases ont été jetées en 2010[111]. Bien que cela soit admirable, il y a beaucoup plus à faire afin d’aborder directement la question du taux d’accès de 3 % aux universités et collèges de langue française et bilingues dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.

Le gouvernement de l’Ontario est à l’heure actuelle à l’étape de recherche, amassant des données et menant des analyses avant de prendre des mesures. En 2010, le Groupe de travail permanent EDU-FCU sur le continuum de l’apprentissage en langue française du ministère de l’Éducation et du ministère de la Formation et des Collèges et Universités a recommandé la création d’un groupe d’experts sur l’éducation postsecondaire en langue française, lequel a été mis sur pied au printemps 2011. Le mandat du groupe d’experts était de conseiller le ministre « sur les façons les plus efficaces d’accroître la capacité de la province à offrir des possibilités postsecondaires en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario » . Le groupe d’experts s’est réuni au cours de l’année. De plus, le groupe d’experts a tenu des groupes de discussion à Toronto, à Welland et à Windsor, ouverts aux principaux intervenants, comme les étudiants, les membres de la collectivité et de groupes divers. Le groupe d’experts a également rencontré des partenaires issus du secteur de l’éducation postsecondaire. Le groupe d’experts soumettra son rapport en juin 2012 [113]

Le commissaire attend avec enthousiasme de voir les résultats de la recherche et de l’analyse des dernières années se traduire en action gouvernementale sous la forme de mesures pratiques et concrètes afin de trouver une solution au taux d’accès très limité de 3 % dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.

5.3 CRÉER UN CLIMAT POUR LE CHANGEMENT : LE BESOIN D’INCITATIFS

Parmi les nombreux défis que doit relever la région du Centre-Sud-Ouest relativement à la prestation de possibilités d’études postsecondaires en langue française se trouve le fait que les collèges et universités sont des organismes autonomes. En Ontario, chaque établissement fonctionne de façon indépendante, selon ses propres politiques en ce qui a trait à l’enseignement et aux admissions, établit ses propres programmes, et sélectionne son propre personnel . En outre, les collèges d’arts appliqués et de technologie sont régis parla Loi de 2002 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario et sont, en vertu de la Loi, des organismes de la Couronne[115].

Bien que le ministère soit limité dans sa capacité à influer sur les écoles afin qu’elles offrent ou élargissent leurs programmes de langue française, il ale pouvoir d’approuver de nouveaux programmes aux fins de financement et d’admissibilité au Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFEO). En conséquence, le gouvernement pourrait envisager d’encourager les collèges et universités à élaborer des programmes en français dans une région particulière en établissant des politiques qui présentent des incitatifs directs, clairs et significatifs. Même si la récente mise au point d’une Politique d’aménagement linguistique pour l’éducation postsecondaire constituait une excellente occasion de mettre en œuvre une telle approche, dans sa présente forme, cettePolitique d’aménagement linguistique dépend de la participation volontaire des « partenaires » de l’éducation postsecondaire qui semblent être peu incités à agir et sur qui le gouvernement n’a aucune influence relativement à la direction de leurs programmes et services.

En effet, plutôt que de bâtir de solides structures incitatives, la Politique d’aménagement linguistique donne aux établissements postsecondaires un avis – dans le cas où ils ne devaient pas voir un besoin particulièrement pressant de faire de l’éducation en langue française une priorité – lequel précise que les « partenaires de l’éducation » peuvent choisir de participer ou non, selon leur réalité financière actuelle et leurs propres circonstances. À la lumière de ces renseignements, il est difficile de voir comment la Politique d’aménagement linguistique aiderait le Collège universitaire Glendon ou le Centre de recherche en éducation franco-ontarienne, par exemple, à améliorer leur offre de programmes en français si les institutions mères, l’Université York et l’Université de Toronto, ne tiennent pas à investir dans de tels développements.

Un autre exemple de pratiques existantes qui n’arrivent pas à créer les incitatifs nécessaires au changement découle du manque de données sur les étudiants et les programmes d’étude, dont il a été question antérieurement dans ce rapport. Par exemple, le gouvernement n’est pas en mesure à l’heure actuelle de déterminer si les étudiants qui se sont auto-identifiés comme étant « francophones » et qui sont inscrits dans un programme en français suivent une partie ou la totalité de leurs cours en français. En d’autres mots, il est possible pour un étudiant qui s’est auto-identifié comme étant « francophone » et qui est inscrit dans un programme en français de terminer ce programme sans avoir suivi plusieurs cours en français et, dans certains cas, aucun.

Comme l’affirme le ministère de la Formation et des Collèges et Universités, mis à part les défis auxquels sont confrontés les responsables des politiques, à savoir, de déterminer si les francophones de la région ont suffisamment de possibilités d’études postsecondaires en langue française, « [l]es conséquences du manque d’informations précises à cet égard sautent aux yeux. [..]. Les universités, qui reçoivent un montant fixe pour les coûts associés à l’offre de services en français, n’ont aucune raison financière de bonifier leur offre de cours en français quand les programmes sont déjà désignés de langue française. [116]

En réalité, il n’existe actuellement aucune mesure incitative financière à mettre sur pied des programmes et services en français pour une université ou un collège. La seule façon pour une université d’accroître son financement est d’ajouter des étudiants dans l’un de ses programmes. Il est difficile de concevoir omment la hausse du nombre de programmes pour la communauté franco-ontarienne pourrait être perçue comme étant une mesure incitative.

En mai 2011, le ministère a fait parvenir aux établissements une note de service qui mettait en relief son intention d’élaborer une politique relative aux campus satellites en y présentant quelques-uns des éléments clés. Jusqu’à ce que la politique soit finalisée, les établissements sont invités à faire preuve de prudence avant d’engager des ressources dans des activités qui pourraient être considérées comme étant assujetties à la politique. Les activités menées sans le soutien du gouvernement et estimées comme étant des développements liés à des campus satellites ne seront pas admissibles à un financement pour répondre à la baisse des effectifs et à des subventions d’immobilisations.

Par conséquent, dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, une région qui se caractérise par une prépondérance d’établissements postsecondaires de langue anglaise reconnus qui pourraient ne pas considérer l’éducation postsecondaire en langue française comme étant prioritaire, il est nécessaire de créer un climat favorable de changement. Et l’une des façons d’y arriver est de proposer aux partenaires de l’éducation des incitatifs solides et concrets.

CHAPITRE 6 – QUE FAIRE MAINTENANT?

On constate une évidente inégalité d’accès pour les francophones de la région du Centre-Sud-Ouest qui souhaitent poursuivre leurs études postsecondaires en français sans avoir à déménager dans d’autres villes comme Ottawa, Sudbury ou même à l’extérieur de la province. Compte tenu du fait que cette situation inéquitable ne devrait guère changer et puisque le nombre de francophones dans la région est en réalité en croissance, il apparaît très clairement que des mesures doivent être prises. La question qui demeure est celle de savoir quoi faire ensuite et comment.

6.1 VERS UNE UNIVERSITÉ FRANCO-ONTARIENNE

Le calendrier pour ce projet n’est peut-être pas l’idéal, cependant, il se dégage un besoin évident d’une université franco-ontarienne à un certain moment dans le futur, un peu comme les francophones de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba ont accès à de tels établissements qu’ils considèrent bien à eux, avec moins de la moitié du nombre de francophones vivant en Ontario . Dire cela n’enlève rien aux universités bilingues comme l’Université Laurentienne et l’Université d’Ottawa, toutes deux jouissant d’une solide réputation d’excellence d’un océan à l’autre et même au plan international.

Les Franco-ontariens ont à l’heure actuelle accès à seulement 36 % des programmes postsecondaires dans la région de l’Est de la province, 33 % dans le Nord et 3 % dans la région du Centre-Sud-Ouest. Ces faits parlent d’eux-mêmes.

Une université franco-ontarienne ne signifie pas nécessairement de nouvelles installations. Le commissaire est tout à fait conscient de la situation budgétaire difficile dans laquelle se trouve la province actuellement.

Cependant, une université franco-ontarienne ne devrait pas non plus être créée sur une base virtuelle. Les Franco-ontariens de la région du Centre-Sud-Ouest en ont déjà fait l’expérience avec le Collège des Grands Lacs. Ce que les étudiants veulent, c’est interagir entre eux sur un campus. En effet, étudier signifie beaucoup plus que d’apprendre des enseignants et des manuels; étudier est une expérience d’apprentissage qui se partage mieux avec les autres.

Une université franco-ontarienne pourrait être le lieu où la communauté est appelée à participer à la prise de décisions concernant les programmes à offrir dans le but de mieux préparer les étudiants et la société pour l’avenir.

Une telle université pourrait créer, selon un système de transfert de crédits, des partenariats avec d’autres universités, notamment l’Université de Toronto, l’Université de Western Ontario, l’Université McMaster et l’Université de Waterloo, pour ne nommer que celles-ci. En effet, le commissaire estime que de nombreuses universités de langue anglaise ont à la fois l’intérêt et la capacité d’offrir des cours en français, ou même de mettre au point des programmes dans le cadre de leurs propres champs d’expertise, qui pourraient répondre au besoin de la population franco-ontarienne. À l’heure actuelle, cela est tout simplement impossible en raison d’un élément clé manquant : un interlocuteur. Habituellement, une université joue le rôle de plaque tournante où l’offre répond à la demande de programmes et de services. Un tel endroit n’existe pas dans la région du Centre-Sud-Ouest pour la population francophone.

Une nouvelle université franco-ontarienne permettrait de créer une demande en offrant des programmes et des services, comme il a été précédemment expliqué dans le présent rapport. En outre, une telle université permettrait d’atteindre l’objectif d’une plus grande différenciation dans le secteur universitaire de l’Ontario. Le commissaire est entièrement d’accord avec le Conseil de la qualité de l’enseignement supérieur de l’Ontario quand il dit ceci :

Pour les apprenants, un secteur universitaire plus différencié offre des choix plus clairs parmi un plus grand nombre de programmes de qualité supérieure. Il permet de distinguer les établissements qui répondent le mieux à leurs aspirations personnelles et professionnelles et il facilite la mobilité et les transitions entre les établissements du système postsecondaire de la province.

Pour le gouvernement, un secteur universitaire plus différencié est l’un des leviers les plus puissants qui soient, surtout en période de restrictions, pour atteindre les objectifs publics que sont une plus grande qualité, compétitivité, reddition de comptes et viabilité[118].

Une université franco-ontarienne serait manifestement différente et offrirait finalement des choix plus éclairés, en français — des choix qui seraient distincts de ceux offerts dans le cadre de programmes en langue française par d’autres universités. En effet, il ne serait dans l’intérêt de personne qu’une nouvelle université reproduise les mêmes programmes déjà offerts à Ottawa ou à Sudbury, car cela ne permettrait pas une plus grande différenciation.

Une université franco-ontarienne serait également en mesure d’explorer l’opportunité pour les collèges de jouer un rôle plus important dans la délivrance des diplômeset la création d’un système de transfert de crédits plus efficace, lequel serait particulièrement pertinent pour la question de la différenciation universitaire.

Bien sûr, une telle université devrait posséder une solide base d’exploitation. Il n’y a pas lieu à débattre : une université franco-ontarienne ne devrait pas être virtuelle. Une des possibilités serait d’accorder au Collège universitaire Glendon un rôle important dans ce projet. Des changements importants au sein de sa gouvernance devraient cependant être apportés avant l’adoption d’une solution de ce genre, afin qu’une telle approche soit considérée comme crédible. (Ce sujet fera l’objet d’une discussion à la section 6.2.7.)

Cela dit, le commissaire est bien conscient que le ministère pourrait, à l’heure actuelle, entrevoir cette solution comme étant trop audacieuse. Le commissaire, cependant, ne serait pas démobilisé par une telle réaction, puisqu’il est également d’avis que cette solution s’imposera en temps opportun. Les Franco-ontariens ont fait preuve de beaucoup de patience au cours du dernier siècle. Ils connaissent très bien la politique non écrite qui consiste à avancer une étape à la fois – la politique graduelle des petits pas – quand vient le temps de la mise en œuvre de droits en leur faveur.

6.2 METTRE DE L’AVANT DES IDÉES

Le commissaire se réjouit de la mise sur pied par le ministère d’un groupe d’experts sur l’éducation postsecondaire en langue française. Il fonde de grands espoirs relativement à ce groupe d’experts et le commissaire est satisfait de la sélection des membres choisis pour y siéger. De la même façon, toutefois, le commissaire sait également que le mandat du groupe d’experts ne tiendra pas compte de suggestions concernant de nouveaux établissements en raison des coûts liés au financement des immobilisations, des opérations et des ressources humaines. En outre, le groupe d’experts rencontrera un nombre limité de groupes et d’établissements. De toute évidence, pour le commissaire, une telle situation alarmante nécessite une approche plus robuste et orientée sur la collectivité. Mais le ministère semble être réticent à créer de faux espoirs, alors qu’il n’y en a presque aucun.

6.2.1 Partenaires, que cela plaise ou non

Comme indiqué précédemment, on ne compte actuellement que cinq établissements postsecondaires qui offrent des programmes et services en français dans la région du Centre-Sud-Ouest, trois d’entre eux au niveau universitaire (l’Université York, l’Université de Toronto et l’Université d’Ottawa) et les deux autres au niveau collégial (Collège Boréal et La Cité collégiale). Au niveau universitaire, seuls deux grands établissements pourraient vraisemblablement jouer un rôle important, si la demande leur était faite et s’ils y répondaient par l’affirmative. Il s’agit de l’Université d’Ottawa et de l’Université Laurentienne.

Les établissements mentionnés précédemment sont les spécialistes qui devraient être directement mobilisés. Dans la région du Centre-Sud-Ouest, ils seraient partenaires d’abord, concurrents ensuite.

L’avenir des Franco-ontariens est en jeu. Maintenant n’est pas le temps de rester sur la touche avec un projet de plan dont la communauté tirera éventuellement parti à un moment donné, mais qui sera plus susceptible d’avantager un établissement au détriment d’un autre. Et si toutes les parties tentent d’obtenir la plus grande part du gâteau, au final, c’est la communauté qui perd. Au contraire, le commissaire estime que les partenariats sont plus que pertinents et qu’ils devraient permettre d’accorder aux collèges un rôle plus important dans la délivrance des diplômes.

6.2.2 Participation de la communauté

Dès le départ, il n’y a qu’une pièce d’importance manquante à ce puzzle. Où la communauté franco-ontarienne se trouve-t-elle dans tout ce débat? Pourrait-elle ou, mieux encore, devrait-elle également faire partie de la solution? La réponse à cette dernière question est affirmative. En effet, le commissaire estime que sans la pleine participation de la communauté franco-ontarienne, une solution mise de l’avant pourrait être en péril dès le départ.

Un scénario possible serait de procéder à un vaste processus de consultation auprès des francophones de la région du Centre-Sud-Ouest. Un tel processus aurait l’avantage d’être démocratique. Mais il pourrait aussi avoir pour effet de prolonger la situation, sans nécessairement arriver au bout du compte à une approche commune.

Un autre scénario serait de se concentrer sur des groupes d’intervenants particuliers. Le mot communauté peut englober un groupe assez important de personnes ou d’associations et d’institutions. Lorsqu’il s’agit de traiter d’une telle question, il faut se référer aux parties prenantes qui peuvent effectivement fournir des solutions pertinentes quant aux besoins de la communauté franco-ontarienne, où et comment ces besoins devraient être satisfaits et avec quel type de programmes et de services.

On pourrait compter, notamment, parmi les parties prenantes :

  • Professionnels du secteur de l’éducation
  • Administrateurs du secteur de l’éducation
  • Professionnels ou administrateurs des conseils scolaires
  • Organismes communautaires et membres du public
  • Étudiants
  • Administrateurs ou professionnels des collèges et universités
  • Chefs de file de chambres de commerce et d’entreprises
  • Représentants officiels du ministère de la Formation et des Collèges et Universités

6.2.3 Différentes stratégies pour différentes clientèles

Étant donné que les clientèles des collèges et universités sont parfois très différentes, il serait judicieux d’élaborer des approches différentes pour chacune d’entre elles. Cela pourrait très bien être la chose sensée à faire afin d’aller de l’avant.

Mais les francophones de la région du Centre-Sud-Ouest sont placés dans une situation délicate. Les grands établissements d’enseignement postsecondaire doivent se rassembler avec la communauté afin de trouver des solutions adaptées à la région.

6.2.4 Nécessité de phases distinctes

En tout état de cause, il est bien évident que tout changement significatif nécessitera des investissements dans les immobilisations, les opérations et les ressources humaines. Toutefois, étant donné la situation financière actuelle de la province, il serait peut-être judicieux d’envisager l’établissement d’objectifs pour les différentes phases de la mise en œuvre.

En effet, bien que la situation dans la région du Sud-Ouest soit incontestablement vitale pour les francophones vivant dans la région, le commissaire estime qu’il serait peu réaliste de proposer des solutions pour le Sud-Ouest de l’Ontario sans en avoir mis en place dans la région du grand Toronto (RGT). Ce serait le point de départ. Une solution vigoureuse est nécessaire, ainsi qu’une volonté ferme de la part de tous les participants à la mettre en œuvre dans la RGT et ce, pour le bénéfice à moyen terme de la région du Sud-Ouest.

6.2.5 Questions de financement

Au cours de cette enquête, il est apparu clairement que s’ilse trouvait une solution à l’importante inégalité à laquelle font face les francophones du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, il faudrait réfléchir sérieusement à la formule de financement des collèges et des universités.

Bien sûr, les opinions sont multiples à ce sujet, presque autant que le nombre de collèges, d’universités et d’organismes comme le Conseil de la qualité de l’enseignement supérieur de l’Ontario. Bien que le commissaire soit vivement intéressé par ce sujet, celui-ci dépasse la portée de la présente enquête.

6.2.6 Une nouvelle structure

Comme il a été mentionné précédemment, réunir les partenaires de l’éducation, de la communauté, ainsi que les intervenants en vue de travailler ensemble en faveur de la population franco-ontarienne de la région du Centre-Sud-Ouest pourrait s’avérer un défi.

En effet, des mesures doivent être prises pour les encourager à le faire.

Pour les organismes communautaires, les avantages seraient tout à fait évidents, à savoir la possibilité de poursuivre des études postsecondaires en français – par et pour les francophones, si possible – qui correspondent aux besoins de la population franco-ontarienne du Centre-Sud-Ouest.

Pour les chambres de commerce et les entreprises, il existe un besoin évident de nouveaux professionnels parfaitement bilingues possédant un diplôme collégial ou universitaire et qui sont prêts à travailler au sein de diverses entreprises et secteurs.

On compte plusieurs incitatifs, tant pour les conseils scolaires catholiques que les conseils scolaires publics francophones. Leurs étudiants seraient non seulement en mesure de poursuivre leurs études en français au niveau postsecondaire, mais cela représenterait un argument fort pour les parents qui hésitent à continuer d’envoyer leurs enfants dans les écoles francophones après la 8e année.

Pour les administrateurs des établissements postsecondaires, des incitatifs doivent être présentés dans deux domaines clés : le financement et de nouveaux campus. Comme le financement est actuellement accordé au prorata de la population, les questions de financement doivent faire l’objet d’un examen. En outre, si une solution devait comporter la participation d’autres universités ou collèges qui sont établis à l’extérieur de la région du Centre-Sud-Ouest, il serait alors nécessaire de discuter du moratoire actuel sur les nouveaux campus. Il s’agit de questions extrêmement complexes ayant de vastes ramifications lesquelles, comme le soulignait le commissaire, vont au-delà de la portée de cette enquête.

Pour les étudiants du niveau postsecondaire, les incitatifs sont simples : l’accès à une éducation pertinente de grande qualité en français sans avoir à nécessairement se déplacer dans une autre grande ville en Ontario ou dans une autre province.

Pour le ministère, les incitatifs sont clairs. Il doit veiller à ce que des progrès soient réalisés, les résultats atteints et la reddition de comptes respectée. La participation et l’engagement du ministère sont absolument indispensables pour la réussite de toute initiative.

Alors, comment peut-on rassembler à la même table l’ensemble de ces parties prenantes et les convaincre de travailler en collaboration en vue d’atteindre l’objectif commun de parvenir à des résultats tangibles?

Une réponse possible consiste en la mise en place par le ministère d’une nouvelle structure. Pas une structure interne au ministère, mais externe à ce dernier. On peut l’appeler conseil, secrétariat ou tout autre nom approprié pour la tâche à accomplir. Son mandat serait de : (i) définir les besoins relativement aux services et aux programmes d’études postsecondaires, (ii) identifier qui pourrait assurer la prestation de ces nouveaux programmes et services, et (iii) négocier avec les établissements postsecondaires des modalités pour la mise en œuvre appropriée de ces programmes et services dans la RGT. L’objectif principal de ce nouveau secrétariat serait de veiller à corriger l’iniquité évidente qui consiste en l’impossibilité pour les Franco-ontariens d’étudier en français au niveau postsecondaire dans la région du Centre-Sud-Ouest, et sa grande priorité serait de se concentrer sur la région du grand Toronto. En effet, il existe actuellement un écart de 97 % dans le taux d’accès pour les francophones dans la région du Grand Toronto. Ainsi, un objectif possible pour le futur secrétariat pourrait être de réduire l’écart à 80 % dans les cinq premières années de son mandat.

Le mandat du nouveau secrétariat pourrait également comporter la recherche des meilleurs moyens pour une université franco-ontarienne de réaliser la différenciation avec d’autres établissements d’enseignement postsecondaire dans la RGT et le Centre-Sud-Ouest. Par exemple, la communauté serait-elle mieux servie par des programmes coop ou par des cours traditionnels? Des cours bilingues seraient-ils offerts? Le secrétariat pourrait se pencher sur ces possibilités.

En ce qui concerne la composition de ce secrétariat, on pourrait imaginer une table de discussion ou un consortium, où se réuniraient des représentants d’établissements postsecondaires qui souhaitent proposer des programmes et services à la population franco-ontarienne dans la RGT. Le commissaire espère voir les cinq institutions sus-mentionnées participer à un tel consortium.

Pour faire contrepoids, il serait nécessaire de former un conseil d’administration composé de personnes provenant d’organismes communautaires, de représentants officiels du ministère et d’intervenants clés, comme indiqué précédemment. Les administrateurs et les professionnels des universités et collèges en seraient exclus puisqu’ils siégeraient déjà à la table du consortium. Ce conseil d’administration est essentiel afin d’assurer que les programmes et services futurs sont adaptés aux besoins de la communauté franco-ontarienne. Il n’y aurait pas de dumping de programmes et de services des établissements d’enseignement postsecondaire actuels.

Enfin, le nouveau secrétariat serait dirigé par un haut fonctionnaire avec l’aide d’un personnel réduit. Il aurait des pouvoirs suffisants pour être en mesure de pleinement négocier des accords avec les établissements d’enseignement postsecondaire existants pour veiller à la prestation de possibilités d’études postsecondaires en langue française de grande qualité et, par conséquent, à l’atteinte de résultats optimaux pour la communauté franco-ontarienne.

Certains établissements d’enseignement postsecondaire pourraient choisir de ne pas participer à une telle structure pour diverses raisons, peut-être parce qu’ils estiment devoir se concentrer strictement sur leurs propres plans de développement. Selon le commissaire, ce serait une approche malavisée. En effet, le commissaire est d’avis que la situation actuelle exige que l’ensemble des parties abonde dans le même sens dans le but de trouver une solution afin de remédier à une situation inéquitable et inacceptable. Il s’agit en effet d’une situation qui exige un renversement spectaculaire.

Même si, en fin de compte, on ne peut contraindre un établissement d’enseignement postsecondaire à emprunter une avenue qu’il ne souhaite pas, pour qu’un futur secrétariat chargé de résoudre la question de l’accès limité de l’éducation postsecondaire en français dans la région du Centre-Sud-Ouest atteigne son objectif, il devrait disposer de l’influence et des pouvoirs suffisants et être en mesure de créer, avec l’aide du gouvernement, des mesures incitatives nécessaires à la participation des établissements postsecondaires à cette solution.

En résumé, le commissaire reconnaît les multiples changements qui doivent être abordés : (i) il existe un besoin pour une entité qui saurait le mieux représenter les intérêts de la population franco-ontarienne – et peut-être les intérêts de francophiles – en particulier dans la région du Centre-Sud-Ouest au niveau postsecondaire, (ii) cette entité aurait le mandat de trouver et de mettre en place des solutions au problème endémique du manque de possibilités d’études postsecondaires en langue française tout en coordonnant l’afflux de programmes déjà disponibles dans la province, le cas échéant, (iii) cette entité pourrait prendre diverses formes. Le commissaire est d’avis que le meilleur scénario serait une université franco-ontarienne. Compte tenu de la situation financière actuelle, le commissaire croit fermement que le mieux serait de créer une entité sur une plus petite échelle, avec des objectifs spécifiques et la capacité de mettre au point et en œuvre de nouvelles solutions.

RECOMMENDATION 3:

Le commissaire recommande que le ministère de la Formation et des Collèges et Universités crée, d’ici le 31 mars 2013, un nouveau secrétariat, ou une structure similaire, afin de déterminer la nécessité de services et de programmes d’enseignement postsecondaire pour la population franco-ontarienne dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, en particulier dans la région du grand Toronto.

Le commissaire recommande en outre que cette nouvelle structure ait la capacité de négocier avec les établissements postsecondaires afin de faciliter la mise en œuvre de nouveaux programmes et services pour la population franco-ontarienne dans la région du Centre-Sud-Ouest, à commencer par la région du grand Toronto.

En outre, le commissaire recommande que cette nouvelle structure fasse intervenir, tout au moins, les acteurs suivants :

  • Professionnels du secteur de l’éducation
  • Administrateurs du secteur de l’éducation
  • Professionnels ou administrateurs des conseils scolaires
  • Organismes communautaires et membres du public
  • Étudiants
  • Administrateurs ou professionnels des collèges et universités
  • Chefs de file de chambres de commerce et d’entreprises
  • Représentants officiels du ministère de la Formation et des Collèges et Universités

 

6.2.7 La situation unique du Collège universitaire Glendon

Indéniablement, le Collège universitaire Glendon devrait être un joueur clé comme l’a précisé antérieurement le commissaire. Le Collège universitaire Glendon est une université vraiment bilingue. Les services sont déjà offerts en anglais et en français. Et au Collège universitaire Glendon, les étudiants sont fortement encouragés à apprendre ou à améliorer leurs compétences dans l’autre langue officielle. En effet, le commissaire a constaté que la direction et son personnel sont pleinement engagés à assurer une présence viable et solide au sein de la communauté franco-ontarienne.

Mais cet engagement suffit-il? La bonne volonté peut mener loin, il ne fait aucun doute. L’Université York a déjà apporté quelques changements importants et positifs au sein de l’administration du Collège universitaire Glendon. Par exemple, Glendon a désormais la responsabilité de l’administration de toutes les demandes à sa faculté. Ceci peut sembler banal, mais au moins les étudiants peuvent maintenant présenter une demande d’admission au Collège universitaire Glendon en français!

Le problème réside dans le fait que le collège Glendon n’est juste qu’une autre faculté de l’Université York, certes importante, qui offre environ 3 % de tous les programmes offerts à l’Université York. Il n’a aucun pouvoir de décision réel et ne peut prendre des engagements à long terme avec quiconque, et encore moins développer de nouveaux programmes, sans d’abord demander la permission de l’Université York.

En conséquence, Glendon ne serait pas en mesure de participer pleinement à un consortium dans sa structure actuelle de gouvernance. Et si la question de la gouvernance n’est pas traitée, on ne peut pas s’attendre à ce que l’Université York comprenne pleinement la portée de ce qui doit être accompli en faveur de la population franco-ontarienne. Le commissaire reconnaît qu’il est plutôt difficile de demander à une université d’investir dans l’avenir d’une communauté qui ne constitue pas sa principale clientèle cible.

Ainsi, afin que le Collège universitaire Glendon puisse jouer un rôle plus important, il doit d’abord acquérir un nouveau statut d’autonomie, s’affilier ou être déclaré pleinement autonome en vertu d’une loi de l’Assemblée législative.

RECOMMENDATION 4:

Le commissaire recommande au ministère de la Formation et des Collèges et Universités d’envisager, d’ici le 31 mars 2013, toutes les mesures nécessaires en vue de négocier avec l’Université York relativement à une plus grande autonomie pour le Collège universitaire Glendon, de sorte que ce campus universitaire serve de base potentielle pour de nouveaux programmes et services d’éducation postsecondaire destinés à la population franco-ontarienne de la région du Centre-Sud-Ouest.

CONCLUSION

L’éducation postsecondaire en langue française englobe plus que le curriculum et l’enseignement en français. Dans un milieu minoritaire de langue française, elle protège et transmet la langue et la culture françaises nécessaires à la pérennité de la communauté franco-ontarienne. Les collèges et universités font partie intégrante du continuum éducatif. Ils jouent un rôle important dans le développement de la communauté par la formation, notamment, de futurs dirigeants de langue française, ainsi que de personnel infirmier, de médecins et de techniciens, de propriétaires d’entreprises et d’investisseurs qui contribuent au bien-être de la population de la province et à la compétitivité de son économie. Dans un contexte minoritaire de langue française, ils offrent également aux élèves des paliers élémentaire et secondaire et à leurs parents une incitation à s’engager envers l’éducation en français, dès le départ.

Avec le rythme du changement de l’âge de l’accélération, lequel constitue un défi en soi, l’éducation joue un rôle pivot dans le développement économique et la compétitivité de l’Ontario et des Ontariens . Malheureusement, l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario n’a pas été en mesure de garder ce rythme rapide du changement, et ses étudiants sont laissés pour compte.Le commissaire juge cette situation inacceptable. En effet, ces étudiants veulent apprendre, ils veulent exceller, ils veulent travailler et ils se trouvent particulièrement bien placés pour affronter la concurrence, mais ils souhaitent y arriver en français.

Les conséquences de cette lacune liée à l’éducation en langue française ne sont pas uniquement ressenties aujourd’hui par des milliers de personnes du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario qui souhaitent poursuivre des études supérieures en français – des étudiants de langue française et en immersion aux francophiles et allophones qui parlent le français – mais elles ont également une incidence sur la société ontarienne, la rendant de plus en plus incapable de fournir des services équivalents en français en raison d’un manque de professionnels bilingues et de langue française. Et cette situation aura aussi des conséquences négatives sur les générations futures d’étudiants francophones et francophiles qui ne peuvent pas s’inscrire à des programmes d’enseignement postsecondaire à proximité de leur région d’origine, et qui pourraient commencer à percevoir les études en langue française aux paliers élémentaire et secondaire comme étant un exercice futile : une avenue qui finira par conduire à un carrefour dans le cheminement d’un étudiant qui doit choisir entre s’inscrire dans un collège ou une université de langue anglaise, ou s’éloigner de son lieu de résidence et s’endetter. Comme ce rapport l’a montré, les choix des étudiants découragés par le manque de possibilités d’études postsecondaires en français mènent tout droit vers l’assimilation. Cela représente également un grand pas en arrière dans une course dont le rythme accéléré représente un défi.

Mais il n’est pas trop tard pour se rattraper.

Ainsi, le commissaire aux services en français recommande au gouvernement d’accorder une attention particulière à l’absence de possibilités d’études en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario et d’envisager ce grave problème comme étant une opportunité. En effet, la population francophone croît à un rythme de plus en plus rapide dans la région et sa masse critique est largement suffisante pour soutenir de nouveaux programmes et services d’éducation postsecondaire en langue française. Le commissaire propose un plan d’action qui tient compte de la nécessité d’assurer des gains d’efficience et d’effectuer de prudents investissements financiers.

À cette fin, le commissaire recommande que le ministère de la Formation et des Collèges et Universités conçoive un plan d’action fondé sur une vision de l’éducation postsecondaire en langue française qui inclut tous les apprenants, y compris les diplômés des écoles de langue française et d’immersion, les francophones de foyers exogames et allophones, ainsi que les francophiles qui parlent le français. Dans le présent rapport, les recommandations du commissaire préconisent également de trouver des méthodes de cueillette de données supplémentaires sur la demande et la demande potentielle pour des études postsecondaires en langue française dans la région, y compris l’amélioration et l’élargissement des méthodes de collecte de données et des indicateurs, et l’extension d’une version modifiée du numéro d’immatriculation scolaire de l’Ontario (NISO) dès le premier contact avec l’école jusqu’au niveau postsecondaire, et d’y inclure des indicateurs linguistiques. Cependant, la relation entre l’offre et la demande doit être comprise dans le contexte particulier d’une minorité linguistique. En fin de compte, comme ce rapport l’a montré, le manque de données pose un grave problème relativement à la détermination des besoins en matière d’éducation postsecondaire en langue française et à la résolution concrète de la question.

Il n’entre pas dans le mandat du Commissariat aux services en français de proposer une recette spécifique de réussite en ce qui a trait à l’éducation postsecondaire. Le ministère de la Formation et des Collèges et Universités a déjà entrepris d’importantes recherches, analyses et consultations sur l’avenir des possibilités d’études en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, et le gouvernement devrait tirer parti du fruit de ces recherches pour éclairer ses décisions sur la façon d’aller de l’avant.

Cependant, il est conforme au mandat du commissaire de faire des recommandations et, à ce titre, le commissaire recommande au gouvernement l’élaboration d’un plan d’action visant à instaurer une approche par étape. La première de ces étapes serait de s’appuyer sur l’infrastructure et les ressources qui existent déjà dans la région, en accord avec la notion de développement, tout en conservant l’efficacité et la prudence budgétaire. Par conséquent, le commissaire propose que ce plan d’action s’amorce par un point de mire sur Toronto et, plus précisément, le Collège universitaire Glendon. Pour que le Collège universitaire Glendon joue un rôle plus important, il doit jouir d’une plus grande autonomie en ce qui a trait aux programmes et services destinés à la communauté franco-ontarienne.

Enfin, une nouvelle structure doit être mise en place afin de résoudre cette question urgente pour la communauté francophone. Le commissaire suggère qu’il pourrait s’agir d’un secrétariat ou d’une structure similaire portant un autre nom. La nouvelle structure serait composée de personnes de la communauté et d’intervenants clés, et aurait la capacité de traiter avec d’autres établissements d’enseignement postsecondaire afin de trouver et de développer des programmes adaptés à la population franco-ontarienne du Centre-Sud-Ouest, en commençant par la région du grand Toronto.

Annexe A − Le cas de l’Université de Saint-Boniface

Fondée en 1818, l’Université de Saint-Boniface est affiliée à l’Université du Manitoba de langue anglaise, et offre des programmes universitaires, de la formation technique et professionnelle ainsi que de la formation continue. Les étudiants inscrits à Saint-Boniface peuvent suivre des cours à l’Université du Manitoba et vice-versa. L’héritage historique de Saint-Boniface joue un rôle important dans l’explication de sa solide affiliation avec l’Université du Manitoba. En effet, l’établissement a été l’un des premiers collèges de l’Université du Manitoba en 1877, et le tout premier établissement d’enseignement postsecondaire dans l’Ouest canadien [120].

Il aura fallu de nombreuses années à Saint-Boniface pour s’établir, se développer et acquérir le statut d’université. Les développements ont souvent eu lieu de facto avant qu’ils ne soient formalisés de plein droit. C’est le cas, par exemple, de l’autonomie administrative croissante dont l’université a joui entre ses accords d’affiliation de 1972 à 2005 avec l’Université du Manitoba. Le plus récent accord de 2008 a remplacé la plupart du texte archaïque qui caractérisait les accords précédents, a donné lieu à un processus plus efficace d’approbation des cours et programmes, et a permis à Saint-Boniface de participer plus activement au sénat de l’Université du Manitoba.

Par exemple, tandis que le sénat de Saint-Boniface (Conseil de direction des études) était essentiellement une sous-faculté, en vertu de l’accord de 2008, il est devenu l’autorité de dernière instance en ce qui concerne les questions internes, ses recommandations étant acheminées directement au sénat de l’Université du Manitoba pour approbation. L’accord de 2008 autorise également le recteur de Saint-Boniface à agir en tant que membre votant au sénat de l’Université du Manitoba, et à être nommé à des comités du sénat. En outre, un assesseur de Saint-Boniface peut également faire partie du sénat.

L’accord actuel entre Saint-Boniface et l’Université du Manitoba souligne expressément le caractère autonome de chaque établissement. Chaque établissement a compétence exclusive sur sa propre gouvernance et sa propre administration, y compris l’embauche de personnel, les questions financières, ainsi que sur la structure générale et les règles nécessaires à son bon fonctionnement et à son évolution.

FOOTNOTES

[1] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342 au para.32.

[2] Pour plus de détails : http://www.tcu.gov.on.ca/fre/postsecondary/schoolsprograms/ (page consultée en juin 2012).

[3] D’autres établissements d’enseignement postsecondaires financés par les fonds publics qui ne sont pas indiqués ci-dessus comprennent le Collège Dominicain, le Collège de Hearst, l’École de médecine du Nord de l’Ontario et le Michener Institute for Applied Health and Sciences.

[4] En 2008, la Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française a mené une analyse des écarts relativement aux programmes (l’accès à des cours individuels n’a pas fait l’objet de l’examen) à l’aide des Données universitaires communes de l’Ontario (CUDO), une base de données des programmes universitaires, ainsi qu’une liste maîtresse du ministère des programmes universitaires. Le taux d’accès pour les différentes catégories de programme pour chaque région a été calculé par groupe linguistique pour mesurer la disponibilité des programmes offerts en français.

[5] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, Étude des écarts : Les systèmes d’éducation postsecondaire et de formation de langue française et de langue anglaise, Toronto, Ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2008.

[6] Loi sur les services en français, L.R.O. 1990, CHAPITRE F.32.

[7] Ibid.

[8] Pour plus de détails: http://www.tcu.gov.on.ca/fre/about/annualreport/ (page consultée en juin 2012).

[9] Ibid.

[10] Disponible en ligne : http://www.tcu.gov.on.ca/fre/about/annualreport/1011/ (page consultée en juin 2012).

[11] Disponible en ligne : https://www.premier.gov.on.ca/news/event.php?ItemID=19627&Lang=FR (page consultée en juin 2012).

[12] Loi de 2002 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario, L.O. 2002, CHAPITRE 8, ANNEXE F.

[13] Loi de 2000 favorisant le choix et l’excellence au niveau postsecondaire,L.O. 2000,CHAPITRE 36.

[14] Pour plus de détails : http://www.tcu.gov.on.ca/epep/programs/degreeauthority/legislation.html (page consultée en juin 2012).

[15] Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, CHAPITRE E.2.

[16] Pour plus de détails : http://www.moi.gov.on.ca/fr/infrastructure/building_together/section_two… (page consultée en juin 2012).

[17] Ibid.

[18] Disponible en ligne : http://www.tcu.gov.on.ca/fre/postsecondary/speech_may.html (page consultée en juin 2012).

[19] de la Formation et des Collèges et Universités, Politique d’aménagement linguistique de l’Ontario pour l’éducation postsecondaire et la formation en langue française, Toronto, 2011. Disponible en ligne : http://www.tcu.gov.on.ca/epep/publications/PAL_Fre_Web.pdf (page consultée en juin 2012).

[20] Ibid.

[21] Groupe de travail sur les programmes et services en français, La place du français à l’Université d’Ottawa, Volume II : État des lieux des programmes et services en français, Ottawa, Université d’Ottawa, 2006.

[22] A distinction should be made between full designation, in which an entire institution or entity is subject to designation, and partial designation, in which only part of an institution or entity has the obligation to offer a certain level and quality of French-language services (FLS).

[23] Roger Guindon, Coexistence équitable − La dualité linguistique à l’Université d’Ottawa, Volume 4, depuis 1965, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1998. Voir également : Philippe Orfali, « L’Ud’O avait entrepris des démarches en 1987 », Le Droit, le 8 décembre 2011.

[24] Groupe de travail sur les programmes et services en français, La place du français à l’Université d’Ottawa, Volume I : Recommandations pour le développement des programmes et services pour 2007-2012, Ottawa, Université d’Ottawa, 2007.

[25] Professeurs de droit de l’Université d’Ottawa. « Trois études appuient la désignation de l’Ud’O », Le Droit, le 8 décembre 2011.

[26] Le Collège de Hearst est communément connu sous le nom de l’Université de Hearst.

[27] Le premier collège de langue française de la province, La Cité collégiale, se situe à Ottawa, alors que le seul établissement postsecondaire à avoir obtenu la désignation en vertu de la Loi sur les services en français à ce jour, le Collège Boréal, se trouve à Sudbury. En plus de l’Université d’Ottawa et de son établissement affilié, l’Université de Saint-Paul, les régions du Nord et de l’Est de l’Ontario sont fières de leur collège de langue française, le Collège d’Alfred, du Collège Dominicain, de l’Université Laurentienne et ses établissements affiliés et de l’Université de Sudbury où l’enseignement se fait dans les deux langues ainsi que du Collège de Hearst.

[28] Jean-François Sylvestre, « 20 ans de vitalité franco-ontarienne – De la Loi sur les services en français à l’indépendance de TFO », L’Express, semaine du 14 novembre 2006.

[29] Stacy Churchill, Normand Frenette et Saeed Quazi, Éducation et besoins des Franco-ontariens : le diagnostic d’un système d’éducation, Toronto, Conseil de l’éducation franco-ontarienne, 1985. En 1980, le Conseil de l’éducation franco-ontarienne avait pour mandat de conseiller les ministres de l’Éducation et de la Formation et des Collèges et Universités concernant l’éducation en langue française. Il a été remplacé, en 1993, par le Conseil de l’éducation et de la formation franco-ontariennes (CEFFO).

[30] AAnne Gilbert et Nicole Richer, La transition vers nos établissements d’enseignement en Ontario français, Toronto, Conseil de l’éducation et de la formation franco-ontariennes, 1996. Disponible en ligne : http://www.edu.gov.on.ca/fre/document/reports/transit.html (page consultée en juin 2012).

[31] Disponible en ligne : http://council.london.ca/meetings/Archives/Agendas/Board%20Of%20Control%… 06-01%20Agenda/Item%2026.pdf (page consultée en juin 2012).

[32] Ibid.

[33] Ibid.

[34] Ibid.

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Disponible en ligne : http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024296.h… (page consultée en juin 2012).

[38] Ibid.

[39] Tina Chui, Kelly Tran et Hélène Maheux,La mosaïque ethnoculturelle du Canada, Recensement de 2006 : résultats, Ottawa, Statistique Canada, 2008.

[40] Supra note 37

[41] Pour plus de détails : http://web5.uottawa.ca/admingov/bilinguisme.html (page consultée en juin 2012).

[42] Pour plus de détails : http://www.collegeboreal.ca/documents/annuaire_2012-2013%28lowres%29.pdf(page consultée en juin 2012).

[43] Pour plus de détails : http://www.lacitec.on.ca/campus.htm;jsessionid=75F5C4ACC5DD5EC181FE1C340… (page consultée en juin 2012).

[44] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5, p. 64.

[45] Ibid., p. 12.

[46] En 2009, le gouvernement de l’Ontario a adopté la définition inclusive de francophone (DIF) afin de mieux refléter la diversité et le visage changeant de la communauté francophone de la province. La DIF intègre, outre les personnes qui ont le français comme langue maternelle, les familles exogames et les individus n’ayant ni le français ni l’anglais comme langue maternelle, donc les allophones, mais qui ont une connaissance particulière du français comme langue officielle et le parlent à la maison. Par conséquent, il est important de noter que les données de 1991 à 2001 diffèrent de à celles de 2006 parce qu’elles correspondaient à l’approche plus restrictive alors que les récentes données sont fondées sur la DIF.

[47] Pour plus de détails :http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024301.html (page consultée en juin 2012).

[48] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5, p. 174.

[49] Ibid.

[50] La fourchette d’âge ici est de 25 à 54 ans et plus. Pour plus de détails : http://www.collegesontario.org/research/2011_environmental_scan/2011_sca… (page consultée en juin 2012).

[51] Collège Boréal, 10 ans d’exploits d’un modèle novateur en éducation postsecondaire dans le Centre-Sud-Ouest, Toronto, 2012, p. 19-20.

[52] Ibid, pp. 5-7.

[53] Disponible en ligne : http://www.ocol-clo.gc.ca/html/stu_etu_102009_p6_f.php(page consultée en juin 2012).

[54] Rodrigue Landry, Réal Allard et Kenneth Deveau,Profil sociolangagier des élèves de 11e année des écoles de langue française de l’Ontario : Outil de réflexion sur les défis de l’aménagement linguistique en éducation, Moncton, Institut Canadien de recherche sur les minorités linguistiques, 2007, p. 16.

[55] Pour plus de détails : http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco-06carte-stat.html (page consultée en juin 2012).

[56] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5.

[57] Pour plus de détails : http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024298.h… (page consultée en juin 2012).

[58] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5, p. 98.

[59] Normand Frenette et Saeed Quazi, « Some Long Term Lessons from Minority Language Education in Ontario », dans Revue canadienne d’enseignement supérieur, vol. 29, no 1, 1999.

[60] PGF Consultants Inc., États des lieux sur la situation de l’accès à la justice dans les deux langues officielles, Ottawa, Rapport final soumis à Justice Canada, 2002.

[61] Ibid.

[62] Marc Frenette, Accès au collège et à l’université : est-ce que la distance importe?, Ottawa, Statistique Canada, 2002. Marc Frenette, Trop loin pour continuer? Distance par rapport à l’établissement et inscription à l’université, Ottawa, Statistique Canada, 2002.

[63] Selon les chercheurs, un trajet de 0 km à 40-50 km est considéré comme étant une « distance de navettage » et un trajet d’environ 70-80 km ou plus est considérée comme étant une « distance de navettage trop grande ».

[64] Marc Frenette,op. cit.

[65] Cette distance est basée sur des itinéraires calculés par www.MapQuest.ca.

[66] Normand Labrie, Sylvie Lamoureux et Denise Wilson, L’accès des francophones aux études postsecondaires en Ontario : Le choix des jeunes − Rapport final, Toronto, Centre de recherches en éducation franco-ontarienne, 2009, p. 34.

[67] Réal Allard, Rodrigue Landry et Kenneth Deveau, Et après le secondaire? Étude pancanadienne des aspirations éducationnelles et intentions de faire carrière dans leur communauté des élèves de 12e année d’écoles de langue française en situation minoritaire, rapport de recherche, Moncton, Institut Canadien de recherche sur les minorités linguistiques, 2009, p. 10-11.

[68] Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada, Poursuite des études postsecondaires en milieu minoritaire francophone : intentions des diplômés du secondaire en 2003, Ottawa, Patrimoine canadien, 2003, p. 51.

[69] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5, p. 141.

[70] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, Document d’orientation de l’éducation en langue française, Ottawa, Ministère de l’Éducation et Ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2009, p. 70.

[71] Ibid., p. 71.

[72] Commissariat aux services en français, Les écoles de langue française dans la région du grand Toronto : Quand le plus élémentaire devient secondaire, Rapport d’enquête, Toronto, 2011.

[73] En 2008-2009, les analyses du ministère relatives à la transition montrent que les taux de transition entre le secondaire et le premier cycle universitaire pour les étudiants des écoles secondaires de langue française sont supérieurs aux taux de transition pour les étudiants des écoles secondaires de langue anglaise.

[74] Commissariat aux services en français, op. cit., p. 9.

[75] Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada, op. cit., p. 27.

[76] Supra note 66.

[77] Pour plus de détails : http://heqco.ca/SiteCollectionDocuments/DifferenciationFR.pdf (page consultée en juin 2012).

[78] Linda Cardinal, François Charbonneau et Tina Desabrais, Francophonie et éducation postsecondaire en Ontario. Résultats de la recherche sur la gestion de données et la mise en œuvre de mesures permettant de quantifier l’éducation postsecondaire en langue française en Ontario, Toronto, Ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2011, p. 8.

[79] Disponible en ligne : http://www.ofa.gov.on.ca/fr/annonces-090604.html (page consultée en juin 2012).

[80] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5, p. 98.

[81] Ibid.

[82] Linda Cardinal, François Charbonneau et Tina Desabrais, op. cit., p. 7-8.

[83] Ibid., p. 9-10.

[84] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5, p. 99.

[85] Honorable Bob Rae, L’Ontario chef de file en éducation − Rapport et recommandations, Toronto, Ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2005, p. 65.

[86] Pour plus de détails : http://www.bced.gov.bc.ca/pen/ et http://www.bced.gov.bc.ca/frenchprograms/agreement/bc_action_plan_(2009-10_to_2012-13).pdf (pages consultées en juin 2012).

[87] Disponible en ligne : http://www.edu.gov.on.ca/fre/amenagement/ConsultEducationFr.pdf(page consultée en juin 2012).

[88] Supranote 41.

[89] Selon le ministère de la Formation et des Collèges et Universités : « Chaque université a été mise sur pied à titre de corporation privée en vertu d’une loi du gouvernement provincial ou fédéral. Les universités sont des établissements autonomes et indépendants dont la responsabilité incombe, en dernière analyse, à un conseil d’administration. Plusieurs des universités de la province ont vu le jour sous forme d’universités ou de collèges confessionnels, rattachés à une église, puis elles se sont transformées en établissements séculiers, financés par les fonds publics. Chacune s’est donné sa propre mission et son propre rôle et a défini son propre milieu. » Pour plus de détails : http://www.tcu.gov.on.ca/fre/document/discussi/postdfr.pdf (page consultée en juin 2012).

[90] Sophie LeTouzé, La gestion de l’éducation en milieu minoritaire : Modèles de gestion collaborative entre conseils scolaires, Ottawa, Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités, 2003, p. 11.

[91] Reference Re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights (1984), 10 D.L.R. (4th) 491.

[92] Sophie LeTouzé, op. cit., p. 12.

[93] Normand Frenette et Saeed Quazi, supra note 59, p. 6.

[94] Supra note 1.

[95] Pour plus de détails :http://www.documentationcapitale.ca/documents/Giroux.pdf (page consultée en juin 2012).

[96] Disponible en ligne : http://www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/381/offi/rep/rep06jun05-f.pd… (page consultée en juin 2012).

[97] Supranote 19, p. 25.

[98] Normand Frenette and Saeed Quazi, supra note 59, pp. 8-9.

[99] Aux fins du présent rapport, l’Université de St-Boniface est désignée Saint-Boniface pour éviter la confusion au sujet des changements de nom et de statut de l’établissement au fil du temps.

[100] Pour plus de détails : http://www.ustboniface.mb.ca/document.doc?id=379 (page consultée en juin 2012).

[101] Selon l’article 2 (2) de la Loi de 2002 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario : « Les objets des collèges sont d’offrir un programme complet d’enseignement et de formation postsecondaires axé sur la carrière afin d’aider les particuliers à trouver et à conserver un emploi, de répondre aux besoins des employeurs et d’un milieu de travail en évolution et de soutenir le développement économique et social de leurs collectivités locales variées. »

[102] Christine Dallaire, « « Not Just Francophone »: The Hybridity of Minority Francophone Youths in Canada », dans Revue internationale d’études canadiennes, no 28, 2003, p. 163-199.

[103] Rodrigue Landry, Réal Allard et Kenneth Deveau, supranote 54, p. 131.

[104] Supranote 42.

[105] Supra note 19.

[106] Honorable Bob Rae, supranote 85, p. 44.

[107] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 5.

[108] Ibid., p. 133.

[109] Supra note 19, p. 4.

[110] Ibid.

[111] Cet investissement pourrait être considéré comme le témoignage du succès de la collaboration avec l’Université York. Cependant, fait somme toute assez rare,l’Université York n’a pas offert d’investissement de ses propres fonds dans le cadre de ce projet. En effet, tout le financement pour les nouvelles installations provient du ministère de la Formation et des Collèges et Universités.

[112] Le Groupe de travail permanent EDU-FCU sur le continuum de l’apprentissage en langue française a présenté ses recommandations à la ministre de l’Éducation et au ministre de la Formation et des Collèges et Universités dans son rapport intitulé Positionnement optimal des écoles de langue française pour assurer l’expansion de l’éducation en langue française (ELF) en Ontario en octobre 2010.

[113] Ibid.

[114] Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française, supra note 70,pp. 149-150.

[115] Ibid.

[116] Linda Cardinal, François Charbonneau et Tina Desabrais, supra note 78.

[117] L’Ontario comptait 582 690 francophones en 2006. Pour plus de détails : http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco.html (page consultée en juin 2012).

[118] Supra note 77.

[119] Pour plus de détails :http://www.tcu.gov.on.ca/fre/postsecondary/study/international/resources.html (page consultée en juin 2012).

[120] L’établissement, alors nommé Collège Saint-Boniface, a été incorporé en 1871 jusqu’à ce que, en 2005, il soit connu sous le nom de Collège universitaire de Saint-Boniface. C’est seulement en 2011, avec l’adoption du projet de loi 26 (la Loi sur l’Université de Saint-Boniface, L.M. 2011, c. 16), que le collège a été doté du statut d’« université » sous le nom d’Université de Saint-Boniface.En fait, ce changement a eu peu d’incidence sur l’accord d’affiliation de 2008 entre l’Université de Saint-Boniface et l’Université du Manitoba. Pour plus de détails : http://www.ustboniface.mb.ca/page.aspx?pid=439 (page consultée en juin 2012).