Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario
Dans ce rapport spécial, le commissaire fait huit recommandations dont celle de modifier sans tarder l’actuel projet de règlement sur l’engagement des collectivités.
Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario
Rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario, 2009
Commissariat aux services en français
L’honorable Madeleine Meilleur
Ministre des Services sociaux et communautaires
Ministre déléguée aux Affaires francophones
Édifice Hepburn
6e étage
80, rue Grosvenor
Toronto ON M7A 1E9
Madame la Ministre,
Conformément au paragraphe 12.5 (2) de la Loi sur les services en français, je vous soumets le rapport spécial sur la planification des services de santé en français en Ontario du commissaire aux services en français, afin que vous puissiez le déposer à l’Assemblée législative.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.
Le commissaire aux services en français de l’Ontario,
François Boileau
Table des matières
Table des matières.
Sommaire.
Avant-propos.
Introduction.
Chapitre 1 – Une communauté partenaire.
1.1 Portrait d’une communauté et ses besoins.
1.1.1 Caractéristiques des francophones.
1.1.2 Mythes.
1.2. Accès insuffisant aux services.
1.2.1 Manque de ressources humaines.
1.2.2 Offre active.
1.3 Une communauté partenaire.
1.3.1 Exemple des centres de santé communautaire.
1.3.2 Exemple des Réseaux de santé en français.
Conclusions.
Recommandations.
Chapitre 2 – Obligations et opportunités.
2.1 Principes généraux.
2.1.1 La Loi sur les services en français dans le contexte de la santé.
2.1.2 Organismes désignés partiellement ou en totalité.
2.1.2.1 Obligations reliées à la désignation et à l’identification.
2.2 Principaux acteurs.
2.2.1 Rôle des ministères.
2.2.2 Les Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS)
2.2.3 Projet de règlement sur l’engagement de la collectivité francophone.
2.2.3.1 Principales préoccupations au projet de règlement
Conclusions.
Recommandation.
Chapitre 3 – Planification et gouvernance.
3.1 Liaison entre le ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) et les RLISS.
3.1.1 Création et rôle de la Direction de la liaison avec les RLISS.
3.1.2 Imputabilité.
3.1.3 Évaluation de la performance.
3.2 Liens entre le MSSLD et la population francophone de l’Ontario.
3.2.1 Importance des données dans la planification.
3.3 Liens entre les RLISS et les communautés francophones.
3.4 Les coordonnateurs des services en français.
Conclusion.
Recommandations.
Chapitre 4 – Plaintes en matière de services de santé en français.
4.1 Utilité de la plainte.
4.2 Déposer sa plainte.
4.2.1 Établissements de santé (fournisseurs de services) 39
4.2.2 RLISS et ministères.
4.2.3 Commissariat aux services en français.
Conclusion.
Recommandations.
Conclusion – Conséquences de l’inaction.
Liste des acronymes.
Sommaire
Le présent rapport spécial porte sur l’importance d’intégrer les services en français dans la planification des soins de santé en Ontario. Tout au long de son rapport, le commissaire expose les obligations et les responsabilités des principaux acteurs du système de santé en matière de prestation des services en français. Il appuie et ponctue ses propos avec des témoignages recueillis au sein de la population francophone de l’Ontario avant de finalement présenter ses conclusions et recommandations.
Le commissaire présente au premier chapitre un tour d’horizon de la population francophone de l’Ontario. Il y souligne que la population francophone a des besoins spécifiques et des caractéristiques propres qui diffèrent du reste de la population de l’Ontario lorsqu’il est question de santé. Le manque de ressources humaines ainsi que les mythes existants à l’effet que les francophones sont tous bilingues représentent des défis. C’est pourquoi le commissaire insiste sur la présence de structures déjà existantes dans le système de santé, et dans les communautés, qui doivent être considérées et reconnues comme partenaires dans la planification des services.
Le message du commissaire à cet endroit est clair : faire de la communauté francophone, et ses organisations, de véritables partenaires dans la planification des soins de santé en français. Il faut s’inspirer de ces modèles d’offre active de services adaptés à une collectivité aux besoins particuliers.
C’est d’ailleurs en ce sens que poursuit le commissaire au deuxième chapitre. En planifiant en fonction des besoins des individus et des communautés francophones, le gouvernement s’acquittera de ses obligations face à la Loi sur les services en français (LSF) et la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local (LISSL). Le commissaire expose donc les rôles et responsabilités des ministères et des Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) en matière de planification de services de santé en français.
Ces derniers étant des organismes gouvernementaux au sens de la LSF, ils doivent engager la communauté francophone dans l’élaboration de leurs plans de services de santé s’ils œuvrent dans des régions désignées. Voilà pourquoi le commissaire revient à la charge et recommande à la fin du deuxième chapitre de modifier l’actuel projet de règlement sur l’engagement de la collectivité francophone afin d’y inclure de réelles entités de planification, tel que le prévoit la LISSL.
Le commissaire renchérit au troisième chapitre avec la responsabilité des RLISS face à de telles entités de planification. Le commissaire recommande l’ajout d’un coordonnateur des services en français au sein de chaque RLISS. Il vise ainsi à assurer le suivi des activités de l’entité de planification des services de santé en français tout en rendant chaque RLISS imputable de leurs décisions administratives. Ceux-ci doivent justifier les prises de décisions, actions ou inactions, auprès des communautés francophones desservies. Il en va de l’établissement d’un processus de reddition de compte pour assurer les obligations du système de santé dans l’offre de services de qualité en français.
Au quatrième chapitre, le commissaire recommande que des directives claires soient établies sur la procédure à suivre pour porter plainte en cas de manque d’accessibilité et de qualité d’un service de santé offert en français. Le citoyen est en droit de s’attendre à des services en français de qualité de la part des différents fournisseurs et instances du système de santé, qu’il s’agisse d’hôpitaux, des centres de santé ou même des RLISS. Si ce n’est pas le cas, le citoyen doit pouvoir facilement porter plainte. Cela doit être clairement établi, indiqué et simple de s’y retrouver.
Si le système de santé ontarien est axé sur des principes de qualité des services, le commissaire s’attend à ce que ce soit également appliqué à l’accessibilité de ces services. Car l’accès à des services de santé en français de qualité ne doit pas être écarté, mais traité comme un enjeu ayant un impact direct sur la santé de la population francophone. Après tout, un citoyen qui reçoit des services dans sa langue en tire de grands bénéfices, dont celui de voir sa santé améliorée.
Le commissaire a conclu ainsi son rapport spécial avec les conséquences de l’inaction et de l’urgence d’agir, puisqu’il en va de la santé de la population francophone, prémisse sur laquelle il a fondé ses huit recommandations.
Recommandation 1
Le commissaire recommande que les ministères et les instances du système de santé prennent en compte les caractéristiques propres de la communauté francophone, dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques de santé et leurs politiques sociales qui visent à améliorer la santé de la population.
Recommandation 2
Le commissaire recommande que le gouvernement et les instances du système de santé considèrent l’accès à des services de santé en français comme un critère de qualité des services, d’efficacité et d’efficience du système.
Recommandation 3
Le commissaire recommande au gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies spécifiques, impliquant la communauté francophone, pour favoriser la formation, l’identification, le recrutement, la rétention et la mobilisation des ressources humaines francophones en santé.
Recommandation 4
Le commissaire recommande au ministre de la Santé et des Soins de longue durée de modifier le projet de règlement afin de revenir au libellé de la LISSL et de prévoir de réelles entités de planification de services de santé en français, pour chacun des RLISS ou pour des regroupements de RLISS.
Recommandation 5
Le commissaire recommande que des principes de gouvernance soient développés en partenariat avec la communauté francophone et que ceux-ci soient rendus publics et soumis à une consultation publique.
Recommandation 6
Le commissaire recommande que davantage d’emphase soit mise sur l’identification des besoins réels de la population francophone puis que les mesures de performance et les résultats soient validés par la population cible et évalués par des instances indépendantes.
Recommandation 7
Le commissaire recommande que les structures organisationnelles des RLISS soient modifiées afin de prévoir l’ajout d’un poste de coordonnateur des services en français au sein de chaque RLISS. Ce poste doit être occupé par un haut gestionnaire.
Recommandation 8
Le commissaire recommande au gouvernement que des directives claires soient émises aux RLISS afin que, dans le cadre des mesures d’imputabilité et d’évaluation de performance, la procédure à suivre pour porter plainte lorsque le citoyen se sent lésé en matière d’accès et de qualité de services en français de la part d’un fournisseur de services, soit claire et conviviale pour le citoyen.
Avant-propos
Lors de mes années étudiantes, j’ai eu le privilège de travailler comme préposé aux bénéficiaires dans différents hôpitaux. Au-delà de la souffrance, de la douleur et de la mort, j’ai été témoin privilégié de l’empathie, du courage, de l’abnégation et de la force de caractère du personnel de la santé. Je peux vous assurer de mon plus profond respect à l’égard de tous ces gens qui œuvrent de près ou de loin dans le domaine de la santé. Travaillant dans des conditions pas toujours idéales et agissant à l’intérieur de systèmes complexes, les professionnels de la santé ainsi que tous les nombreux bénévoles qui gravitent autour d’eux représentent à mes yeux la quintessence de ce que l’humanité produit de plus noble.
Depuis que j’ai été nommé commissaire aux services en français, j’ai été à plusieurs reprises interpellé sur la question des services de santé en français. Je suis très conscient des préoccupations des citoyens francophones en ce qui a trait à l’accès à des services de santé en français de qualité. Je sais très bien que lorsqu’on est malade, on se sent vulnérable, pas toujours en plein contrôle de ses moyens et qu’il est difficile de s’exprimer dans une autre langue pour décrire son mal. Après tout, c’est en premier sur les genoux de notre mère que nous apprenons à dire ce qui nous trouble pour y trouver confort et soulagement. Je suis donc conscient que, malgré le fait que plusieurs Franco-Ontariens soient bilingues, ils souhaitent des services de santé en français.
J’ai aussi entendu de la population francophone qu’elle n’est pas prête à accepter des compromis sur la qualité des services de santé qu’on lui offre; qu’elle veut contribuer à la recherche de solutions pour un accès et une qualité améliorée de services et un meilleur état de santé de ses membres.
D’autre part, je reconnais la volonté manifeste des instances du système de santé d’améliorer l’accès aux services et d’en assurer une qualité impeccable à l’ensemble de la population ontarienne. C’est dans ce contexte que je m’adresse, dans ce rapport spécial, à la population francophone et aux acteurs du système de santé pour y présenter mes constats et formuler mes recommandations.
Je souhaite également que ce rapport puisse aussi aider les instances du système de santé à mieux comprendre et surtout mieux assumer leurs obligations en matière de services de santé en français. D’autant que pour plusieurs nouveaux joueurs importants, dont certainement les Réseaux locaux d’intégration de services de santé (RLISS), il importe que les responsabilités en matière de services de santé en français soient clairement comprises. À la suite du dépôt du projet de règlement concernant l’engagement de la collectivité francophone en septembre 2008 en vertu de la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local, je me suis aussi rendu compte qu’il y a une mauvaise compréhension des enjeux entourant la question de la planification des services de santé en français. Il est impérieux de corriger le tir dès maintenant, d’où l’urgence d’agir.
Enfin, j’espère m’associer aux efforts de tous pour améliorer l’accès et la qualité des services de santé en français dans la province. Je voudrais tellement que le citoyen francophone se reconnaisse dans le système de santé, qu’il se sente accueilli, compris et en confiance.
Introduction
Plus de la moitié des francophones en Ontario jugent important que les services du gouvernement provincial leur soient offerts en français dans le domaine de la santé[1]. Avec une population totale d’environ 13 millions de personnes, le défi du gouvernement de l’Ontario d’offrir des soins de santé de qualité, et ce, sur une base quotidienne, relève presque de l’art de l’impossible. Et pourtant, des milliers de gens[2] accomplissent jour après jour, nuit après nuit, des tâches colossales qui demandent des ressources considérables tant financières qu’humaines.
« Un homme francophone s’est fait prescrire une pompe de « nitro » par son cardiologue anglophone. Lorsqu’il est retourné au centre de santé pour faire le suivi sur son ordonnance et ses troubles cardiaques, l’infirmière praticienne s’est rendu compte qu’il n’avait pas compris comment utiliser sa pompe pour le cœur, étant donné sa capacité limitée à comprendre et à s’exprimer en anglais. Le patient croyait qu’il s’agissait plutôt d’une pompe de ventilation. Il n’utilisait donc pas sa pompe lorsqu’il en avait véritablement besoin. Les conséquences auraient pu être gravement néfastes pour ce patient s’il n’avait pas fait son suivi rapidement avec le centre de santé francophone. »
-Jocelyne Maxwell, directrice générale
Centre de santé communautaire du Témiskaming
Depuis l’adoption de la Loi sur les services en français (la LSF)[3] en 1986, le citoyen ontarien est en droit de s’attendre à des services de qualité égale de la part du système de santé, et ce, en français. Il importe de se rappeler qu’il y a 20 ans, les francophones de l’Ontario se préoccupaient davantage de ce qui a toujours été le fer de lance à toute pérennité de la communauté francophone, soit le secteur de l’éducation.
Un événement déclencheur a rappelé à toute la population francophone de l’Ontario, voire du Canada, que le domaine de la santé est un secteur tout aussi important que l’éducation pour assurer le développement de la communauté. Lorsque le gouvernement provincial d’alors a voulu fermer [4] en 1997 le seul hôpital universitaire francophone à l’ouest du Québec, l’Hôpital Montfort, le cri d’alarme a été entendu par toutes et tous.
Les francophones de cette province se sont aperçus autant de leur force en tant que communauté, que de leur fragilité sur un plan individuel. Ce n’est pas lorsque le francophone se trouve en situation de vulnérabilité, comme patient, qu’il va exiger d’être servi en français.
Partant du principe que la perfection n’est pas de ce monde et qu’il est futile de chercher à garantir le bilinguisme de tout le personnel médical, la communauté francophone de l’Ontario s’est prise en main. Elle s’est organisée. Elle a priorisé. Elle s’est dotée de réseaux[5]. Avec comme résultat que le système de santé peut être fonctionnel, en français, si on y met les efforts voulus et si on planifie de la bonne façon.
Chapitre 1 – Une communauté partenaire
1.1 Portrait d’une communauté et ses besoins
En Ontario, on compte près de 600 000 francophones. Même si des efforts sont fournis pour identifier les particularités de cette population, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la santé et le mieux-être de celle-ci et en arriver à un niveau de santé et une qualité de vie comparables à ceux de l’ensemble de la population de l’Ontario[6].L’un des facteurs déterminants dans l’amélioration de la santé et du bien-être d’une communauté passe par sa capacité à prendre en charge son développement. Cela indique donc qu’elle doit être impliquée dans la planification et dans la gouvernance de ses propres soins de santé locaux. La population francophone a des caractéristiques propres et des besoins particuliers qui diffèrent de ceux de la population provinciale en matière de santé. Il faut donc reconnaître ces différences lors de la planification des politiques et des services qui touchent la santé, comme le concluait en 2005 le second rapport de l’Institut franco-ontarien et du Service de santé publique de Sudbury sur la santé des francophones en Ontario[7]. Il incombe aux RLISS et à l’entité de planification des services de santé en français, tel que le prévoit la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local (la LISSL), d’identifier ces besoins et d’y répondre en offrant des services adaptés aux besoins de la population francophone.
1.1.1 Caractéristiques des francophones
Les récentes données de Statistiques Canada[8] permettent de se faire une idée de ce que la population francophone de l’Ontario pense à l’égard des soins de santé en français qu’on lui offre :
- 31 % des adultes francophones de l’Ontario disent parler en français avec leur médecin de famille;
- 20 % des adultes francophones de l’Ontario disent utiliser le français lors de la fréquentation d’un « autre endroit » que le bureau d’un médecin de famille pour des soins de santé;
- 76 % des adultes francophones du Sud-Est de l’Ontario considèrent très important ou important d’obtenir des services de santé en français (65 % à Ottawa et 58 % dans le Nord-Est).
Les Normes de santé publique de l’Ontario reconnaissent que la langue et la culture sont des déterminants de la santé, au même titre que le niveau de revenu et le statut social, l’éducation, l’alphabétisation, le patrimoine biologique et génétique, le sexe, les réseaux de soutien social, l’emploi et les conditions de travail, les habitudes de santé, etc.
Les barrières linguistiques et culturelles[9] engendrent bien des effets négatifs sur la qualité des services, l’efficacité et l’efficience du système de santé. Elles réduisent le recours aux services préventifs, influencent la qualité des services où la bonne communication est essentielle, augmentent le temps de consultation, le nombre de tests diagnostics et la probabilité d’errer dans les diagnostics et les traitements. Ces barrières linguistiques et culturelles diminuent également la probabilité de fidélité aux traitements et réduisent la satisfaction à l’égard des soins et services reçus[10].
Tom est un francophone de 8 ans qui réside dans l’Est de l’Ontario. Cet enfant souffre d’otite séreuse et nécessite de courtes chirurgies pour l’insertion de tubes aux oreilles.
En 2005, Tom n’a que 4 ans lorsqu’il subit une telle chirurgie. Sa mère insiste à l’époque pour informer toute l’équipe médicale que son fils est francophone et qu’il risque de leur parler en français, même s’il comprend un peu l’anglais. Elle traduit également en français pour son fils tout ce que le médecin mentionne sur la chirurgie. Cela rassure son fils et l’informe de ce qui va se passer.
Lorsque la chirurgie est terminée, Tom ouvre les yeux en salle de réveil et se met naturellement à réclamer, en français, sa mère qui était dans la salle d’attente. L’infirmière, qui ne comprend pas le français, voit que l’enfant s’agite mais ne sait pas ce qu’il dit. Alors qu’il est en parfaite condition, elle lui attribue un calmant qui endort Tom à nouveau.
De longs quarts d’heure passent, ce qui semble anormal et inquiète la mère. Lorsqu’elle va demander à l’infirmière ce qui se passe, on lui dit que son fils marmonnait des choses incompréhensibles et qu’on a conclu qu’il démontrait des signes de confusion postopératoire.
La mère était en colère puisqu’il ne s’agissait pas d’incohérence au réveil de son fils, mais du français. Malgré une insistance des parents avant la chirurgie, personne ne semblait reconnaître que l’enfant parlait bel et bien français et qu’il demandait simplement à voir sa mère. Une chirurgie de moins d’une heure a finalement pris une journée entière à l’hôpital pour cet enfant de 4 ans.
Quelques années plus tard, les parents de Tom réitèrent l’importance, pour les patients francophones, de toujours demeurer attentifs et alertes à leurs besoins et à leurs soins de santé. Cette expérience a miné leur confiance envers le système de santé et a renforcé leur désir d’exiger des services en français à l’avenir.
1.1.2 Mythes
Plus fondamentalement encore, il existe un grand problème de perception, voire de mythes persistants. Un francophone en Ontario est parfaitement bilingue. Il n’a donc pas besoin de services de santé en français. Lorsque vient le temps de se faire soigner, la langue n’est pas importante. Et puis, pourquoi traiterait-on le français différemment de toutes les autres langues parlées en Ontario?
On soulève souvent cette question de la pertinence du français en Ontario, alors que cette province connaît l’utilisation de centaines d’autres langues. Le français jouit d’un statut particulier en Ontario, de par la Constitution et des autres lois provinciales, mais aussi de par l’apport historique et contemporain des membres de la communauté francophone à la société ontarienne. Les droits inscrits dans la LSF ne sont pas des privilèges accordés aux francophones. Ils se sont battus avec acharnement, conviction et courage aux cours des derniers siècles pour obtenir la reconnaissance politique et législative de leurs droits.
Qui plus est, on a souvent tendance à occulter le fait que le français est aussi une langue d’accueil pour un grand nombre de personnes[11]. Ces mythes existent. Il faut les combattre avec vigueur.
« Une dame âgée de près de 80 ans se rend dans une clinique sans rendez-vous pour un malaise puis obtient une ordonnance. Elle commence sa médication même si elle ne la comprend pas, tout comme la posologie en anglais. Au bout d’une semaine, elle ne se sentait pas bien et elle est venue à notre centre. Le personnel lui a expliqué clairement les effets de cette médication et l’importance de bien suivre la posologie. Le personnel médical a donc modifié sa médication puisqu’il y avait des risques d’aggraver sa situation et aurait pu lui nuire au lieu de l’aider. »
-Marc Bisson, Directeur général
Centre de santé communautaire de l’Estrie
Il est tout simplement faux d’affirmer ou de croire que tous les francophones en Ontario sont de toute façon bilingues. Ce n’est pas lorsque le patient se retrouve en situation de vulnérabilité qu’il doit commencer, en plus de son inquiétude légitime envers son état de santé, à revendiquer de toutes ses forces son droit d’être entendu, compris et soigné dans sa langue. Que ce soit pour des cas d’unilingues francophones, d’ici ou venus d’ailleurs, que ce soit pour traiter de jeunes enfants, de cas de santé mentale ou encore pour prendre soin des personnes âgées, il est clair que les besoins de services de santé en français sont omniprésents.
1.2. Accès insuffisant aux services
Une étude de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), pour le compte du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM) du ministère fédéral de la Santé, a démontré que :
« […] l’accès aux services de santé en français pour les Franco-Ontariens est profondément insuffisant dans les services hospitaliers, les centres de santé communautaire, les cliniques médicales et les soins à domicile : ces quatre secteurs englobent la plupart des services de santé offerts en Ontario.
Dans les hôpitaux, le service des urgences est souvent le point central d’accès au système de soins de santé – or, les trois quarts des Franco-Ontariens se voient refuser l’accès à ce service dans leur langue.
(…) 74 % des Franco-Ontariens a affirmé n’avoir jamais ou presque jamais accès à des services hospitaliers en français. En fait, seulement 12 % déclarent avoir eu accès à des services chaque fois qu’ils sont allés à l’hôpital. […]
• 47 % n’ont jamais accès à un centre de services d’urgence offerts en français (sauf au service des urgences de l’hôpital);
• 59 % n’ont jamais ou presque jamais accès à des services à domicile pour personnes âgées offerts en français;
• 77 % n’ont jamais ou presque jamais accès à des centres de traitement de l’alcoolisme offrant des services en français;
• 66 % n’ont jamais ou presque jamais accès à des centres de traitement de la toxicomanie offrant des services en français;
• 66 % n’ont jamais accès à des centres d’hébergement d’urgence offrant des services en français aux victimes de violence familiale;
• 53 % n’ont jamais ou presque jamais accès à des services de santé mentale en français (sauf dans les hôpitaux psychiatriques)[12]. »
Plus récemment, en 2006, les Réseaux de santé en français en venaient à des conclusions similaires suite à un important exercice de planification intitulé Préparer le terrain : Soins de santé primaires en français en Ontario :
« Dans toutes les régions, on signale d’importantes variations dans la disponibilité des services de santé en français, un manque de professionnels de la santé bilingues, un manque de coordination et d’aiguillage pour maximiser l’utilisation de ces services par les francophones et un manque de suivis pertinents. Dans toutes les régions, on retrouve également un manque aigu de services de promotion de la santé ou de prévention de la maladie en français. Et partout en province, on déplore le fait que la planification des services en français par les différentes instances gouvernementales se fasse sans la participation de la communauté francophone[13]. »
Au-delà du fait qu’il manque encore justement des études précises sur la question de l’accessibilité aux soins de santé en français en Ontario, il n’en demeure pas moins que le domaine de la santé est certainement le sujet de préoccupation principal des francophones de cette province. En effet, dans tous ses déplacements et ses rencontres à travers la province, le commissaire a été interpelé constamment et sans relâche depuis le début de son mandat sur le manque d’accessibilité à des soins de santé en français.
1.2.1 Manque de ressources humaines
Partout, les besoins sont criants dans le domaine de la santé. Il ne suffit pas simplement de dire qu’il faut plus de personnes ayant des compétences en français pour que soudainement, ces ressources apparaissent. Il y a un manque de médecins, de personnel infirmier ainsi que d’autres professionnels de la santé et cette situation devient critique. Le commissaire est parfaitement conscient de cet état de fait.
Il n’empêche que, parfois dans certaines régions, les ressources sont pourtant là, à l’affût, comme un secret bien gardé. Mais l’interaction entre ces professionnels n’est pas au rendez-vous. Dans bien des cas, le personnel médical francophone cache tout simplement sa capacité de parler français pour éviter la surcharge de travail. La situation est bien réelle; un infirmier francophone s’identifiera comme anglophone pour ne pas en avoir plein les bras. Le système compte trop sur cette auto-identification du personnel francophone dans le système de santé, et cela affecte la rétention du personnel qui choisit de le faire.
En 1993, une mère s’est retrouvée devant l’impensable; accepter que son fils de 6 ans, Luc, demeure sans suivi thérapeutique faute de psychologue francophone dans sa région. Lorsqu’il était bambin, Luc a subi un grave accident lui causant un sévère traumatisme. Les médecins lui avaient alors recommandé une thérapie avec un psychologue. Mais devant l’absence de spécialiste en français pour leur fils, et avec quatre enfants à la maison, ses parents ont pris la décision difficile d’abandonner leurs démarches. Ils ont cru bon d’offrir temporairement du soutien eux-mêmes à leur fils à la maison. Pour eux, c’était la solution à court terme en attendant que Luc apprenne l’anglais et qu’il puisse consulter un psychologue anglophone. Ils s’y étaient résignés. Mais à long terme, cela les a finalement rattrapés. Aujourd’hui, Luc a 21 ans et poursuit la thérapie qu’il n’a pas eue en français à l’âge de 6 ans.
Également, on ne peut garantir l’égalité réelle en matière de services de santé en français si le personnel n’est tout simplement pas compétent pour être fonctionnel dans la langue de Molière. Avoir du personnel qui, au mieux, ne balbutie que le mot bonjour ne peut être qu’une solution diachylon.
Le gouvernement est très préoccupé par les pénuries de main-d’œuvre déjà présentes dans le système de santé. C’est avec raison qu’il a lancé des initiatives pertinentes telles que « ProfessionsSantéOntario »[14]. Il est important, toutefois, que le gouvernement reconnaisse que les problèmes et les solutions concernant la disponibilité des ressources humaines francophones en santé sont particuliers. Comme le rappelle le Bureau des services de santé en français du MSSLD, l’offre de professionnels de la santé parlant français est le défi principal qu’il faudra relever dans le cadre de la mise en œuvre des services en français au sein du système de santé. Voilà pourquoi le commissaire salue des initiatives comme le programme Carrière en santé/Career in Health[15] mené en collaboration avec le RIFSSSO[16].
Voilà donc quelques initiatives louables mais qui ne peuvent tout régler. Il faut plus d’efforts concertés. Il faut l’apport des idées de la communauté même. En effet, des stratégies spécifiques, impliquant la communauté francophone, doivent être mises de l’avant pour favoriser la formation, l’identification, le recrutement, la rétention et la mobilisation des ressources humaines francophone en santé[17].
1.2.2 Offre active
Une inquiétude frappe le commissaire quant à la méconnaissance des citoyens francophones à propos de leur accès à des services en français en santé et la disponibilité de ces services sur leur territoire. Beaucoup d’entre eux ignorent encore à quel endroit et quels services leurs sont offerts en français, en santé, dans leur communauté. Dans le même ordre d’idées, l’enquête postcensitaire[18] révélait que près de la moitié des francophones de l’Ontario voyaient le niveau d’accès et d’obtention à des services de santé dans leur langue comme très difficile ou impossible. Cette très forte proportion montre que les francophones ne savent pas nécessairement où aller pour obtenir des soins de santé en français, et lorsqu’ils le savent, ils ont de la difficulté parfois à obtenir ces soins dans leur langue. Il est évident qu’un effort de promotion intense s’impose afin d’aider les communautés francophones à connaître les soins de santé qu’on leur offre. Le nouveau lien internet du site du gouvernement http://www.health.gov.on.ca/ms/optionsdesoinsdesante/public/index.html#[19]représente certainement un pas dans la bonne direction. Mais le fardeau repose encore sur les épaules du citoyen de tenter de trouver activement un service en français.
Une partie de la solution passe notamment par l’offre active. Il a été démontré à plusieurs reprises qu’une offre active de services a un impact considérable sur la demande des services. Plus on offre un service, plus il y aura une demande par la suite. Cela s’applique tout autant dans le domaine de la santé.
En Ontario, le principe est le même et le citoyen francophone doit pouvoir s’attendre à ce qu’on lui présente cette offre de services dans sa langue. Il va de soi que lorsqu’il se rend à un centre francophone de santé communautaire comme le Centre de santé communautaire francophone de Sudbury, il est évident qu’il ne se pose pas de question et s’attend naturellement à recevoir des services de santé en français. C’est de l’offre active dans sa forme la plus simple. Les ministères et les RLISS doivent s’inspirer de cette forme de pratique d’offre active et voir à ce qu’elle soit mise en application par leurs fournisseurs de soins de santé désignés ou identifiés pour offrir des services en français.
Le commissaire s’est vu confier que le plus grand défi pour les fournisseurs de services de santé en français est de transiger avec un système qui n’assume pas sa responsabilité d’offrir, de façon active, un service en français de qualité en matière de santé. Le système n’en voit tout simplement pas l’importance, le besoin, ni la valeur ajoutée. Ne pas offrir un service dans la langue du patient, c’est de mettre sa santé en danger. Malheureusement, le système ne le reconnait pas encore.
Bien que le principe de l’offre active des services en français soit inscrit comme une volonté claire des plus hauts dirigeants gouvernementaux dans le document directeur interne A Framework for Action, ça ne se reflète pas toujours dans le domaine de la santé. L’offre active est un service minimum que devraient appliquer les fournisseurs de services. Or, le citoyen ne reçoit pas toujours activement cette offre minimum de service en français. Même lorsqu’il y en a, cela n’assure ni ne garantit la qualité des services offerts.
« Bien qu’importante, l’offre active ne garantit pas un traitement juste et équitable. Elle n’influencera pas nécessairement la demande de services non plus. Même si on nous offre des services en français au comptoir, on se demande si on va réellement passer en premier ou tomber sur une liste d’attente pour voir un médecin qui parle français. La crainte de ne pas recevoir des services équivalents demeure présente. Souvent, on continuera donc de demander nos services en anglais en croyant qu’on sera servi plus rapidement. C’est un problème d’ordre systémique. Le patient doit avoir la certitude qu’il recevra des services équivalents en termes de qualité et de rapidité à ceux offerts en anglais. L’offre active ne suffit donc pas à elle seule. »
-Marc Bédard, directeur général
Réseau francophone de santé du Nord de l’Ontario
1.3 Une communauté partenaire
Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée et les 14 RLISS doivent travailler de pair avec la communauté francophone afin d’améliorer la prestation des soins de santé aux francophones. La province et les RLISS n’ont pas le choix d’impliquer la communauté et ses acteurs dans les prises de décisions en ce qui a trait à la planification et l’accès aux soins de santé. Sans cette volonté d’entente et de partenariat, la santé des francophones se trouve en jeu.
La capacité d’une communauté d’agir sur sa réalité et de prendre en charge son développement est un facteur déterminant dans son aptitude à améliorer sa santé et son bien-être. À cet effet, le CCCFSM indique que :
« […] plus les francophones sont impliqués dans le processus de livraison des soins, dont la gouvernance des institutions de santé, plus la place du français est respectée et est reflétée dans la prestation de services. Cette participation est également cruciale pour faciliter une véritable prise en charge de la santé par la population[20]. »
Cela démontre l’impact majeur de l’implication de la communauté sur le plan de la planification et la gestion des services de santé. La participation active de la communauté francophone est souhaitable et essentielle en matière de soins de santé.
En Ontario, l’ensemble des services de santé en français ainsi que les ressources humaines francophones ne sont ni accessibles ni disponibles dans tous les territoires de desserte de chaque RLISS. Pourtant, les RLISS ont l’obligation de se concerter pour assurer l’accès à des services en français pour les communautés francophones. D’ailleurs, la LISSL prévoit qu’ils mettent en œuvre et participent à des stratégies mixtes avec d’autres RLISS afin d’améliorer les soins et l’accès à des services de santé de grande qualité. La loi prévoit également qu’ils puissent promouvoir la continuité des soins de santé entre les systèmes de santé locaux de la province[21]. Mais encore faut-il qu’il y ait une réelle volonté des RLISS d’y parvenir.
Les francophones ont démontré maintes fois leur volonté et leur capacité de collaborer avec le gouvernement et les instances du système de santé pour améliorer l’accès aux services de santé dans leur langue. Il en va de même avec l’amélioration de la santé de la population francophone en général. D’ailleurs, « [la] réussite du développement des communautés repose en bonne partie sur leur capacité à assurer la concertation des acteurs et à traduire cette concertation en partenariat, […] afin de répondre aux besoins reconnus conjointement »[22]. La communauté francophone considère qu’elle est la mieux placée pour identifier ses besoins et elle souhaite ardemment être impliquée dans la recherche de solutions pour améliorer l’accès aux services mais aussi la santé de ses membres. Il importe de souligner que cette logique est essentiellement la même qui a conduit le législateur à adopter la LISSL. La communauté francophone devient donc un acteur et partenaire incontournable en matière d’accès aux soins de santé en français, surtout lorsque son développement et son épanouissement sont en question.
1.3.1 Exemple des centres de santé communautaire
Le partenariat communautaire comprend évidemment les centres de santé communautaires de l’Ontario. Cela inclut 62 centres de santé communautaire sans compter les bureaux satellites[23] en Ontario. Leur rôle est primordial et essentiel dans la prestation des services de santé dans les communautés francophones. Mais malheureusement, les centres de santé communautaire ne sont pas toujours perçus comme des partenaires, surtout lorsqu’ils offrent que des services en français, et c’est le patient francophone qui écope.
« Les médecins anglophones de la région évitent de nous référer des patients francophones par crainte de les perdre comme clients. Il aura fallu les rencontrer un à un pour leur faire comprendre que nous ne souhaitons pas voler leurs patients francophones. Ils doivent plutôt se servir de nous en tant que ressource et nous voir comme partenaire communautaire. »
-Marcel Castonguay, directeur général
Centre de santé communautaire Hamilton/Niagara
Depuis plus d’un an maintenant, cette barrière est levée entre les médecins de la région d’Hamilton/Niagara. Le commissaire est d’avis que cette ouverture à faire appel aux ressources communautaires francophones doit faire boule de neige et se refléter dans les ententes avec la communauté.
Il est entendu que, pour reprendre la notion de l’offre active, lorsque le patient francophone se présente au Centre de santé communautaire de l’Estrie,[24] il ne se pose pas de questions quant à la langue de services qu’il recevra, le libérant ainsi d’un lourd fardeau qui reposait sur ses épaules. Qui plus est, les centres de santé communautaire sont des preuves tangibles de la vigueur et de la vitalité des communautés francophones. Elles se responsabilisent et s’approprient les soins de santé en français dans les communautés. Ces modèles doivent être encouragés en ce que la finalité de ces centres accomplit bien davantage que la simple livraison de services de santé en français, finalité déjà bien assez complexe. Les centres de santé communautaire francophones représentent un maillon important dans la théorie de la complétude institutionnelle, développée dans l’affaire Lalonde[25], et qui consiste essentiellement à indiquer que toute perte d’institutions de la communauté peut contribuer à l’érosion de la confiance des francophones à leurs égards et, donc, entraîner l’assimilation. Il devient parfois difficile de quantifier bureaucratiquement ce que peut représenter la fierté de gérer et de servir sa communauté, efficacement, en français.
Pour ces raisons, il est malheureux que le MSSLD ne finance plus de nouveaux centres de santé communautaire. Car, ces exemples représentent l’expression adéquate de services concrets et pratiques, modulés en fonction des besoins de développement de la communauté minoritaire francophone de l’Ontario, contribuant à l’enrayement du fléau de l’assimilation.
1.3.2 Exemple des Réseaux de santé en français
On compte quatre Réseaux de santé en français en Ontario. Le premier de ces réseaux a vu le jour dans la foulée de la crise de l’Hôpital Montfort en 1997. Depuis ce temps, trois autres réseaux ont été mis en place suite à la publication du premier rapport du CCCFSM du ministère fédéral de la Santé en 2001. Leur rôle en est un d’appui en matière de planification, de développement et d’évaluation des services de santé en français et de concertation des partenaires.
Ce type de réseau peut être un modèle intéressant de partenariat avec la communauté, et par le fait même, un modèle de maillage qui a du potentiel d’efficacité. De par leurs assises dans la communauté francophone, ces réseaux pourraient être en mesure, si les ressources leurs sont fournies, d’aider concrètement les RLISS à s’assurer d’une réelle participation de la communauté au processus de planification des services et à la recherche de solutions adaptées aux besoins spécifiques de cette communauté.
Conclusions
L’accès à des services de santé en français est une question de qualité de service, en plus d’être un enjeu d’efficacité et d’efficience du système. De plus, la population francophone possède ses caractéristiques propres et il faut reconnaître ces différences lors de la planification des politiques et des services qui touchent la santé. La disponibilité du personnel ayant les compétences linguistiques et culturelles requises doit donc être assurée.
La communauté francophone doit être considérée comme partenaire incontournable pour améliorer l’accès aux services de santé en français. La représentation et la participation active de la communauté sont essentielles à tous les niveaux de l’organisation. Elles permettent à une organisation de soins de santé de mieux comprendre les besoins de ses patients. Elles aident à mieux allouer les ressources et à mettre en place les mécanismes nécessaires afin que l’organisation soit imputable de la qualité de ses services.
La reconnaissance des organisations existantes de planification et de prestation de services de santé en français permet de bâtir sur les expériences et les expertises déjà acquises dans le système. Plusieurs organisations offrent déjà des services adaptés aux besoins spécifiques de la population francophone. Les meilleures pratiques de ces organisations devraient être partagées et reconnues afin d’éviter des dédoublements d’efforts.
Recommandations
Recommandation 1
Le commissaire recommande que les ministères et les instances du système de santé prennent en compte les caractéristiques propres de la communauté francophone, dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques de santé et leurs politiques sociales qui visent à améliorer la santé de la population.
Recommandation 2
Le commissaire recommande que le gouvernement et les instances du système de santé considèrent l’accès à des services de santé en français comme un critère de qualité des services, d’efficacité et d’efficience du système.
Recommandation 3
Le commissaire recommande au gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies spécifiques, impliquant la communauté francophone, pour favoriser la formation, l’identification, le recrutement, la rétention et la mobilisation des ressources humaines francophones en santé.
Chapitre 2 – Obligations et opportunités
Étant minoritaires, il est entendu que les communautés de langue officielle au Canada ont pratiquement toujours voulu s’assurer de solides assises juridiques. Il s’agit là d’une protection toute évidente contre des changements de gouvernements qui peuvent avoir des visées autres et aussi pour se prémunir du pouvoir de la majorité. Car il ne faut pas se leurrer; sans être de mauvaise foi, la majorité n’est pas toujours en mesure de bien comprendre les besoins et les priorités des communautés minoritaires de langue officielle. Voilà pourquoi la Constitution du Canada et plus particulièrement la Charte canadienne des droits et libertés accordent une place aussi importante aux droits linguistiques.
D’aucuns pourraient arguer qu’en période de restriction budgétaire, alors que la plus importante part du budget total du gouvernement provincial est allouée au domaine de la santé,[26] ce n’est pas le moment d’engager de nouvelles dépenses. En planifiant stratégiquement en fonction des besoins de santé des individus et de la communauté, ce qui est d’ailleurs toute la pensée derrière la mise en place des RLISS, le gouvernement et ses institutions s’acquitteront à la fois de leurs obligations et s’assureront de tempérer l’augmentation des coûts reliés à la santé en se dotant de communautés formées d’individus en meilleure santé.
On ne dessert pas la clientèle francophone en français parce que l’on est obligé de le faire. On le fait parce que ça améliore directement la santé des gens; c’est tout simplement la meilleure chose à faire.
2.1 Principes généraux
La Loi sur les services en français date déjà de 1986, bien que son entrée en vigueur se soit faite largement à partir de 1989. La LSF prévoit, entre autres, l’obligation du gouvernement de l’Ontario et de ses organismes gouvernementaux d’assurer la prestation de ses services en français,[27] ainsi que le droit de la population d’utiliser le français pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature ou avec un bureau local dans une région désignée.[28]
Dans l’affaire Lalonde (connue aussi sous l’affaire Montfort), la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que la LSF a été « présentée et adoptée en 1986 dans le contexte général d’une progression et d’une amélioration constantes des services en français »[29]. La LSF doit être interprétée à la lumière du principe constitutionnel fondamental du respect et de la protection des minorités. Elle doit donc recevoir une interprétation large et libérale, en conformité de ses objectifs de promouvoir et de protéger la communauté francophone de l’Ontario. La Cour d’appel de l’Ontario a aussi reconnu le caractère quasi-constitutionnel de la LSF.
Mais au-delà de la reconnaissance des droits linguistiques, la communauté francophone de l’Ontario doit pouvoir compter sur la présence d’institutions pour se développer et s’épanouir. La reconnaissance publique de la langue, soit son statut, ainsi que le soutien institutionnel accordé à la communauté sont des facteurs essentiels au développement de la communauté francophone.
Ainsi, le principe d’égalité réelle[30] a de la valeur lorsqu’il accompagne la reconnaissance du droit de la communauté francophone de participer et de gérer des institutions essentielles à son développement. La lutte entourant l’Hôpital Montfort rappelle toute l’importance du lien entre les institutions de la communauté, sa reconnaissance publique par le gouvernement et la préservation de l’héritage et du patrimoine francophone de l’Ontario pour les générations à venir, tel qu’indiqué dans le préambule de la LSF.
Les organismes gouvernementaux jouent un rôle important dans l’épanouissement des communautés francophones de l’Ontario. Tout récemment,[31] la Cour suprême du Canada a confirmé que, dépendamment de la nature du service offert, ce service doit être conçu et offert en fonction des besoins de la communauté francophone. Il s’agit, là encore, d’une question d’égalité réelle.
2.1.1 La Loi sur les services en français dans le contexte de la santé
Une diminution des services de santé offerts à la communauté francophone et une action qui compromettrait la formation des professionnels de la santé en français « accroîtraient l’assimilation des Franco-Ontariens »[32]. Les institutions de santé jouent donc un rôle positif et déterminant dans la promotion des communautés francophones.
Dans l’affaire Lalonde, la Cour divisionnaire et la Cour d’appel de l’Ontario ont reconnu qu’une institution de santé a un rôle plus large que la simple prestation de services de soins de santé. Ce rôle plus large « comprend notamment celui de maintenir la langue française, de transmettre la culture francophone et de favoriser la solidarité au sein de la minorité franco-ontarienne » [33].
Les tribunaux ont accordé une interprétation large et libérale de la LSF. Dans le contexte de la santé, la Cour d’appel de l’Ontario a défini l’expression « services » à l’article 5 de la LSF comme faisant référence aux services de soins de santé offerts quand l’Hôpital Montfort a été désigné en vertu de la LSF[34]. Ainsi, la décision de la Commission de restructuration des services de la santé de diminuer les services de santé offerts par l’Hôpital Montfort a été jugée contraire à la LSF. Il découle clairement de l’affaire Lalonde que les tribunaux donnent une place importante aux institutions de soins de santé dans la protection, la promotion et l’épanouissement des communautés francophones de la province. La LSF doit être interprétée de façon large et libérale afin de protéger le rôle important accordé aux institutions de santé.
2.1.2 Organismes désignés partiellement ou en totalité
La désignation d’un organisme offrant des services publics, en vertu de la LSF, a été interprétée comme accordant non seulement le droit aux services de santé en français, mais aussi le droit à « toute structure nécessaire assurant la prestation de ces services de santé en français ».[35]. Il s’en suit qu’une décision, même discrétionnaire, modifiant les services offerts par une institution de santé désignée par la LSF, voire la qualité de ces services, « ne peut pas reposer sur de simples arguments de commodité administrative et de vagues préoccupations de financement »[36].
Les organismes offrant des services publics peuvent être identifiés comme fournisseurs de services de santé en français sans toutefois posséder la désignation en vertu de la LSF. D’autre part, la désignation d’organismes n’a rien à voir avec les régions désignées en Ontario. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un hôpital se trouve dans une région désignée qu’il est automatiquement désigné. L’organisme doit en faire la demande. En fait, tous les organismes offrant des services ou des programmes pour le compte du ministère de la Santé et des Soins de longue durée peuvent faire la demande de désignation pour devenir, en vertu de la LSF, un organisme gouvernemental offrant des services publics en français. Cette demande est sur une base volontaire et doit provenir des organismes mêmes. Présentement, selon les données fournies par le MSSLD, l’Ontario compte 97 fournisseurs de services désignés ou partiellement désignés[37] par règlement en vertu de la LSF.
Les organismes doivent cependant se qualifier et satisfaire au préalable les quatre critères d’évaluation de demande de désignation. Ces critères[38] sont d’offrir de manière permanente des services en français de qualité, de garantir l’accessibilité de ses services en français, d’assurer que des francophones siègent, de façon proportionnelle, au conseil d’administration et dans la direction de l’organisme, puis de développer une politique écrite de services en français adoptée par le conseil d’administration et définissant les responsabilités de l’organisme en matière de services en français. En résumé, c’est un peu un ISO 9001:2000[39] francophone, en ce que la désignation garantit une volonté expresse de l’institution d’offrir des services de qualité en français.
Enfin, il est possible d’obtenir la désignation complète ou partielle. Une désignation partielle signifie qu’une partie seulement des services de l’organisme sont disponibles en français.
2.1.2.1 Obligations reliées à la désignation et à l’identification
Avant la création des RLISS, la responsabilité face à l’application de la LSF par rapport à l’offre des services en français dans le domaine de la santé revenait au ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD). Ainsi, lorsque le RLISS conclut un achat de services ou une entente de responsabilisation en matière de services avec un fournisseur, il doit s’assurer d’inclure une clause d’offre de services en français de la part de ces fournisseurs. Le RLISS demeure donc imputable des services en français qu’offrent ces organismes au terme d’une telle entente.
Lorsque désignés ou identifiés, les organismes sont tenus d’offrir les services de santé en français, au même titre que les ministères, et se trouvent dans l’obligation de faire état de ces services dans le cadre de leur exercice annuel de planification des services de santé[40]. Les organismes doivent rédiger ce rapport annuellement et le présenter au RLISS afin d’évaluer les progrès dans la mise en œuvre des services en français et en identifier les possibles lacunes. Ainsi, le ministère peut calculer l’indice d’équité et de rendement de ces organismes en matière de prestation des services en français selon la désignation.
Un organisme identifié n’est pas nécessairement un organisme désigné
En effet, il arrive fréquemment que, dans des régions désignées, il n’existe tout simplement pas ou peu d’organismes partiellement ou totalement désignés, en vertu de la LSF. Par contre, un organisme peut être identifié par le MSSLD, et maintenant par les RLISS, pour offrir des services de santé en français[41]. Dans ce cas, même si certaines organisations ne sont pas désignées en vertu de la LSF, elles ont quand même l’obligation de rendre des services de qualité et, en conséquence, doivent assurer des appuis minimaux, tels que des services d’interprétation et de la formation à leurs employés en matière de compétences culturelles afin de garantir la qualité des services rendus à la population.
Le MSSLD, maintenant avec les RLISS, a la responsabilité d’informer les fournisseurs de services de santé de leurs obligations d’offrir des services en français qui soient aussi de qualité. Il est aussi de leur responsabilité d’octroyer les ressources nécessaires à ces organisations pour qu’elles puissent remplir ces obligations. C’est le gouvernement et les RLISS qui doivent s’assurer que ces organisations sont imputables spécifiquement de ces obligations.
2.2 Principaux acteurs
En 2006, le gouvernement de l’Ontario s’engage dans une réforme en profondeur du système de santé en Ontario. L’Assemblée législative adopte la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local (la LISSL), qui a, comme son nom l’indique, pour objectif d’intégrer les services de santé au niveau local. Cette loi confère aux RLISS une responsabilité importante de voir à ce que le système de santé local accorde la priorité aux besoins de la collectivité. Elle exprime toute l’importance consentie par le législateur de remettre à la communauté la responsabilité de planifier, gérer et intégrer le système de santé locale en y désignant pour ce faire les RLISS.
La LISSL stipule également que les services de santé en français feront l’objet d’une attention particulière dans le développement et la mise en œuvre des nouveaux Réseaux locaux d’intégration de services de santé (RLISS). La LISSL prévoit que ces RLISS devront engager la collectivité des diverses personnes et entités qui œuvrent au sein du système de santé local, notamment dans le plan de services de santé intégrés, et lors de l’établissement des priorités. Plus spécifiquement, chaque RLISS doit engager son « entité de planification des services de santé en français de la zone géographique qui est prescrite ».
Le législateur s’attend donc clairement que la Loi sur les services en français s’applique dans la prestation des services de santé en français et il en a prévu des moyens précis dans la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local.
Le système de santé en Ontario comprend toute une myriade d’acteurs tous aussi importants les uns que les autres. D’une perspective du mandat du Commissariat, à la lumière des obligations et responsabilités à l’égard de la planification de services de santé en français, ce rapport identifie trois grandes classes d’acteurs principaux. En premier lieu, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) ainsi que le ministère de la Promotion de la Santé (MPS) jouent un rôle naturellement prépondérant. La création des nouveaux RLISS suscite beaucoup d’attentes et d’expectatives au sein de la population tout comme pour le MSSLD. Enfin, la LISSL identifie clairement que la communauté, y compris la communauté francophone, doit jouer un rôle clé dans la planification et la mise en place d’un système de santé intégré et responsable localement.
2.2.1 Rôle des ministères
En plus d’articuler les grandes stratégies du gouvernement ontarien, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée est chargé de l’administration du système de soins de santé et de la prestation de services à la population de l’Ontario. Il y parvient par l’entremise de divers programmes dont l’assurance-santé, les programmes de médicaments ou encore le programme des appareils et accessoires fonctionnels. Bien que ne fournissant pas directement de soins de santé, il réglemente sans toutefois administrer les hôpitaux, les maisons de soins infirmiers et les laboratoires médicaux. Son rôle est davantage d’articuler les stratégies du gouvernement ontarien. Par ailleurs, comme tout ministère du gouvernement de l’Ontario, le MSSLD et le MPS ont obligation de se conformer et de respecter la LSF.
La mission du ministère de la Promotion de la santé est d’aider les Ontariens à mener une vie plus saine en leur proposant des programmes qui encouragent des choix et des modes de vie sains. Au même titre que le MSSLD, ce dernier ne dispense aucun soin de santé aux patients. Néanmoins, il élabore des politiques en matière de santé et fournit de l’information et des outils qui aident les citoyens à adopter des habitudes saines. Pour ce faire, il travaille en étroite collaboration avec ses homologues du gouvernement notamment le ministère de la Santé et de Soins de longue durée, celui de l’Éducation, ou encore celui des Services à l’enfance et à la jeunesse, tout en créant des partenariats avec les collectivités locales, divers organismes, ainsi que de partenariats avec le secteur privé[42].
Le MSSLD se détache graduellement des affaires administratives quotidiennes afin de se concentrer davantage sur la conception, le financement, la surveillance et l’élaboration de stratégies. Bref, c’est en quelque sorte un rôle d’intendance. C’est ce que prévoit la LISSL[43].
2.2.2 Les Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS)
En 2006, la LISSL crée 14 réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS), mandataires de la Couronne et assujettis à la Loi sur les services en français. Ils collaborent avec les fournisseurs de soins de santé locaux et les membres de la collectivité afin d’élaborer des plans d’intégration des services de santé pour les secteurs qu’ils desservent. Ils assument donc un rôle de planification et de financement des services de santé sans offrir de services directs à la population. La création des RLISS repose sur un credo clair : planifier, coordonner et financer de manière intégrée à l’échelle locale les besoins et les priorités en matière de services de santé définis par les membres des collectivités, considérés comme étant les mieux placés.[44] Plusieurs organismes relèvent de ces nouvelles instances, comme les hôpitaux publics et privés, les centres d’accès aux soins communautaire (CASC), les centres de santé communautaire ou les foyers de soins de longue durée. Chaque RLISS est un organisme qui agit comme mandataire de la Couronne[45] et a donc comme mission de :
« Promouvoir l’intégration du système de santé local afin de fournir des services de santé appropriés, coordonnés, efficaces et efficients. »
Comme le ministère, chaque RLISS doit élaborer une stratégie locale, désignée dans la Loi comme « plan de services de santé intégrés ». Ce plan doit élaborer « une vision, un ensemble de priorités et une orientation stratégique pour le système de santé local et énoncent des stratégies sur les moyens d’intégrer celui-ci de façon à réaliser l’objet de la [LISSL] »[46].
D’un rapide coup d’œil, il est facile de constater à quel point les responsabilités sont grandes et la tâche, colossale.
Les RLISS n’ont pas l’obligation, comme le ministre, de créer un comité consultatif quant aux services de santé en français, mais ceux-ci se doivent « d’engager de façon soutenue » la collectivité de la région desservie dans l’élaboration du plan intégré de service de santé.
Lorsqu’il est question de la communauté francophone, la LISSL prévoit plutôt l’engagement du RLISS envers son entité de planification des services de santé en français, L’expression « entité de planification des services de santé en français » n’est pas définie dans la Loi. Le législateur a toutefois indiqué que les entités de planification des services de santé en français doivent être établies par règlementation afin d’obliger les RLISS à les engager dans leur planification.
Les RLISS sont ainsi des organismes gouvernementaux au sens de la LSF. Bien entendu, étant donné l’obligation explicite de respecter les principes de la LSF dans l’intégration des services de santé, les RLISS œuvrant dans les régions désignées se doivent donc « d’engager de façon soutenue » la communauté francophone dans l’élaboration de ces plans. Incidemment, l’affaire Desrochers[47] rendue par la Cour suprême du Canada le 5 février 2009, abonde tout à fait dans ce sens, même si la décision portait sur les obligations des institutions fédérales. La clé de cette affaire concernait la portée de l’expression « services de qualité égale ».
« Il est difficile de concevoir comment l’institution fédérale pourrait rendre les services de développement économique communautaire mentionnés dans son programme sans la participation des communautés visées, tant pour ce qui a trait à l’élaboration des programmes qu’à leur mise en œuvre. C’est là la nature même du service offert par l’institution fédérale. » (Para. 53.)
Le législateur a choisi d’obliger les RLISS « d’engager de façon soutenue » la communauté, ce qui doit pouvoir signifier plus que la simple consultation. Les membres de la collectivité doivent donc avoir une participation significative dans l’élaboration du plan de services et des priorités.
En résumé, le rôle du RLISS consiste à planifier les soins de santé d’une région donnée. Par la suite, comme il ne livre pas directement les services de santé, il doit s’assurer que les fournisseurs de services, comme les hôpitaux et autres centres de santé, respectent les priorités établies par le RLISS.
2.2.3 Projet de règlement sur l’engagement de la collectivité francophone
Le 13 septembre 2008, le MSSLD a déposé un projet de règlement portant sur l’engagement de la collectivité francophone en application de l’article 16 de la LISSL.
« 16. (1) Les réseaux locaux d’intégration des services de santé engagent de façon soutenue la collectivité des diverses personnes et entités qui œuvrent au sein du système de santé local au sujet du système, notamment le plan de services de santé intégrés, et lors de l’établissement des priorités.
[…]
Fonctions
(4) Lorsqu’il engage la collectivité comme le prévoit le paragraphe (1), le réseau local d’intégration des services de santé engage :
[…]
b) d’autre part, l’entité de planification des services de santé en français de la zone géographique du réseau qui est prescrite. 2006, chap. 4, par. 16 (4) […] »
Les réactions à ce projet de règlement ne se sont pas fait attendre très longtemps. Durant la période de consultation publique, le ministère a reçu plusieurs centaines de lettres de protestations. Le commissaire a fait part également de ses commentaires dans une lettre publique écrite au ministre le 12 novembre 2008. L’analyse détaillée de ce projet de règlement a déjà été faite et ce rapport spécial ne porte pas exclusivement sur ce projet.
Le projet de règlement a aussi fait l’objet de bien plus d’une centaine de plaintes au Commissariat aux services en français, plusieurs de ces plaintes contenant de longues pétitions. La communauté a réagi fortement à ce projet de règlement. Et pour cause!
Bref retour
Il importe de se remettre quelque peu dans le contexte des discussions entourant la préparation de la nouvelle structure proposée dans la LISSL actuelle. À l’époque, les membres de la communauté francophone avaient activement participé au processus de négociation.
Le MSSLD avait même mandaté un Groupe de travail sur les services de santé en français, présidé par Gérald R. Savoie[48]. Ce groupe a remis au ministre un rapport en octobre 2005 dans lequel on dressait une feuille de route pour une meilleure accessibilité et une plus grande responsabilisation envers les services de santé en français. On y préconisait alors, entre autres, l’établissement d’un RLISS essentiellement francophone, tant pour des raisons de gouvernance, d’appartenance que d’efficacité et d’imputabilité.
Le gouvernement n’a pas suivi cette recommandation, pour des raisons tout aussi valables que le présent rapport ne remet aucunement en cause. Du côté gouvernemental, il aurait été difficile d’imaginer un RLISS francophone qui aurait vraisemblablement eu comme territoire l’ensemble des régions désignées sous la LSF et qui, par le fait même, aurait entraîné une confusion auprès des fournisseurs de services.
Il reste que la LISSL prévoit que chaque RLISS doit engager la collectivité francophone via une entité de planification des services de santé en français. Cela doit nécessairement prévoir, en toute logique juridique, et de toute évidence, que le législateur a voulu faire un compromis. Pas de RLISS francophone tel que demandé, mais au minimum, chaque RLISS sera encadré d’un mécanisme, en l’occurrence l’entité de planification, pour s’assurer de la pleine participation des forces vives du milieu francophone dans la planification et dans la gouvernance des services de santé en français.
Or, depuis la création des RLISS, quelques efforts louables ont été faits ici et là, mais dans l’ensemble, très peu. Les RLISS sont en attente. Avant de faire quoi que ce soit, encore là à quelques exceptions près, les RLISS attendent patiemment le projet de règlement.
Pendant ce temps, les RLISS grandissent et prennent de l’assurance dans leurs nouvelles fonctions, mais les services de santé en français, dans l’ensemble, ne constituent absolument pas une priorité.
2.2.3.1 Principales préoccupations au projet de règlement
Comités consultatifs v. entités de planification francophones
Il est clair qu’il existe ici une réelle difficulté à pallier. Le projet de règlement vise la création de comités consultatifs en vertu de l’article 16 de la LISSL. Or, la communauté francophone s’attendait plutôt à la création d’entités de planification des services de santé en français, comme le prévoit le para 16(4) LISSL.
Le projet de règlement indique que le comité, assumant que ce sera dorénavant une entité de planification, se compose de particuliers qui représentent la diversité de la collectivité francophone et qui œuvrent au sein du système de santé local ou sont touchés par celui-ci. Le projet de règlement prévoit à juste titre que les particuliers nommés à ces entités participent à la planification et à la prestation de soins de santé dans la zone géographique, notamment les organismes communautaires, les établissements d’enseignement, les membres des professions de la santé réglementées et les fournisseurs de services de santé.
Or, au-delà de la composition des membres d’un comité consultatif, quelles seraient les ressources pour encadrer le travail de ces bénévoles? Quel serait le mandat précis? Comment s’assurer d’une réelle imputabilité envers la communauté francophone? Comment garantir que le RLISS prendra au sérieux les recommandations d’un autre comité consultatif?
Le législateur a voulu responsabiliser chacun des RLISS envers ses obligations en vertu de la LSF tout en ne voulant pas se dissocier des forces vives du milieu francophone en santé, d’où la mention des entités de planification des services de santé en français. Il ne s’agit pas là d’une erreur de la part du législateur, mais bien d’une volonté ferme de s’associer aux forces vives du milieu francophone, en santé. On ne doit pas donner l’impression que l’on repart à zéro, mettant de côté toute la richesse de l’expertise et du maillage acquis au cours des dernières années, voire bien au-delà.
Les fonctions d’une entité de planification de services de santé en français seraient multiples. Il est question ici de déterminer les besoins de la communauté francophone de la région. Ou encore de recommander la désignation partielle ou totale de certains services clés en identifiant les fournisseurs de services. Puis, il importe d’évaluer les plans de services de santé en français de ces fournisseurs de services afin d’aider le RLISS à accomplir sa mission. L’entité pourra aider le RLISS à identifier les ressources professionnelles manquantes et à élaborer des stratégies en vue de la formation et du recrutement. L’entité aura aussi comme fonction d’appuyer le ministère de la Promotion de la Santé dans ses stratégies de promotion de la santé auprès de la communauté francophone du territoire desservi, stratégies élaborées en fonction des besoins identifiés au préalable comme prioritaires. Bref, la liste n’est pas exhaustive.
Mais au bout du compte, un comité consultatif n’est tout simplement pas une entité de planification des services de santé en français.
Encadrement et ressources des entités de planification de services de santé en français
Or, même si la composition de ces nouvelles entités semble adéquate, ces comités demeurent à vocation consultative sans indication de ressources adéquates, ni de garantie de suivi de leurs recommandations. Une raison de plus de modifier le projet de règlement pour obtenir des entités de planification de services de santé en français. Les RLISS sont responsables de veiller au respect de la LSF puisqu’ils sont de nouveaux organismes gouvernementaux au sens de la Loi.
Cela dit, il est parfaitement plausible que, dans certaines régions comme à Toronto, il faille doter plusieurs RLISS d’une même entité de planification de services de santé en français. En effet, dans la seule région de Toronto, on ne dénombre pas moins de cinq RLISS couvrant l’ensemble du territoire. Or, les francophones se retrouvent dispersés géographiquement dans cet ensemble. Il est normal de penser que le seul foyer pour personnes âgées, à titre d’exemple, dessert ainsi la collectivité de l’ensemble du territoire de la grande région métropolitaine de Toronto.
L’avenir
On peut comprendre l’étonnement et la forte réaction communautaire au projet de règlement proposé. Mais depuis la consultation publique, qui prenait fin à la mi-novembre 2008, les échos laissent croire à un cheminement plutôt positif et encourageant à propos de ce projet de règlement, aux dires du premier ministre lui-même, l’honorable Dalton McGuinty : « Je vais continuer à travailler avec le ministre Caplan pour faire certain que nous protégeons les droits des francophones pour qu’ils puissent avoir un vrai rôle pour diriger les services sur lesquels ils dépendent dans le domaine des soins de santé[49]. »
Le commissaire voit cette prise de position d’un très bon œil et espère fortement que l’on tiendra compte des différentes observations issues de la communauté et que l’on tentera d’y répondre en proposant un projet de règlement modifié et adapté en fonction des réels besoins de cette communauté. À cet effet, un groupe de travail a été mis en place afin de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties dans le dossier du projet de règlement sur l’engagement de la communauté francophone. Présidé par l’honorable Charles Beer et composé des représentants du MSSLD, de l’Office des affaires francophones, du Comité consultatif provincial sur les affaires francophones, du Conseil consultatif des services de santé en français ainsi que l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, ce groupe se penchera, entre autres, sur le contenu du projet de règlement.
Conclusions
L’actuel projet de règlement est inconsistant avec la volonté du législateur exprimée dans la LISSL. Tel que stipulé dans l’article 16, la loi parle d’entités de planification des services de santé en français et non de comités. Le projet de règlement doit être précis quant au rôle de ces entités et quant à la structure de gouvernance qui permettra à ces entités de réaliser leur mandat. Il est donc clair pour le commissaire que l’on doit modifier le projet de règlement afin de faire référence aux entités de planification comme prévu par la lettre et l’esprit de la LISSL.
Recommandation
Recommandation 4
Le commissaire recommande au ministre de la Santé et des Soins de longue durée de modifier le projet de règlement afin de revenir au libellé de la LISSL et de prévoir de réelles entités de planification de services de santé en français, pour chacun des RLISS ou pour des regroupements de RLISS.
Chapitre 3 – Planification et gouvernance
Depuis longtemps, « les francophones, même bilingues, doivent avoir accès à des services en français parce que la langue maternelle, qui constitue la base du développement de la personnalité et permet le plus facilement d’exprimer ses besoins et ses sentiments, revêt une très grande importance dans la relation entre la personne ou l’institution qui prodigue les soins et la personne qui les reçoit »[50]. On en parlait en 1975 et c’est encore vrai aujourd’hui.
Les organismes et autres institutions œuvrant dans le domaine de la santé jouent un rôle de première ligne dans la livraison des services de santé en français. La nouvelle LISSL et la création des RLISS ne changent pas cette donne importante. Ce que la LISSL devrait apporter par contre, c’est davantage de contrôle local des priorités dans le domaine de la santé. Le présent chapitre porte sur les aspects de planification entre les différents acteurs gouvernementaux et les acteurs qu’ils desservent.
3.1 Liaison entre le ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) et les RLISS
3.1.1 Création et rôle de la Direction de la liaison avec les RLISS
Voir à la création de 14 nouvelles sociétés mandataires de la Couronne qui doivent chacune chapeauter d’énormes fonctions auparavant effectuées par les fonctionnaires du ministère n’est certes pas une tâche facile.
Pour faciliter et assurer une meilleure transition, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée a créé, en 2007, la Direction de la liaison avec les RLISS pour intervenir auprès de ces derniers. Cette direction est donc une branche du ministère qui agit à titre d’intermédiaire entre le MSSLD et les RLISS. Son rôle est d’assurer une coordination et une relation constante entre le ministère et les réseaux, ainsi que de voir à ce que les obligations de la LISSL soient respectées des deux côtés.
À l’intérieur de cette direction se trouve un autre bureau, soit celui des services en français (BSSF)[51]. Ce bureau voit principalement à la mise en œuvre des services de santé en français tant auprès du ministère qu’auprès des RLISS. Il joue donc un rôle d’intendant en conseillant le ministère sur l’intégration des services en français dans le système de santé.
À l’origine, le MSSLD a mis cette structure en place afin de garder un œil sur le travail des RLISS. En créant ces deux bureaux, le but recherché était que les RLISS allaient être supervisés dans leurs nouvelles tâches en obtenant le soutien et les ressources nécessaires à leur mise en œuvre. Cependant, cela s’est avéré tout autrement. Le Bureau des services de santé en français, qui ne relève plus de la Direction de la liaison avec les RLISS[52], aurait dû être en mesure de bien entourer, encadrer et soutenir les RLISS dans l’intégration et la planification des services de santé en français, notamment avec les communautés. Or, le commissaire constate que les RLISS n’ont pas bien saisi, dès leur création, leurs obligations en vertu de la LSF. Il en était du rôle de la Direction de la liaison avec les RLISS d’y voir.
Le commissaire reconnait toutefois que les 14 RLISS nouvellement mis en place subissent d’énormes pressions, sans compter que ces organisations connaissent un fort roulement de personnel. À la demande du MSSLD, la firme KPMG a analysé l’efficacité de la transition et la dévolution de pouvoir entre le ministère et les RLISS nouvellement créés. La firme a rendu son rapport final le 30 septembre 2008[53]. Il est tout au crédit du MSSLD d’avoir mené un tel exercice, question de pouvoir ajuster le tir en conséquence alors que nous sommes encore en période prolongée de transition[54].
Le rapport indique ceci, dans une section traitant de l’engagement de la collectivité:
« En outre, les RLISS sont intervenus très activement dans le domaine de la planification en élaborant des PSSI [Plan de services de santé intégrés] et en mettant sur pied différentes structures de planification dans leur région sociosanitaire. Grâce à la mise en œuvre de ces PSSI, les RLISS ont créé une multitude de réseaux de planification, de groupes consultatifs, de conseils, de zones de planification, etc., dont ils se servent à des degrés divers. Certaines de ces structures sont dotées de pouvoirs décisionnels, d’autres ont des calendriers fixes à respecter et sont tenues de formuler des recommandations. Enfin, quelques-unes sont permanentes et fournissent des conseils et des commentaires.
Il est intéressant de signaler que les RLISS se sont beaucoup occupés de planification. Toutefois, par suite du report de la publication de la Stratégie provinciale et du fait qu’ils sont toujours en train de se familiariser avec les besoins de leur région, la hiérarchisation de la fonction de planification et des organismes de planification n’a pas été suffisante. Les RLISS doivent classer leurs activités par ordre de priorité et mettre en équilibre, d’une part, les priorités de la province et, d’autre part, les besoins locaux en matière de priorité. Ainsi, ils devraient pouvoir axer davantage de ressources sur la transformation du système[55]. » [Traduction]
En conséquence, la firme recommande que les RLISS priorisent ou éliminent tout simplement certains engagements de la collectivité. On peut dès lors mieux comprendre les tensions évidentes des RLISS de tenter de plaire à tous. Et lorsque les besoins se font aussi criants, il est évidemment tentant de laisser aller le respect de l’engagement de la collectivité francophone, au profit d’autres priorités plus vocales ou qui semblent plus pressantes.
À la différence que, pour les communautés francophones, l’engagement provient de l’Assemblée législative même. Trop souvent, les besoins de la collectivité francophone se font occulter par ceux de la majorité. Voilà pourquoi le législateur a été si prudent en stipulant des obligations législatives à savoir que les RLISS doivent absolument engager la communauté francophone de leur région géographique et que l’un des moyens pour y parvenir est via des entités de planification de services de santé en français.
3.1.2 Imputabilité
Les RLISS, de par leur nature et leur rôle, sont imputables au gouvernement et doivent justifier leurs décisions, tant budgétaires qu’administratives, par les résultats obtenus en fonction des priorités établies par le ministère. Pour satisfaire cette obligation, le ministère conclut une entente spécifique avec chaque RLISS.
Chaque RLISS doit s’assurer non seulement de la disponibilité des services de santé en français, mais aussi que les besoins des francophones soient pris en considération dans la planification du système de santé local, c’est-à-dire au sein du territoire qu’il dessert. Cette tâche est particulièrement difficile en l’absence de données fiables et d’interlocuteur représentatif puisque les entités de planification prévues par la Loi ne sont pas encore constituées.
Malgré ces lacunes, les RLISS tout de même doivent engager, financer et intégrer les services de santé dans leur zone géographique prescrite. Ils identifient également les fournisseurs de services de santé pouvant offrir des services en français et recommandent la désignation de ces derniers au MSSLD. En effet, c’est aux RLISS de revoir les plans de désignation et de faire les recommandations au MSSLD pour la désignation totale ou partielle des fournisseurs de services de santé en vertu de la LSF. Il revient également aux RLISS d’évaluer les capacités sur le plan des ressources humaines de leurs fournisseurs de services de santé afin d’améliorer l’accès et l’accessibilité des services de santé offerts aux francophones.
Seuls, les RLISS n’y parviendront pas. Voilà pourquoi le législateur a justement prévu que les entités de planification de services de santé en français puissent aider les RLISS à accomplir leur mission.
Il n’est pas clair à ce stade de développement quel modèle de gouvernance, incluant les politiques, mécanismes et procédures, sera mis en place pour satisfaire cette obligation d’imputabilité envers la population ou encore quels seront les recours offerts aux citoyens qui désireront porter plainte et obtenir des justifications ou modifications aux décisions prises par chaque RLISS.
Les RLISS sont également imputables envers les communautés qu’ils desservent et devraient pouvoir justifier publiquement, sans équivoque, les décisions qu’ils prennent. Les RLISS ne sont pas tenus de suivre toutes les recommandations de leur entité de planification de services de santé en français. Mais le RLISS doit être capable d’expliquer son action tout comme son inaction. Si un service n’est pas disponible dans la région en raison d’un manque de personnel bilingue par exemple, le RLISS doit être en mesure de présenter son plan de formation, son plan de recrutement de personnel et son plan de rétention.
3.1.3 Évaluation de la performance
Le MSSLD s’appuie sur une approche tripartite pour évaluer la performance des fournisseurs offrant des services de santé en français: le cadre de son processus de planification annuelle, le cadre de rendement du ministère et des RLISS et enfin, celui entre les RLISS et les fournisseurs de services.
Tous les ans, le ministère rend compte des services offerts en français en fonction de son plan de gestion axé sur les résultats. Ainsi, il soumet un rapport au Conseil du Trésor en relation avec les résultats obtenus sur l’accessibilité des services, l’engagement de la communauté, l’intégration et la participation des francophones.
Ces résultats sont établis en fonction du pourcentage des programmes et divisions qui ont intégré les besoins et pris en compte les préoccupations de leur clientèle francophone dans leurs procédés opérationnels, en fonction du nombre de postes désignés pourvus ou encore en fonction du pourcentage des RLISS se trouvant dans une région désignée qui disposent d’une répartition adéquate des fournisseurs de services de santé en français. Ces données recueillies auprès des RLISS servent d’indicateurs clés de rendement et permettent au ministère d’évaluer la performance du RLISS en matière des services en français.
Le MSSLD et les RLISS doivent s’assurer que, dans les régions désignées, les services de santé en place pour la communauté francophone soient des services de qualité. Cette responsabilité est explicitée dans la LISSL en ce qui concerne la responsabilité spécifique du MSSLD et des RLISS. À l’article 5, il est précisé que les RLISS doivent :
« […] veiller à ce que le système de santé local soit doté de processus appropriés pour répondre aux préoccupations de la population au sujet des services qu’elle reçoit; évaluer et surveiller le rendement du système de santé local et de ses services de santé, y compris l’accès à ces services et leur utilisation, leur coordination, leur intégration et leur rentabilité, et faire rapport à ce sujet au ministre et en assumer la responsabilité devant lui[56]. »
Les RLISS sont des organismes gouvernementaux au sens de la LSF. Ils doivent faire respecter les services en français dans la zone géographique qu’ils desservent. Ce sont eux qui sont imputables au sens de la LSF et auprès de la population francophone.
Comme toutes les agences de la Couronne, les RLISS contribuent au Rapport sur les plans de gestion axés sur les résultats que le MSSLD doit produire annuellement, en vue de l’obtention des crédits. Quant aux services en français, quatre grands axes sont en évidence[57].
Il incombe également de prévoir des dispositions claires d’indicateurs de performance en matière d’excellence en services en français. Dans un domaine tel celui de la santé, la qualité des services offerts localement doit être placée à l’avant-plan. Malheureusement, l’actuel projet de règlement ne tient pas compte d’une telle mesure et le commissaire y voit une occasion ratée de renforcer l’imputabilité des RLISS.
Cependant, les mesures proposées par le ministère et incluses dans les ententes de responsabilisation sont davantage centrées sur les intrants (inputs) et les extrants (outputs) que sur des plans stratégiques et opérationnels élaborés à partir des besoins réels de la population identifiés par celle-ci. Ces mesures ne renseignent pas sur les résultats tels l’amélioration de la santé des francophones.
Présentement, dans le cadre des ententes de responsabilisation, il est exigé des organismes de fournir un survol de leur plan de service pour l’année financière suivante, un rapport sur les actions prises pour améliorer l’intégration des services, une analyse situationnelle incluant les défis et obstacles ainsi qu’une évaluation de la performance pour l’exercice financier précédent. Les RLISS n’effectuent aucun suivi pour s’assurer que les services en français sont réellement offerts par les fournisseurs qui s’y sont engagés.
Déterminer un index d’accessibilité à partir du nombre de postes désignés bilingues dans une institution ne garantit pas non plus que le citoyen reçoive un service en français au moment voulu. D’autres facteurs entrent en ligne de compte comme les spécialités des employés et leur répartition. Pour vraiment assurer l’accessibilité, il faudrait exiger que chaque institution fasse un inventaire des services qu’elle offre et prenne des mesures concrètes pour s’assurer de les offrir en français. Il ne s’agit pas d’engager plus de personnel, mais plutôt de voir à une répartition adéquate et à une disponibilité de celui-ci.
La détermination de ces index repose trop sur des facteurs numériques plus ou moins significatifs sans qu’on exige le développement d’un plan stratégique et opérationnel pour améliorer la performance et le résultat portant sur la santé de la population.
De plus, puisque les résultats sont déterminés à partir de rapports subjectifs préparés par des administrateurs et qu’il n’existe pas, à la connaissance du commissaire, de vérification indépendante de la qualité des services offerts et de la capacité linguistique des fournisseurs de services, il s’ensuit que les résultats sont peu probants.
3.2 Liens entre le MSSLD et la population francophone de l’Ontario
Pour conseiller le ministre de la Santé et des Soins de longue durée sur les questions relatives à la prestation de services de santé aux communautés francophones ainsi que sur les priorités à intégrer au plan stratégique provincial à l’égard de ces collectivités, la LISSL prévoit la création d’un « conseil consultatif des services de santé en français »[58], ce qui a été fait en novembre 2007. Par règlement, les membres doivent être choisis parmi une liste précise d’organismes représentatifs de la communauté francophone[59].
3.2.1 Importance des données dans la planification
Pour bien desservir son client, encore faut-il le connaître davantage. C’est ainsi dans toutes les sphères d’activité humaine et il en va de même dans le domaine de la santé. La collecte des données sur la santé de la population est un défi de tous les instants. Chaque année, des millions de dollars sont attribués spécifiquement à la recherche, à la compilation de données statistiques et à leur interprétation. La collecte de données fiables est essentielle à toute planification des services de santé. Mais cette collecte n’est certes pas facile à réaliser, que ce soit pour la recherche en santé mentale ou des habitudes de comportements des populations comme les personnes souffrant de diabète, pour ne prendre que divers exemples.
Cette collecte des données peut se faire de plusieurs façons. L’interprétation de données statistiques, via notamment l’Enquête santé Canada[60] en est une. Il est également possible d’utiliser de la donnée estimée qui consiste en des groupes témoins, des sondages auprès de certaines de populations cibles ou encore des rencontres communautaires.
Malheureusement, on compte très peu d’études sur l’accès aux services de santé en français et ceci est dû en grande partie au fait que peu de données sont disponibles dans les diverses banques de données provinciales sur la prestation des services de santé en français. En effet, puisque les établissements de santé n’ont pas l’obligation de comprendre la variable linguistique lors de l’inscription des usagers de leurs services, peu de données existent sur la consommation réelle des services de santé par les francophones. Qui plus est, le MSSLD n’a pas réellement réussi à intégrer la composante francophone dans ses plans de recherche au fil des ans.
Les spécificités[61] sont primordiales lorsque vient le temps de planifier sur une base régionale et locale les ressources adéquates en matière de santé en tenant compte de la langue. La langue du patient francophone doit être une caractéristique, voire une particularité, prise au premier plan dans un service de santé. Le français ne doit pas être une barrière linguistique lors d’un traitement médical pour un patient francophone.
On peut comprendre que les RLISS soient encore très jeunes et qu’ils n’aient pas encore développé le réflexe de bien connaître les besoins de la population francophone en santé. Il n’empêche que la LSF est en vigueur, dans la très grande majorité des régions désignées, depuis 1989. L’inaction en ce domaine entraîne également des conséquences. Le manque de données fiables ne permet pas de planifier des solutions appropriées aux problèmes de santé particuliers des communautés francophones de l’Ontario.
3.3 Liens entre les RLISS et les communautés francophones
Un RLISS qui ne suivrait pas toutes les recommandations de son entité de planification de services de santé en français devrait être capable de justifier sa décision en conformité aux objectifs de la Loi de 2006 et de la Loi sur les services en français. Prendre une décision est une chose, mais d’en rendre compte publiquement en est une autre. Si le RLISS n’est pas en mesure de justifier sa décision administrative, alors il y aurait une dérogation quant au respect des mandats prévus dans les deux lois. C’est en ce sens que le commissaire voit un manquement dans le projet de règlement. De plus, il est bien clair que de rapporter des choix administratifs dans le cadre de l’exercice d’un rapport annuel pour les RLISS est nettement insuffisant. D’autres mesures d’imputabilité doivent être mises en place pour rassurer notamment la population francophone du respect des lois, incluant celle sur les services en français. Par exemple, le projet de règlement devrait prévoir au moins une rencontre annuelle, avant toute prise de décisions sur le plan de la planification de services de santé. Cela apparaît être un minimum pour le commissaire puisqu’il serait inacceptable qu’un organisme gouvernemental, comme le RLISS, ne puisse être capable de justifier un choix allant à l’encontre des recommandations de son entité de planification de services de santé en français.
3.4 Les coordonnateurs des services en français
Les RLISS n’ont jamais bien compris leurs responsabilités en matière de services en français. Là-dessus, le MSSLD n’a pas bien réussi à expliquer et surtout à bien encadrer les RLISS afin qu’ils puissent respecter leurs nouvelles obligations en matière de services en français.
Les RLISS doivent comprendre d’une façon claire et sans équivoque leurs nouvelles obligations en matière de services de santé en français. Cela commence par l’adoption d’un règlement tout aussi clair en ce sens. Le MSSLD doit aussi appuyer davantage les RLISS, tant au niveau des ressources humaines qu’au niveau structurel.
Dans le cadre des consultations publiques entourant le projet de règlement à l’automne 2008, le commissaire avait suggéré de prévoir, pour chaque RLISS, des coordonnateurs des services en français. Chaque RLISS jouit, en moyenne, de 23 employés à temps plein, dont environ sept qui sont dédiés au volet planification, intégration et engagement de la collectivité[62].
Après analyse, le commissaire en fait maintenant une recommandation. La personne choisie doit être de niveau cadre supérieur, voire un haut gestionnaire. Le poste doit naturellement être désigné bilingue. Ce poste serait idéalement le poste de directeur, volet planification, intégration et engagement de la collectivité.
Dans son premier rapport annuel, le commissaire a fortement insisté qu’il est de toute première importance de penser aux services en français dès la conception des politiques, programmes, services et produits. L’article 13 de la Loi sur les services en français prévoit qu’un coordonnateur des services en français soit nommé au sein de chaque ministère. La volonté du législateur de s’assurer que les coordonnateurs puissent avoir accès directement à leur sous-ministre respectif devait faciliter ce travail de planification, de liaison interne et de suivi. Dans le cas en l’espèce, si le coordonnateur participe activement au processus de planification stratégique de chaque RLISS, il sera alors plus aisé de pouvoir intégrer l’idée de services en français utiles et efficaces pour le bien-être des communautés francophones de la région desservie par le RLISS.
La responsabilité première du coordonnateur des services en français au sein du RLISS consisterait à superviser l’intégration des services en français dans la stratégie à court, moyen et long terme du RLISS. Les coordonnateurs joueraient ainsi un rôle de consultation des besoins et priorités ainsi que de liaison, tant du côté du ministère que celui des communautés francophones. De plus, en ayant une personne qui ait accès directement au chef de la direction, cette personne sera en position d’influence auprès de la conception des orientations stratégiques du RLISS.
L’activité principale du coordonnateur des services en français au sein de chaque RLISS consisterait à assurer le suivi aux activités de l’entité de planification de services de santé en français. Ce nouveau rôle devra aussi être décrit dans le projet de règlement.
Conclusion
Les instances de la santé doivent être responsabilisées quant à leurs obligations et responsabilités en matière de services de santé en français. Il est nécessaire de mettre en place un processus de reddition de compte spécifique et public pour assurer le respect des obligations du système de santé en matière d’accès et de qualité des services de santé en français.
Un cadre de responsabilisation assurant la surveillance globale et l’imputabilité doit être mis en place pour garantir l’accès à des services en français de qualité. On ne pourra mesurer adéquatement les progrès accomplis que si les attentes sont claires, des indicateurs de performance sont en place et que des rapports de suivis sont produits.
Recommandations
Recommandation 5
Le commissaire recommande que des principes de gouvernance soient développés en partenariat avec la communauté francophone et que ceux-ci soient rendus publics et soumis à une consultation publique.
Recommandation 6
Le commissaire recommande que davantage d’emphase soit mise sur l’identification des besoins réels de la population francophone puis que les mesures de performance et les résultats soient validés par la population cible et évalués par des instances indépendantes.
Recommandation 7
Le commissaire recommande que les structures organisationnelles des RLISS soient modifiées afin de prévoir l’ajout d’un poste de coordonnateur des services en français au sein de chaque RLISS. Ce poste doit être occupé par un haut gestionnaire.
Chapitre 4 – Plaintes en matière de services de santé en français
Le citoyen francophone se trouve souvent perdu dans les dédales du système lorsque vient le temps de déposer une plainte en raison de la complexité du système de santé. Il doit savoir qu’il peut, comme tout autre membre de la population, porter plainte auprès d’un établissement de santé concernant l’accessibilité ou la qualité des services de santé en français reçus ou non. L’objectif derrière la plainte est primordial car il sert de mécanisme de rétroaction directe à propos d’un service public et vise son amélioration. Malheureusement, le citoyen est peu informé de ses droits linguistiques. Les fournisseurs de services ont une responsabilité, tout comme les RLISS et les ministères.
4.1 Utilité de la plainte
Porter plainte est un geste constructif quand il s’agit d’assurer le respect des droits des usagers. C’est le moyen le plus efficace de faire valoir son mécontentement et son insatisfaction par rapport à une absence de services en français ou un manque de qualité de ces derniers. Celui qui porte plainte contribue à l’amélioration de la qualité des services de santé en français, puis responsabilise les organismes prestataires de ces services ainsi que ceux qui les mandatent.
4.2 Déposer sa plainte
Le citoyen peut déposer directement des plaintes auprès des établissements de santé, que l’on nomme également les fournisseurs de services. Il a aussi le loisir de s’adresser à son RLISS ou encore aux ministères, selon la situation. En tout temps, le citoyen peut recourir au Commissariat aux services en français.
4.2.1 Établissements de santé (fournisseurs de services)
Il existe toute une gamme de services offerts par une myriade d’organisations – des hôpitaux, des centres de santé communautaires, des foyers et maisons de soins de longue durée, des équipes de santé familiale, etc. – ou par un professionnel de la santé. Quotidiennement, il se pose des milliers de gestes par des milliers de personnes appartenant à une kyrielle d’organismes. Il s’ensuit qu’il est plausible qu’il y ait des manquements. La plainte qui en découle est probablement la plus commune et vise l’accès ou la qualité d’un service reçu ou non, en tant qu’individu, de la part d’un fournisseur de services de santé tel qu’un hôpital, un centre de santé communautaire, etc.
La très grande majorité des établissements de santé ont en leur sein un genre d’ombudsman, une personne attitrée pour recevoir les plaintes des patients et qui tentera de les régler. Il importe de chercher à responsabiliser d’abord cet établissement quant aux services en français qui lui incombe. Lorsque l’établissement a été désigné, partiellement ou en totalité, ou encore qu’il a été identifié comme devant livrer des services de santé en français, le patient doit savoir qu’il peut porter plainte auprès de cet établissement.
Malheureusement, le citoyen connait mal ses droits linguistiques. Qui plus est, ce n’est pas lorsqu’il est malade et vulnérable qu’il voudra revendiquer ses droits, alors que justement, on doit s’assurer que l’on pose le meilleur diagnostic possible afin de proposer les meilleurs traitements possibles. Il faut donc bien comprendre le patient. Il importe de s’assurer que, lorsque le patient donne son consentement éclairé sur les traitements proposés, il en a bien compris la portée exacte.
Le gouvernement ainsi que les RLISS ont un rôle important à jouer en s’assurant que les fournisseurs de services font connaître aux patients la possibilité de porter plainte concernant un manquement à un service en français. Encore une fois, il s’agit d’imputabilité et de transparence.
Si la plainte concerne un professionnel qui pratique dans un établissement de santé, tel qu’un médecin, un dentiste, un pharmacien ou un médecin résident, le commissaire l’acheminera soit à l’institution concernée soit à l’ordre professionnel et en informera le plaignant.
Les cabinets privés de médecins, de dentistes ou d’autres professionnels de la santé ne sont pas assujettis à la Loi sur les services en français. Le citoyen peut toujours s’adresser directement à l’ordre concerné.
Il pourra cependant arriver que l’établissement en question ne soit pas en mesure de recevoir une plainte concernant une allégation d’un manquement à la LSF ou bien que la réponse obtenue ne soit pas entièrement satisfaisante. La plainte peut alors être acheminée au Commissariat afin de déterminer les circonstances et d’en prévoir les actions appropriées.
4.2.2 RLISS et ministères
Certaines plaintes individuelles peuvent se transformer en plaintes systémiques si elles sont récurrentes. Un citoyen ou un groupe de citoyens peuvent également porter plainte sur une panoplie de situations comme l’organisation des services ou la configuration du système de santé dans son ensemble. Ces plaintes visent généralement une organisation déficiente dans l’accès adéquat à des services de santé en français, un processus de reddition de compte lacunaire ou encore la gouvernance d’un établissement en particulier qui n’assure pas une représentativité adéquate de la communauté francophone.
Puisque le commissaire préconise une approche de responsabilisation des instances du système de santé, il recommande aux citoyens d’adresser leurs plaintes directement au RLISS ou au ministère concerné, tel le ministère de la Santé et des Soins de longue durée ou celui de la Promotion de la santé, à moins que l’organisme relève du gouvernement fédéral.
La plainte peut aussi être dirigée auprès du commissaire aux services en français. Le Commissariat pourra ainsi accomplir son travail en posant des questions d’ordre systémique directement à l’institution responsable.
En cas de doute, le citoyen peut toujours faire appel au Commissariat. L’équipe saura réacheminer la plainte, au besoin, et faire les suivis appropriés.
4.2.3 Commissariat aux services en français
Le citoyen doit garder à l’esprit qu’il peut déposer une plainte au Commissariat aux services en français en tout temps. Ce dernier jouit du pouvoir d’enquête en vertu de la Loi sur les services en français et est là pour traiter la plainte, promouvoir la qualité des services et s’assurer du respect des droits des citoyens en matière de services en français. Il fera appel au service de plaintes du fournisseur de services ou de l’ordre professionnel concerné et assurera le suivi de la plainte qu’il a reçue.
Toutes les institutions et organismes gouvernementaux doivent coopérer dans l’examen des plaintes faisant l’objet d’une enquête. Dans le domaine de la santé, les établissements désignés au sens de la LSF font partie des organisations sur lesquelles le commissaire peut faire enquête. Il en est de même pour les RLISS qui répondent à la définition d’un « organisme gouvernemental » aux termes de la Loi. Le commissaire décidera de la recevabilité de la plainte après une collecte d’information et une analyse initiale et procédera en conséquence.
Il ne s’agit donc pas de rendre le système moins complexe, mais bien d’assurer que l’ensemble des intervenants du système assument leur responsabilité de continuité des services au citoyen afin que ce dernier puisse obtenir un service intégré et adapté à ses besoins, peu importe leur complexité. Comme tout autre citoyen de la province, le citoyen francophone doit s’attendre à recevoir des services en français de qualité [63].
Conclusion
Le citoyen doit s’attendre à ce que les responsables dans les établissements de santé reçoivent sa plainte. Il doit s’attendre à ce que sa plainte soit examinée pour bien cerner le problème et qu’il y ait des efforts pour tenter de le résoudre. Le plaignant doit s’attendre à être informé des résultats de l’enquête sur sa plainte.
Les conclusions de l’enquête doivent être accompagnées des solutions qui ont été envisagées pour résoudre le problème ou des mesures correctives qui ont été recommandées aux personnes en cause. Enfin, le citoyen doit s’attendre à ce que sa plainte soit traitée en toute confidentialité. Le commissaire encourage le public à participer activement, à s’impliquer et à se faire entendre s’il n’est pas satisfait de la qualité des services en s’adressant soit à l’institution concernée ou au Commissariat.
Recommandations
Recommandation 8
Le commissaire recommande au gouvernement que des directives claires soient émises aux RLISS afin que, dans le cadre des mesures d’imputabilité et d’évaluation de performance, la procédure à suivre pour porter plainte lorsque le citoyen se sent lésé en matière d’accès et de qualité de services en français de la part d’un fournisseur de services, soit claire et conviviale pour le citoyen.
Conclusion – Conséquences de l’inaction
Les conséquences de l’inaction sont majeures pour la population francophone. Si rien n’est fait pour améliorer la prestation des services de santé en français, c’est le citoyen francophone qui s’en trouvera directement perdant, voyant sa santé affectée. Les conséquences auront également des répercussions importantes pour le système de santé ainsi que pour les professionnels de la santé. Ces conséquences engendrent inévitablement des inefficacités et des inefficiences coûteuses qu’on ne peut se permettre dans un contexte de pénuries des ressources. Les professionnels de la santé vivent au quotidien les effets négatifs des barrières linguistiques et culturelles sur la qualité des services qu’ils souhaitent voir toujours à la hauteur de leur engagement professionnel. L’on pourrait se heurter à une absence de la qualité des soins de santé combinée à une surcharge de travail pour le personnel médical francophone, donc une augmentation du nombre d’heures supplémentaires, tout ceci amenant des coûts importants reliés à l’inefficacité pouvant conduire même parfois à l’absentéisme.
L’accès à des services de santé en français est donc clairement un enjeu de qualité de services qui devrait interpeller tous les intervenants du système de santé. Il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la santé et le mieux-être de la population franco-ontarienne et en arriver à un niveau de santé et une qualité de vie comparables à ceux de l’ensemble de la population ontarienne. Il y a encore surtout beaucoup à faire pour assurer aux francophones un accès adéquat à des services de santé de qualité.
L’accès à des services de santé en français ne doit pas être traité comme un enjeu isolé ou une fonction distincte par les instances de la santé. C’est un élément fondamental qui doit être intégré dans les dimensions cliniques, organisationnelles et systémiques de l’organisation des services de santé en Ontario.
Le système de santé de l’Ontario est résolument axé sur des principes de qualité des services et le commissaire désire que les instances de ce système reconnaissent que ces principes s’appliquent à l’accessibilité des services fournis de manière compétente sur les plans linguistique et culturel.
Il reconnaît que des changements importants s’imposent et que ces changements seront graduels. Toutefois, le commissaire croit fermement que l’amélioration du système en matière de services de santé en français passe obligatoirement par une implication active de la communauté francophone. Celle-ci doit continuer de contribuer au processus d’élaboration et de mise en œuvre des politiques gouvernementales dans un esprit de compréhension, d’échange et de dialogue. Il est important qu’elle puisse comprendre les motivations et les priorités gouvernementales pour lui permettre de bien faire valoir ses besoins et ses caractéristiques propres. C’est ce dont le ministère doit s’assurer également.
Enfin, les conséquences de l’inaction sont dramatiques pour les citoyens francophones malades et vulnérables qui doivent subir, en plus de leur maladie, les conséquences d’être incompris par des intervenants et un système qui ont pour mission de soulager leur douleur et les aider à vaincre, lorsque possible, la maladie. C’est pourquoi le commissaire invite la communauté francophone, le gouvernement et les instances du système de santé à une concertation urgente et sans précédent pour améliorer la santé des citoyens francophones avant tout.
Liste des acronymes
BSSF – Bureau des services de santé en français
CASC – Centre d’accès aux soins communautaires
CCCFSM – Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire
FCFA – Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada
LISSL – Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local
LSF – Loi sur les services en français
MPS – Ministère de la Promotion de la santé
MSSLD – Ministère de la Santé et des Soins de longue durée
RLISS – Réseaux locaux d’intégration des services de santé
[1] Corbeil, Jean-Pierre, Claude Grenier et Sylvie A. Lafrenière. Les minorités prennent la parole : résultats de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, 2006, Ottawa : Statistique Canada, 2007, p.47.
[2] En janvier dernier, Statistique Canada a publié les données sur la population. En cette période d’incertitude économique, seul le secteur de la santé semble avoir connu une forte croissance. En effet, en un an, les secteurs des soins de santé et de l’assistance sociale ont enregistré le taux de croissance de l’emploi le plus élevé de toutes les branches d’activité, soit 5,1 % (+95 000), grâce à des hausses dans l’assistance sociale, les établissements de soins infirmiers et de soins pour bénéficiaires internes et les hôpitaux. Pour en savoir davantage, consulter le site Web de Statistique Canada : http://www.statcan.gc.ca/pub/71-001-x/71-001-x2009001-fra.pdf
[3] Loi sur les services en français, L.R.O. 1990, chap. F.32. Cette Loi est entrée en vigueur en 1989.
[4] La recommandation initiale prévoyait la fermeture complète de l’Hôpital Montfort, selon le premier rapport de la Commission de restructuration des services de santé de février 1997. Voir Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé) (2001) 56 O.R. (3d) 577, aux par. 29 et 30.
[5] Le Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario a été créé, avec un mandat clair, par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée tandis que les trois autres réseaux ont été mis en place à la suite d’une initiative fédérale.
[6] Picard, Louise et Gratien Allaire (dir.), La santé des francophones de l’Ontario, Sudbury, Service de santé publique de Sudbury et Institut franco-ontarien, 2005. Disponible en ligne : http://www.sdhu.com/uploads/content/listings/rapport_sante_jan06.pdf (document consulté en mars 2009).
[9] Le revenu, l’emploi, l’éducation, la sécurité, le logement, la nourriture, la stabilité de l’économie et la viabilité des ressources sont également indissociables de la santé et du bien-être des membres d’une communauté. Pour plus de détails, consulter le site Web des Normes de santé publique de l’Ontario au:http://www.health.gov.on.ca/french/providersf/programf/pubhealthf/oph_standardsf/ophsf/ophsprotocolsf.html (page consultée en mars 2009).
[10] Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire, Pour un nouveau leadership en matière d’amélioration des services de santé en français : Rapport au ministre fédéral de la santé, Ottawa, février 2007. Disponible en ligne : http://www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/alt_formats/hpb-dgps/pdf/olcdb-baclo/cccfsm/2007-cccfsm/2007-cccfsm-fra.pdf (page consultée en mars 2009).
[11] Selon l’Office des affaires francophones, l’Ontario comptait 58 520 francophones de minorité visible en 2001, soit une augmentation de 41,9 % entre 1996 et 2001.
[12] Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario- Groupe de travail sur les services de santé en français, Services de santé pour la communauté franco-ontarienne : Feuille de route pour une meilleure accessibilité et une plus grande responsabilisation, octobre 2005. Disponible en ligne : http://www.health.gov.on.ca/french/publicf/pubf/ministry_reportsf/flhs_06f/flhs_06f.pdf (page consultée en mars 2009).
[13] Réseaux de santé en français de l’Ontario, Préparer le terrain : soins de santé primaires en français en Ontario, Rapport provincial, 2006.
[14] ProfessionsSantéOntario est une stratégie gouvernementale mise en place grâce à la collaboration de trois ministères: celui de la Santé et des Soins de longue durée, la Formation et des Collèges et Universités et celui des Affaires civiques et de l’Immigration. Elle vise à s’assurer que la province dispose d’un nombre suffisant de professionnels de soins de santé. Pour ce faire, elle comprend de nombreuses initiatives conçues pour aider la province à maintenir ici ses professionnels de la santé, à encourager les jeunes à faire carrière en soins de santé et à convaincre les fournisseurs de soins de santé formés à l’étranger de s’installer en Ontario en facilitant leur intégration. Pour plus de détails, vous pouvez consulter ce site dont la version française est toujours en construction :
http://www.professionssanteontario.ca (page consultée en mars 2009).
[15] Ce programme est offert dans diverses régions de la province. Il vise à susciter l’intérêt des étudiants, à les inciter à faire carrière dans le domaine de la santé et à suivre les programmes d’apprentissage visés. Pour plus de détails :
http://www.health.gov.on.ca/french/publicf/programf/flhsf/carriere_mnf.html (page consultée en mars 2009).
[16] Le Regroupement des intervenantes et intervenants francophones en santé et en services sociaux de l’Ontario, une association de coordination des professionnels de la santé francophones. Pour plus de détails : http://www.rifssso.ca (page consultée en mars 2009).
[17] Société Santé en français, Des communautés francophones en santé : les réseaux au cœur de l’action, octobre 2007.
[18] Corbeil, Grenier, Lafrenière, op. cit., pp. 50-51. À noter toutefois que ce taux varie en fonction du poids relatif de la population francophone. Ainsi, dans les municipalités où les francophones forment moins de 10 % de la population, 66 % d’entre eux ont déclaré qu’il leur serait difficile ou très difficile d’obtenir des services en français comparativement à 32 % là où ils forment entre 10 % et 30 % de la population.
[19] Bien que le site soit convivial, ce moteur de recherche ne permet pas encore d’effectuer une recherche par région sur les professionnels de la santé qui parlent français, comme le nombre de médecins francophones pratiquant dans la région de Toronto.
[22] Bourque, Denis, Louis Favreau, Le développement des communautés et la santé publique au Québec, Service social, volume 50, n.1, 2003.
[23] Ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Disponible en ligne : http://www.health.gov.on.ca/ms/optionsdesoinsdesante/pro/index.html#, (page consultée en mars 2009).
[24] Il existe sept centres de santé communautaire francophones en Ontario : Centre de santé communautaire Hamilton/Niagara, celui de Kapuskasing, de l’Estrie, de Sudbury, de Sudbury-Est, du Témiskaming et le Centre Francophone de Toronto
[25] Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé) (2001) 56 O.R. (3d) 577.
[26] Dans le cadre du budget 2009 de l’Ontario, le gouvernement a prévu d’investir 42,6 milliards de dollars dans le secteur de la santé en 2009-2010 sur un budget total de 108,9 milliards de dollars. Pour avoir plus d’informations: http://www.fin.gov.on.ca/french/budget/ontariobudgets/2009/chpt2.html#chart15 (page consultée en avril 2009).
[27] Art. 2, LSF: « Le gouvernement de l’Ontario assure la prestation des services en français conformément à la présente loi. »
[28] Par. 5. (1), LSF : « Chacun a droit à l’emploi du français, conformément à la présente loi, pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature et pour en recevoir les services. Chacun jouit du même droit à l’égard de tout autre bureau de l’organisme ou de l’institution qui se trouve dans une région désignée à l’annexe ou qui sert une telle région. »
[29] Lalonde, op. cit., au par. 141, conformément au principe de progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais contenu au para 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés.
[30] R. v. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768. Dans l’affaire Beaulac, la Cour suprême du Canada avait indiqué, entre autres, que l’exercice de droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel, ni comme une sorte de réponse à une demande d’accommodement.
[31] Desrochers c. Industrie Canada, 2009 CSC 8. En 2000, le Centre d’avancement et de leadership en développement économique communautaire de la Huronie (CALDECH), à Penetanguishene en Ontario, porte plainte contre Simcoe Nord, un organisme de développement économique financé par Industrie Canada concernant les services offerts en français par ce dernier. Le 5 février 2009, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision et rappelé au gouvernement fédéral de mettre à la disposition du public des services de qualité égale dans les deux langues officielles. Jugement disponible en ligne : http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/2009/2009csc8/2009csc8.html (page consultée en mars 2009).
[33] Dans cette décision, l’Hôpital Montfort a été décrit comme une « importante institution, vitale pour la minorité francophone de l’Ontario sur les plans linguistique, culturel et éducatif ». Ibid, au par. 181.
[37] Au total, sur 215 organismes désignés ou partiellement désignés dans tous les ministères en vertu de la LSF, 97 le sont dans le domaine santé. Disponible en ligne : http://www.health.gov.on.ca/french/publicf/programf/flhsf/designated_dtf.pdf (page consultée en mars 2009).
[38] Office des affaires francophones. Disponible en ligne : http://www.ofa.gov.on.ca/fr/loi-organismes.html (page consultée en mars 2009).
[39] L’Organisation internationale de normalisation (ISO) est le plus grand producteur et éditeur mondial de normes internationales. La certification ISO 9001:2000 est la norme appliquée au niveau international pour donner l’assurance de la capacité de répondre à des exigences de qualité et d’augmenter la satisfaction des clients dans les rapports clients-fournisseurs.
[41] Les obligations de ces fournisseurs de services feront l’objet d’une analyse approfondie au chapitre suivant.
[42] Ministère de la Promotion de la santé. Disponible en ligne : http://www.mhp.gov.on.ca/french/about/default.asp (page consultée en mars 2009).
[44] Ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Disponible en ligne : http://www.health.gov.on.ca/french/publicf/legislationf/lhinsf/lhins_faqf.html (page consultée en mars 2009).
[48] Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario- Groupe de travail sur les services de santé en français, op.cit., note 11.
[49] Propos recueillis par Christian Noël dans le cadre d’un reportage radiophonique diffusé à Radio-Canada Ontario, intitulé Les Franco-Ontariens auront leur mot à dire dans la gestion des soins de santé dans leur province, diffusé le 6 janvier 2009.
[50] Dubois, Jacques et al. Pas de problème – Rapport du Comité d’action sur les services de santé en français, Toronto, Ministère de la Santé de l’Ontario, 1976.
[51] Le BSSF a été créée au début des années 80 avant l’entrée en vigueur à la fois de la LSF et la LISSL.
[52] Suite à une large restructuration du gouvernement et la création de grappes de services en français, la Direction de la liaison avec les RLISS a été transféré à la Division des services directs et ministériels.
[53] KPMG, MOHLTC-LHIN Effectiveness Review Final Report, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée, septembre 2008. Ce rapport est disponible uniquement en anglais sur le site Web du ministère : http://www.health.gov.on.ca/transformation/lhin/effectiveness_review_report.html (page consultée en mars 2009).
[57] Le premier concerne la capacité d’offrir activement des services en français équivalents à ceux offerts en anglais. Ceci s’applique également aux services électroniques ou par le biais de partenariats. Le deuxième axe touche à la connaissance à la fois par le public et par les employés du gouvernement, de la Loi et de ses implications pour la prestation de services. Le troisième axe porte sur l’intégration des obligations législatives en matière de services en français dans le cadre du développement des plans stratégiques, des mécanismes de prise de décisions, ainsi que dans toutes les activités de transformation et de modernisation du gouvernement. Enfin, le quatrième axe repose sur la participation des francophones à toutes les activités de consultations publiques ainsi que de leur représentation équitable à l’intérieur des conseils d’administration des commissions, agences ou comités créés par le gouvernement. Pour plus d’information, vous pouvez consulter le premier Rapport annuel 2007-2008 du Commissariat aux services en français, au chapitre 4 (4.2.1. Analyse critique) au : https://csfontario.ca/files/4606_Fre_final_02Low-res84.pdf
[59] Le Règlement de l’Ontario 162/07 permet la création du Conseil consultatif des services de santé en français. Parmi les membres, on y retrouve l’Alliance des réseaux ontariens de santé en français, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, l’Association française des municipalités de l’Ontario, la Fédération des aînés et retraités francophones de l’Ontario, le Groupe francophone de l’Association des centres de santé de l’Ontario, le Regroupement des intervenantes et intervenants francophones en santé et en services sociaux de l’Ontario et l’Union Provinciale des Minorités Raciales et Ethnoculturelles Francophones de l’Ontario. Disponible en ligne :
http://www.pas.gov.on.ca/scripts/fr/BoardDetails.asp?boardID=141560 (page consultée en mars 2009).
[60] Enquête santé Canada fournit des données sur le mode de vie et la santé des Canadiens, qui complètent les bases de données administratives existantes. Utilisées notamment par les gouvernements provinciaux pour exercer un contrôle sur le niveau de santé de la population et pour l’exécution de politiques et de programmes, ces données servent également les universités et les pays étrangers à effectuer des recherches et des études de comparaison.
[61] Picard et Allaire (dir.), op. cit,. p.136. On les mentionne notamment dans le rapport de 2005 de l’Institut franco-ontarien qui dresse un portrait régional quant aux caractéristiques propres et besoins spécifiques des francophones de la province.
[63] Le Conseil ontarien de la qualité des services de santé définit cette qualité, entre autres, par un système accessible, équitable et axé sur le patient. Pour plus de détails : http://www.ohqc.ca/fr/strategic_plan.php (page consultée en mars 2009).